Ne t’excuse surtout pas

Nouvelle séance Rohmer dimanche dernier avec une révision du Genou de Claire, qui restait dans mon souvenir un des Rohmer qui m’avaient le moins plu lors de sa découverte. Et ce malgré l’énorme capital sympathie dont il jouissait auprès de moi, étant Annécien d’origine (parti à 20 ans, mes parents y habite toujours). Malgré les années, c’est resté sans doute le film le plus célèbre tourné dans la région. A vrai dire, l’œuvre est paradoxalement une sorte de huit clos à ciel ouvert. Hormis quelques plans tournés à Annecy-même, certainement en une seule et même journée, et une escapade au pied du massif de la Tournette, le décor se limite à l’intérieur de la maison de Brialy/Jérôme et au jardin de la famille de deux jeunes filles (Claire et Laura). Le film réussit d’ailleurs plutôt bien son coup dans la mesure ou il se suit sans souci, à deux-trois faiblesses près. A ce sujet, je citerais (et c’est d’ailleurs ce qui m’avait déjà fait tiquer la première fois) le jeu très approximatif d’Aurora Cornu*. Intellectuelle roumaine assez importante à l’époque semble-t-il, ce sera son unique rôle au cinéma. A plusieurs reprises, elle donne l’impression de réciter scolairement son texte et de ne pas vraiment comprendre ce qu’elle dit… Elle ne devait pas être si à l’aise que ça en français et le tort en revient surtout à Rohmer pour le coup, même si l’origine étrangère du personnage est totalement justifiée par l’intrigue. Heureusement, on ne la voit plus du tout dans la seconde partie au moment où la Claire du titre débarque. Le reste du casting est en revanche exempt de tout reproche. Béatrice Romand** semble poser rétrospectivement les bases de son personnage du Beau Mariage, en interprétant ici une jeune « chieuse » dans la plus grande tradition rohmérienne ! Claire/Laurence de Monaghan, 16 ans à peine, apporte un contre-point idéal par sa beauté énigmatique et son fameux « genou », objet de fascination pour Jérôme. Le spectateur d’aujourd’hui pourrait s’offusquer de la différence d’âge, mais j’y vois pour ma part une référence à Lolita. Comme dans le roman de Nabokov, les velléités de Jérôme (l’homme « mâture », dandy et sûr de son charme) finissent par faire plouf et le film s’amuse de ses déboires. Son aisance rhétorique cache un comportement pleutre, parfois risible. Brialy se montre extrêmement à l’aise dans l’exercice et rappelle le bélâtre de La Collectionneuse (Patrick Bauchau), qui finissait déjà en dindon de la farce. Pour filer la comparaison, Le Genou de Claire appartient également aux cycles des films d’été de Rohmer (suivront Pauline à la Plage, Le Rayon Vert, Conte d’Eté). Je regrette d’ailleurs l’image fatiguée de mon vieux DVD. Il est certain que les restaurations récentes auront su rendre grâce au travail de composition de N. Almendros, déjà fabuleux dans La Collectionneuse. Tout comme ce dernier, le Genou de Claire parvient à trouver un bel équilibre être verbiage, manipulation et sensualité. Révision à la hausse, donc.
*Je découvre d’ailleurs qu’elle est décédé en mars dernier à l’âge de 89 ans.
**C’est dingue comme elle ressemble à Alyssa Milano dans ce film. Oui, j'avoue ça fait bizarre de la citer sur un topic Rohmer...