Basil Dearden (1911-1971)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Commissaire Juve
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Re: Basil Dearden (1911-1971)

Message par Commissaire Juve »

Donc, rien...

[message supprimé : j'ai été pris en flagrant délit de radotage]
Dernière modification par Commissaire Juve le 28 juin 18, 20:25, modifié 1 fois.
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bogart
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Re: Basil Dearden (1911-1971)

Message par bogart »

Commissaire Juve a écrit :
Rick Blaine a écrit : Finalement pour l'instant ma seule relative déception est Khartoum, que je trouve tout à fait anodin.
Ah tiens ? Perso, ça reste un film d'enfance mythique (au même titre qu'Alamo ou La Canonnière du Yang-Tsé). Au collège, je m'en étais servi pour faire une rédaction. La prof n'y avait vu que du feu (elle a cru que j'avais réutilisé des souvenirs de lecture :uhuh: ) et j'avais eu une bonne note.

EDIT : je viens de voir le BLU ci-dessus. Là, plus de doute, StudioCanal se fout vraiment de nous ! :x



Attention Commissaire, tu te répètes ! :mrgreen:
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Commissaire Juve
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Re: Basil Dearden (1911-1971)

Message par Commissaire Juve »

bogart a écrit :
Commissaire Juve a écrit :
Ah tiens ? Perso, ça reste un film d'enfance mythique (au même titre qu'Alamo ou La Canonnière du Yang-Tsé). Au collège, je m'en étais servi pour faire une rédaction. La prof n'y avait vu que du feu (elle a cru que j'avais réutilisé des souvenirs de lecture :uhuh: ) et j'avais eu une bonne note.

EDIT : je viens de voir le BLU ci-dessus. Là, plus de doute, StudioCanal se fout vraiment de nous ! :x
Attention Commissaire, tu te répètes ! :mrgreen:
Je m'en doutais ! :mrgreen: C'est la sénilité, j'suis sur la pente fatale (j'ai surtout eu la flemme de chercher... 7 novembre 2016).

EDIT : mais tu parlais peut-être de ça :
Commissaire Juve a écrit : Là, plus de doute, StudioCanal se fout vraiment de nous ! :x
C'est toujours vrai, non ? :mrgreen: (Allez, je serai bon prince : dernièrement, il y a eu des sorties sympas en BLU -- visuellement parlant --, mais je ne peux plus tout racheter.)
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Jeremy Fox
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Life for Ruth (1962)

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Alors que Ruth, sa fille de 8 ans, est à l’hôpital entre la vie et la mort, son père John (Michael Craig) refuse qu’elle soit transfusée par conviction religieuse de témoin de Jéhovah. Malgré l’insistance du docteur James Brown (Patrick McGoohan), il s’obstine ne voulant pas compromettre sa vie éternelle. Après la mort de Ruth, le docteur Brown décide porter plainte contre le père pour homicide.

Life for Ruth s'inscrit dans la série de films engagés que signe Basil Dearden au sein de la maison de production fondée avec son partenaire Michael Relph. Il s'agit à chaque fois de sujet sociaux audacieux questionnant la société anglaise d'alors tel que le racisme dans Sapphire (1959), la délinquance avec Violent Playground (1958) ou encore l'homosexualité avec Victim (1962). Il s'attaque à la question religieuse dans Life for Ruth adapté de la pièce éponyme de Jane Green qui en signe également le script (tout comme sur les précédents films évoqués). Suite à un incident en mer, la petite Ruth a besoin d'une transfusion pour survivre à ses blessures. Son père John (Michael Craig) va s'y opposer car sa religion de témoin de Jéhovah (jamais nommée mais l'interdit est bien connu) s'oppose à cette pratique. La mère Pat (Jane Munro) aura beau contredire son mari et autoriser la transfusion à son insu, il est trop tard et la fillette va mourir. Révolté par le drame, le docteur Brown (Patrick McGoohan) décide de porter l'affaire en justice et va entraîner un vrai déchaînement médiatique.

La première partie nouant le drame est pratiquement filmée comme un thriller par Dearden. L'urgence du besoin de soin de Ruth s'observe ainsi en parallèle de l'incompréhension du refus de John. La photo d'Otto Heller donne un tour oppressant à la tragédie en marche et Dearden par ses cadrages saisit la stupeur du médecin comme celle du spectateur face à la décision du père. Le choc est d'autant plus grand que l'introduction nous aura présenté cette famille comme normale et chaleureuse, ne laissant pas présupposer la folie à venir. C'est là la force du film qui tout en ayant le parti pris de la vie plutôt que du dogme, capture et fait comprendre la logique du père. Le suivi de la règle religieuse anticipe l'accès à la vie éternelle ou alors une intervention divine permettra la survie sans la souillure d'une transfusion. Le script ne fait pourtant pas du personnage un fou de dieu mortifère, la scène de noyade le voyant même aller sauver un camarade de Ruth avant sa propre fille car il était plus en danger. La complexité de l'expression de la foi passe ainsi par des dialogues subtils où est questionné le degré que chacun accorde au suivi des écritures dans le cadre du monde contemporain.

La prestation de Michael Craig est impressionnante, habitée et chargée d'espoir alors qu'il commet l'irréparable et rongée par le doute quand il se produit. L'existence du couple et ses bases sont remis en question et Dearden les oppose par le drame tout en les rapprochant face au regard inquisiteur du monde qui les entoure. Dearden laisse s'exprimer tous les points de vue et observe avec empathie la détresse de chacun, tout en les confrontant à leur contradiction. L'hôpital plié aux règles administratives plutôt qu'à la vie du patient s'avère ainsi aussi coupable que le père dans son aveuglement religieux. Le jeu intense de Patrick McGoohan fait bien passer cette colère et impuissance qui culmine dans la scène de procès finale. Les mots et la simplicité révoltante des faits sont martelés avec une force qui ébranle Michael Craig, les plongées sur la salle d'audience adoptant presque un regard "divin" tandis que les contre-plongées sur Craig la barre le toise en appuyant sa culpabilité. Une belle réussite à nouveau pour Dearden, assumant brillamment son sujet difficile. 4,5/6
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The Halfway House (1944)

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Des voyageurs, perdus en pleine campagne du Pays de Galles, trouvent refuge dans une auberge. L'aubergiste et sa fille agissent d'une façon très étrange et l'atmosphère qui règne est pesante. Les pensionnaires ne trouvent ensuite que des journées datés de l'année passée. Cette suite d'évènements inquiétants ne rassure pas du tout le groupe...

The Halfway House s'inscrit, dans le contexte du cinéma de propagande anglais des années 40, parmi les bizarreries mystiques et surnaturelles dont le postulat fantastique sert de révélateur aux personnages dans ce contexte de guerre. On pense au Thunder Rock des frères Boulting (1942), A Canterbury Tale (pour l'atmosphère du moins) de Michael Powell et Emeric Pressburger (1944) et ou They came to a city encore de Basile Dearden (1944). The Halfway House est cependant artificiellement mêlé à ce courant par les modifications qu'apporte le studio Ealing à la pièce de Denis Ogden. Les personnages et leurs problématiques étaient détachés de tout contexte historique dans la pièce, et le drame antérieur qui hantait l'auberge était un meurtre qui devient un bombardement dans le film.

Le début du film nous introduit ainsi un groupe de personnages en proie à des drames plus ou moins grave que l'aventure viendra apaiser. Le capitaine Meadows (Tom Walls) est un marin meurtri par une défaite qui l'a vu être accusé de lâcheté et qui lui a fait quitter l'armée. Mais son plus grand drame est la mort de son fils sur le front que lui reproche son épouse Alice (Françoise Rosay). On croisera aussi la route d'un soldat fraîchement sorti de prison et prêt à retomber dans le mauvais chemin, un couple en instance de divorce que leur fille Joanna (Sally Ann Howes) tente de réconcilier à leur insu, un chef d'orchestre condamné (Esmond Knight) et quelques autres larrons. Tous vont se retrouver dans une auberge du Pays de Galles supposée avoir été détruite dans un bombardement un an plus tôt mais bien intacte lorsqu'ils s'y présentent.

Pourtant les phénomènes étranges s'accumulent, le registre s'arrête à l'année précédente tout comme les journaux et les spots radiophoniques. Les tenanciers père et fille multiplient les apparitions spectrales et semblent comme omniscients quant aux démons qui rongent leurs résidents. Dearden distille parcimonieusement les éléments surnaturels (les fantômes ne projetant pas d'ombres en pleine lumière) pour privilégier une veine intime où se révèlent les personnages. La prise de conscience du collectif guide chaque mue des héros. Le couple en conflit doit ainsi être réuni pour faire rétablir la cellule familiale dans ce contexte chargé d'adversité, le soldat déchu et le criminel profiteur de guerre doivent quitter leur préoccupations individualistes pour s'engager... C'est une même logique qui guide l'épanouissement de chaque personnage mais que Dearden évite de rendre trop sentencieuse, variant les tons et les atmosphères. Mervyn Johns et Glynis Johns dégage un mélange de mystère et de proximité chaleureuse en tenanciers, ce qui contribue habilement au mélange des genres où la comédie la plus triviale peut laisser un onirisme sobre s'installer. La fin s'avère très touchante grâce à cet écrin qu'est parvenu à créer Dearden, mais dans l'ensemble le film ne dégage pas la même fascination et mystère que They came to a city à venir dont il semble plutôt une matrice. 4,5/6
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The League of gentlemen (1960)

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Récemment mis a la retraite, le lieutenant-colonel Hyde décide de se venger et réunit sept officiers renvoyés de l'armée pour commettre un casse.

The League of gentlemen est le premier film produit par Allied Film Makers, société de productions lancée sur une idée du producteur Sydney Box d'associer sous le parrainage de la Rank plusieurs réalisateurs anglais sur des projets dont ils seraient initiateurs. Basil Dearden qui avait déjà exploré des sujets sociaux audacieux durant les années 50 va pouvoir prendre de plus grands risques encore dans ce cadre avec des films comme Victim (1961 traitant de l'homosexualité ou encore Life for Ruth (1962) abordant les travers moraux des témoins de Jéhovah. Cela va permettre également de lancer la carrière de réalisateur de Bryan Forbes avec des classiques comme le mélodrame Whistle Down the Wind (1961) et le thriller Seance on a Wet Afternoon (1964). Michael Relph (partenaire emblématique de Basil Dearden), Richard Attenborough et l'acteur Jack Hawkins s'ajouteront à cette association et même si malgré plusieurs réussites la compagnie produira un nombre restreint de films.

The League of Gentlemen est une manière (en comparaison des films plus difficiles qui suivront) de lancer la société sur un sujet accessible et grand public avec un film de casse, genre très à la mode dans le polar d'alors entre les américains Quand la ville dort de John Huston (1950), L'Ultime razzia de Stanley Kubrick (1956), Le coup de l'escalier de Robert Wise (1959) ou le français Du rififi chez les hommes de Jules Dassin (1955). Chacune de ces œuvres se sert du genre pour aborder des problématiques sociales, pour travailler une atmosphère ou dans le plaisir de voir la fatalité dérégler une horlogerie parfaitement réglée. The League of Gentlemen trouve son identité dans son identité profondément british. Tout dans le recrutement, la préparation et l'exécution du coup se teinte de cet aspect. Dearden en joue dans la caractérisation de son casting charismatique où la crapulerie et la sournoiserie est d'autant plus délectable dans ce cadre anglais guindé (Roger Livesey en faux prêtre escroc et sa valise remplie de revues érotiques). Le quotidien de chacun des associés nous est présenté sous son jour le plus pathétique (ennui, dettes, adultère) qui les pousse au crime pour changer de vie, le passé peu reluisant les réunit mais également l'expérience militaire. Du coup Dearden humanise les protagonistes dans leurs failles tout mettant en relief leur professionnalisme à travers cette rigueur militaire.

Tout le monde existe et garde une certaine forme de mystère (Jack Hawkins parfait en leader, tout comme Nigel Terry en second plus décontracté) dans une narration parfaite équilibrée entre tension et décontraction. On pense à la scène du vol d'arme dans une caserne où par la grâce du montage la satire de la soumission militaire alterne avec une intrusion chargée de suspense. Ce sont toujours des éléments décalés spécifiquement anglais que vient le déséquilibre qui met à mal les plans (la bienveillance non désirée d'un policier à moto, l'arrivée inopinée d'un camarade de régiment lors du final) et Dearden sait en jouer pour rendre d'autant plus efficace les séquences spectaculaires. Le casse est ainsi fort inventif et trépidant, renversé dans ce même jeu du récit par une chute surprenante. Pas le plus engagé des Dearden donc mais un excellent divertissement ! 4,5/6
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The Goose Steps Out (1942)

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Potts, professeur d'anglais, est le parfait sosie de Müller, un espion allemand. Le vrai Müller est arrêté et les services britanniques d'espionnage vont convaincre Potts de se substituer à Müller et de se faire parachuter en Allemagne pour percer un secret de guerre dissimulé dans un curieux laboratoire...

The Goose Steps Out est un des premiers films de Basil Dearden, où il se met au service du comique anglais Will Hay avec lequel il avait déjà coréalisé The Black Sheep of Whitehall (1942). Will Hay était devenu célèbre en Angleterre à la scène puis au cinéma avec un personnage d'enseignant farfelu qui lui valut des triomphes commerciaux au sein du studio Gainsborough avec des œuvres comme Boys Will Be Boys (1935), et surtout Oh, Mr Porter! (1937), son film le plus populaire. En 1940 Hay s'engage avec le studio Ealing et va creuser le même sillon, avec la particularité de contribuer à l'effort de guerre dans ses intrigues où l'antagoniste de The Ghost of St Michael's (1941) et The Black Sheep of Whitehall s'avère être un nazi. The Goose Seps Out s'avère encore plus frontal avec son postulat où un professeur sosie d'un espion allemand va se trouver enrôler par les services secrets et dépêché en Allemagne pour mener l'enquête. Il est assez amusant de constater qu'il est souvent question de sosie, double et duperie dans les comédies dénonçant le nazisme comme les classiques Le Dictateur de Charlie Chaplin (1940) et To Be or Not to Be de Ernst Lubitsch (1942).

Aucune velléité de réalisme, le déroulement de l'intrigue sert entièrement la loufoquerie de Will Hay qui se retrouve déjà en mission en Allemagne au bout de dix minutes. L'idée est de confronter l'excentricité de Hay à la raideur des nazis régulièrement plus ridicules qu'intimidants (alors que sous les rires le sentiment de danger demeurait chez Chaplin ou Lubitsch). Le côté potache purement burlesque a assez mal vieilli (l'infiltration dans le laboratoire secret), mais le contraste entre Hay et ses adversaires est très plaisant quand il travaille par le dialogue et la gestuelle l'anglicité de l'un et la germanité caricaturale des autres. La scène où Hay donne un cours à de jeunes apprentis espions allemand pour en faire de parfait anglais est assez jubilatoire par son festival de jeu de mot, étirement de gags sur la manière de prononcer différents termes anglais. Hay malgré tous ces efforts est incapable de dissimuler son identité mais ses facéties s'intègrent parfaitement à la paranoïa, dénonciation facile et finalement bêtise inhérents au nazisme. Ce n'est pas forcément très fin mais rondement mené tant narrativement que formellement avec un Dearden qui orchestre quelques moments spectaculaires inattendus. Le périlleux climax en avion est aussi impressionnant que drôle en jonglant bien entre farce et suspense, avec un usage efficace des maquettes et de la rétroprojection (Dearden se fait la main avant son aérien et plus nanti Out of the clouds (1955)). Donc rien d'inoubliable mais l'abattage de Will Hays, le rythme alerte et le savoir-faire de Dearden font passer un moment sympathique. 4/6
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Re: Basil Dearden (1911-1971)

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Dernière modification par beb le 31 mars 23, 11:28, modifié 1 fois.
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Re: Basil Dearden (1911-1971)

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Re: Basil Dearden (1911-1971)

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The Mind Benders (1963)

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Le professeur Sharpey s'est suicidé après avoir participé à une expérience de privation de sentiments dans un laboratoire secret. Son ancien collègue, le docteur Longman, se porte volontaire pour suivre la même expérience dans le but de prouver ce qui a réellement conduit Sharpey au suicide. Il espère ainsi laver le nom de son collègue de l'accusation d'être un agent double au bénéfice de communistes.

The Mind Benders est une œuvre captivante, à la frontière de la science-fiction, du thriller paranoïaque et du drame humain. Le postulat anticipe un peu le Au-delà du réel de Ken Russell (1980) et semble au départ comme un pendant anglais de son contemporain Un crime dans la tête de John Frankenheimer (1962). Le film s'appuie sur sur des expériences scientifiques menées à l'époque dans les universités américaines et à Farnborough, place forte de l'aéronautique en Angleterre où se tient notamment un salon annuel. Le but était d'observer les réactions mentales et physiques du corps humain confronté au vide et privé de sensation, afin d'anticiper ce qu'il adviendrait lors d'une sortie dans l'espace privé de gravité. Basil Dearden et son producteur Michael Relph découvrant ces recherches décident donc de les exploiter dans un récit de fiction.

Le film s'ouvre de façon mystérieuse sur l'attitude erratique du professeur Sharpey (Harold Goldblatt) qui va le conduire à un suicide brutal qui glace d'entrée. Dans les affaires du disparu, on retrouve une forte somme d'argent et des indices révélant des rencontres douteuses laissant supposer qu'il comptait vendre le secret de ses recherches à des puissances étrangères. Le Major Hall est mis sur l'enquête par les services d'espionnage et va remonter la piste des recherches et collègues de Sharpey. Basil Dearden prendre une attention méticuleuse à dépeindre le cheminement de l'expérience, partant au départ d'une simple isolation en milieu à température hostile, avant de plus spécifiquement s'arrêter aux effets psychiques d'une privation de sensation. Le Major Hall est en quelque sorte l'œil du spectateur qui découvre avec lui toute une suite de concepts nouveau. Plus intriguant, le récit s'attarde encore plus longuement sur les interactions entre les anciens collègues de Sharpey, son assistant Tate (Michael Bryant) et surtout le docteur Longman (Dirk Bogarde). Il est inconcevable pour eux que Sharpey, fervent pacifiste, ait monnayé son savoir au plus offrant et il est suggéré que c'est sa propre expérience du caisson d'isolation qui a altéré sa personnalité - faisant du caisson un prototype de lavage de cerveau. Longman a tenté aussi la chose mais n’est pas allé au bout tant il souffrit de son bref essai. Dearden crée le mystère et la peur par la simple suggestion de ce que peut être cette expérience, d'abord avec la bande-sonore issue d'une séance où l'on entend le cri terrifié et inhumain de Longman qui préféra en rester là. Ce qui sauva Longman de la démence, c'est le cocon familial chaleureux auprès de ses enfants et de l'amour de son épouse Oonagh (Mary Ure). Là encore dans ce cadre de thriller d'espionnage, le parti pris de rester autant dans la famille Longman, de montrer la relation fusionnelle entre le professeur et son épouse déroute avant de comprendre que l'enjeu central se trouvera bien là.

Longman pour innocenter son ami défunt décide de malgré tout retenter l'isolation, qui consiste à être immergé dans un caisson rempli d'eau et plongé dans l'obscurité, privé de tout stimulus sensoriel. La séquence est assez fascinante, captant l'errance mentale et le profond sentiment de solitude, tout en restant très terre à terre (Ken Russell emmènera ce type de situation vers des voies plus psychédéliques et hallucinées dans Au-delà du réel). Au sortir de l'expérience et alors que Longman est encore vulnérable, un seul moyen s'impose pour vérifier les résultats : imposer à Longman une croyance allant à l'encontre de ses convictions et voir si cela fonctionne. Son lien le plus profond étant l'amour qu'il voue à son épouse, on va lui suggérer l'affreuse et détestable mégère qu'est Oonagh. L'ambiguïté est de mise avec la froideur calculatrice dont fait preuve le Major Hall (John Clements excellent de détermination détachée) tandis que l'on peut soupçonner Tate d'intérêts plus personnels après les relations qu'on suppose entre lui et Oonagh. La séquence est magistrale entre l'intonation à la fois neutre et sournoise de l'idée, et le jeu de Dirk Bogarde en coquille vide qui se laisse dicter ce nouvel état. Toute la lente mise en place prend tout son sens, toute la dimension paranoïaque et d'espionnage s'arrêtant là (il y aurait un tout autre film à faire et nombres de possibilités narratives à explorer) pour s'orienter vers le drame intimiste voyant le couple Longman exploser.

Basil Dearden pose un climat incroyablement anxiogène sur ce foyer que l'on a vu préalablement si paisible et heureux. Il s'appuie sur une mise en scène subtile où un simple contraste clair-obscur de la photo de Denys Coop sur le visage de Longman nous signifie l'altération de sa personnalité, mais aussi et surtout la fabuleuse prestation de Dirk Bogarde. On sait combien l'acteur excelle dans l'expression de l'ambiguïté dans son versant inquiétant chez Joseph Losey (The Servant (1963), Accident (1967)) et plus humaine avec Basil Dearden comme dans Victim (1961). Le langage corporel, le regard hautain, le phrasé dédaigneux en font dès lors un être complètement différent (et paradoxalement plus séduisant) que le paisible père de famille et époux affectueux vu précédemment. Dearden laisse même suggérer que l'expérience a libérée plutôt qu’infléchie la personnalité de Longman, un peu dans l'idée de ce que fit Nicholas Ray dans Derrière le miroir (1956) ou tentera plus tard Stanley Kubrick dans Shining (1980), à savoir que l'élément perturbateur (médicamenteux chez Ray, surnaturel pour Kubrick) explicite la rancœur et les frustrations enfouies des pères de famille fébriles. Là encore les possibilités de thriller oppressant sont immenses et Dearden amorce nombre de moments dérangeants, mais toujours pour privilégier une veine introspective. Cela pourra décevoir les amateurs de sensations fortes, mais c'est au service d'un magnifique mélodrame. Mary Ure est aussi frontale et à nue que Bogarde sera ambigu, et porte véritablement le cœur émotionnel du film. Point de twist ou de rebondissement alambiqué pour résoudre la situation, cela viendra d'une approche simple, délicate et très touchante. Une des grandes réussites de Dearden qui touche juste à chacune des déroutantes directions de son récit. 5/6
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Alexandre Angel
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Re: Basil Dearden (1911-1971)

Message par Alexandre Angel »

J'ai hyper-trop-envie de le voir!!
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
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Profondo Rosso
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Re: Basil Dearden (1911-1971)

Message par Profondo Rosso »

Alexandre Angel a écrit : 31 janv. 22, 12:39 J'ai hyper-trop-envie de le voir!!
Edition BR UK avec sous-titres anglais chez Network https://www.amazon.fr/gp/product/B083XR ... UTF8&psc=1, l'image est magnifique http://www.dvdbeaver.com/film5/blu-ray_ ... lu-ray.htm
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