David Lynch (1946-2025)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Doppler
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Re: David Lynch (1946-2025)

Message par Doppler »

The Eye Of Doom a écrit : 20 janv. 25, 21:06
Doppler a écrit : 20 janv. 25, 21:00 Pour ceux qui vont revoir Twin Peaks, je vous conseille le podcast d'Amies, où l'une des deux podcasteuse découvre et théorise au fur et à mesure des épisodes. C'est un vrai plaisir et un super accompagnement à la série.
Tu parles du TP normal ou The return ?
Tu as un lien. ?
Merci
Elles font tout Twin Peaks, c'est ça qu'est chouette !
Tu as tout ici à partir de l'épisode 1 de la saison 2 du pocast : https://www.slate.fr/audio/amies/?page=3
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Demi-Lune
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Re: David Lynch (1946-2025)

Message par Demi-Lune »

Alexandre Angel a écrit : 20 janv. 25, 18:27
Thaddeus a écrit : 20 janv. 25, 17:58 Des intérieurs sombres, des mines renfrognées, aucune lumière, aucune humanité, aucune sensibilité (du moins, celle que j'aimais chez le cinéaste) et tous les poncifs lynchiens qui s'enchaînent comme dans une case de bingo. Bref, Inland Empire bis.
Là, alors que je ne voulais pas insister, je suis obligé d'intervenir.
Sur ce diagnostic préventif (une fois passé le second épisode), j'ai le sentiment te concernant d'un énorme malentendu voire fourvoiement. Il n'est pas possible que tu tires cette conclusion sans être allé plus loin parce je peux te jurer que si ça avait été ce que tu projettes, j'aurais aussi lâché l'affaire très vite et je n'aime pas du tout INLAND EMPIRE.
Twin Peaks The Return est hugolien (j'utilise, tu l'auras compris, le qualificatif à dessein), épique, poilant , tragique, dur, ludique, ésotérique, expérimental et dingue, par moments. Bref tout est là qui ne correspond pas à ce que tu imagines.
Je vais m'y remettre incessamment (ces discussions vont accélérer le processus) avec une petite appréhension toutefois : celle que ça me plaise moins comme si je m'étais monté la tête il y a 6 ans. C'est toujours possible.

Mais c'est réellement vibrant et étonnant de chaleur humaine, lumineux et surtout, étonnamment non redondant par rapport à ce qu'on connaissait de l'artiste.
Bien d'accord, même si je doute que cela change quoi que ce soit dans le rejet de Thaddeus. Ce serait mentir de dire qu'il n'y a pas Inland Empire qui soit passé par là par moments, mais il y a aussi et surtout le Lynch qui chérit ses personnages, le moindre de ses personnages, même les plus glauques ou gaguesques (les deux frères mafieux et Candy, par exemple). Je ne trouve pas la frontière entre un Twin Peaks : The Return et un A straight story si épaisse de ce point de vue, la galerie vertigineuse de personnages est croquée avec une empathie débordante qui n'exclue pas l'ironie, et le passage du temps donne lieu à des scènes vraiment poignantes dont le souvenir est chez moi aussi vif et cher que les séquences les plus immédiatement sidérantes sur le plan formel. La scène des adieux avec Naomi Watts et le gosse par exemple, ça m'a fait pleurer à chaudes larmes quand j'ai découvert l'épisode, c'est le Lynch déchirant des grandes heures, avec Badalamenti en embuscade. Et je trouve moi aussi impossible de tirer un constat de désinvestissement émotionnel quand tu vois le sort réservé à l'un des personnages emblématiques, auquel on parvient au bout du voyage, comme un sésame que l'on déverrouille - l'une des séquences de décrochage de mâchoire les plus cataclysmiques, sur le plan émotionnel, que j'ai expérimenté dans toute ma vie de spectateur ever, j'en ai des frissons rien qu'en y repensant. Un véritable acte de foi, une preuve d'amour absolu dont il est bien difficile de parler sans rentrer dans des spoilers bien cash.

Twin Peaks : The Return est pour moi une œuvre totale (et accessoirement la plus belle sortie, a posteriori, que je connaisse d'un cinéaste avec Eyes wide shut) parce qu'elle synthétise toutes les facettes de Lynch en tant qu'auteur et artiste. L'humaniste, le sentimental, le rigolard, l'anxieux, le tourmenté, l'expérimental, tout. C'est un legs somme, mais pas de quelqu'un qui regarde dans le rétroviseur et se prend de nostalgie pour ce qu'il a fait et en rejoue les gammes pour un dernier tour de piste - le legs de quelqu'un qui accomplit une sorte d'odyssée intérieure (c'est pas pour rien que Gordon Cole y a un rôle beaucoup plus central et que le ton y est parfois crépusculaire - même en 2017, il y avait pour moi quelque chose d'assez bouleversant de voir ce Lynch âgé enquêter une dernière fois et dont on pouvait craindre symboliquement qu'il arrive quelque chose de violent à son personnage) pour convoquer toutes les forces ayant irrigué ses précédents films en vue d'aboutir sur une transfiguration de son art. Lynch y a mis toutes ses tripes, il ne fait aucun compromis, et il y en a pour tous les goûts, c'est ça qui est génial. Cela en fait un espèce de rollercoaster (le parallèle peut être rude, je reconnais) de fulgurances absolument sidérantes, de moments de flottement voire d'égarement, puis de reprise de volant de mains fermes, avec des accélérations de rythme, des échappées, des virages sans cesse stimulants et créatifs. Les deux derniers épisodes, c'est au-delà des mots dans le courage artistique que cela requiert - et comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, ça m'a terrassé pour des années, moi qui pensais avoir à peu près tout vu et être revenu de tout. Mais encore une fois, ce qui sous-tend tout ça, ce qui soude et solidifie l'ensemble, ce qui transcende les visions surréalistes et rend captif même quand la langueur engourdit certains épisodes ou que le sens immédiat de certaines séquences nous échappe, c'est - pardon pour la formule à la con - le cœur qui est à l'ouvrage, l'amour presque naïf (ou idéaliste, si vous préférez) pour ces pauvres hères qui se dépatouillent dans leurs vies du mieux qu'ils peuvent. Beaucoup de gens diront probablement que leur moment favori de la saison est l'épisode complètement dingue en noir et blanc ("Got a light?"), antichambre secrète "éraserheadienne" que l'on entrouvre comme on capterait une fréquence interdite de Vidéodrome. Des moments inoubliables, il y en a légion, c'est certain. Mais dans le fond, y a-t-il quelque chose de plus pénétrant, de plus obsédant, de plus réconfortant, que les retrouvailles tant attendues entre certains personnages à la toute fin ?
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Message par Watkinssien »

sebamas a écrit : 20 janv. 25, 21:43 Quand mon réalisateur fétiche parle de mon autre réalisateur préféré
Je n'avais jamais vu cette réaction de Lynch. On sent cette sensibilité et cette humanité qu'il retranscrivait souvent brillamment quand il s'agissait de produire des moments émouvants dans son propre cinéma.

Je me souviens de cette interview avec Mark Cousins et à la fin, ce dernier lui propose de revoir la toute fin de The Elephant Man et ce que je trouve fascinant, c'est le visage de Lynch regardant cet extrait. On sent qu'il est fier de cette fin et des émotions qu'elle puisse procurer, et surtout que cela l'émeut encore sincèrement lui-même.
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Message par Goret »

Truffaut Chocolat a écrit : 20 janv. 25, 09:00
Goret a écrit : 19 janv. 25, 19:10 Le seul contre-sens, de mon point de vue, serait de vouloir absolument le ramener au "cerveau gauche" cartésien, qui a besoin de logique, d'ordre et de classement, y compris pour coller un artiste dans une case unique. Et comme ce "cerveau gauche" est majoritaire, certains se retrouvent à vouloir à tout prix donner une explication carrée à des intrigues qui n'en sont pas, à donner un sens à des symboles qui n'en ont pas forcément un ou pas forcément un seul... bref à chercher la clef de la boîte, au lieu de se concentrer sur tout le monde qui l'entoure. Ça ne veut surtout pas dire qu'il n'y aurait rien - après tout, un rêve ne se comprend pas forcément, mais il a toujours beaucoup à nous dire... et il le fait de sa façon, sans demander à notre conscient ce qu'il aurait souhaité... et prêt à surprendre constamment.
Les deux vivent ensemble chez moi encore une fois, j'aime me perdre comme essayer de comprendre. Les deux me font autant plaisir.
Je me suis peut-être mal exprimé. Ce que je regrettais, c'est qu'on ne voie chez Lynch que des énigmes à résoudre, ou qu'on veuille à tout prix plaquer des explications rationnelles à ce qu'il montre.
Ca ne veut pas dire que cette dimension serait forcément inexistante (d'ailleurs, Lynch n'ayant jamais expliqué son oeuvre, au fond j'en sais rien), mais seulement que ce n'est pas le seul axe de lecture et de perception (et que refuser d'y voir quelque chose d'autre, AMHA, c'est faire un contresens).
Thaddeus a écrit : 20 janv. 25, 17:58Certes. Je constate simplement que l'évolution de mon ressenti est en quelque sorte "validée" par la manière dont le cinéma de Lynch est, très majoritairement, défendu. Exemple caractéristique : l'approche d'un Pacôme Thiellement, qui semble être devenu depuis quelque temps une sorte de référence lorsqu'il s'agit d'analyser le cinéaste, d'en éclairer la nature. Ses quelques interventions dans le reportage posté plus haut sont éclairantes. Voilà quelqu'un dont je me demande s'il est vraiment ému par les films de Lynch - en tout cas, rien dans ses propos ne le laissent transparaître. Il ne parle que d'indices, de signes, d'énigmes ; il ne semble appréhender ce cinéma que comme un champ d'investigation herméneutique. Il revendique lui-même être avant tout un "exégète". Et lorsqu'il cherche à définir la place du spectateur, il emploie le mot de "détective". Mais où est l'investissement émotionnel là-dedans ? D'ailleurs, que pense-t-il d'Une Histoire Vraie ? Je serais curieux de l'entendre sur ce film, pour voir s'il est aussi enthousiaste. Cette manière d'envisager l'oeuvre lynchienne ne me parle pas du tout ; elle est même totalement opposée à la mienne. Or c'est bien elle qui est défendue par les plus illustres défenseurs de Lynch. Et c'est là où, parce qu'Inland Empire a complètement reconfiguré mon rapport à ce cinéma, j'en viens à me dire que c'est moi qui, pendant très longtemps, me suis d'une certaine manière fourvoyé. Le Lynch que j'aimais, ce n'était pas le "vrai" Lynch, c'était un Lynch que je m'étais inventé. Plus de détails dans ma réponse à Truffaut Chocolat.
Ceux qui donnent des opinions tranchées ont souvent plus d'audience que ceux pratiquant la nuance. Et beaucoup de personnes seront davantage à la recherche d'explications à une énigme, que preneurs d'un point de vue mettant en avant l'émotionnel et la chaleur humaine...

Et je persiste: l'audience d'une opinion n'en fait pas une vérité. Pendant longtemps, beaucoup pensaient que le Soleil tournait autour de la Terre (et même que celle-ci était plate...). Alors si l'opinion majoritaire peut se fourvoyer même en matière de science, qu'en est-il en matière d'art...

Thaddeus a écrit : 20 janv. 25, 17:58Mais je suis totalement d'accord avec cela. Inland Empire, c'est le Lynch le plus pur, le plus absolu, le plus libre. Du Lynch sans filtre, qui opère sans contrainte de production à tous les niveaux de conception. Or c'est un film que je déteste. Conclusion ? Elle est évidente : au fond, je n'aime pas vraiment Lynch. Et il m'a fallu ce film pour me dessiller les yeux. Michel Chion, qui n’est pas n’importe qui puisqu’il est un des grands spécialistes français du réalisateur, n’est pas par hasard un énorme fan d’Inland Empire, qu’il considère comme son chef-d’œuvre. Je me permets d’ailleurs de le citer à ce sujet, parce que je pense que toute la clé est là : "Le film non-glamour de Lynch, après le malentendu du succès de Mullholland Drive lié à l'image "glamour" de cette oeuvre, est un magnifique rétablissement de sa vérité d'artiste." Tout est dit : le rétablissement de sa vérité d’artiste. Il explique ici que Mulholland Drive était un malentendu, et que le vrai Lynch figure dans Inland Empire. C’est exactement ce que je pense aussi, et c’est pourquoi j'ai suivi un tel parcours. C'est aussi pourquoi aussi j'ai eu l'impression d'avoir été "trahi", après l'avoir défendu pendant si longtemps. Comme si ce dernier long-métrage me disait : tout ce que j'ai fait avant, c'était du toc, du faux, de l'attrape-nigaud. L'émotion ? L'humanité ? Le romantisme ? C'était du maquillage pour appâter le gogo. La vraie personnalité de Lynch, elle s'exprime ici, dans Inland Empire.
Je ne réduirais pas Lynch à une seule dimension... de mon point de vue, il y en a plusieurs, et deux des extrêmes pourraient en effet bien être The Straight Story et Inland Empire. Mais aucun des deux n'est le plus "absolu" des deux... ou plutôt, ces deux là sont aussi purs, aussi absolus l'un que l'autre - sur ces deux dimensions lynchiennes. Et quand on souhaite une synthèse... on tombe plutôt sur Mulholland Drive par exemple (ou sur Twin Peaks: The Return - dans son intégralité, car certains épisodes vont vers un extrême).

A ma connaissance, après Dune, Lynch a toujours eu le contrôle artistique de ses oeuvres. Et s'il a fait The Straight Story, ce n'est pas pour plaire au grand public ou renflouer ses caisses...

Et ma conclusion, ça serait que le malentendu, ce sont ceux qui éjectent de son corpus les oeuvres qui vont à l'encontre de leur propre lecture (c'est bien trop facile d'étiqueter ainsi ce qui contredit violemment une démonstration).

Kiké a écrit : 20 janv. 25, 18:43Sinon, pour remettre une pièce dans la machine : et si les cinéastes appartenaient à tout le monde? Chaque spectateur pourrait se les réapproprier, et ce n'est pas parce qu'on ressent X d'une manière bien différente des critiques institutionnalisés que l'on est pas sincèrement Xien.
C'est exactement ce que je pense. Et ce d'autant plus quand un cinéaste s'est obstinément refusé, durant toute sa carrière, à expliquer ses films.

Barry Egan a écrit : 20 janv. 25, 19:14Quelque part, la filmo de Lynch suit le vieillissement de l'homme. Un père confronté à un enfant qu'il a eu sans le souhaiter vraiment (c'est ce qui ressort de ce qu'il dit quand il parle de l'époque d'"Eraserhead"), un intuitif qui accepte des commandes (les deux films suivants, une bonne intuition, une mauvaise qui s'avère être une expérience nécessaire), un puceau ("Blue Velvet" c'est pas autre chose que l'histoire d'un gamin qui va prendre des risques pour coucher), un fan de rock et de sexe, un interrogateur des pulsions, un amoureux des femmes (tout ce qu'il y a entre "Twin Peaks" et "Mulholland Drive"), un homme mourant ("Inland Empire", "The Return"). Les rêves et les cauchemars là-dedans, c'est pas autre chose que la réalité. L'œuvre est d'une grande cohérence parce qu'elle suit le cheminement basique de quelqu'un qui va du berceau à la tombe, qui est confronté au mal, à l'érosion de l'amour et à la mort, mais qui sans renier sa nostalgie s'est toujours confronté à la matière brute. Lynch pour moi dans ce qu'il raconte est le contraire d'un rêveur. C'est dans ce qu'il fait qu'il est un rêveur, c'est-à-dire un créateur.
Mais The Straight Story est tourné avant Mulholland Drive... alors que dans ta chronologie de parcours, il serait plutôt un film d' "homme mourant", non?

Watkinssien a écrit : 20 janv. 25, 22:58
sebamas a écrit : 20 janv. 25, 21:43 Quand mon réalisateur fétiche parle de mon autre réalisateur préféré
Je n'avais jamais vu cette réaction de Lynch. On sent cette sensibilité et cette humanité qu'il retranscrivait souvent brillamment quand il s'agissait de produire des moments émouvants dans son propre cinéma.

Je me souviens de cette interview avec Mark Cousins et à la fin, ce dernier lui propose de revoir la toute fin de The Elephant Man et ce que je trouve fascinant, c'est le visage de Lynch regardant cet extrait. On sent qu'il est fier de cette fin et des émotions qu'elle puisse procurer, et surtout que cela l'émeut encore sincèrement lui-même.
Ceci met une pièce (de plus) dans la thèse d'un Lynch plein d'émotion et d'humanité - en plus des autres dimensions, car il me semblait bien trop conscient des dimensions contradictoires de l'homme pour pouvoir ne montrer qu'un monde idéalisé.
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Truffaut Chocolat
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Re: David Lynch (1946-2025)

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Barry Egan a écrit : 20 janv. 25, 21:59
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Ed et Norma, c'était sensationnel, le ciel bleu et Otis Redding... le meilleur de toute la série entière...
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Pas mieux. :)
Alexandre Angel a écrit : 20 janv. 25, 18:27
Thaddeus a écrit : 20 janv. 25, 17:58 Des intérieurs sombres, des mines renfrognées, aucune lumière, aucune humanité, aucune sensibilité (du moins, celle que j'aimais chez le cinéaste) et tous les poncifs lynchiens qui s'enchaînent comme dans une case de bingo. Bref, Inland Empire bis.
Là, alors que je ne voulais pas insister, je suis obligé d'intervenir.
Sur ce diagnostic préventif (une fois passé le second épisode), j'ai le sentiment te concernant d'un énorme malentendu voire fourvoiement. Il n'est pas possible que tu tires cette conclusion sans être allé plus loin parce je peux te jurer que si ça avait été ce que tu projettes, j'aurais aussi lâché l'affaire très vite et je n'aime pas du tout INLAND EMPIRE.
Twin Peaks The Return est hugolien (j'utilise, tu l'auras compris, le qualificatif à dessein), épique, poilant , tragique, dur, ludique, ésotérique, expérimental et dingue, par moments. Bref tout est là qui ne correspond pas à ce que tu imagines.
Je vais m'y remettre incessamment (ces discussions vont accélérer le processus) avec une petite appréhension toutefois : celle que ça me plaise moins comme si je m'étais monté la tête il y a 6 ans. C'est Toujours possible.

Mais c'est réellement vibrant et étonnant de chaleur humaine, lumineux et surtout, étonnamment non redondant par rapport à ce qu'on connaissait de l'artiste.

EDIT je t'ai mieux relu et il est vrai que tu ne parles que des deux premiers épisodes (j'avais l'impression que tu "projetais").
Alors froideur oui (pour ces deux premiers épisodes, de ce que je m'en souviens) mais outre le fait qu'il ne m'ont pas semblé du tout reproduire l'esthétique d'INLAND, c'est par la suite que tout prend d'incroyables directions, proposant de tout dans une coulée où l'on se sent transbahuté de surprises en surprises, de la sidération à l'agacement (ces installations arty à l'esthétique discutable -sans rapport aucun avec INLAND) puis à la stupéfaction et par instants qui te tombent dessus sans crier gare, à l'exaltation. Et cette conclusion, si elle ne fait pas se dresser les poils, c'est bien le Diable.
Pas mieux.
Demi-Lune a écrit : 20 janv. 25, 21:51
Alexandre Angel a écrit : 20 janv. 25, 18:27
Là, alors que je ne voulais pas insister, je suis obligé d'intervenir.
Sur ce diagnostic préventif (une fois passé le second épisode), j'ai le sentiment te concernant d'un énorme malentendu voire fourvoiement. Il n'est pas possible que tu tires cette conclusion sans être allé plus loin parce je peux te jurer que si ça avait été ce que tu projettes, j'aurais aussi lâché l'affaire très vite et je n'aime pas du tout INLAND EMPIRE.
Twin Peaks The Return est hugolien (j'utilise, tu l'auras compris, le qualificatif à dessein), épique, poilant , tragique, dur, ludique, ésotérique, expérimental et dingue, par moments. Bref tout est là qui ne correspond pas à ce que tu imagines.
Je vais m'y remettre incessamment (ces discussions vont accélérer le processus) avec une petite appréhension toutefois : celle que ça me plaise moins comme si je m'étais monté la tête il y a 6 ans. C'est toujours possible.

Mais c'est réellement vibrant et étonnant de chaleur humaine, lumineux et surtout, étonnamment non redondant par rapport à ce qu'on connaissait de l'artiste.
Bien d'accord, même si je doute que cela change quoi que ce soit dans le rejet de Thaddeus. Ce serait mentir de dire qu'il n'y a pas Inland Empire qui soit passé par là par moments, mais il y a aussi et surtout le Lynch qui chérit ses personnages, le moindre de ses personnages, même les plus glauques ou gaguesques (les deux frères mafieux et Candy, par exemple). Je ne trouve pas la frontière entre un Twin Peaks : The Return et un A straight story si épaisse de ce point de vue, la galerie vertigineuse de personnages est croquée avec une empathie débordante qui n'exclue pas l'ironie, et le passage du temps donne lieu à des scènes vraiment poignantes dont le souvenir est chez moi aussi vif et cher que les séquences les plus immédiatement sidérantes sur le plan formel. La scène des adieux avec Naomi Watts et le gosse par exemple, ça m'a fait pleurer à chaudes larmes quand j'ai découvert l'épisode, c'est le Lynch déchirant des grandes heures, avec Badalamenti en embuscade. Et je trouve moi aussi impossible de tirer un constat de désinvestissement émotionnel quand tu vois le sort réservé à l'un des personnages emblématiques, auquel on parvient au bout du voyage, comme un sésame que l'on déverrouille - l'une des séquences de décrochage de mâchoire les plus cataclysmiques, sur le plan émotionnel, que j'ai expérimenté dans toute ma vie de spectateur ever, j'en ai des frissons rien qu'en y repensant. Un véritable acte de foi, une preuve d'amour absolu dont il est bien difficile de parler sans rentrer dans des spoilers bien cash.

Twin Peaks : The Return est pour moi une œuvre totale (et accessoirement la plus belle sortie, a posteriori, que je connaisse d'un cinéaste avec Eyes wide shut) parce qu'elle synthétise toutes les facettes de Lynch en tant qu'auteur et artiste. L'humaniste, le sentimental, le rigolard, l'anxieux, le tourmenté, l'expérimental, tout. C'est un legs somme, mais pas de quelqu'un qui regarde dans le rétroviseur et se prend de nostalgie pour ce qu'il a fait et en rejoue les gammes pour un dernier tour de piste - le legs de quelqu'un qui accomplit une sorte d'odyssée intérieure (c'est pas pour rien que Gordon Cole y a un rôle beaucoup plus central et que le ton y est parfois crépusculaire - même en 2017, il y avait pour moi quelque chose d'assez bouleversant de voir ce Lynch âgé enquêter une dernière fois et dont on pouvait craindre symboliquement qu'il arrive quelque chose de violent à son personnage) pour convoquer toutes les forces ayant irrigué ses précédents films en vue d'aboutir sur une transfiguration de son art. Lynch y a mis toutes ses tripes, il ne fait aucun compromis, et il y en a pour tous les goûts, c'est ça qui est génial. Cela en fait un espèce de rollercoaster (le parallèle peut être rude, je reconnais) de fulgurances absolument sidérantes, de moments de flottement voire d'égarement, puis de reprise de volant de mains fermes, avec des accélérations de rythme, des échappées, des virages sans cesse stimulants et créatifs. Les deux derniers épisodes, c'est au-delà des mots dans le courage artistique que cela requiert - et comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, ça m'a terrassé pour des années, moi qui pensais avoir à peu près tout vu et être revenu de tout. Mais encore une fois, ce qui sous-tend tout ça, ce qui soude et solidifie l'ensemble, ce qui transcende les visions surréalistes et rend captif même quand la langueur engourdit certains épisodes ou que le sens immédiat de certaines séquences nous échappe, c'est - pardon pour la formule à la con - le cœur qui est à l'ouvrage, l'amour presque naïf (ou idéaliste, si vous préférez) pour ces pauvres hères qui se dépatouillent dans leurs vies du mieux qu'ils peuvent. Beaucoup de gens diront probablement que leur moment favori de la saison est l'épisode complètement dingue en noir et blanc ("Got a light?"), antichambre secrète "éraserheadienne" que l'on entrouvre comme on capterait une fréquence interdite de Vidéodrome. Des moments inoubliables, il y en a légion, c'est certain. Mais dans le fond, y a-t-il quelque chose de plus pénétrant, de plus obsédant, de plus réconfortant, que les retrouvailles tant attendues entre certains personnages à la toute fin ?
Pas mieux.
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Re: David Lynch (1946-2025)

Message par Thaddeus »

Alexandre, Demi-Lune, je prends bien acte des panégyriques que vous adressez à la troisième saison de Twin Peaks. Si je me laissais aller à mon esprit taquin, je vous demanderais comment est résolue la contradiction voulant d'une part que c'est "étonnamment non redondant par rapport à ce qu'on connaissait de l'artiste", et d'autre part "qu'elle synthétise toutes les facettes de Lynch". L'argument de l'oeuvre-somme, c'est précisément ce qui fait naître ma suspicion, car s'il y a bien une chose que j'aurais aimé vivre devant elle, c'est la sentiment de voir l'artiste tenter des choses nouvelles, sortir de sa zone de confort, ne pas "faire du Lynch" à base de "We live inside a dream" et autres mantras-items. Quoi qu'il en soit, c'est une saison qui semble très clivante : entre vos louanges d'une part et les franches réserves d'El Dadal, Zelda Zonk ou tchi-tcha d'autre part, le fossé est là.
Demi-Lune a écrit : 20 janv. 25, 21:51Twin Peaks : The Return est pour moi la plus belle sortie, a posteriori, que je connaisse d'un cinéaste avec Eyes wide shut
Tu le mets au-dessus de Leone et Il était une fois en Amérique, par exemple ?

Une chose est sûre : on observe la convergence thématique des nouveaux avatars depuis quelques jours (Doppler, Demi-Lune, tchi-tcha, Dunn, Coxwell).

Et pour finir, quelques vidéos publiées ces derniers jours par la SAG-AFTRA Foundation, où quelques acteurs/trices lynchie(ne)s emblématiques évoquent leur travail avec le cinéaste :




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Re: David Lynch (1946-2025)

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Goret a écrit : 21 janv. 25, 01:36Mais The Straight Story est tourné avant Mulholland Drive... alors que dans ta chronologie de parcours, il serait plutôt un film d' "homme mourant", non?
C'est le film d'un homme qui parvient au seuil de la vieillesse et qui s'imagine dans la peau d'un adorable vieillard (qu'il n'est pas vraiment devenu - comme je l'écrivais il y a des années, j'aurais aimé voir Lynch prendre un virage classique après "Mulholland Drive" plutôt que faire cet "Inland Empire" moche esthétiquement et creuser la part classique de son cinéma - mais peut-être que certains auraient hurlé "vendu !" - de ce point de vue-là, "Twin Peaks : The Return" était rassurant au niveau de sa cinématographie, j'avais peur d'un truc en basse résolution comme "Inland" et la série incluait assez de moments "humanistes" pour rester intéressante tout du long - Thaddeus, tu devrais au moins regarder un épisode avec MacLachlan en Dougie :fiou: ).

Après, il n'y a pas forcément d'ordre. Le puceau de "Blue Velvet" est présenté après le père malgré lui d'"Eraserhead". S'il y avait un ordre strict, on ne serait pas chez David Lynch :wink:
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Re: David Lynch (1946-2025)

Message par Truffaut Chocolat »

Thaddeus a écrit : 21 janv. 25, 19:23 Alexandre, Demi-Lune, je prends bien acte des panégyriques que vous adressez à la troisième saison de Twin Peaks. Si je me laissais aller à mon esprit taquin, je vous demanderais comment est résolue la contradiction voulant d'une part que c'est "étonnamment non redondant par rapport à ce qu'on connaissait de l'artiste", et d'autre part "qu'elle synthétise toutes les facettes de Lynch". L'argument de l'oeuvre-somme, c'est précisément ce qui fait naître ma suspicion, car s'il y a bien une chose que j'aurais aimé vivre devant elle, c'est la sentiment de voir l'artiste tenter des choses nouvelles, sortir de sa zone de confort, ne pas "faire du Lynch" à base de "We live inside a dream" et autres mantras-items. Quoi qu'il en soit, c'est une saison qui semble très clivante : entre vos louanges d'une part et les franches réserves d'El Dadal, Zelda Zonk ou tchi-tcha d'autre part, le fossé est là.
Une chose est sûre : on observe la convergence thématique des nouveaux avatars depuis quelques jours (Doppler, Demi-Lune, tchi-tcha, Dunn, Coxwell).
Tenter de nouvelles choses au pluriel, je m'engagerais pas sur ce terrain-là. :o

Par contre, oui, je ne l'avais jamais vu prendre autant son temps à mettre les choses en place. Sur le plan de la mise en scène et surtout du récit. Il pose une brique ici, une autre là, ça se noue, ça converge, ça s'accélère jusqu'à ce que tout explose. Et j'ai même envie de dire que le plus impressionnant c'est pas l'explosion mais ce qui suit. C'est l'après big-bang. Côté émotionnel, tout ce qui a été construit depuis plus de 25 ans prend une autre dimension. Et c'est déchirant. C'est un truc de grand roman.

Oui, il y a Toujours le "we live inside a dream" mais non, esthétiquement cela n'a rien à voir avec Inland Empire ni avec le Twin Peaks d'antan d'ailleurs. En 2 épisodes tu as eu le temps de le constater. :mrgreen:
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Alexandre Angel
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Re: David Lynch (1946-2025)

Message par Alexandre Angel »

Truffaut Chocolat a écrit : 21 janv. 25, 20:56 En 2 épisodes tu as eu le temps de le constater. :mrgreen:
J'ai commencé de tout revoir et non, c'est même pas deux épisodes. Si Thad' s'est arrêté au moment où Hastings dit à sa femme qu'il a rêvé, il a vu un épisode et les premières minutes du second.
Et je confirme pour Thaddeus qu'on ne sait pas du tout où on va (sauf que je le sais) et que ça peut paraître aride, froid, atone, au premier abord.
Et je confirme à ton endroit, Truffaut, que, dans mon souvenir, c'est tout à fait ce que tu dis : comme un sentiment d'une brique posée ici, une autre là, et que insensiblement tout s'emballe. C'est ça que j'avais aimé, cette l'impression d'une liberté totale à l'intérieur d'un format sur lequel Lynch régnait sans aucune interférence.
Le risque était le trop-plein auquel il succombe ici ou là, et que j'appréhende quelque peu de plus ressentir qu'au moment de la découverte. Mais ne serait-ce que l'idée que Lynch avait réalisé 18 épisodes (déjà ce chiffre de 18!), cela accréditait d'avance, pour moi, que le résultat ne pouvait manquer d'ampleur.
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Thaddeus
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Re: David Lynch (1946-2025)

Message par Thaddeus »

Alexandre Angel a écrit : 21 janv. 25, 21:09J'ai commencé de tout revoir et non, c'est même pas deux épisodes. Si Thad' s'est arrêté au moment où Hastings dit à sa femme qu'il a rêvé, il a vu un épisode et les premières minutes du second.
Ah c'est possible. C'est dire à quel point le temps m'a paru long ! :lol:
Et dire que le temps que va te prendre la révision de tout cela, tu pourrais l'occuper à revoir les meilleurs films du cinéaste... :? (je sais, chacun fait ce qu'il veut sans avoir à se justifier)
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Alexandre Angel
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Re: David Lynch (1946-2025)

Message par Alexandre Angel »

Thaddeus a écrit : 21 janv. 25, 21:22 (je sais, chacun fait ce qu'il veut sans avoir à se justifier)
Merci, tu es magnanime :lol:
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Coxwell
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Re: David Lynch (1946-2025)

Message par Coxwell »

Thaddeus a écrit : 21 janv. 25, 19:23 Alexandre, Demi-Lune, je prends bien acte des panégyriques que vous adressez à la troisième saison de Twin Peaks. Si je me laissais aller à mon esprit taquin, je vous demanderais comment est résolue la contradiction voulant d'une part que c'est "étonnamment non redondant par rapport à ce qu'on connaissait de l'artiste", et d'autre part "qu'elle synthétise toutes les facettes de Lynch". L'argument de l'oeuvre-somme, c'est précisément ce qui fait naître ma suspicion, car s'il y a bien une chose que j'aurais aimé vivre devant elle, c'est la sentiment de voir l'artiste tenter des choses nouvelles, sortir de sa zone de confort, ne pas "faire du Lynch" à base de "We live inside a dream" et autres mantras-items. Quoi qu'il en soit, c'est une saison qui semble très clivante : entre vos louanges d'une part et les franches réserves d'El Dadal, Zelda Zonk ou tchi-tcha d'autre part, le fossé est là.
Demi-Lune a écrit : 20 janv. 25, 21:51Twin Peaks : The Return est pour moi la plus belle sortie, a posteriori, que je connaisse d'un cinéaste avec Eyes wide shut
Tu le mets au-dessus de Leone et Il était une fois en Amérique, par exemple ?

Une chose est sûre : on observe la convergence thématique des nouveaux avatars depuis quelques jours (Doppler, Demi-Lune, tchi-tcha, Dunn, Coxwell).
J’ai cet avatar depuis 2005 :idea:
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Re: David Lynch (1946-2025)

Message par ziterk2 »

Sortie sur Netflix en 2020, bien que tourné quelques années plus tôt, il y avait eu le court-métrage What Did Jack Do?

Je garde en souvenir une très belle surprise, un peu arrivée de nulle part. David Lynch en détective y conduit un interrogatoire face à un petit singe, dans un noir et blanc et un cadre épuré, rappelant vaguement Eraserhead.
Le ton y était assez amusant, avec des envolées profondément graves, mélancoliques, et touchantes. Ces émotions presque réconfortantes, que seul Lynch savait nous offrir.

Je pensais alors qu’il serait avec nous pour encore de longues années, immuable…

Impossible de ne pas penser que le décès d’Angelo Badalamenti avait dû durement l’affecter.

Quel chagrin. :(
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Re: David Lynch (1946-2025)

Message par Dunn »

Mets un avatar de Lynch, ça ira (un peu) mieux.
Elever des enfants c'est comme ranger sa collection de films : c'est pas comme on voudrait mais c'est bien quand même.
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