Oui, pour moi la messe a été dite dès les premières minutes et l'apparition fatale (dans tous les sens du terme) de la créature.
Car au-delà de sa finition et des gros plans ridicules, le fait de la montrer dès le début est une erreur assez impardonnable à mon sens, notamment au regard de lois dramatiques implicites du fantastique qui supposent un refoulement patient de l'explicite pour créer une attente et une angoisse chez le spectateur.
Mais ces inserts imposés à Tourneur ne sont malheureusement pas rachetés par les 90 minutes restantes, que j'ai trouvées d'une mollesse désespérante (mise en scène comme acteurs, Dana Andrews en tête), et malheureusement souvent peu probantes lorsque surgissent les éléments fantastiques suggestifs (Holden qui se bat dans le noir contre une peluche de panthère, le bout de papier qui fuit vers la cheminée et les deux qui regardent ça plantés là, la séance de spiritisme, le déclenchement de la tempête dans le parc...). Pour le dire autrement, la facture du film et sa manière d'appréhender le fantastique, quoique possiblement importantes sur le plan d'une histoire du cinéma, me paraissent terriblement...
passées, et je m'en excuse auprès des admirateurs dont j'aurais adoré rejoindre les rangs. Pour moi, il suffit de voir ce que des films comme
Le village des damnés ou
Les yeux sans visage, seulement trois ans plus tard, apporteront au genre en termes de vision et de malaise, dénotant un fantastique beaucoup plus moderne, pour mesurer l'écart entre les deux écoles. Deux moments fugaces, néanmoins, laissent entrevoir un film se mettant momentanément au diapason d'une inquiétante étrangeté : la main sur la balustrade de l'escalier qui disparaît en contrechamp, et Holden poursuivi par le nuage de fumée. Mais très honnêtement, j'aurai probablement perdu tout souvenir de ce film d'ici quelques semaines.