Francesco Rosi (1922-2015)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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El Dadal
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Re: Francesco Rosi (1922-2015)

Message par El Dadal »

Drôle de film que Le moment de vérité (1965).
Je dois commencer par dire que le concept même de la corrida me fait horreur. Mais, Rosi n'étant pas le dernier des idiots, je me suis tout de même demandé ce qu'il avait bien pu y voir. C'est dans une interview en supplément du film que le réalisateur donne une clé de compréhension et explique en peu de mots son attrait : "Une mauvaise corrida, c'est une horreur, une boucherie, un déferlement sanglant. Une belle corrida par contre peut dépasser cet état pour atteindre au sublime" (je ne me souviens pas des propos exacts, vague transcription). Aussi sibyllin et caricatural que ça puisse sembler, c'est néanmoins quelque chose que j'ai été amené à ressentir à quelques reprises dans son film... le rapport d'extrême proximité, l'intimité et le rapport de force n'ayant qu'une issue (la mort, pour le taureau ou le matador) m'ont amené à réfléchir en termes de sacré et de profane, à y voir plus que la mise en mort d'un animal en place publique (ce que le film montre aussi de manière très neutre, la corrida étant également une industrie avec ses amateurs, managers, impresarios et groupies). Mais quand Miguelín pose sa main, presque avec tendresse, sur le museau de l'animal ayant capitulé, un sentiment contradictoire prend le dessus : comme un demi-dieu qui a achevé une créature mythique dans un geste dénué de haine ou colère.

Après réflexion, il me semble que la corrida offre la dernière occurrence d'une pratique sacrificielle et ritualiste animale encore admise (même si son droit d'existence est évidemment contesté) au sein de notre civilisation occidentale (mais je peux me tromper). Et l'on sait que les sacrifices (en particulier chez les civilisations pré-chrétiennes) avaient pour but d'entrer en contact avec les divinités, de les faire réagir. Se pourrait-il qu'un lien unisse donc l'homme et cette force brute dans une même mascarade ? Cet élan de mort, ce regard impassible sur notre nature, Rosi le comprend, et il fait froid dans le dos. Dans les meilleurs moments, il n'est plus question d'honneur, de gloire ou de fortune, toutes choses immanquablement vouées à disparaître, remplacées par la mélancolie du mort en sursis.

Un film pas aimable, qui laisse évidemment un goût amer, mais aura eu pour mérite de faire réfléchir (je ne suis tout de même pas convaincu du bien fondé de l'affaire, mais ce n'est pas ma culture). C'est par ailleurs un film extrêmement beau audio-visuellement, baigné de ce soleil blanc, aride et empoussiéré, et enrobé d'une bande son qui sait se faire rare.
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Alexandre Angel
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Re: Francesco Rosi (1922-2015)

Message par Alexandre Angel »

Il existe dans de bonnes conditions?
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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El Dadal
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Re: Francesco Rosi (1922-2015)

Message par El Dadal »

Bluray Criterion au master un peu daté aujourd'hui mais très correct. C'est zoné A par contre.

Et de me relire, je note avoir évacué près de 50% du propos du film, soit toute la chronique sociale et économique, qui mériterait elle-aussi qu'on s'y attarde (les films étrangers tournés dans l'Espagne de Franco restent rares).
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Alexandre Angel
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Re: Francesco Rosi (1922-2015)

Message par Alexandre Angel »

El Dadal a écrit :Bluray Criterion au master un peu daté aujourd'hui mais très correct. C'est zoné A par contre.

Et de me relire, je note avoir évacué près de 50% du propos du film, soit toute la chronique sociale et économique, qui mériterait elle-aussi qu'on s'y attarde (les films étrangers tournés dans l'Espagne de Franco restent rares).
Merci.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Thaddeus
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Re: Francesco Rosi (1922-2015)

Message par Thaddeus »

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Salvatore Giuliano
Pour évoquer la vie du "bandit bien-aimé" de Sicile, Rosi joue avant tout la carte du journalisme mais, plutôt que de présenter les faits sous forme de chronique, leur applique une distorsion totale. Le refus constant du didactisme comme celui d’une écriture "artiste", l’absence de tout pompiérisme amènent à une impression d’authenticité d’autant plus probante que le réel est offert dans sa totalité géographique, humaine et historique. Il n’y a pas ici de scénario au sens traditionnel du mot, aucun gauchissement dans la psychologie des personnages, nulle pénétration arbitraire des esprits, mais un regard qui explore la totalité, la divise et choisit ce qui lui convient. Il y a aussi une froideur analytique qui, à titre personnel et malgré les indéniables qualités du film, m’a beaucoup rebuté. 3/6

Main basse sur la ville
En dénonçant les malversations de la spéculation immobilière et les collusions entre bien public et intérêts privés, Rosi n’a pas voulu représenter la conception particulière de l’homme qui est propre au néocapitalisme. En revanche, il réalise un film-dossier impeccablement construit, clair et sans ambiguïtés dans la fermeté de ses intentions polémiques. Orchestrant avec éloquence les manœuvres des partis, le louvoiement des batailles politiques, l’agitation de la vie municipale, illustrant aussi bien la réalité de la vie napolitaine, de ses rues, de ses foules, de ses classes laborieuses, que la manière avec laquelle les cercles du pouvoir sont corrompus pour dispenser leur appui aux riches et léser les pauvres, le film possède la rigueur d’une enquête froide, méthodique, et d’autant plus captivante. 4/6

L’affaire Mattei
Parce qu’il traite d’une matière délicate, Rosi refuse la chronologie trop simple et la structure univoque. C’est le montage qui apporte un sens à la suite des images, et c’est en travaillant à la moviola que les différents éléments du puzzle finissent par trouver leur logique interne et leur pouvoir de signification. Sans refuser la notion de spectacle, l’œuvre propose ainsi une analyse aigüe et passionnante de l’Italie démocrate-chrétienne, englobe tous les aspects politiques, économiques, sociaux, culturels d’un pays aux mains d’un pouvoir soudain démystifié, et prouve avec éclat qu’il est possible de poser des problèmes fondamentaux, notamment ceux de la vérité, de la conscience et de la corruption, en évitant le double écueil du discours groupusculaire et de l’engagement comme alibi démagogique. 5/6

Lucky Luciano
Rosi ouvre un nouveau dossier sinistrement spectaculaire, articulé autour de quelques charnières grinçantes : les conflictuels rapports italo-américains, la mise en place par l’armée alliée des pontes de la Mafia aux commandes en Italie du Sud, la corruption des différents domaines du pouvoir. Il fait la radiographie d’un cancer socio-politique en alternant les temps et les lieux par un vigoureux brassage des faits, serrant à chaque fois un peu plus sur la corde qui tient ensemble les partenaires d’un jeu souterrain et feutré, balayé par des tempêtes épouvantables. Au rythme des trafics qu’elle dévoile, des compromissions qu’elle révèle, des accommodements qu’elle met brutalement en lumière, cette captivante enquête impose une vigilance constante qui assoit le constat dans sa juste perspective critique. 4/6

Cadavres exquis
Le cinéaste poursuit sa chasse aux complots dans ce suspense policier intelligemment engagé, qui reflète la réalité italienne à un moment où le terrorisme gauchiste était de plus en plus meurtrier. Il propose une identification dédramatisée avec les angoisses de son personnage, ses incertitudes devenant peu à peu les seules certitudes pour affronter les absurdités environnantes. Son scepticisme devant les versions simples et non dialectiques de la vérité semble s’être accru en même temps que l’accumulation des problèmes : pour lui, la Mafia c’est le pouvoir politique, mais aussi la spéculation, la corruption. Il ne prône pas une défiance anarchique envers tous les puissants mais une éradication de certains mécanismes automatiques qui les mettent au-dessus de tout contrôle démocratique. 4/6

Le Christ s’est arrêté à Eboli
Auparavant polémiste, enquêteur scrupuleux, horloger de suspenses politiques, Rosi laisse cette fois parler son goût de l’atmosphère et du silence, applique son regard contemplatif sur les travaux et les jours. Il cherche à éclairer les rapports entre la modernité et le tiers-monde, les riches et les déshérités, le pouvoir central et la culture lucanienne, au fil d’une chronique austère qui se veut aussi étude du fascisme et de ses contradictions. Difficile de nier son scrupule, son doute, son refus de l’ornement ; impossible de l’accuser de céder à la tentation du passéisme ou de ne voir dans cette évocation quasi virgilienne qu’une nostalgie d’esthète citadin à l’égard des sociétés frugales. Mais la sévérité du film empêche toute véritable implication et met plus d’une fois à mal la curiosité et la concentration. 3/6

Oublier Palerme
Guignant la mairie de New York, un jeune et brillant politicien américain, fils de paysan sicilien émigré, part en voyage de noces à la rencontre de ses racines. Palerme, ville épaisse, sensuelle et vénéneuse où la Mafia s’agite dans l’ombre, où les palais délabrés chuchotent, les marchés vibrent, les jasmins annoncent la mort, où deux bonnes sœurs dansent le menuet et où un vieux prince est emprisonné dans un palace pourrissant. L’occasion pour Rosi de réactiver les ingrédients qui ont fait son prestige, de décrire sans équivoque possible le pouvoir occulte et quasi institutionnel de la Cosa Nostra tout en s’attachant à suivre le parcours psychologique et moral d’un homme partagé entre la résurgence d’un certain atavisme et la confrontation impitoyable à une réalité qu’il décidera d’affronter avec courage. 4/6


Mon top :

1. L’affaire Mattei (1972)
2. Main basse sur la ville (1963)
3. Lucky Luciano (1973)
4. Oublier Palerme (1990)
5. Cadavres exquis (1976)

Tel une sorte d’Alan J. Pakula transalpin, Francesco Rosi est sans doute l’un des inventeurs de ce que l’on a appelé le film-dossier : héritier du néoréalisme italien, il peaufiné une approche objective de la réalité sociale, politique et économique de son pays, conçu ses longs-métrages comme autant de procès-verbaux de l’état contemporain de l’Italie et tenté de découvrir ce qui se cache sous la surface des choses, de saisir le réel dans toutes ses contradictions.
Dernière modification par Thaddeus le 1 août 23, 20:22, modifié 1 fois.
xave44
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Re: Francesco Rosi (1922-2015)

Message par xave44 »

Au gré de mes pérégrinations virtuelles, j'ai croisé une information d'importance concernant Le Christ s'est arrêté à Eboli.
L'an dernier, le film a fait l'objet d'une ressortie sur les écrans US, dans sa version uncut de 3h40 (contre 2h30 lors de sa sortie en salles en 1979).
Malheureusement, je n'ai pas trouvé d’éléments en faveur d'une sortie en DVD ou BD. Pour le moment.
On croise les doigts...

https://www.latimes.com/entertainment/m ... story.html
https://www.youtube.com/watch?v=m_FSfXq ... =emb_title
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Alexandre Angel
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Re: Francesco Rosi (1922-2015)

Message par Alexandre Angel »

xave44 a écrit :Au gré de mes pérégrinations virtuelles, j'ai croisé une information d'importance concernant Le Christ s'est arrêté à Eboli.
L'an dernier, le film a fait l'objet d'une ressortie sur les écrans US, dans sa version uncut de 3h40 (contre 2h30 lors de sa sortie en salles en 1979).
Je me souviens avoir vu une version longue du film au début des années 80 sous forme d'épisodes.
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xave44
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Re: Francesco Rosi (1922-2015)

Message par xave44 »

Alexandre Angel a écrit :
xave44 a écrit :Au gré de mes pérégrinations virtuelles, j'ai croisé une information d'importance concernant Le Christ s'est arrêté à Eboli.
L'an dernier, le film a fait l'objet d'une ressortie sur les écrans US, dans sa version uncut de 3h40 (contre 2h30 lors de sa sortie en salles en 1979).
Je me souviens avoir vu une version longue du film au début des années 80 sous forme d'épisodes.
Tu as dû donc voir la version en 4 parties de 55' (produite par la RAI) qui serait passée à la télévision à l'époque.
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Jeremy Fox
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Re: Francesco Rosi (1922-2015)

Message par Jeremy Fox »

xave44 a écrit :
Alexandre Angel a écrit : Je me souviens avoir vu une version longue du film au début des années 80 sous forme d'épisodes.
Tu as dû donc voir la version en 4 parties de 55' (produite par la RAI) qui serait passée à la télévision à l'époque.
Oui c'est passé sous cette forme plusieurs vendredi soir d'affilée il semble me souvenir.
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Alexandre Angel
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Re: Francesco Rosi (1922-2015)

Message par Alexandre Angel »

Jeremy Fox a écrit :
xave44 a écrit :
Tu as dû donc voir la version en 4 parties de 55' (produite par la RAI) qui serait passée à la télévision à l'époque.
Oui c'est passé sous cette forme plusieurs vendredi soir d'affilée il semble me souvenir.
Souvenir un peu austère mais je sais que j'ai souvent guetté la version cinéma : en vain.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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El Dadal
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Re: Francesco Rosi (1922-2015)

Message par El Dadal »

Alexandre Angel a écrit :
Jeremy Fox a écrit :
Oui c'est passé sous cette forme plusieurs vendredi soir d'affilée il semble me souvenir.
Souvenir un peu austère mais je sais que j'ai souvent guetté la version cinéma : en vain.
La version de 147 min est disponible en dvd chez Gaumont. Criterion va sortir la version de 220 min en Blu restauré en septembre :D
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Alexandre Angel
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Re: Francesco Rosi (1922-2015)

Message par Alexandre Angel »

krolock a écrit : 20 août 20, 19:11 Je ne veux pas être hors-sujet, mais "Apocalypse now" faisant l'objet d'un véritable culte, je ne m'étendrai pas davantage sur ce film.
Je voudrais demander au forum ce qu'il pense d'un ancien grand film de guerre, à savoir "Les hommes contre" de Rosi avec Alain Cuny, Volonte, M. Frechette,
qui peut être considéré comme un "Les sentiers de la gloire" bis, sans tout de même empiéter sur le chef-d'oeuvre de Stanley Kubrick.
Je n'en ai trouvé aucune trace ici, d'où mon étonnement.

Merci de faire suivre.
Watkinssien a écrit : 20 août 20, 19:38 Très bon film de Rosi, mais tu peux créer un topic si tu veux, où en parler sur celui consacré à Francesco Rosi!
Rick Blaine a écrit : 20 août 20, 19:43 Il est surement évoqué quelque part, c'est un film formidable.
Jusqu'à Trois Frères (après ça se délite un peu), toute la filmographie de Rosi fait rêver (Le Moment de la vérité et La Belle et le Cavalier sont plus faibles). Les Hommes contre est le pendant italien des Sentiers de la Gloire mais aussi du Pour l'exemple de Joseph Losey.
Le hasard fait bien les choses, Stanley Kubrick, Francesco Rosi et Joseph Losey ont fait les trois l'objet de livres publiés par Michel Ciment.
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tenia
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Re: Francesco Rosi (1922-2015)

Message par tenia »

J'avais été un chouia déçu par Les hommes contre, que j'ai trouvé finalement un peu convenu dans sa charge antimilitariste. Très bon film dans l'ensemble, mais, oui, une sensation de deja vu a pris le dessus pendant le visionnage.
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Re: Francesco Rosi (1922-2015)

Message par Manolito »

Je me rappelle d'une interview de Tardi dans les années 90 qui disait que "Les hommes contre" était de loin son film de guerre préféré et le plus crédible sur la première guerre mondiale... Tardi qui connaît le sujet quand même.

Dans "Les hommes contre", il y a un regard politique et social analytique et précis, notamment sur les rapports de classe qui lui donne une épaisseur et un regard bien particulier.

Ce film et ces protagonistes est inspiré d'un vrai fait historique, cf extrait d'une interview de Tardi :

"Il y a aussi un autre épisode peu connu que vous évoquez, la bataille de Gorizia en Italie, avec la chanson O Gorizia

J.T. : Gorizia c’est dans le massif de montagne des Dolomites. Les Italiens se battaient contre les Autrichiens dans les sommets enneigés à 3000 mètres d’altitude. Les canons gelés étaient montés avec des poulies, des mules. Des colonnes de mecs qui grimpent dans la montagne. Ils ont énormément souffert. Cet épisode est retracé dans le film de Francesco Rosi « Les hommes contre » et dans le roman d’Hemingway «L’adieu aux armes ». Le chef des troupes, le général Cadorna, était l’équivalent chez nous du général Nivelle, c’est à dire un abruti incapable. En ce moment, il y a une tendance étonnante à réhabiliter Nivelle sous prétexte qu’il a donné sa démission parce qu’il n’y arrivait pas. Cadorna s’y prenait très mal et c’est pour ça que les soldats se sont mis en grève. Ils ne refusaient pas de se battre, simplement pas dans ses conditions. Les Italiens ont le record de fusillés pendant cette guerre. Les Anglais n’en ont pas parlé pendant longtemps mais eux aussi ont eu un grand nombre de fusillés. Les Français arrivent derrière. Chez les Allemands, c’était différent. Il fallait vraiment faire une grosse connerie pour être exécuté. On le dégradait et il retournait au combat. Ce qui dans l’optique militaire était moins con ! On continuait à l’utiliser au lieu de le tuer comme chez nous."
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Alexandre Angel
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Re: Francesco Rosi (1922-2015)

Message par Alexandre Angel »

Merci pour avoir cité cet extraordinaire dessinateur!
Ce n'est plus très frais dans ma tête mais je me souviens qu'un grand nombre d'apparition d'Alain Cuny dans Les hommes contre étaient accompagnées d'un très discret mais imprégnant thème musical à la fois ironique et poétique (une espèce d'air d'accordéon, je crois, soulignant quelque chose de nostalgique chez le personnage).
Ça, c'est typiquement une trouvaille à la Rosi : en surface il y a un dossier à charge très sérieux, mais dès que l'on gratte un peu, c'est le règne de l'imagination.
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