Sortie en salles aujourd’hui.
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La durée exceptionnelle (4h22) de ce documentaire a de quoi décourager. Mais elle se justifie par la rigueur intellectuelle et le souci d’exhaustivité qui ont sans doute interdit au réalisateur Steve McQueen d’écarter des faits, des noms, des dates. Faire œuvre de mémoire sans jamais quitter le présent, telle est l’ambition de ce film qui sillonne en tous sens la ville d’Amsterdam aujourd’hui, en quête des traces de son occupation par les Allemands, durant la Seconde Guerre mondiale. Le film s’appuie sur le travail de l’historienne Bianca Stigter, dont les mots sont dits par une voix off. Le fil rouge consiste surtout en l’énumération et la présentation des maisons et des immeubles où des Juifs et des résistants ont vécu, se sont cachés et ont connu, pour beaucoup, des destins tragiques. Si certaines de ces habitations ont été détruites, la plupart existent encore.
Très instructif sur cette Occupation, qui fut différente de celle de Paris, le film relate des événements marquants, comme les différents actes de résistance (opérations de secours, attentats, rassemblements, grèves) dans une ville de 800 000 habitants, dont dix pour cent environ étaient juifs. Les témoins directs de cette période ayant quasiment tous disparu, reste à savoir comment continuer à transmettre.
Filmé en pleine pandémie de Covid-19
Steve McQueen choisit une approche à la fois esthétique et morale, pas si éloignée de celle de Jonathan Glazer (La Zone d’intérêt) : il part de l’habitat et de la topographie. Pointant des écarts ou des correspondances entre cette période de l’Occupation et le temps présent de la ville, soudain confrontée au couvre-feu, pour cause de pandémie de Covid, le cinéaste filme des manifestations, des fêtes, des commémorations, des gens qui travaillent et des enfants qui jouent sur la glace. Autant de faits qui rendent compte du caractère à la fois vivant, mouvant et instable de la cité. Laquelle conserve encore, dans ses fondations, des échos de la Seconde Guerre mondiale.
La vie et la mort se répondent ainsi sans cesse. Le vide et l’occupation, l’ordre et la désobéissance civile, la paix et le danger, appartiennent au passé comme au présent. Cette mosaïque humaine, cet assemblage de recherches proches de l’archéologie et de déplacements à travers la ville donnent au film sa cohérence. Et sa force : être à la fois un hommage aux persécutés et un hymne vibrant au courage.