Satyricon (Federico Fellini - 1969)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Happy Charly
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Re: SATYRICON de Fellini (1969)

Message par Happy Charly »

kenjin a écrit :J'ai l'occasion d'aller le voir au cinéma ce soir mais je me tâte. J'attends vos avis pour prendre une décision. Merci :wink:
En quelle langue l'as-tu vu ce "IL SATYRICON", vais-je me permettre de demander ( avant de réceptionner la volée de tomates et autres légumes adressée à ma personne ) :?:

Car, comme peu d'entre vous, j'avoue en avoir gardé un souvenir fascinant sur lequel résonne encore les dialogues italiens que je ne comprendrai toujours pas sans sous-titres.

Un film historik qui, étrangement, dans mon esprit de déjanté du bulbe élevé aux Bee Movies essentiellement, raccroche le monde souterrain développé dans ce Fellini à celui que présentera des années plus tard Clive Barker dans sa propre adaptation cinématographique de son roman "CABAL" :shock: :shock: :shock:

Est-ce moi qui ai trop abusé de substances illicites ? Ou y aurait-il bien un lien étrange et invisible entre ces deux univers ?
Je me le demande encore...

Enfin, "IL SATYRICON" de Fellini est un film inévitable pour kingkon' veut avoir une culture cinématographique solide, voire plus solide que Tarantino , tiens, prends ça dans tes dents, c'est pas la soirée de Quentin !!!
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kenjin
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Re: SATYRICON de Fellini (1969)

Message par kenjin »

Rob-Zombie a écrit :En quelle langue l'as-tu vu ce "IL SATYRICON", vais-je me permettre de demander ( avant de réceptionner la volée de tomates et autres légumes adressée à ma personne ) :?:
Tout comme toi, je l'ai vu en version originale sous-titrée (en italien donc). :wink:
Rob-Zombie a écrit :Car, comme peu d'entre vous, j'avoue en avoir gardé un souvenir fascinant sur lequel résonne encore les dialogues italiens que je ne comprendrai toujours pas sans sous-titres.
Tout pareil.
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Message par Encolpio »

Ce film est un bijou, je ne crois pas qu'il soit mineur, bien au contraire, tout l'art du maestro s'y trouve. il est même l'un de mes Fellini pref... une oeuvre d'une richesse incroyable, a voir et revoir
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Majordome
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Message par Majordome »

Oui, personnellement, je ne le trouve pas mineur du tout, non plus... et répresentatif du style du maître.
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Message par Spiny Norman »

Il-y-a aussi un dvd avec le documentaire "Ciao Federico! Fellini directs Satyricon" - quelqu'un l'a vu?
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Message par Randolph Carter »

Encolpio a écrit :Ce film est un bijou, je ne crois pas qu'il soit mineur, bien au contraire, tout l'art du maestro s'y trouve. il est même l'un de mes Fellini pref... une oeuvre d'une richesse incroyable, a voir et revoir
Au vu de ton pseudo,on avait compris depuis longtemps l'estime que tu portais à ce film! :mrgreen:
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Nestor Almendros
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Re: Satyricon (F. Fellini, 1969)

Message par Nestor Almendros »

posté par Ouf le 15 novembre 2004

- Fellini Satyricon: en 1968, alors que nombre de cinéastes rentrent assez comiquement dans une période maoïste, Fellini reste dans son imaginaire est livre un film inouï et mystérieux, comme le livre de Pétrone qu'il est censé adapter. La paternité du Satyricon est attribuée à Pétrone, mais on ne sait réellement qui l'a écrit. C'est un film sans début ni fin. Et la première impression des images donne cette sensation de rentrer sans presque d'avertissement dans cette époque putréfiée sous Néron. Juste un monologue d'Encolpio pour poser le contexte, et c'est parti. Grandeur et décadence n'ont jamais aussi bien été mis en image. Avec ce film, on comprend l'importance technique des studios Cinecitta. Les décors sont ahurissants de démesure. La lumière de fin du monde fait frissonner. La débauche n'a jamais eu mieux qu'ici ce goût de mort palpable. Et comme toujours chez Fellini, la cohérence est parfaite, il n'y a pas de dissociation fond/forme. La forme EST le fond. Scène anthologique sur scène anthologique, on ressort de cette oeuvre épuisé, dérouté, admiratif. Fellini était un pur génie.
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Re: Satyricon (Federico Fellini - 1969)

Message par Watkinssien »

Une oeuvre déroutante, originale, forte, évocatrice, d'une grande sensualité.

Il est étonnant de voir comment Fellini filme la laideur d'un monde tout en nous faisant comprendre sa fascination.
La fantamasgorie visuelle du cinéaste est si marquante que cette forme de reconsitution baroque apparaît plus crédible que l'authenticité historique.
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Re: Satyricon (Federico Fellini - 1969)

Message par rosebud »

Son intérêt pour l'histoire étant assez limité , le film n'a pas grand chose à voir avec l'oeuvre de Pétrone ; comme Fellini l'a dit lui-même , "Le Satyricon est une sorte d'essai de science-fiction , un voyage dans un monde mystérieux , mais ressemblant de façon surprenante à celui dans lequel nous vivons ". Les personnages de Pétrone sont en proie à la même fièvre d'exister que les hommes et les jeunes d'aujourd'hui , qui eux lui rappelaient les hippies de l'époque .
Il est bien sûr évident que l'auteur ait projeté ses propres fantasmes .
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Re: Satyricon (F. Fellini, 1969)

Message par Ouf Je Respire »

Nestor Almendros a écrit :posté par Ouf le 15 novembre 2004

- Fellini Satyricon: en 1968, alors que nombre de cinéastes rentrent assez comiquement dans une période maoïste, Fellini reste dans son imaginaire est livre un film inouï et mystérieux, comme le livre de Pétrone qu'il est censé adapter. La paternité du Satyricon est attribuée à Pétrone, mais on ne sait réellement qui l'a écrit. C'est un film sans début ni fin. Et la première impression des images donne cette sensation de rentrer sans presque d'avertissement dans cette époque putréfiée sous Néron. Juste un monologue d'Encolpio pour poser le contexte, et c'est parti. Grandeur et décadence n'ont jamais aussi bien été mis en image. Avec ce film, on comprend l'importance technique des studios Cinecitta. Les décors sont ahurissants de démesure. La lumière de fin du monde fait frissonner. La débauche n'a jamais eu mieux qu'ici ce goût de mort palpable. Et comme toujours chez Fellini, la cohérence est parfaite, il n'y a pas de dissociation fond/forme. La forme EST le fond. Scène anthologique sur scène anthologique, on ressort de cette oeuvre épuisé, dérouté, admiratif. Fellini était un pur génie.
Je ne me rappelle pas avoir posté cela. En même temps, ouf, je suis complètement d'accord avec ce post. :mrgreen:
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Re: Satyricon (Federico Fellini - 1969)

Message par Amarcord »

Pour moi aussi, Satyricon fait partie des oeuvres majeures de Fellini. Visuellement proche de la perfection absolue. C'est peut-être, de tous les Fellini, le plus formellement beau, en tout cas celui (avec le Casanova) auquel on a le plus spontanément envie d'accoler le fameux et très galvaudé (au sujet de Fellini) adjectif "baroque". Il est typiquement "fellinien", dans toute sa démesure, avec tout ce que cela implique de folie, d'audace, d'intransigeance (voire de radicalisme... et dire que Fellini a renoncé in extremis à faire parler son film entièrement en latin !), d'énergie créatrice et de poésie. C'est l'une des oeuvres les plus ensorcelantes de Fellini. Son charme hypnotique opère toujours autant sur moi, après une bonne dizaine de visionnages.
J'avoue que je ne vois pas trop en quoi il paraît "daté" (terme que j'ai lu à plusieurs reprises sur ce forum) : moi je le trouve, aujourd'hui encore, étonnamment moderne, au contraire. Quant au fait qu'il y ait de nombreuses ellipses dans le récit (conséquence directe de ce que l'oeuvre originelle de Pétrone était elle-même "incomplète"), non seulement, je ne trouve pas cela gênant du tout (ici, on est quand même plus près d'une "peinture qui bouge" que d'un récit linéaire dont il faudrait suivre une quelconque progression dramatique, il me semble... l'enjeu est ailleurs), mais je ne suis, en plus, pas loin de penser que c'est précisément ce qui a dû séduire Fellini dans ce projet ! Il y a fort à parier qu'il aurait, de toute façon, destructuré une oeuvre à l'origine "complète" !
Je crois, enfin, que c'est Fellini qui parle le mieux de ce film, au sujet duquel il disait volontiers qu'il ne fallait pas y voir une représentation de la Rome antique, mais quasiment le contraire : une Rome futuriste ! Pour lui, Satyricon, c'était avant tout de la science-fiction ! Au-delà de la boutade, cela me rappelle un peu ce que disait l'écrivain italien Italo Calvino (grand admirateur de Fellini) de l'une de ses oeuvres, Le Cosmicomiche (Cosmicomics, en français) : à son sujet, il parlait de "science-fiction préhistorique". Je trouve que le terme, à peu de choses près, irait bien à Satyricon !
Mon Fellini préféré après Amarcord.
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Re: Satyricon (Federico Fellini - 1969)

Message par Anorya »

Ouf, milk soup a écrit :
Nestor Almendros a écrit :posté par Ouf le 15 novembre 2004

- Fellini Satyricon: en 1968, alors que nombre de cinéastes rentrent assez comiquement dans une période maoïste, Fellini reste dans son imaginaire est livre un film inouï et mystérieux, comme le livre de Pétrone qu'il est censé adapter. La paternité du Satyricon est attribuée à Pétrone, mais on ne sait réellement qui l'a écrit. C'est un film sans début ni fin. Et la première impression des images donne cette sensation de rentrer sans presque d'avertissement dans cette époque putréfiée sous Néron. Juste un monologue d'Encolpio pour poser le contexte, et c'est parti. Grandeur et décadence n'ont jamais aussi bien été mis en image. Avec ce film, on comprend l'importance technique des studios Cinecitta. Les décors sont ahurissants de démesure. La lumière de fin du monde fait frissonner. La débauche n'a jamais eu mieux qu'ici ce goût de mort palpable. Et comme toujours chez Fellini, la cohérence est parfaite, il n'y a pas de dissociation fond/forme. La forme EST le fond. Scène anthologique sur scène anthologique, on ressort de cette oeuvre épuisé, dérouté, admiratif. Fellini était un pur génie.
Je ne me rappelle pas avoir posté cela. En même temps, ouf, je suis complètement d'accord avec ce post. :mrgreen:
Amarcord a écrit :Pour moi aussi, Satyricon fait partie des oeuvres majeures de Fellini. Visuellement proche de la perfection absolue. C'est peut-être, de tous les Fellini, le plus formellement beau, en tout cas celui (avec le Casanova) auquel on a le plus spontanément envie d'accoler le fameux et très galvaudé (au sujet de Fellini) adjectif "baroque". Il est typiquement "fellinien", dans toute sa démesure, avec tout ce que cela implique de folie, d'audace, d'intransigeance (voire de radicalisme... et dire que Fellini a renoncé in extremis à faire parler son film entièrement en latin !), d'énergie créatrice et de poésie. C'est l'une des oeuvres les plus ensorcelantes de Fellini. Son charme hypnotique opère toujours autant sur moi, après une bonne dizaine de visionnages.
J'avoue que je ne vois pas trop en quoi il paraît "daté" (terme que j'ai lu à plusieurs reprises sur ce forum) : moi je le trouve, aujourd'hui encore, étonnamment moderne, au contraire. Quant au fait qu'il y ait de nombreuses ellipses dans le récit (conséquence directe de ce que l'oeuvre originelle de Pétrone était elle-même "incomplète"), non seulement, je ne trouve pas cela gênant du tout (ici, on est quand même plus près d'une "peinture qui bouge" que d'un récit linéaire dont il faudrait suivre une quelconque progression dramatique, il me semble... l'enjeu est ailleurs), mais je ne suis, en plus, pas loin de penser que c'est précisément ce qui a dû séduire Fellini dans ce projet ! Il y a fort à parier qu'il aurait, de toute façon, destructuré une oeuvre à l'origine "complète" !
Je crois, enfin, que c'est Fellini qui parle le mieux de ce film, au sujet duquel il disait volontiers qu'il ne fallait pas y voir une représentation de la Rome antique, mais quasiment le contraire : une Rome futuriste ! Pour lui, Satyricon, c'était avant tout de la science-fiction ! Au-delà de la boutade, cela me rappelle un peu ce que disait l'écrivain italien Italo Calvino (grand admirateur de Fellini) de l'une de ses oeuvres, Le Cosmicomiche (Cosmicomics, en français) : à son sujet, il parlait de "science-fiction préhistorique". Je trouve que le terme, à peu de choses près, irait bien à Satyricon !
Mon Fellini préféré après Amarcord.
Je suis complètement (über) d'accord avec vous deux. :D
Je reviens donc dans un instant avec une méga-chronique énorme sur le film, probablement mon candidat pour le film du mois (ça me fait mal de virer Gunbuster et un Tavernier à venir quand même, mais pour le Maestro je suis prêt à tout, ou presque). 8)
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Anorya
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Re: Satyricon (Federico Fellini - 1969)

Message par Anorya »

Un film riche, trop riche et une incroyable surprise pour moi qui commence pourtant à être singulièrement habitué au cinéma de Fellini. :D
Ma chronique me semble trop courte face à ce film qui me revient continuellement en tête. A l'instant où je l'écrivais, je me rappelais d'autres détails tant sur le plan technique (la musique, presque que composée de percussions ! :shock: ) que visuel (les mille et un détails à l'image comme pendant un travelling sur les convives, une jeune fille qui regarde fixement le spectateur, comme pour témoigner qu'elle se sent perdue au milieu de tous ces romains. Ou bien deux romaines (dont une interprétée par Magali Noël !) qui, alors que la caméra pivote, se retrouvent dans un coin de l'image en train de s'embrasser, comme des ombres chinoises. :shock: ) ou narratif.


Mais je m'efface, voici la chronique. :wink:

================

Encolpio se trouve dépité après que son amant Gitone est parti avec son ami Ascilto. La recherche de l'amant, sa perte puis la rencontre avec le rival sont les étapes d'un parcours au travers d'une Rome décadente...

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Je met la jaquette du DVD mais je précise l'avoir vu en VHS (du coup, je met des scans du livre "Federico Fellini" de Chris Wiegand aux éditions Taschen pour illustrer).

Le scénario tient limite sur un ticket de métro comme vous le voyez donc je savais à quoi m'attendre, à savoir, comme souvent chez Fellini, la création d'un film-monde (le mot n'est pas usurpé je pense) dont les visions dépasseraient de loin les simples évocations et réductions qu'on pourrait y mettre et je n'ai pas été déçu loin de là, même si au départ j'ai cru être victime d'une sorte de bad trip.


"Tandis qu'il se remettait de sa pleurésie à Manzania, Fellini relut Le Satyricon, recueil de contes dûs à Pétrone (Ier siècle après J.C), l'un des conseillers de l'empereur Néron. Il songeait à ce projet depuis l'époque de Marc'Aurélio, et avait même pensé à l'acteur Aldo Fabrizi pour le rôle principal. Son Satyricon est aussi personnel que son adaptation de Toby Dammit : il s'agit bien du Satyricon revu et corrigé par Fellini, et non celui de Pétrone. Le film porte la marque de deux grandes préoccupations de Fellini à l'époque : la drogue et la science-fiction. Il a d'ailleurs déclaré à ce sujet qu'il avait filmé la Rome antique comme il aurait réalisé un documentaire sur les Martiens. C'est précisément dans cet esprit qu'il s'est efforcé de restituer une ambiance à la Flash Gordon, en utilisant différents filtres colorés et autres types d'émulsions.

Le tournage de Satyricon s'étendit de novembre 1968 à mai 1969, en pleine époque de libération sexuelle, d'expérimentation de nouvelles drogues et d'introspection psychédélique. Le film est imprégné de cet esprit de libération, hérité du mouvement underground. Comme les hippies des années soixantes, les anciens Romains de Fellini, égocentriques et béats, vivent dans l'instant présent. Dans Satyricon, tout est permis, ou presque."

(Federico Fellini par Chris Wiegand, éditions Taschen)

Image Image

Ces images sont dédicacées pour Johell. :mrgreen: :wink: A noter que pour les curieux, j'ai scanné une version plus grande de la seconde image.

Il faut dire que le film, double antique de la Dolce Vita, ne s'embarrasse aucunement pour montrer une vision décadente de la Rome antique, témoignant d'un intérêt sentimental et sexuel des plus importants dans l'oeuvre de Fellini, se plaçant non loin de Casanova (qui témoignait d'une contre-performance à travers un personnage qu'on ne voyait que comme un Don Juan malgré ses prétentions artistiques et scientifiques et qui était obligé de montrer ses compétences au pieu afin d'être accepté et compris par les autres, cruel témoignage fascinant d'un mythe rabaissé à une posture chez le cinéaste. Ce dernier ne vivait que par le sexe et ses frasques témoignaient d'une errance vouée à un long effilochage douloureux) comme de La cité des femmes (représentations des deux sexes non couvertes d'humour toutefois à travers une imagerie et des situations qui mettaient autant les hommes que les femmes sur un même pied d'égalité, avec toutefois un hommage chaleureux et décalé du Maestro à la gente féminine).


Dans des décors proches de l'abstraction (ou d'une situation d'Art contemporain) et à travers un périple qui part d'une vision décalée de l'Italie au temps des romains (plus une vision spirituelle et mentale je dirais, ce qui n'a rien d'étonnant quand on connait le cinéaste de 8 et demi et sa propension à amasser les couches dimensionnelles et oniriques, voire inconscientes pour en tailler son matériau filmique) pour aller jusqu'aux frontières de l'Afrique et au delà, les personnages font des rencontres, souvent charnelles, se construisent autant leur vie (on peut voir le périple d'Encolpio comme une sorte de long rite initiatique, en cela confirmé par son impuissance à forniquer après "l'épreuve du labyrinthe et du minotaure", son périple vers Oenothée, sa supplique envers elle ("retrouver l'opprobre de mon glaive perdu" ou quelque chose du genre. Pendant un instant, je me suis demandé si Fellini ne reprenait pas Pétrone à la lettre dans le dialogue, un peu comme Baz Luhrmann reprend avec beaucoup de fidélité le texte Shakespearien pour son Romeo + Juliette) afin de retrouver ensuite sa virilité perdue) que leur identité sexuelle.


En en montrant juste ce qu'il faut, Fellini évite tout aspect vulgaire, laissant le spectateur se faire son idée, préférant suggérer et montrer les corps, postures et êtres que les actes proprement dit. Et sans doute que Satyricon c'est ça : un vibrant témoignage à peine décalé des années 68/69, transposé dans le texte fragmentaire de Pétrone, laissant à Fellini toute liberté d'organiser un voyage morcelé, déstructuré, axé autour des rapports humains et de la psychée par des biais charnels tant baroques que grotesques. Dans les moeurs libérées de nos romains, l'échangisme, le triolisme, l'homosexualité, voire la transsexualité (le personnage de "l'hermaphrodite" dont le haut du corps révèle des seins mais le bas, un pénis masculin), sans oublier les rapports de domination et de soumission (la lutte entre le pro-consul joué par Alain Cuny et Encolpio où ce dernier, vaincu, se retrouve ensuite obligé, suite à des noces sur un navire, d'être l'épouse du consul !) que ce soit la classe ou le sexe règnent abondamment. Le tout dans une odyssée toujours plus loin et reculée des limites de l'empire connu comme si le film avançait devant nous, s'obligeant à aller de l'avant, ne pouvant plus reculer.

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Mais Satyricon, ce n'est pas que le rapport aux corps et au sexe, loin de là. Le film, quand il ne bascule pas aux frontières colorées et flashy du trip offre des fulgurances incroyables et bienvenues d'une beauté parfois cruelle. En témoigne cette séquence où une famille Romaine libère tous ses esclaves, fait partir ses enfants avec ceux-ci, puis, craignant la venue du nouvel empereur qui sonne comme un coup d'état funeste, décide de se suicider. La scène, lentement tragique ne se déroule aucunement hors-champ et devant nous, le mari s'ouvre lentement les veines tandis que sa femme boit lentement un vin qu'on devine empoisonné. La scène est d'autant plus frappante que pendant ce temps le couple continue de parler comme si de rien n'était et Fellini d'enregistrer l'un des requiems les plus crépusculaires le temps d'un film. Lequel offre tout le long des fulgurances tout aussi frappées et fabuleuses (la violence d'une décapitation brusque, un doux moment de tendresse avec une esclave nubienne dans un lit, les décors carrés sortis de chez le peintre Chirico, les couleurs à la limite pop, la femme qui crache du feu par l'entrejambe quand elle les écarte --ça c'est typique de Fellini il faut dire--, la scène finale...).


Un détail formidable digne d'un historien malgré les partis-pris artistiques volontairement décalé que livre Fellini à travers les décors (j'insiste sans doute lourdement une fois de trop sur les décors abstraits et totalement voulus du film quand on sait que dans Fellini-Roma, les décors et inserts qui ont trait à l'Antiquité Romaine sont véridique cette fois : en témoigne cette romaine qu'on entraperçoit se baignant, ces gladiateurs romains, ou plus sérieusement, ces fouilles romaines livrant des fresques dans le métro, moment de poésie rare. Cela montre que Fellini est particulièrement au fait de l'Histoire de son propre pays mais que l'espace d'un film, il l'écarte totalement pour ne livrer que sa vision personnelle. Le film s'intitule bien Fellini-Satyricon, pas Satyricon tout seul, de même qu'on a le Fellini-Roma) , c'est la parole chez les personnages. Quand ils ne parlent pas en Italien, les personnages parlent parfois en latin ou ...en Allemand (notamment la jeune esclave noire). C'est pourtant une production Franco-Italienne, alors, détail saugrenu ? En fait non car, et ça va vous surprendre, renseignement pris auprès d'un archéologue lors d'un séminaire, le plus gros de la population Romaine d'alors, provient de la Germanie. Eh oui. Que ce soit les soldats qui s'engagent dans l'armée, voire les esclaves ou les locaux. D'autant plus que quand un soldat est engagé (quelle que soit sa nationalité), souvent, sa famille le rejoint, dans des baraquements disposés à cet effet, non loin du camp. Arrêtons là la petite note d'Histoire et revenons au Film-trip.


A la fin, le voyage s'achève abruptement sur des peintures de ruines annonçant celles de Roma, figeant le récit dans un curieux abîme, témoignant de personnages perdus dans un lointain passé. Vanité des vanités, ont-ils seulement existés s'interrogeons-nous. Qu'importe semble répondre le cinéaste, car ils auront consumés et vécus leurs vies de bout en bout à une époque pas si éloignée où l'on respirait, mangeait, baisait comme on mourait, c'est à dire avec intensité, mais aussi parfois une soudaineté qui ne nous laisse jamais le temps de nous appesantir. Vision finale qui m'a ému et mis un peu K.O. Bien plus qu'un ballet de danseurs mécaniques figés dans le temps comme dans Casanova. Une réplique du film illustre sans doute le mieux celui-ci, la voici :

"Mieux vaut pendre un mari mort que perdre un amant vivant." Je crois que ça résume bien le film en gros.


"Satyricon fut le film le plus cher de l'histoire du cinéma au jour de sa sortie. Fellini avait tourné dans pas moins de 90 décors, tous droit sortis des studios de Cinecittà. La distribution comptait 250 acteurs avec l'habituelle kyrielle de physiques hors normes chers au cinéaste italien : énormes femmes boursouflées et hommes malingres, presque squelettiques. Aux Etats-Unis, la première de cette chronique baroque et étrange de la Rome du Ier siècle après J.-C eut lieu à Madison Square Garden après un concert de rock. Selon Fellini, il fut projeté devant un public de 10 000 hippies, pour la plupart sous l'emprise de la drogue. Naturellement, rien n'empêche de lire ce commentaire comme une outrance habituelle au Maestro."
(Federico Fellini par Chris Wiegand, éditions Taschen)



Immense film, très riche. 5,5/6.
Par contre, je déconseillerais sans doute ce Fellini là aux novices peu habitués à Fellini. ;) :oops:
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Demi-Lune
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Re: Satyricon (Federico Fellini - 1969)

Message par Demi-Lune »

D'un point de vue pictural, c'est peut-être le travail le plus spectaculaire de Fellini. La photographie de Rotunno est une splendeur fauviste, les éclairages sont novateurs, tandis que les cadrages au Cinémascope rendent pleinement justice à la monumentalité extravagante des décors Cinecitta.

Cela dit, ces qualités purement formelles ne suffiront pas à contrebalancer le violent rejet que j'ai ressenti, hélas. Satyricon est une nouvelle confirmation de ce que le Fellini dit "baroque" m'indispose. Je peux comprendre tout ce qu'il peut susciter de fascination car cela reste une véritable expérience (et la forme suit derrière), mais en ce qui me concerne ce film exsude une atmosphère de décadence que je trouve viscéralement malsaine. D'aucuns diront peut-être que c'est la preuve de la réussite artistique du film, et c'est un point de vue que j'aurais éventuellement pu partager si les fantasmes grandiloquents du Fellini post néoréaliste, subjugué ici par le grotesque, le moche, l'obèse, les vieillards ridiculement poudrés comme de vieilles marquises sur le retour, et en traquant l'érotisme, ne me laissaient pas plus interdit qu'autre chose. C'est un univers onirique qui toutes considérations plastiques mises à part, ne me parle absolument pas, voire me trouble (pas dans le bon sens) pour tout ce que les images suggèrent de l'inconscient créatif du réalisateur. Ça me fait un peu penser au Santa Sangre de Jodorowsky... Il y a quelque chose dans cette ritualisation théâtralisée de l'étrange voire du monstrueux, cette esthétisation fascinée des confusions sexuelles et de la perversion de la beauté (dans des films ultérieurs comme Amarcord ou Casanova, les actrices ont toujours des physiques extravagants, le visage blanchi comme des cadavres...), qui me colle un indicible malaise. Pénétrer dans la psyché du Fellini baroque n'est pas ma came, je crois... même constat pour le Médée de Pasolini découvert parallèlement.
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Re: Satyricon (Federico Fellini - 1969)

Message par jacques 2 »

Demi-Lune a écrit : Je peux comprendre tout ce qu'il peut susciter de fascination car cela reste une véritable expérience (et la forme suit derrière), mais en ce qui me concerne ce film exsude une atmosphère de décadence que je trouve viscéralement malsaine. D'aucuns diront peut-être que c'est la preuve de la réussite artistique du film ...
C'est précisément le propos du film, en effet, d'être malsain puisqu'il est question de décadence et de pourrissement ...
Et c'était aussi le cas dans les fragments de Pétrone : lors de mes études "latines", je me rappelle combien notre professeur nous répétait à quel point ce film, via ses outrances, réussissait à rendre palpable et crédible cette fin du monde de la civilisation antique.

Sinon, le film : 6/6 8)
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