Monsieur Klein (Joseph Losey - 1976)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Ambroise

Monsieur Klein (Joseph Losey - 1976)

Message par Ambroise »

Sous l'Occupation, Robert Klein (Alain Delon), un marchand d'art est pris pour un homonyme juif...

Il n'y avait pas de topic sur ce film immense donc j'en ai créé un.

Monsieur Klein, c'est un farouche individualiste plongé dans l'horreur de la situation de sa patrie.
Monsieur Klein, c'est un film kafkaïen sur l'absurdité bureaucratique du régime nazi.
Monsieur Klein, c'est peut-être le meilleur film sur l'Occupation, par sa justesse dans la description des comportements ambigüs des personnages. Ce malgré la mise en scène quasi-abstraite de Joseph Losey, mise en scène qui renforce l'absurdité des situations.
Monsieur Klein, c'est une des plus grandes prestations d'Alain Delon.

Monsieur Klein, c'est le meilleur film français de ces quarante dernières années. 8)


Que pensez vous de ce film ?
Que pensez vous de la fin qui laisse planer bon nombre d'interogations ?
SPOILERS
Qui était vraiment ce Monsieur Klein ?
Robert Klein était-il vraiment un résistant ?
Comment interprétez vous les dernières paroles du métrage, réminiscences du début avec le Juif forcé de vendre son tableau ?
Que signifie selon vous la toute première scène, celle avec le couple "examiné" par les médecins français ?


Un film énorme que je ne me lasse pas de revoir parce que je ne l'ai toujours pas compris et assimilé à 100%...
John Constantine
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Message par John Constantine »

Un de mes films français préférés: Delon impeccable, labyrinthisme kafkaïen... le film est à la fois particulièrement réaliste dans sa peinture de l'Occupation et en même temps, on est ailleurs. Le passage avec Jeanne Moreau et le chateau est assez onirique.

Qd à la scène d'intro, je n'y vois pas grand chose à part la simple démonstration et dénonciation de l'inhumanité ordinaire de la répression: mesurer, classer quelqu'un à partir de ses caractères physiques comme Buffon étudiant des bestiaux. C'est une scène fichtrement glaciale. Le final, pour moi, est marqué par une justice poétique: Delon retrouvant Jean Bouise et l'idée que Klein, à force d'être dépossédé de son identité pdt tout le film, à vouloir la réclamer et à chercher qui est l'Autre finit par endosser celle de l'autre Klein. Par désespoir, fatigue existentielle. Delon a l'air de s'affaisser à la fin, alors qu'il n'y a aucune raison puisque Lonsdale est derrière avec les bons papiers. On cherche un autre pour finir par se trouver soi-même.
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Message par Max Schreck »

J'ai pas vraiment accroché quand je l'ai vu (peut-être sa froideur peu engageante), mais il faudrait sans doute lui redonner une chance.
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Message par bogart »

Max Schreck a écrit :J'ai pas vraiment accroché quand je l'ai vu (peut-être sa froideur peu engageante), mais il faudrait sans doute lui redonner une chance.

+1 Si ce n'est la composition Alain Delon, très loin de ses rôles de flic ou voyou (je parle pas du film de Bebel)
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Re: Monsieur Klein

Message par Max Schreck »

Ambroise a écrit :.
Monsieur Klein, c'est peut-être le meilleur film sur l'Occupation, par sa justesse dans la description des comportements ambigüs des personnages.
Dans le genre j'ai davantage retenu La Ligne de démarcation, de Chabrol, qui m'avait vraiment impressionné. Mais comme je l'ai dit, il est possible qu'un revisionnage me fasse reconsidérer le Losey. :wink:
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Re: Monsieur Klein

Message par Swan »

Max Schreck a écrit :
Ambroise a écrit :.
Monsieur Klein, c'est peut-être le meilleur film sur l'Occupation, par sa justesse dans la description des comportements ambigüs des personnages.
Dans le genre j'ai davantage retenu La Ligne de démarcation, de Chabrol, qui m'avait vraiment impressionné. Mais comme je l'ai dit, il est possible qu'un revisionnage me fasse reconsidérer le Losey. :wink:
Le meilleur film sur l'occupation ne serait-il pas Le Silence de la Mer de Melville ? - L'Armée des Ombres est plus un film sur la Résistance.

En ce qui concerne Mr Klein, c'est évidemment un film essentiel, et comme celà a déjà été écrit, sans doute la plus juste captation à l'écran de l'univers de Kafka.
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Message par bogart »

Pour bogart, ça demeure le film de Robert Enrico "Le vieux fusil".
Ambroise

Message par Ambroise »

John Constantine a écrit :Le final, pour moi, est marqué par une justice poétique: Delon retrouvant Jean Bouise et l'idée que Klein, à force d'être dépossédé de son identité pdt tout le film, à vouloir la réclamer et à chercher qui est l'Autre finit par endosser celle de l'autre Klein. Par désespoir, fatigue existentielle. Delon a l'air de s'affaisser à la fin, alors qu'il n'y a aucune raison puisque Lonsdale est derrière avec les bons papiers. On cherche un autre pour finir par se trouver soi-même.
Ou alors cette fin montre l'inconscience de l'individualiste Klein, obsédé et aveuglé par sa quête personnelle au point de ne pas se rendre compte de ce qui l'entoure. C'est une façon de voir plus pessimiste peut-être...
mais là encore, cette abstraction rejoint la réalité la plus concrète puisque cette inconscience fut le lot de beaucoup de Français (et aussi d'Allemands sous le nazisme) sous l'Occupation.

Sinon, quant au deuxième Robert Klein, j'ai essayé de réfléchir à une hypothèse qui se tient:
ce serait un résistant (juif) qui pendant la préparation d'un gros coup (l'attaque contre la Kommandantur) a fait croire au journal juif qu'il avait déménagé pour être tranquille en détournant ses tracas avec les autorités vers son homonyme. :idea:
Ambroise

Re: Monsieur Klein

Message par Ambroise »

Max Schreck a écrit :
Ambroise a écrit :.
Monsieur Klein, c'est peut-être le meilleur film sur l'Occupation, par sa justesse dans la description des comportements ambigüs des personnages.
Dans le genre j'ai davantage retenu La Ligne de démarcation, de Chabrol, qui m'avait vraiment impressionné. Mais comme je l'ai dit, il est possible qu'un revisionnage me fasse reconsidérer le Losey. :wink:
je ne l'ai malheureusement pas vu.
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Message par John Constantine »

Ambroise a écrit :Ou alors cette fin montre l'inconscience de l'individualiste Klein, obsédé et aveuglé par sa quête personnelle au point de ne pas se rendre compte de ce qui l'entoure. C'est une façon de voir plus pessimiste peut-être...
Klein est clairement montré comme un jean-foutre cynique et noceur, inconscient face à son époque - en même temps, son aveuglement est une forme d'engagement. La fin m'a tjrs paru plus symbolique que psychologique [pourquoi monter dans ce fichu train] mais la justice poétique fait son oeuvre encore: Klein ne sait pas ce qui l'attend au bout du voyage. Il y monte comme un gars ratant un train Corail. C'est encore plus tragique.

Sinon, quant au deuxième Robert Klein, j'ai essayé de réfléchir à une hypothèse qui se tient:
ce serait un résistant (juif) qui pendant la préparation d'un gros coup (l'attaque contre la Kommandantur) a fait croire au journal juif qu'il avait déménagé pour être tranquille en détournant ses tracas avec les autorités vers son homonyme. :idea:
Ce n'est pas explicité dans le film, soit par Moreau soit par la copine de Klein 2?

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Ambroise

Message par Ambroise »

John Constantine a écrit :
Sinon, quant au deuxième Robert Klein, j'ai essayé de réfléchir à une hypothèse qui se tient:
ce serait un résistant (juif) qui pendant la préparation d'un gros coup (l'attaque contre la Kommandantur) a fait croire au journal juif qu'il avait déménagé pour être tranquille en détournant ses tracas avec les autorités vers son homonyme. :idea:
Ce n'est pas explicité dans le film, soit par Moreau soit par la copine de Klein 2?
Justement non...
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odelay
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Message par odelay »

Il s'agit d'un très grand film, mais dont la vision n'est pas toujours aisée car il est très elliptique. Plusieurs fois dans le film on se sent un peu perdu, à l'instar du personnage principal d'ailleurs. Un autre metteur en scène aurait sans doute rajouté qq scènes de transitions pour rendre le tout plus clair. Mais, comme cela a été dit dans le premier post, cela renforce le coté Kafkaien du film .
Mr Klein (Delon) est peut être aussi le symbole de la majorité des Français à cette époque : pas résistant ni collabo, mais très personnel, ne voyant que son intéret dans cette époque offrant dans le malheur des opportunités uniques.

En tout cas un film qui n'a pas volé son excellente réputation.
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Message par phenryl »

Le meilleur role de Delon et de loin :!: j'adore ce film ...froid, glacial, boulversifiant ....bô quoi 8)
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Cinetudes
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Message par Cinetudes »

Je l'ai vu il y à trop longtemps pour pouvoir en discuter en détails (le Zone2 me fait d'ailleurs de l'oeil que vaut 'il ?) mais je garde le souvenir d'une oeuvre qui m'avait littérallement soufflé.

J'ai du le voir à 20 ans à l'époque ou j'étais en pleine exploration des écrits de Kafka et de voir ce film mettre en image et en scénario, un histoire aussi proche des écrits de cet immense écrivain dans l'esprit m'en avait fait otmber raide amoureux.

Je garde le souvenir d'un Delon impérial, d'un rythme glaçant et d'une certain engourdissement en cours de film au cours duquel gagné par le ballet de faux semblants absurdes j'étais vraiment dans l'histoire.

Malgré son côté allégorique trés prononcé, l'oeuvre de Kafka me fait le même effet et je me sens souvent tout à fait dans les pompes de Joseph K, ce qui aviouez le n'est pas des plus agréables (mais pour moi des plus rassurant vis à vis de mes vues sur le monde dans lequel je vis).

De toute façon j'adore les grands films de Losey pour leur côté dur, froid et cynique (The Servant, Time without Pity mais il m'en reste à voir) et Mr Klein est assurément l'un de ses plus grandes réussites.

Rien que d'avoir ecrit me donne une furieuse envie de revoir le film.

Stefan
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Message par Swan »

Cinetudes a écrit :(le Zone2 me fait d'ailleurs de l'oeil que vaut 'il ?)
Très belle copie, aucun défaut.
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