Je serais curieux d'avoir des avis dessus, quand tu les auras vus.
Le cinéma japonais
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Re: Le cinéma japonais
Oui bien sûr, je n'y manquerai pas !
Quand il eut passé le pont, des fantômes vinrent à sa rencontre.
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Re: Le cinéma japonais
Je n'en ai vu que trois mais sa première fiction Les Mauvais Garçons me semble une porte d'entrée idéale. Parce que si ce n'est pas réellement un docudrama il en a des faux airs et qu'à ce titre il peut être vu comme le trait d'union avec son passé de documentariste. Idéalement toutefois, je pense qu'il est bon pour en mesurer la singularité et la modernité sans fard d'avoir vu quelques uns des opus de la vague de films qui le précèdent sur le thème de la jeunesse délinquante et / ou les maisons de redressement (ceux d'Oshima et de la nouvelle vague au sens large - Kurahara, Suzuki - mais surtout ceux des précurseurs à partir du milieu des années 50: Kinoshita, Ichikawa, Imai...).
Premier amour, version infernale est dans la droite ligne de ces recherches mais sa radicalité formelle et narrative comme la complexité sociologique dont il rend compte en font sans doute aussi un objet cinématographique un peu plus hermétique.
Elle et lui est remarquable. L'humanisme de l'auteur y affleure secrètement pour venir tempérer autant que faire se peut, via le personnage de Sachiko Hidari, un regard accablant porté sur la société japonaise dans sa bascule vers l'individualisme à tous crins.
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Re: Le cinéma japonais
C'était écrit en toute subjectivité (vu plus de Masumura certes)... sans première personne ça fait peut-être trop voix de son maître, je sais pas. Au fond c'était plus un compliment adressé au cadet qu'un reproche à un cinéaste plus méconnu. Vu le ton global de l'article je crois pas non plus avoir tiré sur un homme à terre, cela dit.
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Re: Le cinéma japonais
Beule, merci infiniment pour ces conseils. J'avais adoré Contes cruels de la jeunesse. Dans cette continuité thématique, je vais donc commencer par Les Mauvais Garçons.
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Re: Le cinéma japonais
Loin de là à l'évidenceMJ wrote: ↑6 Mar 23, 19:26 C'était écrit en toute subjectivité (vu plus de Masumura certes)... sans première personne ça fait peut-être trop voix de son maître, je sais pas. Au fond c'était plus un compliment adressé au cadet qu'un reproche à un cinéaste plus méconnu. Vu le ton global de l'article je crois pas non plus avoir tiré sur un homme à terre, cela dit.

Mais je n'ai pas reçu cette sentence comme une parole professorale arbitraire. Ça effectivement je ne le supporte pas. [Et de longue date, depuis qu'en terminale une jeune prof d'anglais de province sans doute cinéphile nous avait asséné que Kubrick et Welles étaient définitivement les plus grands cinéastes. Que ça ne se discutait même pas (et curieusement il n'y avait que des réalisateurs anglo-saxons qu'elle pouvait à la rigueur considérer comme majeurs mais très loin de ces deux monstres sacrés). Fin du HS].
Non, rien dans ta chronique ne trahit une posture de sachant autocratique. Ses fondement s'articulent sensiblement, me semble-t-il mais je peux me tromper, autour d'informations largement collectées dans la somme des éclairages apportés par les différents intervenants sur les disques des éditions Badlands, que tu retiens et exploites pour leur pertinence à nourrir comme à l'accoutumée une analyse et une réflexion très personnelles (qui à l'occasion divergeront de la réception qui est la mienne mais sur de simples points de détail et c'est tout naturel). Mais cette analyse me semble traduire aussi une moindre connaissance de l'œuvre de Kawashima et des commentaires qu'elle a pu susciter de loin en loin que pour d'autres œuvres ou cinéastes qui te sont plus intimes. Et comment pourrait-il en être autrement quand chacun s'accorde à dire qu'au-delà des 10/15 films auxquels on peut avoir accès, son travail reste largement inconnu en occident ?
C'est au regard de cette perception forcément lacunaire que je "tique" sur cette formulation. Même si à vrai dire, comme toi - mais sur le peu de ce que je connais de leurs travaux - je ressens sans doute aussi plus d'affinités avec le cinéma de Masumura (que je connais un peux mieux aussi).
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Re: Le cinéma japonais
Oui, les trois films sont très bien accompagné par leurs compléments, ce qui est d'autant plus souhaitable pour un cinéaste à réhabiliter (ou tout simplement introduire, en l'occurence).Beule wrote: ↑7 Mar 23, 16:47Ses fondement s'articulent sensiblement, me semble-t-il mais je peux me tromper, autour d'informations largement collectées dans la somme des éclairages apportés par les différents intervenants sur les disques des éditions Badlands, que tu retiens et exploites pour leur pertinence
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Re: Le cinéma japonais
J'ai vu hier Le Temple des oies sauvages, de Yūzō Kawashima.
Assez perturbant comme film. Rien que parce que sa quasi totalité est en noir et blanc, avec seul le générique d'ouverture et le dernière scène, en couleurs. Dernière scène d'ailleurs assez énigmatique.
Dans les suppléments de l'édition Badlands, Christophe Gans dit être passé à côté du film lors de son première visionnage il y a longtemps, alors qui ne connaissais pas la filmographie de Kawashima. Et on peut le comprendre. C'est ainsi un vrai plus d'avoir ces éclairages, et même si ça reste de l'interprétation, quant à la place de l'être humain dans le grand océan de la vie, c'est intéressant.
Ceci dit, le film se regarde cependant très bien en restant à un premier niveau de lecture, avec cette histoire mélangeant crime, suspens, tension sexuel, sur fond de temple bouddhiste. J'ai d'ailleurs été assez marqué par le peinture qui est faite de ce moine bouddhiste, très virulente. On connait la relation de Kawashima à la religion ?
L'arrière plan social, et la place des femmes dans celui-ci, est lui toujours présent puisque le personnage interprété par Ayako Wakao se retrouve dans ce temple forcé par les difficiles conditions d'existence.
Bref, un beau film, riche et relativement complexe (je m'interroge aussi sur les exercices militaires du jeune Jinen), que je prendrais à revoir d'ici quelques temps après avoir vu davantage de ses films (pour ce qui est dispo/trouvable).
Assez perturbant comme film. Rien que parce que sa quasi totalité est en noir et blanc, avec seul le générique d'ouverture et le dernière scène, en couleurs. Dernière scène d'ailleurs assez énigmatique.
Dans les suppléments de l'édition Badlands, Christophe Gans dit être passé à côté du film lors de son première visionnage il y a longtemps, alors qui ne connaissais pas la filmographie de Kawashima. Et on peut le comprendre. C'est ainsi un vrai plus d'avoir ces éclairages, et même si ça reste de l'interprétation, quant à la place de l'être humain dans le grand océan de la vie, c'est intéressant.
Ceci dit, le film se regarde cependant très bien en restant à un premier niveau de lecture, avec cette histoire mélangeant crime, suspens, tension sexuel, sur fond de temple bouddhiste. J'ai d'ailleurs été assez marqué par le peinture qui est faite de ce moine bouddhiste, très virulente. On connait la relation de Kawashima à la religion ?
L'arrière plan social, et la place des femmes dans celui-ci, est lui toujours présent puisque le personnage interprété par Ayako Wakao se retrouve dans ce temple forcé par les difficiles conditions d'existence.
Bref, un beau film, riche et relativement complexe (je m'interroge aussi sur les exercices militaires du jeune Jinen), que je prendrais à revoir d'ici quelques temps après avoir vu davantage de ses films (pour ce qui est dispo/trouvable).
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Re: Le cinéma japonais
J'ai l'impression que c'est un des éléments qui contribue à mettre en parallèle les contraintes sociales auxquelles sont soumis les deux personnages "faibles" du film. Ayako Wakao subit les contraintes patriarcales avec l'exploitation sexuelle du moine, et Jinen l'exploitation sociale à l'intérieur via le moine aussi et à l'extérieur avec le contexte totalitaire et donc les exercices militaires.
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Re: Le cinéma japonais
La critique de la religion via le personnage du bonze est déjà présente dans le roman d'origine de Tsutomu Minakami. Si je me souviens bien, le film rajoute seulement la scène de discussions entre moines qui sous-entend qu'aucun religieux ne respecte ses vœux de chasteté. J'avais trouvé le livre bien plus virulent, cela dit : le bonze y est grosso modo décrit comme passant son temps à forniquer avec la maîtresse du défunt peintre (interprétée par Ayako Wakao à l'écran) et à exploiter le jeune moine. Par ailleurs, ce dernier n'y est encore qu'un enfant, ce qui rend ses rapports avec la femme nettement plus troublants (mélange d'affection maternelle et d'attirance sexuelle) et les actes qu'ils posent à la fin, nettement plus dérangeants.
C'est pour montrer qu'il s'agit de la période impérialiste du Japon et que cela affecte même le clergé, non ? Le livre possède en plus ce détail ahurissant du fusil plus grand que le novice qui doit le porter...
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Re: Le cinéma japonais
Tu trouves le traitement du film si différent ? Il n'y est pas décrit autrement selon moi.
Oui, et il me semble que par la suite c'est confirmé de vive voix par le moine qu'interprète Mishima (même discipline ascétique qui dans le cadre des exercices n'est qu'une promenade de santé ; on forme des moines pour qu'ils servent dans l'armée).
Mais je trouve la séquence des exercices militaires surtout troublante pour l'attention portée aux chaussures, ces vieux mocassins qui jurent avec les brodequins des camarades de Jinen et qui le contraignent à rompre le rang. Il me semble qu'elles sont d'ailleurs disposées en amorce du dernier plan de la séquence alors qu'il prend la fuite dans la profondeur de champ. A ce moment du récit ce détail est assez opaque, mais la mise en scène de Kawashima n'a de cesse par la suite de souligner cette obsession pour Jinen (si mes souvenirs ne me trahissent pas, il s'affaire par exemple encore à les rafistoler quand Ayako Wakao l'approche pour l'interroger sur son enfance). Par-delà la contextualisation de l'oppression généralisée que subit le garçon, cette séquence me semble surtout introduire les premiers stigmates du traumatisme de sa naissance et de sa condition de "rejeté". Dans la réclusion du temple, il tolèrerait les brimades répétées de son supérieur pour s'accomplir à terme en humble bonze indifférencié, mais ne supporterait pas d'exposer (ce qu'il pense projeter de) sa condition au regard des autres - et dans son esprit les chaussures seraient un indice qui le trahiraient ?
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Re: Le cinéma japonais
Pas différent, mais édulcoré par rapport au roman. De mémoire, il y a moins de scènes à ce sujet (ou alors des détails qui passent à la trappe). Et "vieillir" le jeune novice rend le tout moins dérangeant. AMHA.
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Re: Le cinéma japonais
28e festival du CERCLE DES AMIS DU CINEMA au ciné Capitole à Clermont-Fd du 7 au 14 mars 2023.Ce 28e festival est consacré au cinéma japonais.
Les films:
- Le château de Cagliostro de Miyzaki
- Hana-Bi de Kitano
- Rashomon de Kurosawa
- Bonjour de Ozu
- Nuages épars de Naruse
- La rue de la honte de Mizoguchi
- La nuit des femmes de Tanaka
- Le vagabond de Tokyo de Suzuki
- L'héritage des 500 000 de Mifune
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Re: Le cinéma japonais

Les femmes naissent deux fois
Yuzo Kawashima
Hier, j’ai enfin eu 3h devant moi pour attaquer les films de Kawashima
J’ai été impressionné dès le pres générique par la mise en scene (plan scope impressionnant de fenetres sous la pluie) et la tonalité curieuse de la scene (dialogue entre un geisha et son client au lit).
Le film est tout comme ca.
Plastiquement le film est tres cadré, avec des plans tres travaillés. On retrouve de temps en temps « l’heritage Ozu » avec la camera au sol, des objets au 1er plan, … c’est directement aussi une forme de composition venant d’Hiroshige. Mais il y aussi une forme de sécheresse, qui capture, borne, insère … meme en extérieur, on est dans une monde construit, sec, urbain au sens de maîtrisé-géré-opérationnel.
Il faudra attendre la toute fin du film, magnifique, pour sortir de cet univers artificiel et contraint :
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Le dernier plan superbe est la quintessence de l’art de Kawashima dans ce film:
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La structure est claire mais les ellipses nombreuses. Un exemple: on passe d’une scene où Koen apprends qu’elle doit se rendre a la police pour interrogatoire à une scene de discussions dans un lieu diffèrent avec sa nouvelle roommate : elle a changé de lieu de vie, de métier,…. Sans transition.
Ces ruptures, ellipses, ne rendent pas le film difficile à suivre, mais donnent un côté chronique plus que trajectoire au film.
Autre point étonnant : le personnage lui même. On se demande toujours au bout de 2h qui est cette jeune femme. Elle a pas l’air tres maline, pour pas dire un peu conne… pas mechante certes mais assez vide. D’ailleurs il faudra toute la durée du film pour quel sorte de cette torpeur où elle se maintient, en vivant au jour le jour, et fuyant une réflexion sur le futur. Une sorte de dolce vita, entretenue, parée de superbes kimono, c’est tout juste si affleure de temps en temps un malaise intérieur. On a peine pour elle quand elle tente de draguer sans succes l’étudiant /postier, avec une approche frontale, naive et volontariste.
En apporté: Ayako Wakao dans ses plus beaux atours qui vous aborde dans la rue pour vous inviter à déjeuner, vous fuyez lâchement ?
Ou qu’elle se lie d’interet pour un jeune lycéen.
C’est donc la chronique de la maturité et d’une émancipation, longue, laborieuse, hasardeuse, plus que douloureuse, à laquelle nous assistons.
Pour moi, j’ai compris que le film basculait sur un mot :
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Il y a bien sur le client régulier, charmeur, qui finira par la soûler pour la violer et le jeune homme d’affaire de la fin qui enfoncera le dernier clou sur le cercueil du romantisme naif de l’héroïne. Mais il y a aussi des « braves gars » comme le cuistot (tres belles scènes) et le protecteur qui cherche à la sortir de sa torpeur.
Ma seule reserve, qui n’a rien a voir avec le film mais tient au contexte de la découverte :
L’interprétation de Ayako Wakao. Apres l’avoir vue, femme forte, sulfureuse, dans les films de Masumura, j’ai eu du mal à croire aux scènes où on la voit pleurer et globalement à m’accoutumer à son incarnation de ce personnage de jeune femme un peu sotte.
Les bonus sont super, notamment celui qui commence par une phrase de synthèse choc de Gans!
Vivement que je trouve de nouveau 3h pour le second film.
Encore merci à l’equipe Badlands pour cette sortie !! Vous pouvez remettre ca quand vous voulez !