Et que dire de ses errances et aberrations historicisantes ? L'historien du cinéma qu'il est devrait être précautionneux quand il aborde l'Histoire et les sciences politiques.cinephage a écrit : ↑30 janv. 24, 10:59 Là notion de bouillie visuelle est indéniablement un marqueur d'age, et ne rend clairement pas justice aux équipes de VFX qui ont travaillé sur les divers films évoqués avec légèreté par Thoret. C'est assez regrettable, mais il est clair qu'il n'a pas les outils esthétiques ou théoriques pour parler intelligemment de ces films, réduits à une masse anonyme de "bouillie numérique". Une attitude que je comprends chez un forumeur ou un camarade en cinéphilie, pas vraiment chez un critique de cinéma (je persiste à être fan du bonhomme, mais en termes de pertinence il parle du cinéma d'aujourd'hui comme Tulard de la Nouvelle Vague...).
Jean-Baptiste Thoret
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Re: Jean-Baptiste Thoret
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Re: Jean-Baptiste Thoret
tenia a écrit : ↑29 janv. 24, 22:04 Perso, je crois que je me suis arrêté à sa remarque sur Shin Godzilla, "quitte à reformer l'Axe avec l'Allemagne", digne d'un mauvais bon mot sensationnaliste à la Neuhoff, approximatif au possible sur ce qui n'est du reste qu'un détail total au sein du film de 2h (la preuve : Thoret oublie le passage avec la France, qui a pourtant à peu près la même utilité que l'Allemagne).
En effet.
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Re: Jean-Baptiste Thoret
Le documentaire sur Michael Cimino, dans sa version courte (et non approuvée par Thoret) est visible ici ;
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Re: Jean-Baptiste Thoret
N'ayant pas vu Shin Godzilla, je me permets néanmoins de revenir sur ce point de la critique de Jean-Baptiste Thoret afin d'apporter un éclairage quant au (co)réalisateur Hideaki Anno.Jean-Baptiste Thoret a écrit :Shin Godzilla (2017)
4. Par sa nostalgie assumée d'un retour du Japon à une époque d'avant la seconde guerre mondiale. Haro sur les USA bien sûr, nécessité de retrouver sa souveraineté à tous prix, quitte
à reformer l'Axe à l'Allemagne.
Tout d'abord, il est indiqué ici qu'Anno est originaire de la préfecture de Yamaguchi, bastion conservateur, correspondant à l'ancien domaine du clan Chôshû, qui a partagé les principales responsabilités militaires jusqu'en 1945.
Ensuite, son film préféré, qu'il a visionné une centaine de fois (et qui a inspiré une séquence de The End of Evangelion), est La Bataille d'Okinawa de Kihachi Okamoto, dans lequel ce sont les soldats américains qui sont représentés comme le sont habituellement les troupes allemandes dans les films (occidentaux) de la Seconde Guerre mondiale : des hordes anonymes, sans visage, venues tuer les protagonistes. Les civils japonais s'y suicident également allègrement, par pur patriotisme.
En outre, Anno n'a par ailleurs jamais dissimulé en interview son anti-américanisme. Cf. extraits ci-dessous (sous balise spoiler en raison de la taille) :
- Spoiler (cliquez pour afficher)
La critique d'In These Times note également le caractère nationaliste de Shin Godzilla.Gwern.net a écrit :If the JSDF is treated with kid gloves and can do no wrong in Shin Godzilla, that probably says less about any conditions that the JSDF imposed in exchange for assisting filming (a universal practice of the American military in cooperating with Hollywood) or Prime Minister Abe or amending the Japanese constitution than about the fact that Anno is a military hardware fanboy and thinks military hardware is really cool—indeed, one of Anno’s most obscure works is a 1999 documentary film about the JSDF navy. And if Gainaxers are described as having right-wing nationalistic politics with imperialist dog-whistles14, the impression I’ve always gotten in compiling NGE-related material like the The Notenki Memoirs or “The Conscience of the Otaking” or Anno talking about his love of the movie The Battle of Okinawa is that this greatly oversells the depth of their convictions: really, it is just that such topics and the imperial military esthetic allow for lots of battles and look really cool. While Anno indulges in some of the casual anti-Americanism which he also displays in works like his interviews with high school kids (research for His and Her Circumstances), Shin is not that harsh, for who has cooler toys than the US military?
The cardinal sin of a successful Don Quijote liberal democracy is that it is so boring, a boredom only occasionally relieved by a natural disaster. This is a perennial problem with the Nazis too: they look too cool, but while liking the Nazis too much is dangerous in the West where they have become the definition of evil, post-war Japan never rejected pre-war Japan (a failure of reckoning assisted by creating a cult of victimhood around the atomic bombings—particularly relevant given that we’re talking about Godzilla here…), so it works fine for Gainax. As it happens, this casual mix of populist anti-Americanism & victimhood appears particularly appealing to the Japanese public now, both in 2016 and in the ongoing bizarrely self-destructive feud between the South Korean & Japanese governments where mutual narratives of victimhood have resurged at a bad time (truly, tertius gaudens). You might wonder how the Japanese could feel victimized by South Korea, given the relevant history, but they’ll manage it anyway.
Certes, et c'est bien expliqué dans le documentaire Japon : la fin du pacifisme ?, la Constitution japonaise d'après-guerre a été écrite par les Américains, qui ont imposé aux Japonais un pacifisme d'Etat et la perte de leur armée. Progressivement, des entorses y ont été faites (création des forces d'auto-défense japonaises, intervention de celles-ci à l'étranger, ...). Actuellement, le Japon se trouve flanqué de voisins autoritaires (Russie, Chine, Corée du Nord)et constitue avec d'autres pays asiatiques alliés des Américains (Corée du Sud, Thaïlande, Philippines, ...) une ligne de défense les séparant des USA. Les politiciens japonais conservateurs y voient là l'occasion de réformer la Constitution, arguant entre autres que si Taïwan (qui risque de se faire envahir par la Chine) est l'équivalent de l'Ukraine, alors le Japon est la Pologne.
Néanmoins, comme mentionné supra dans la critique de Shin Godzilla de Gwern.net, il n'y a pas vraiment eu de travail de mémoire au Pays du Soleil-Levant quant aux crimes de guerre nippons commis durant la Seconde Guerre mondiale... Voir, par exemple, les tweets polémiques de 2019 de Yoshiyuki Sadamoto (character designer de Nadia, le secret de l'eau bleue et d'Evangelion, séries réalisées par... Hideaki Anno) concernant une statue coréenne de "femme de réconfort". (Il paraît néanmoins qu'Anno s'est distancié de Sadamoto suite à ces tweets ou, en tout cas, ne l'a plus mis en avant concernant le dernier film Evangelion).
Pour conclure, ceci pour dire que ce point de la critique de Thoret, peut-être exagéré, n'est pas grotesque au vu de tout ce qui précède.
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Re: Jean-Baptiste Thoret
Oui... enfin le film s'attache aux stratégies mises en places pour la défense d'Okinawa - et à leurs défaillances générant des pertes humaines colossales - du strict point de vue des populations civiles ("boucliers humains au service de l'Empereur"), volontaires et incorporées de force, et bien entendu militaires : il est assez logique que l'ennemi américain, perçu comme une masse déferlante, ne porte pas de véritable visage. Et quand Kaneto Shindô et Kihachi Okamoto exposent un maelstrom de sacrifices en tous genres (civils et militaires donc) dans le cadre de la conquête de l'île par les américains, quand ils enregistrent la mise à mort d'un enfant par son père au sabre, quand ils témoignent des suicides collectifs à la grenade au cri des "Banzaï, longue vie à l'empereur !", c'est pour interroger le conditionnement du peuple japonais à mourir dans l'honneur, pour démonter la tautologie de la représentation officielle, en aucun cas pour commémorer ni encore moins exalter la fibre patriotique. Il suffit pour s'en convaincre de lire toute l'horreur graphique déployée à l'image pour observer les spasmes des survivants, hagards et estropiés, se mettant mutuellement à mort les uns après les autres pour abréger leurs souffrances. Rien, strictement rien dans l'écriture ou la mise en scène - et certainement pas les plans finaux sur la gamine rescapée - ne peut un seul instant entraîner le spectateur sur la piste de l'adhésion au culte impérialiste.Spike a écrit : ↑4 avr. 24, 16:14.
Ensuite, son film préféré, qu'il a visionné une centaine de fois (et qui a inspiré une séquence de The End of Evangelion), est La Bataille d'Okinawa de Kihachi Okamoto, dans lequel ce sont les soldats américains qui sont représentés comme le sont habituellement les troupes allemandes dans les films (occidentaux) de la Seconde Guerre mondiale : des hordes anonymes, sans visage, venues tuer les protagonistes. Les civils japonais s'y suicident également allègrement, par pur patriotisme.
Je n'ai pas vu Shin Godzilla, je n'ai pas la moindre idée de ce que peut être le positionnement idéologique de Hideaki Anno. Mais je ne vois pas en quoi le fait qu'il s'agisse de son film de chevet pourrait être retenu comme élément à charge dans un quelconque procès idéologique. Il dit aussi d'ailleurs, que Okamoto est sans doute son réalisateur favori. Soit.
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Re: Jean-Baptiste Thoret
Il ne s'agit pas d'un "procès idéologique" de Hideaki Anno : je revenais simplement sur le point suivant de la critique de Shin Godzilla par J.-B. Thoret :
Point qui avait occasioné (par exemple) les réactions suivantes sur ce forum :Jean-Baptiste Thoret a écrit :Shin Godzilla (2017)
4. Par sa nostalgie assumée d'un retour du Japon à une époque d'avant la seconde guerre mondiale. Haro sur les USA bien sûr, nécessité de retrouver sa souveraineté à tous prix, quitte
à reformer l'Axe à l'Allemagne.
tenia a écrit : ↑30 janv. 24, 11:15 Son point #3 est très surprenant aussi : questionner les limites des rouages démocratiques et la sur-démultiplication des strates décisionnelles, façon loi de Parkinson, n'implique nullement de suggérer qu'il faudrait changer de système politique... mais plutôt simplement que le système démocratique dans cette forme peut être potentiellement amélioré.
Son point #4 va dans ce sens : au mieux une sur-analyse pas piquée des hannetons, au pire un non-sens complet, dont (notamment, donc) la phrase sur la reformation de l'Axe avec l'Allemagne.
J'ai donc essayé de démontrer, citations à l'appui, que cette interprétation coincidait assez bien avec des propos tenus par le (co)réalisateur (il y a plusieurs années, certes). Qu'il ne s'agissait donc pas d'une "sur-analyse pas piquée des hannetons", d'un "non-sens complet", d' "errances et d' "aberrations historicisantes".
Est-ce que tu as lu les (nombreux) extraits cités dans mon message ? Je pense qu'ils permettent déjà de se faire une petite idée sur la question.
Oui, personnellement, je me souviens par exemple du gradé interprété par Tatsuya Nakadai qui, après avoir vu celui joué par Tetsurô Tamba se faire hara-kiri et l'incitant à faire de même, réagit comme s'il se disait : "Merci, mais non merci, je préfère encore me rendre aux Américains."Beule a écrit : ↑5 avr. 24, 02:12 Et quand Kaneto Shindô et Kihachi Okamoto exposent un maelstrom de sacrifices en tous genres (civils et militaires donc) dans le cadre de la conquête de l'île par les américains, quand ils enregistrent la mise à mort d'un enfant par son père au sabre, quand ils témoignent des suicides collectifs à la grenade au cri des "Banzaï, longue vie à l'empereur !", c'est pour interroger le conditionnement du peuple japonais à mourir dans l'honneur, pour démonter la tautologie de la représentation officielle, en aucun cas pour commémorer ni encore moins exalter la fibre patriotique. (...) Rien, strictement rien dans l'écriture ou la mise en scène - et certainement pas les plans finaux sur la gamine rescapée - ne peut un seul instant entraîner le spectateur sur la piste de l'adhésion au culte impérialiste.

Néanmoins, tout le monde n'envisage pas La Bataille d'Okinawa de cette manière, apparemment :
(source)kritik der animationskraft a écrit :Battle of Okinawa runs for two and a half hours. Although praised for its realistic portrayal of the carnage of war, the actions of both the Japanese soldiers and the Okinawan civilians are strictly in keeping with traditional conservative Japanese views of the matter: Okinawans kill themselves readily and Japanese soldiers only intervene to facilitate this goal.
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Re: Jean-Baptiste Thoret
D'une part : il me semble qu'à aucun moment Thoret contextualise comme tu le fais ce qui semble apparaître dans le film à la lueur des propos tenus par le (co)réalisateur, mais semble partir du film, et juste du film (en tout cas, son texte ne le mentionne jamais).Spike a écrit : ↑5 avr. 24, 18:52Point qui avait occasioné (par exemple) les réactions suivantes sur ce forum :
tenia a écrit : ↑30 janv. 24, 11:15 Son point #3 est très surprenant aussi : questionner les limites des rouages démocratiques et la sur-démultiplication des strates décisionnelles, façon loi de Parkinson, n'implique nullement de suggérer qu'il faudrait changer de système politique... mais plutôt simplement que le système démocratique dans cette forme peut être potentiellement amélioré.
Son point #4 va dans ce sens : au mieux une sur-analyse pas piquée des hannetons, au pire un non-sens complet, dont (notamment, donc) la phrase sur la reformation de l'Axe avec l'Allemagne.J'ai donc essayé de démontrer, citations à l'appui, que cette interprétation coincidait assez bien avec des propos tenus par le (co)réalisateur (il y a plusieurs années, certes). Qu'il ne s'agissait donc pas d'une "sur-analyse pas piquée des hannetons", d'un "non-sens complet", d' "errances et d' "aberrations historicisantes".
Ensuite : on a nous aussi tenté de démontrer, à travers les éléments dans le film, comment le contenu du film tend à lui donner tort, du moins à donner à ses propos quelque chose de potentiellement excessif. On pourra, je suppose, discuter de l'aspect probablement doucement patriotique du film (comme le sont, par ex, des tas de films américains très américano-centrés, et à qui on reproche le côté "seul contre tous comme si personne d'autre n'existait"), mais quand je lis "quitte à reformer l'Axe avec l'Allemagne" : euh, y a une marge entre proposer une vision patriotique voire nationaliste des choses, et parler de revenir à être, grosso modo, des nazis participant à une guerre mondiale.
Cela prolonge mon souci avec ce qu'il extrapole à partir de la critique de l'inertie administrative d'une démocratie : est-ce que faire cette critique implique forcément de vouloir changer fondamentalement de système, et si oui, lequel ? Parce qu'il y a, tout de même, un monde entre dire "ça, ça pourrait être mieux" et dire "faudrait tout cramer et aller sur"... sur quoi d'ailleurs ? Un modèle plus autoritaire, autocratique, dictatorial ? Où le film suggère-t-il un seul instant cela ? Et si ce n'est pas ça, alors à quel autre modèle pensait Thoret ?
Donc oui, c'est ce qui ressemble pour moi à de la sur-analyse, en tout cas sur la seule base de son post (qui est suffisamment long pour supposer que si Thoret avait voulu préciser les sources de certains points, il avait la place de le faire).
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Re: Jean-Baptiste Thoret
Je n'ai malheureusement pas le temps de développer mais Tenia a déjà répondu sur l'aberration de la "reconstitution du l'Axe" (sic). Je réitère sur le fait de considérer ces explications très hasardeuses, notamment en faisant un truchement par association à propos de ces générations de Japonais (dont les auteurs dont il est question) qui, bien que sensibles à la fibre patriotique (est-ce une surprise ? ... Ils le sont tous), parfois nationalistes mais très souvent à l'écart du mouvement Nippon Kaigi (qui est moins puissant aujourd'hui sous Kishida Fumio) seraient finalement des discrets nostalgiques de Showa, des expérimentations totalitaires de Manchukuo et de l'Axe Rome-Berlin-Tokyo in fine. Ne caricaturons pas, d'autant plus que Shin Godzilla et Godzilla Minus One ne sont pas beaucoup plus que "conservateurs et traditionnels" dans leur perception du Japon et des considérations associées à la valeur sacrificielle et dépassement du peuple japonais.Spike a écrit : ↑5 avr. 24, 18:52Il ne s'agit pas d'un "procès idéologique" de Hideaki Anno : je revenais simplement sur le point suivant de la critique de Shin Godzilla par J.-B. Thoret :
Point qui avait occasioné (par exemple) les réactions suivantes sur ce forum :Jean-Baptiste Thoret a écrit :Shin Godzilla (2017)
4. Par sa nostalgie assumée d'un retour du Japon à une époque d'avant la seconde guerre mondiale. Haro sur les USA bien sûr, nécessité de retrouver sa souveraineté à tous prix, quitte
à reformer l'Axe à l'Allemagne.
tenia a écrit : ↑30 janv. 24, 11:15 Son point #3 est très surprenant aussi : questionner les limites des rouages démocratiques et la sur-démultiplication des strates décisionnelles, façon loi de Parkinson, n'implique nullement de suggérer qu'il faudrait changer de système politique... mais plutôt simplement que le système démocratique dans cette forme peut être potentiellement amélioré.
Son point #4 va dans ce sens : au mieux une sur-analyse pas piquée des hannetons, au pire un non-sens complet, dont (notamment, donc) la phrase sur la reformation de l'Axe avec l'Allemagne.J'ai donc essayé de démontrer, citations à l'appui, que cette interprétation coincidait assez bien avec des propos tenus par le (co)réalisateur (il y a plusieurs années, certes). Qu'il ne s'agissait donc pas d'une "sur-analyse pas piquée des hannetons", d'un "non-sens complet", d' "errances et d' "aberrations historicisantes".
Est-ce que tu as lu les (nombreux) extraits cités dans mon message ? Je pense qu'ils permettent déjà de se faire une petite idée sur la question.
Oui, personnellement, je me souviens par exemple du gradé interprété par Tatsuya Nakadai qui, après avoir vu celui joué par Tetsurô Tamba se faire hara-kiri et l'incitant à faire de même, réagit comme s'il se disait : "Merci, mais non merci, je préfère encore me rendre aux Américains."Beule a écrit : ↑5 avr. 24, 02:12 Et quand Kaneto Shindô et Kihachi Okamoto exposent un maelstrom de sacrifices en tous genres (civils et militaires donc) dans le cadre de la conquête de l'île par les américains, quand ils enregistrent la mise à mort d'un enfant par son père au sabre, quand ils témoignent des suicides collectifs à la grenade au cri des "Banzaï, longue vie à l'empereur !", c'est pour interroger le conditionnement du peuple japonais à mourir dans l'honneur, pour démonter la tautologie de la représentation officielle, en aucun cas pour commémorer ni encore moins exalter la fibre patriotique. (...) Rien, strictement rien dans l'écriture ou la mise en scène - et certainement pas les plans finaux sur la gamine rescapée - ne peut un seul instant entraîner le spectateur sur la piste de l'adhésion au culte impérialiste.Ou encore, les suicides collectifs de civils à la grenade que tu mentionnes sont présentés à mon sens comme des cas de fanatisme.
Néanmoins, tout le monde n'envisage pas La Bataille d'Okinawa de cette manière, apparemment :
(source)kritik der animationskraft a écrit :Battle of Okinawa runs for two and a half hours. Although praised for its realistic portrayal of the carnage of war, the actions of both the Japanese soldiers and the Okinawan civilians are strictly in keeping with traditional conservative Japanese views of the matter: Okinawans kill themselves readily and Japanese soldiers only intervene to facilitate this goal.
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Re: Jean-Baptiste Thoret
J'avais bien compris ta démarche.Spike a écrit : ↑5 avr. 24, 18:52
Il ne s'agit pas d'un "procès idéologique" de Hideaki Anno : je revenais simplement sur le point suivant de la critique de Shin Godzilla par J.-B. Thoret :
J'ai donc essayé de démontrer, citations à l'appui, que cette interprétation coincidait assez bien avec des propos tenus par le (co)réalisateur (il y a plusieurs années, certes). Qu'il ne s'agissait donc pas d'une "sur-analyse pas piquée des hannetons", d'un "non-sens complet", d' "errances et d' "aberrations historicisantes".Jean-Baptiste Thoret a écrit :Shin Godzilla (2017)
4. Par sa nostalgie assumée d'un retour du Japon à une époque d'avant la seconde guerre mondiale. Haro sur les USA bien sûr, nécessité de retrouver sa souveraineté à tous prix, quitte
à reformer l'Axe à l'Allemagne.
Il me semble évident que le quitte à reformer les alliances de l'Axe induit une forme de procès idéologique implicite de la part de Thoret. Aberrant ou pas au regard du contenu du film, je ne peux pas me prononcer dans la mesure où je ne l'ai pas vu. (Même si je n'en pense pas moins au regard de ce qu'expriment Tenia ou - très justement - Coxwell dans sa dernière intervention).
Oui, mais en diagonale. Parce que c'est très touffu d'une part

Donc oui, en l'état le portrait esquissé en creux est assez éloquent : porteur de valeurs traditionnalistes, plus que conservatrices, sans doute même assez réactionnaires (cf sa perception de l'évolution des moeurs sous influence américaine), ouvertement et farouchement anti-occidental et animé par des aspirations de souveraineté nationale (qui pourraient tout aussi bien faire lien avec les mouvements étudiants des années 60 cela dit, lesquels ne se définissaient pas par une farouche nostalgie pro-impériale). Donc, comme Coxwell, je n'y lis rien de suffisamment hors norme d'un point de vue sociétal pour permettre de le ranger à la droite de la droite parmi ceux qui révèrent la figure impériale et sont les chantres révisionnistes d'une époque heureusement révolue.
J'aurais sans doute dû formuler différemment : En étant vierge de tout apriori le concernant, je ne vois pas en quoi sa passion pour La Bataille d'Okinawa attesterait d'un quelconque positionnement politique/idéologique.
L'autre piste offerte par kritik der animationskraft me semble toute aussi gratuite du reste. Il serait né dans l'un des deux principaux bastions impérialistes historiques de la fin de l'ère Edo et dont la prééminence politique perdurera sous l'ère Taishô jusqu'à la défaite. Mais rien ne vient étayer une quelconque connivence idéologique au berceau de sa naissance, 15 ans après la fin de la guerre. Pour un peu, ça s'apparenterait à du délit de sale gueule.
C'est à peu près çaSpike a écrit : ↑5 avr. 24, 18:52Oui, personnellement, je me souviens par exemple du gradé interprété par Tatsuya Nakadai qui, après avoir vu celui joué par Tetsurô Tamba se faire hara-kiri et l'incitant à faire de même, réagit comme s'il se disait : "Merci, mais non merci, je préfère encore me rendre aux Américains."Beule a écrit : ↑5 avr. 24, 02:12 Et quand Kaneto Shindô et Kihachi Okamoto exposent un maelstrom de sacrifices en tous genres (civils et militaires donc) dans le cadre de la conquête de l'île par les américains, quand ils enregistrent la mise à mort d'un enfant par son père au sabre, quand ils témoignent des suicides collectifs à la grenade au cri des "Banzaï, longue vie à l'empereur !", c'est pour interroger le conditionnement du peuple japonais à mourir dans l'honneur, pour démonter la tautologie de la représentation officielle, en aucun cas pour commémorer ni encore moins exalter la fibre patriotique. (...) Rien, strictement rien dans l'écriture ou la mise en scène - et certainement pas les plans finaux sur la gamine rescapée - ne peut un seul instant entraîner le spectateur sur la piste de l'adhésion au culte impérialiste.Ou encore, les suicides collectifs de civils à la grenade que tu mentionnes sont présentés à mon sens comme des cas de fanatisme.

Pour autant, le film renvoie tout le monde dos-à-dos, et aussi étranger aux notions de préservation de l'honneur soit-il, le personnage de Nakadai, concepteur de la stratégie de défense de l'île (en utilisant les grottes), endosse partiellement la responsabilité des lourdes pertes civiles, qu'une attaque militaire suicidaire et frontale telle que prônée par Tamba aurait sans doute largement réduites.
Certes. Même si factuellement ce qu'il en dit est globalement vrai (parce que Japanese soldiers only intervene to facilitate this goal, c'est non seulement schématique, c'est faux - ils retiennent un group de veuves qui allaient au suicide, ils dispersent les infirmières qui voulaient se joindre à leur sacrifice dans l'honneur, etc.) c'est de mon point de vue voir le film par le petit bout de la lorgnette. C'est omettre notamment le commentaire off (du gouverneur civil ? je ne sais plus) qui à de multiples reprises s'offre en contrepoint aux images ("Arrivés au bout de leur périple, ils commirent la TRAGIQUE DÉCISION de s'en remettre au suicide" ...). C'est oublier encore la mort de ce jeune marin sur le navire bombardé dans le port (quelque chose comme "Y a-t-il quelque chose dans nos vies dont nous puissions nous montrer fiers ? La vie est trop courte, je suis trop jeune pour mourir ! Je ne comprends que trop bien désormais, la misère apportée par la mort.")Spike a écrit : ↑5 avr. 24, 18:52 Néanmoins, tout le monde n'envisage pas La Bataille d'Okinawa de cette manière, apparemment :
(source)kritik der animationskraft a écrit :Battle of Okinawa runs for two and a half hours. Although praised for its realistic portrayal of the carnage of war, the actions of both the Japanese soldiers and the Okinawan civilians are strictly in keeping with traditional conservative Japanese views of the matter: Okinawans kill themselves readily and Japanese soldiers only intervene to facilitate this goal.
Alors, oui, peut-être la lecture de Anno est-elle conforme à la sienne, mais en l'état je n'en sais rien.
Je lis qu'il aurait écrit une préface de 7 pages à l'édition LCD du film de Okamoto. J'imagine que s'il puise les motifs à sa passion pour La Bataille d'Okinawa
dans une lecture orientée/tendancieuse de l'œuvre, quelque chose de cet ordre devrait suinter au travers de cette notule. J'ai peut-être mal cherché mais je n'en ai pas trouvé trace. Juste la traduction d'échanges avec son "maître", s'articulant avant tout autour de l'architecture formelle des films.
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Re: Jean-Baptiste Thoret
Je recherche des interventions ou interviews de Thoret sur le cinéma italien.
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Re: Jean-Baptiste Thoret
Il y en a sur le site de Radio France.
https://www.radiofrance.fr/franceinter/ ... ue-4703558
https://www.radiofrance.fr/franceinter/ ... te-4224413
https://www.radiofrance.fr/franceinter/ ... ri-2283520
https://www.radiofrance.fr/franceinter/ ... to-9204501
https://www.radiofrance.fr/franceinter/ ... eo-8038552
https://www.radiofrance.fr/franceinter/ ... ue-4703558
https://www.radiofrance.fr/franceinter/ ... te-4224413
https://www.radiofrance.fr/franceinter/ ... ri-2283520
https://www.radiofrance.fr/franceinter/ ... to-9204501
https://www.radiofrance.fr/franceinter/ ... eo-8038552
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Re: Jean-Baptiste Thoret
Il y a 8 vidéos dans la playlist associée à cette intervention :
Me, I don't talk much... I just cut the hair


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Re: Jean-Baptiste Thoret
Comment je regrette qu'il fasse plus de ces conférences.
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Re: Jean-Baptiste Thoret
Oui dommage.
Merci pour les liens.
Je suis en train d'écouter les emissions "mauvais genre" DVD de 2011 dans lesquelles Thoret intervenait, et il est quand meme très bon pour communiquer son enthousiasme.
ça se trouve sur le site de radio France.
Merci pour les liens.
Je suis en train d'écouter les emissions "mauvais genre" DVD de 2011 dans lesquelles Thoret intervenait, et il est quand meme très bon pour communiquer son enthousiasme.
ça se trouve sur le site de radio France.
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Re: Jean-Baptiste Thoret
Trois interventions à la cinémathèque de Corse à propos de L'Eclipse, Il Boom et Les Jours Comptés :
https://www.youtube.com/@casadilumecine ... ery=thoret
Sur le poliziottesco au Forum des Images :
Sur Profondo Rosso :
https://www.youtube.com/@casadilumecine ... ery=thoret
Sur le poliziottesco au Forum des Images :
Sur Profondo Rosso :