Yi yi (Edward Yang - 2000)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Philip Marlowe
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Message par Philip Marlowe »

KENJIN:

Bon j'ai p-e été un peu méchant :lol:

Yi Yi ne m'a en fait pas semblé particulièrement lent, mais juste treeeeeees long. Ce n'était pas un ennui extrême, juste que je sentais le temps passer, et que cette impression m'est restée après la projection :wink:

Mais je trouve quand même que c un très bon film. Certaines scènes sont en effet très belles, le discours final de Yang Yang m'a en effet ému, mais pas assez pour que j'oublie le temps.

C tout.
kenjin
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Message par kenjin »

PHILIP MARLOWE:

Pas grave! Ton avatar pardonne tout! :wink:

Aahhh comment oublier le temps qui passe...
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Nicolas Mag
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Message par Nicolas Mag »

alors voilà je l'ai vu et j'ai mis un 7/10 qui ne semblait pas satisfaire tout le monde car beaucoup de ceux qui l'ont vu l'ont aimé mais le problème c'est qu'il sont très peu et je crois que si tout le monde le voit on verrait d'autres personnes y mettre des reserves.

quelqu'un evoquait le fait de voir une belle brochette de personnage et qu'on s'identifie donc plus facilement oui et non car le souci dans ce genre de film c'est de faire trop zapping à des moments ou l'on s'interessent fortement ça peut parait du coup très deroutant.

ensuite prix de la mise en scène je veux bien mais c'est quand même très destabilisant les scènes style celle filmé à travers une vitre, les plans très larges, il y a quasi que des plans fixes... quoi qu'on en pense c'est destabilisant

quelques longueurs c'est aussi vrai mais en même temps c'est aussi ce qui fait le charme du film, cette douceur, un grand film peut être mais que je n'ai pas encore reussi à appréhender totalement le temps fera peut être le reste pour arriver aux 3 points vers l'extase 8)
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MJ
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Message par MJ »

Pour moi Yi Yi n'est pas long, il est lent. Ca change tout.

On ressent le poids du temps, on se rend bien compte qu'on est pas chez Luc Besson, mais quant à moi l'ennui ne pointe pas le bout de son nez une seule fois du métrage.
Un très beau film choral, qui prend son temps et où la pudeur prime sur une quelconque maestria ou effet coup de poing. Un film qui demande un grand investissement en fait, mais dont on ne sort pas déçu quand on a su se plier à ses désirs.
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Jihl
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Re: YI YI (a one and a two) de Edward Yang

Message par Jihl »

Découvert sur le tard dans un master un peu moyen diffusé par Arte. Le film est facile d'accès (sauf peut-être le tout début, où il faut identifier les différents personnages), beaucoup plus que chez HHH par exemple. C'est un film choral, bien construit et bien dialogué, mais qui au final ne me touche que peu. Sans doute la faute à une interprétation inégale et à une mise un scène parfois démonstrative, voir lourdement symbolique. C'est dommage car certaines scènes et certains personnages sont intéressants, même si au final, je trouve que le film ne dit pas grand chose d'original. 5/10
Federico
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Re: Yi yi (Edward Yang, 2000)

Message par Federico »

Revu cette semaine et... plaisir intact. Le petit bonhomme me fait trop rire. Et toute la partie consacrée à la noce un peu foireuse m'a à nouveau rappelé celle du Garçon d'honneur de Ang Lee où un p'tit rigolo crie : "C'est culturel, tout est permis !". Ce côté bordélique et démonstratif des Chinois du Sud, un peu comme dans la comédie italienne. Bizarrement, je trouve qu'il y a un climat similaire dans un film... suisse : Mon frère se marie de Jean-Stéphane Bron (où, il est vrai, une partie des protagonistes sont vietnamiens, culturellement assez proches des Chinois).
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Re: Yi yi (Edward Yang, 2000)

Message par Billy Budd »

Ce topic permet de constater la regrettable évolution d'Arte : en 2003, Yi Yi avait été diffusé à 20 heures 40 en VOSTF, cette année, passé 22 heures et en VF.
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Re: Yi yi (Edward Yang, 2000)

Message par Federico »

Nikita a écrit :Ce topic permet de constater la regrettable évolution d'Arte : en 2003, Yi Yi avait été diffusé à 20 heures 40 en VOSTF, cette année, passé 22 heures et en VF.
Tiens, je l'ai pourtant bien vu en VOST... :shock:
Ceci dit, je suis d'accord sur la détérioration du service ciné d'Arte (de plus en plus de films en VM dont la piste théoriquement en VO reste en VF ou bien passe en version doublée allemande).
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Re: Yi yi (Edward Yang, 2000)

Message par Jihl »

Federico a écrit :
Nikita a écrit :Ce topic permet de constater la regrettable évolution d'Arte : en 2003, Yi Yi avait été diffusé à 20 heures 40 en VOSTF, cette année, passé 22 heures et en VF.
Tiens, je l'ai pourtant bien vu en VOST... :shock:
Ceci dit, je suis d'accord sur la détérioration du service ciné d'Arte (de plus en plus de films en VM dont la piste théoriquement en VO reste en VF ou bien passe en version doublée allemande).
Moi aussi, comme Federico. Peut-être une différence entre le sat et la tnt :?:
Je reçois par satellite et c'est vrai que globalement, il y a beaucoup moins de VO sur Arte :(
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Billy Budd
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Re: Yi yi (Edward Yang, 2000)

Message par Billy Budd »

Mea maxima culpa si me je me suis trompé, je n'ai pas regardé le film et me suis basé que ce qui était écrit sur le programme TV, mais, sur le fond, je maintiens ma critique de l'évolution d'Arte s'agissant de la diffusion de films.
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Re: Yi yi (Edward Yang, 2000)

Message par Supfiction »

Je voulais revoir ce film pas revu depuis sa sortie salles et je découvre qu’il n’est même plus vendu en dvd (sauf dvd d’occasion hors de prix) en France. Pas le courage de le voir en vosta.. Il n’y a plus que l’option vod sd Cinetek. A moins qu’un blu ray soit possible un jour ..
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Re: Yi yi (Edward Yang, 2000)

Message par Profondo Rosso »

Supfiction a écrit : 16 févr. 21, 10:54 Je voulais revoir ce film pas revu depuis sa sortie salles et je découvre qu’il n’est même plus vendu en dvd (sauf dvd d’occasion hors de prix) en France. Pas le courage de le voir en vosta.. Il n’y a plus que l’option vod sd Cinetek. A moins qu’un blu ray soit possible un jour ..
Je l'avais vu à 5 euros il y a 3 semaines à Gibert...
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Thaddeus
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Re: Yi yi (Edward Yang - 2000)

Message par Thaddeus »

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Un mariage et un enterrement


C’est un petit bonhomme presque anodin qu’on n’a pas vraiment le temps de distinguer au milieu de l’agitation ambiante, mais qui s’apprête à devenir le héros immense et exemplaire en qui chacun sera bientôt appelé à se reconnaître. Un mariage est célébré dans les salons luxueux d’un grand hôtel taïwanais. Le père de la famille Jian, correctement bourgeoise, nouvellement riche mais sans tapage, remonte vers sa chambre, farfouille dans sa commode et s’arrête net, perplexe : "Mais qu’est-ce que je cherche, moi ?" Cette question, tout le monde devrait se la poser en ces termes exacts. Elle est la première d’une série de problématiques que le film va formuler discrètement, humblement, en leur inventant de nouvelles issues, en élargissant toujours le champ, en réduisant les éternels renoncements à rendre compte de la complexité des êtres et des choses. Edward Yang capte une gamme extrêmement variée de sentiments et de situations universels : la nostalgie, la maladie, le désir, la peur de vieillir, la crainte de s’engager, la difficulté à communiquer, l’égoïsme, la curiosité, la culpabilité, le regret, la puissance de l’argent, l’éducation sentimentale, le mariage en délitement, l’initiation enfantine… Autant de ressorts quotidiens dont l’ensemble finit par dessiner un vaste paysage, énigmatique et splendide. Fondée sur le plan-séquence comme dispositif de capture du temps, la mise en scène développe un romanesque horizontal et presque immobile qui fait fi de toute dynamique narrative associée à la progression des péripéties. Apparaissant sous une forme chimiquement pure, elle dénote l’assomption d’un regard qui manie la détermination et l’aléa avec une finesse inouïe. "Il n’y a pas un nuage, pas un arbre qui ne soit beau, il faut l’être aussi", dit l’un des personnages. De l’art comme remède à nos maux. Yang veut y croire et en apporte la preuve éclatante en livrant une œuvre-monde, une merveilleuse polyphonie intimiste, une saga mélodramatique en creux, une fresque pointilliste qui chuchote sa considérable leçon de vie avec une patience, une pudeur, une grâce sans égales, avec une limpidité euphorisante, aussi bienfaisante que libératoire. De fait, il n’est pas exagéré de considérer Yi Yi comme l’un des cinq ou six plus grands films éclos depuis le début de ce siècle dont on ne verra pas la fin.


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Son titre même est un programme qui, en superposant deux traits dont chacun signifie "un" dans le système d’écriture chinois, désigne une juxtaposition d’histoires personnelles dont les rapports comptent moins que l’isolement définitif auquel chacun semble contraint. "Un-un" est aussi le chiffre de la modernité ayant fait la richesse mais pas forcément le bonheur de Taïwan. Il traduit métonymiquement la contradiction d’une collectivité qui ne se perçoit plus comme telle, qui a perdu ses anciens principes unificateurs et peine à en trouver de nouveaux. Si les différents motifs sont traités sous toutes les coutures, c’est leur "mise en réseau" qui intéresse le cinéaste et assure au film toute son ampleur. Car Yi Yi se présente comme une suite de liens défaits et parfois momentanément renoués, de connexions fragiles et de bugs affectifs, de pertes de mémoire vive et de procédures simultanées. L’univers y apparaît comme une donnée sans origine ni cause, qu’il s’agit moins d’expliquer que d’observer, afin de mettre en relation les composants qui le régissent tel un organisme vivant. En apparence, il a tout du classique feuilleton familial, débordant de piquante tendresse, avec banquets prétextes à engueulades et rigolades monstres, coups tordus professionnels et embrouilles sentimentales. Il s’ouvre sur une photo de famille prise un jour d’épousailles. Dans un silence gentiment dissipé, la courbe des âges ondule devant l’objectif, depuis le ventre de la femme enceinte jusqu’aux rides de l’ancêtre rêveuse. La connivence avec les habitants de la planète Yi Yi est si immédiate qu’on a d’emblée l’impression de retrouver de vieux compagnons de jeunesse. Tous ces attachants clowns tristes, animés d’une sorte de folie douce, d’une langueur drolatique, sont de grands gamins fantaisistes et taciturnes, se laissant balloter par les circonstances avec la vague certitude que les lendemains chanteront. Il y a le beau-frère jovial, plein aux as, qui laisse toujours dépasser son stylo en or de la poche de sa chemise, la mamie boudeuse qui ne dit jamais ce qui ne va pas, l’ex-fiancée vacharde avec son aigre dépit, le petit copain balourd dans son jean trop large. Et les voisins qui se disputent, et les écoliers qui rient sous cape…

De l’enfant au vieillard, de la naissance au deuil, tous les âges, tous les rites de passage, tout le nuancier des émotions figurent dans Yi Yi, suivant un mouvement qui semble calqué sur le cycle de la vie. Atomes en quête de sens, lancés dans un milieu isolé, séparé, émietté et reformulé par les impératifs de la nouvelle donne économique. Au sortir d’une ère de convulsions destructrices où ont été broyés les fondements d’une culture et d’une tradition millénaires, et qui s’est cruellement prolongée au-delà de la longue glaciation maoïste, tout est à reconstruire. C’est à Taipei que se prépare in vitro le modèle qui fera de la Chine la superpuissance du XXIème siècle et que s’expérimentent, dans un dialogue à échelle de maquette avec l’Occident capitaliste, son savoir, ses techniques et ses valeurs. En évoquant l’histoire de la famille Jian, l’auteur dépeint ainsi les amples contours d’une société tout entière. NJ, la quarantaine un peu lasse, est ingénieur en informatique et codirecteur d’une entreprise de logiciels qui s’essouffle à suivre le progrès. Centre mélancolique d’un système lunaire autour duquel gravitent les protagonistes, il semble vivre sur le mode de l’absence, comme s’il était happé par un hors-champ mystérieux. Sa fille Ting-Ting, adolescente timide, connaît ses premiers émois amoureux et éprouve une angoisse lancinante qui lui encombre l’âme. Sa femme Min-Min, dépressive, soudain confrontée au vide de son existence, cherche à se ressourcer en se cloîtrant dans un temple bouddhiste. Sa belle-mère, qu’une attaque vient de plonger dans le coma, est un pivot d’immobilité et de silence installé dans un coin de l’appartement. Elle recueille les confidences des proches qui lui parlent à tour de rôle pour essayer de la réanimer. Quant à son galopin de huit ans, Yang-Yang, c’est un irrésistible défi à l’attendrissement du spectateur le plus endurci. Véritable Buster Keaton de poche, il pose sur les adultes un regard d’espiègle sévérité, adore jeter des ballons remplis d’eau sur son maître d’école, enquiquiner les filles et protester contre l’injustice dont il est l’objet. Potache, involontairement philosophe, il photographie aussi la nuque des gens afin, explique-t-il, de leur dévoiler la moitié d’eux-mêmes qu’ils ne voient jamais. Son rapport incorruptible à la réalité implique un mimétisme innocent ainsi qu’un ensemble de tests et d’épreuves.


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Le redoublement des noms des personnages souligne les rythmes binaires qui structurent le scénario. La sphère privée répond à la sphère publique, le présent au passé (NJ rencontre son ancienne amante et tente de réinventer sa relation avec elle), le dedans oppressant (l’île, Taïwan) au dehors idéalisé (l’ailleurs, Tokyo). La vie au trépas aussi, à travers l’idée que le dialogue impossible avec la vieille dame inconsciente précipite la maturation de Yang-Yang et de sa sœur. Le cinéaste entrecroise les lignes mélodiques et ne les interrompt que pour mieux les poursuivre ailleurs, avec d’autres fils et sous d’autres coloris. Jouant fantomatiquement du plat et du profond, du lisse et du strié, des contre-jours et des surimpressions, laissant affleurer les accrocs de la narration au ras des ondes, sur une surface de verre polie et transparente, il ne cesse de faire vaciller la clarté sociologique du sujet pour y introduire une fiction plus abstraite où chacun devient un revenant hirsute exposé à la blancheur boréale des plans — cette fonction diluante de la lumière, il la partage avec Hou Hsiao-hsien. Ponts, passages cloutés, passages à niveau, bretelles d’autoroute nourrissent un admirable travail sur l’architecture du tissu urbain. Chaque recoin de Tapei semble sculpté comme une ponctuation intime, chaque surface réverbérante fait sens (baies vitrées, lavabos, meubles laqués, piscines). Lorsque Min-Min sombre en larmes derrière la fenêtre de son bureau, les phares des voitures se reflètent sur son corps secoué de spasmes. Leur trajet rectiligne suit le chemin de son aorte, et un feu rouge clignote nerveusement à l’emplacement de son cœur. Plus tard, alors que Yang-Yang dévore des yeux sa camarade de classe pendant la projection d’un film sur le climat, la fillette a le tee-shirt imprimé par les images d’orage, sa tête se découpe sur l’écran en proie au vent, au tonnerre et aux éclairs, expression involontaire de la tempête intérieure qui secoue le garçonnet dans l’obscurité de la salle. Cette ombre chinoise, l’un des plus beaux coups de foudre jamais filmés, donne autant de frissons que la porte de la chambre d’hôtel se refermant après une poignante déclaration d’amour et séparant douloureusement l’homme et la femme qui n’auront été ensemble qu’en se perdant de vue. Si Yi Yi est un film diurne, il renferme en son sein un noyau de nuit farouche.

Avec la rigueur de l’ingénieur et la sensibilité du poète, Yang saisit à vue les instants d’inattention, d’oubli, de distraction, de blocage sur lesquels se fondent souvent les malentendus. Il interroge la propagation des codes sociaux et les divers mirages d’une liberté plus caressée qu’accomplie. Tout se double, se fend, se répète, circule avec un sens de l’équilibre miraculeux, dans une sympathie profonde, une superbe communauté de soucis et d’attitudes. Ainsi, au moment où NJ retrouve Sherry et, avec elle, les gestes qui avaient accompagné la naissance de leur histoire, Ting-Ting vit de la même manière sa première fois. Les images se chevauchent et se superposent dans un montage parallèle entre Taipei et Tokyo, faisant jouer simultanément un saut dans le futur et un retour dans le passé. Nulle facilité symbolique, aucune ficelle larmoyante ne vient ternir la démarche d’un artiste qui se pose en observateur attentif, chaleureux, pétri de lucidité et de bienveillance. Enveloppés dans la ouate de la caméra, ses personnages vibrants sont comme suspendus à leur entropie de créatures sociales, donc velléitaires et craintives, raisonnablement inhibées. Ils font pourtant tous acte de foi en la vie, murmurent leurs blessures du cœur en témoignant d’une sincérité qui fait chavirer le nôtre. C’est sans résignation, mais avec sérénité, que NJ prend conscience qu’il n’y a pas de seconde chance, que l’on ne réécrit pas son destin. À la fin, la grand-mère semble s’éveiller, c’est impossible sans doute mais, pour sa petite-fille rassérénée, on la voit façonner un papillon de papier. Désormais, elle peut partir. Dans la chambre vide, le papillon est resté, venu de nulle part sinon de son absence, de son mutisme et du sommeil de l’adolescente, minuscule trace qui rappelle la fleur dont Borgès avait fait un souvenir ramené de la traversée du paradis. Quoi de plus consolant que cette preuve irréfutable et légère de l’existence des morts ? L’humanité ne se reconnaît que dans sa sollicitude réfléchie pour les autres. C’est ainsi, entre la dérision et la gravité de son expérience, l’espoir et le remords de tout un chacun, que Yang élève sa chronique taïwanaise au niveau de l’aventure spirituelle.


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nunu
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Re: Yi yi (Edward Yang - 2000)

Message par nunu »

J'ai essayé 3 fois de regarder ce film, j'ai péniblement réussi a passer la première heure une seule fois avant d'arrêter a nouveau.
« Quand des hommes, même s’ils s’ignorent, doivent se retrouver un jour, tout peut arriver à chacun d’entre eux, et ils peuvent suivre des chemins divergents, au jour dit, inexorablement, ils seront réunis dans le cercle rouge. »
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Coxwell
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Re: Yi yi (Edward Yang - 2000)

Message par Coxwell »

Thaddeus a écrit : 15 août 23, 15:19
Au sortir d’une ère de convulsions destructrices où ont été broyés les fondements d’une culture et d’une tradition millénaires, et qui s’est cruellement prolongée au-delà de la longue glaciation maoïste, tout est à reconstruire.
Qu'est-ce que ça veut dire ? Notamment la partie en gras ?
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