Allez, zou : reprise du topic de
Cloverfield, qui est un excellent film mais qui n'arrive pas à la cheville du
Projet Blair Witch.
Duke Red a écrit :Je rejoins Demi-Lune concernant Le Projet Blair Witch - l'impression d'assister presque en direct à un cauchemar surnaturel capté sur film n'a jamais été égalée par les autres found-footages. Je ne l'ai vu qu'une fois, à 15-16 ans avec mon grand frère, seuls la nuit, et je n'en menais pas large quand le générique (bien malaisant lui aussi avec ces sons d'outre-tombe) est apparu. C'est un film qui joue avec brio sur l'imagination du spectateur et le hors-champ.
Gounou a écrit :Perso, je l'ai découvert à vingt ans, en vidéo, et c'est également l'un de mes plus grands souvenirs de "flippe avec rien". Avec ce que j'avais avalé de films d'épouvante avant ça, ce simple constat suffit à en faire une prouesse de mise en scène à mes yeux, que le film ait ou pas une deuxième vie 15 ans plus tard.
Je copie-colle ce que j'ai écrit ailleurs, dans un sujet consacré à mes plus grandes expériences en salle :
12 août 1999. Le cœur de l’été. Depuis quelques semaines, le tout petit film de deux jeunes cinéastes inconnus fait le buzz. Quatre ou cinq personnes dans la salle sont venus voir de quoi il retourne. Dix-sept ans après, j’ai encore du mal à faire comprendre à mes proches l’intensité de la terreur blanche que j’ai éprouvé pendant cette séance, en grande partie parce que la plupart de ceux qui ont vu le film l’on trouvé totalement bidon. S’il fallait définir la notion même d’épreuve au cinéma, épreuve physique et mentale, mais épreuve désirée, souhaitée dans un élan de masochisme complet, voici l’un des premiers exemples que je citerais. Il m’a dressé les cheveux sur la tête, torturé l’échine, totalement paralysé. Son secret réside dans sa puissance de suggestion, entretenue du début à la fin. Tous les films du genre – je dis bien tous, même les chefs-d’œuvre consacrés – délivrent tôt ou tard des décharges d’adrénaline, souscrivent à la visualisation de scènes et d’images choc qui font sursauter et qui, par la retombée même de l’angoisse physiologiquement associée à ce réflexe, soulagent le spectateur. Que l'on pense aux meurtres et à la révélation finale de
Psychose, aux jumelles et aux apparitions de
Shining, aux effets grand-guignolesques de
L'Exorciste... La perversité absolue de ce film est de ne montrer absolument rien, donc de maintenir la peur en éveil, dans l’attente exaspérée de ce qu’il pressent découvrir, dans le recoin de l’image, dans l’ombre, dans le noir de la forêt. Très rares sont les films qui sont parvenus à distiller chez moi un tel malaise, une telle tension, un crescendo aussi insoutenable, un jeu si intense avec les effrois les plus enfouis. Est arrivé un moment dans le film où je priais, en même temps que les personnages, pour qu’un nouveau crépuscule ne tombe pas, car je pensais ne plus pouvoir tenir le choc d’une autre nuit. Lorsqu’à la fin du film les deux héros (le troisième a disparu, en n’entend plus que ses cris de souffrance exhalés par les profondeurs des bois) pénètrent dans une maisonnette en ruines, et que l’on craint que le cauchemar ne soit sur le point de se matérialiser à l’intérieur, derrière un mur, tapi dans une pièce, la tension est à un tel comble que j’en étais caché sous le siège. Au sortir de la salle, les jambes tremblantes, le cœur battant la chamade, j’ai entendu deux spectatrices désabusées se dire qu’elles ont trouvé le film pourri. Ça m’a achevé.
J'ajoute que l'une des forces essentielles du
Projet Blair Witch réside dans un principe tout bête mais qu'on a un peu tendance à oublier : l'engagement émotionnel aux côtés des personnages, qui parviennent à nous impliquer totalement et à faire bien comprendre que leur vie ne compte pour du beurre. Cette inexorable descente aux enfers, marquée par une impression de perte et de vertige qui grignote les nerfs jusqu'à l'insoutenable de l'irrationnel (par exemple lorsque, épuisés, à bout de tout, ils se rendent compte après avoir marché toute la journée qu'ils se retrouvent exactement à leur point de départ) reste à ce jour le morceau de pelloche le plus terrifiant que j'ai jamais vu. La fébrilité des lampes torches qui semblent capter un mouvement furtif derrière les troncs d'arbres, la voix étouffée du héros qui se demande en criant ce que c'était que ce bon dieu de truc qu'il vient d'apercevoir du coin de l'oeil en pleine nuit, la peur panique qui s'empare peu à peu des personnages lorsqu'ils se rendent compte qu'ils sont victimes d'une véritable malédiction (le petits fagots découverts au petit matin autour de leur tente, ça chatouille bien l'échine), et puis ce final absolument té-ta-ni-sant dans la bicoque en ruines, en pleine nuit, avec son plâtre lépreux marqué d'empreintes atroces, ses gémissements qui viennent de la pièce d'à côté, cette présence démoniaque que l'on sent physiquement mais que l'on ne voit jamais... Jusqu'à la dernière seconde on ne verra rien. L'imagination fait tout et c'est la pire des ennemies. Pour parvenir à cela à partir des matériaux les plus basiques, en se reposant sur les plus élémentaires des superstitions, il faut un minimum de talent - ou de roublardise, je ne sais pas. Mais ce n'est pas rien. Maintenant, ACR peut venir affirmer que ce film est grotesque et ridicule, je n'en démordrai pas : jamais les peurs archaïques et ancestrales du noir, de la forêt hantée, de la sorcière n'ont été à ce point chauffée à blanc chez moi. Mais il est vrai que ce genre d'expérience repose tellement sur l'immersion du spectateur que c'est quitte ou double. Si l'on ne rentre pas dans le jeu, ça doit sembler raté... j'imagine.