Tokyo sweetheart (Yasuki Chiba – 1952)
Dans la précarité de l'après-guerre, Kurokawa,un artisan bijoutier; ramène une hôtesse malade chez elle et sympathise avec la voisine de celle-ci, une jeune peintre. Or celle-ci est engagée pour faire le portrait d'un homme d'affaire qui veut offrir une bague à sa maîtresse et le modèle d'exposition à son épouse, justement fabriqué par Kurokawa. Mais les bagues s'intervertissent par mégarde dans la boutique.
Une charmante comédie, légère et mignonne, loin des ambitions et de la qualité des 2 autres films que j'ai pu voir du cinéaste.
Impossible de me rappeler d'où mais j'ai vu récemment une histoire similaire de quiproquos autour d'une bague et sa réplique. C'est ici une sous-intrigue qui permet de réunir régulièrement les personnages et qui surtout donne l'occasion pour le cinéaste d'apporter une petite critique sociale sur l'avarice d'une classe aisée, aussi égoïste que ridicule. Sans être très subtiles, ces touches demeurent toutefois assez drôles et apportent un contre-point volontairement artificiel au quotidien des autres protagonistes qui vivent pour ainsi dire dans la misère et peuvent aussi être confrontés aux triades. Les extérieurs dans des quartiers qui portent encore les stigmates de la guerre ne sont pas nécessairement mis en avant comme dans une œuvre néo-réaliste mais composent un arrière plan ancrant son histoire dans une certaine véracité. Elles portent aussi la patte des préoccupations de Yasuki Chiba qui réussit à injecter un peu de personnalité à ce qui ressemble à une commande.
Le film n'est d'ailleurs pas toujours bien équilibré dans le mélange comédie et drame (un personnage est condamnée d'avance et sa disparition n'affecte pas plus que ça ses amis). Pour autant, le film ne cherche pas à révolutionner quoique ce soit mais plutôt à divertir ses spectateurs, notamment grâce à un duo rafraîchissant composé de Setsuko Hara et Toshiro Mifune (qui a un courte scène d'affrontement où il dégage une puissance impressionnante mine de rien), secondé par d'excellents seconds rôles.
Le mystère du shamisen hanté / The Ghost Cat and the Mysterious Shamisen (Kiyohiko Ushihara – 1938)
Une comédienne jalouse du rapprochement entre un joueur de shamisen qu'elle aime et d'une femme plus jeune. Après avoir tué le chat à l'origine de leur rencontre, sa haine explose quand l'artiste offre son shamisen à sa rivale.
La deuxième moitié des années 1930 connut une petite vague de films fantastico-horrifiques autour de la figure du « Bakeneko » (le chat demon) dont peu de représentants ont survécu. L'un des plus connu – car plus visible - est celui-ci. Si le film a assurément vieilli, il reste encore tout à fait recommandable, au delà du simple fait historique. L'histoire est archétypal au possible en s'inscrivant dans le folklore japonais (vengeance d'outre-tombe, chat fantôme, possession... le tout dans le monde du kabuki) et souffre à la fois de sa trop brève durée ainsi que d'un rythme pas toujours maîtrisé. Ainsi, la dizaine de personnages à l'écran n'ont pas vraiment l'occasion d'exister. C'est même parfois un peu confus dans l'enchaînement de péripéties où le shamisen passe de mains en mains et d'un autre côté le montage aurait pu être plus resserré, ce qui aurait renforcé certains effets de mise en scène intéressants comme les passages où les lumières s'éteignent avant de se rallumer alors que le Bakeneko est dans les parages. Plutôt dommage car visuellement le film tient tout à fait la route avec une bonne direction artistique et une ambiance indéniable ; exception faîte de la tête du chat qui est sensé terrifier ses victimes.
Avec la majeure partie d'une carrière aujourd'hui disparue, Kiyohiko Ushihara n'est pas le plus connu des cinéastes japonais de l'époque mais il bénéficiait semble-t-il d'une bonne réputation. Il était d'ailleurs parti à deux reprises en occidents (aux USA en 1926 ; puis en Europe au début du parlant) pour perfectionner sa technique et aurait même travaillé avec Chaplin plusieurs mois. Formellement, il y a en effet des choses réussies avec quelques travellings élaborés, un certain travail sur la profondeur de champ, l'appréhension de l'espace et un découpage assez intelligent, notamment quand il passe de l'extérieur à l'intérieur au cours de la même discussion.
Son talent explose surtout durant le final virtuose qui pour le coup n'a pas pris une ride avec une intensité dramatique décuplé par un montage nerveux, quelques trucages optiques et une musique de plus en plus étouffante. Un petit morceau anthologique qui a beaucoup fait pour la postérité du film, au point d'éclipser les 60 minutes précédentes, ce qui est un peu injuste tout de même.