La Porte du paradis (Michael Cimino - 1980)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Jean-Pierre Festina
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Re: La Porte du paradis (Michael Cimino - 1980)

Message par Jean-Pierre Festina »

Alexandre Angel a écrit :Tout ce que je sais, c'est que je crois à la "vérité" esthétique d'un film, c'est-à-dire ce qui correspond à la première identité plastique du film tel qu'on le découvre (j'avoue que j'ai du mal à trouver les mots :mrgreen: ).
En l'occurrence, je serais curieux de savoir qui parmi les amateurs du film l'a abordé par la version longue (j'aurais bien sondé un peu plus avant ce topic, mais il est lui aussi beaucoup trop long :mrgreen: )
LU SUR FORUM A MONTRES : "(...) maintenant c'est clair que Festina c'est plus ce que c'était(...)"


Non mais ALLOOOO quoi
batfunk
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Re: La Porte du paradis (Michael Cimino - 1980)

Message par batfunk »

En 2005,j'avais mis sur papier un comparatif du montage, des deux versions de 1989, scène par scène, minute par minute(que j'ai toujours je crois).
La première chose qui sautait aux yeux dans la version courte, c'est l'atténuation voulue de la noirceur de la société américaine de l'époque,. C'est très visible notamment dans les première scènes d'Averill en ville. Mais celà a aussi pour conséquence des ellipses incomprehensibles.
Effrayant de voir comment un montage différent peut donner un sens différent à un film.
La version longue reflète a mon avis à 100 % la vision de Cimino, celle d'une Amérique batie avec le sang des immigrants pauvres mais son montage est trop indulgent avec des scène inutiles(le pique nique au bord de L'eau notamment). Mais je rejoins Thaddeus, cette fin dans la version Longue est effectivement sublime, l'une des plus tristes et belles fins de l'histoire du cinéma (et qui éclaire de manière éclatante le discours de John Hurt à Harvard du début, jusqu'ici abscons).
La version parfaite est entre les deux à mon avis, soit la version longue de 89 moins quelques scènes qui n'apportent rien.
Bon, me voilà obligé de le revoir(mon coffret Carlotta deluxe est toujours fermé) :mrgreen:
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Alexandre Angel
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Re: La Porte du paradis (Michael Cimino - 1980)

Message par Alexandre Angel »

batfunk a écrit : qui éclaire de manière éclatante le discours de John Hurt à Harvard du début, jusqu'ici abscons.
Non, ce discours ne peut être abscons jusqu'ici puisque, dans la version courte, nous ne l'entendons pas! :mrgreen:
EDIT à moins que tu veuilles dire par jusqu'ici que le discours de Hurt est abscons jusqu’à ce que la fin du film l'éclaire rétrospectivement, auquel cas je t'aurais mal compris.

Je sais pas vous mais moi je trouve qu'on a une discussion super intéressante
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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shubby
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Re: La Porte du paradis (Michael Cimino - 1980)

Message par shubby »

Thaddeus a écrit : j'estime que le chef-d'oeuvre, le vrai, se caractérise notamment par sa dimension irréfragable : il ne doit y avoir rien à y ajouter et rien à y retirer, sous peine de l'abîmer.


Après ce pet de l'esprit : merci, je ne connaissais pas ce mot.
O'Malley
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Re: La Porte du paradis (Michael Cimino - 1980)

Message par O'Malley »

Thaddeus a écrit : Lorsque Coppola propose trois ou quatre versions d'Apocalypse Now (et dieu sait que je vénère Apocalypse Now), cela me gêne un peu aux entournures puisque j'estime que le chef-d'oeuvre, le vrai, se caractérise notamment par sa dimension irréfragable : il ne doit y avoir rien à y ajouter et rien à y retirer, sous peine de l'abîmer.
Pour le coup, là, de manière quasi-sûr alors, je dirais que la version de 1979 serait la bonne pour Apocalypse Now.

Après qu'un cinéaste nous propose d'autres versions qui permettent de découvrir d'autres séquences, un montage alternatif, un rythme différent ne ne gêne pas vraiment sachant que je considère toujours la première version d'un film comme la plus authentique car c'est celle qui correspond à sa venue au monde.

Je distinguerais aussi deux cas de figure:
- la cas d'un film dont le montage originel voulu par le metteur en scène n'a pas pu être distribué lors de sa première exploitation à cause de la censure ou d'un montage différent, plus commercial, voulu par le producteur,
- le cas où le metteur en scène lui-même nous propose un nouveau montage, de nouveaux effets spéciaux parce qu'il pense qu'il peut toujours améliorer son film, soit en vertu des nouvelles technologies soit en remettant toujours son coeur à l'ouvrage.

A mon avis, le premier cas est plus légitime que l'autre quand bien même il n'aboutirait pas systématiquement à un résultat meilleur (il est souvent arrivé que l'intuition mercantile mais plus rigoureuse du producteur ait raison des volontés artistiques du metteur en scène).
Quant au second cas, je considère qu'à partir du moment ou le réalisateur a quand même eu les moyens de finaliser son montage au moment de la conception de son film et avec les moyens technologiques du moment (car un film appartient à son époque) plus ou moins comme il le voulait, il ne devrait plus intervenir dans sa conception et laisser le film vivre sa vie.

Cependant, dans tous les cas, une version ne doit pas se substituer à l'autre et toutes les versons d'un film doivent co-exister.
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tenia
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Re: La Porte du paradis (Michael Cimino - 1980)

Message par tenia »

Le souci est toujours le même : d'une part, il est difficile de savoir la marge de manoeuvre offerte au réalisateur dans le montage final (que ce soit par les producteurs, le studio, la MPAA) quand bien même il a, au final, quasi carte blanche et le final cut, et de l'autre, certains ont bien compris cela et galvaudent du "Director's Cut" jusqu'à l'indigestion. De fait, je vois plutôt plus de cas de figures : le film clairement tronqué et qui revient dans sa forme originelle, le metteur en scène qui a envie d'y retourner pour ajuster ceci ou cela, le film qui revient en version longue parce que c'est possible de faire du pognon avec un nouveau montage, le film qui revient dans un montage alternatif plus libre qu'à sa sortie mais sans pour autant que le montage originel soit "renié", etc etc.

Je ne sais d'ailleurs pas si la peinture ou la littérature "classiques" sont de bons points de comparaison, car leurs impératifs financiers n'ont jamais vraiment été de la masse façon industrielle. Quand Picasso peint Les demoiselles d'Avignon, il n'a pas un public de plusieurs millions de personnes à satisfaire et des actionnaires lui disant "un peu moins de rose parce que sinon, ça ne va pas être assez rentable". D'un autre côté, on sait que Balzac retouchait ses épreuves ad nauseam et que c'est son éditeur qui finissait par lui arracher des mains à un moment pour l'envoyer à l'imprimerie car sinon, on y serait toujours. Et si les épreuves avaient été retirées 1 semaine plus tôt ou plus tard ? On peut supposer qu'Eugénie Grandet ou Le père Goriot auraient été différents des textes qu'on connait aujourd'hui. Pas massivement, mais tout de même.

Au final cependant, je crois que les montages raccourcis pour de pures questions de censure ou mercantiles (raccourcir le film pour ajouter une séance quotidienne par ex) pourraient disparaitre qu'ils ne me manqueraient pas. Pour reprendre l'exemple de la peinture : si demain on se rend compte qu'une toile célèbre était tronquée et qu'on retrouve l'ensemble, je ne sais pas si j'aurais envie de continuer de voir la version tronquée, représentative de rien du tout hormis une mauvaise conservation qui a duré x années.
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Re: La Porte du paradis (Michael Cimino - 1980)

Message par batfunk »

Alexandre Angel a écrit :
batfunk a écrit : qui éclaire de manière éclatante le discours de John Hurt à Harvard du début, jusqu'ici abscons.
Non, ce discours ne peut être abscons jusqu'ici puisque, dans la version courte, nous ne l'entendons pas! :mrgreen:
EDIT à moins que tu veuilles dire par jusqu'ici que le discours de Hurt est abscons jusqu’à ce que la fin du film l'éclaire rétrospectivement, auquel cas je t'aurais mal compris.

Je sais pas vous mais moi je trouve qu'on a une discussion super intéressante
Ton edit est le bon :lol:
Pas vu le film depuis 15 ans, je ne me souvenais même plus de l'absence du discours de Hurt dans la version courte :mrgreen:
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Alexandre Angel
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Re: La Porte du paradis (Michael Cimino - 1980)

Message par Alexandre Angel »

batfunk a écrit : Ton edit est le bon :lol:
Ah bah désolé! :oops:

Oui, dans la version courte, Billy Irvine est appelé à la tribune, nous voyons le plan ascendant accompagnant son acheminement vers le piédestal mais aussitôt, en son off, nous entendons les premières effluves de la valse de Strauss avant que l'on enchaîne sur les danseurs tourbillonnant.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Spike
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Re: La Porte du paradis (Michael Cimino - 1980)

Message par Spike »

tenia a écrit :Au final cependant, je crois que les montages raccourcis pour de pures questions de censure ou mercantiles (raccourcir le film pour ajouter une séance quotidienne par ex) pourraient disparaitre qu'ils ne me manqueraient pas. Pour reprendre l'exemple de la peinture : si demain on se rend compte qu'une toile célèbre était tronquée et qu'on retrouve l'ensemble, je ne sais pas si j'aurais envie de continuer de voir la version tronquée, représentative de rien du tout hormis une mauvaise conservation qui a duré x années.
Cela dépend de l'oeuvre à laquelle tu accordes le plus d'importance :
- l'oeuvre telle qu'elle a été voulue par son auteur ;
- l'oeuvre telle qu'elle a été reçue/critiquée par le public.

Si les montages cinéma censurés disparaissent, cela pourrait devenir difficile de comprendre l'accueil public/critique d'époque en disposant seulement de la possibilité de visionner une version profondément remaniée.
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shubby
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Re: La Porte du paradis (Michael Cimino - 1980)

Message par shubby »

Il arrive aussi que la prod' ait une vision plus juste quant à l'intérêt général d'une oeuvre. Un peintre travaille seul, certainement pas le réalisateur. C'est très français, d'ailleurs, que de lui accorder une telle importance. Pour moi, c'est aussi un indicateur, évidemment, mais on trouve de magnifiques oeuvres collectives, sinon divertissements, très bien emballés.

Payback est largement mieux ds sa version ciné, par exemple (mon exemple favori sur ce sujet).
Le 13ème guerrier : McT conchie la scène avec la sorcière car elle casse le pdv de Banderas. Pas moi. De fait, ce film se suffit sûrement ainsi.
J'exècre toutes les versions longues - DC ? - des films de James Cameron.

Mais si je déteste globalement les bidouillages effectués a posteriori (wtf avec apocalypse now ? pas toucher !), je garde pourtant ma magnifique final cut de blade runner > réal' version. La version longue de kingdom of heaven est aussi magnifique.

Quant aux Portes du Paradis, il me faudrait revoir la version ciné. Découverte aussi via le dvd MGM, emprunté à la médiathèque. Y'a un bail.
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Alexandre Angel
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Re: La Porte du paradis (Michael Cimino - 1980)

Message par Alexandre Angel »

Quelques réflexions très personnelles, au débotté,sur Heaven's Gate, vers lequel je reviens car j'ai craqué pour le BR (j'avais le dvd - pas le coffret de ouf- avec le livret rédigé par JB Thoret).

A force de côtoyer le film avec acharnement, de sa sortie en 1981 et sa version tronquée, à l'avènement de la version intégrale en 1989, jusqu'au Director's Cut de 2013, j'ai eu tout le temps de louvoyer, de rechercher la lucidité (peut-être l'avais-je trop aimé et trop tôt), de peser le pour ou le contre, d'écouter les arguments contre (et ambigus) de Bertrand Tavernier ou de certains amis dont l'avis m'était cher et j'ai décidé de me poser et d'arrêter ma décision : c'est un chef d'œuvre point marre.

Les défauts objectifs du film équivalent aux coquillages et autres artefacts qui viennent s'agglutiner sur l'épiderme d'un cétacé énorme et majestueux. En fait, ils m'indiffèrent et n'interfèrent en rien sur l'impression immense que ce film n'en finit plus d'exercer sur ma psyché cinéphilique.

Heaven's Gate reste ce mammouth exaltant qu'il n' a jamais cesser d'être depuis sa sortie que j'attendais à 15 ans, fébrile, muni du dernier Première et de la bande originale que je m'étais procurée à la FNAC. Bande originale que je connaissais par cœur avant de voir la bête, et sur laquelle un pote de mon âge et moi nous étions excités en sautant sur un matelas quand venait la plage de la fête sur patins à roulettes (on était des gosses, indulgence). Je me rappelle que j'imaginais Isabelle Huppert, déjà star du cinéma français à l'époque, faire la potiche française de service comme on l'a vu dans maints films, le surcroît d'exotisme européen. Or, elle est formidable dans le Cimino : hyperprésente, sensuelle, lumineuse, frémissante (ah, la scène où Kris Kristofferson lui offre un beau cheval et une Studebaker). Voilà bien un des multiples sortilège du film : offrir à la marraine du cinéma français peut-être bien son plus beau rôle. J'exagère sans doute mais c'est pour dire l'impact du film. Isabelle Huppert dans La Porte du Paradis, c'est un peu comme si elle avait joué dans Autant en emporte le vent. Ce rôle, c'est elle qui l'a eu et personne d'autre.

Ensuite, que l'on ne me tienne pas rigueur de l'avoir déjà dit, la présence de la nature et des décors qu'on y a plantés résonnaient avec des lieux que je connaissais (les Vosges, le Ballon d'Alsace). Il y a un côté "gite rural", ou plutôt relais montagnard, chez la cabane où vit Christopher Walken au milieu d'une plaine et vers laquelle serpente un chemin. L'univers du film créait une proximité esthétique, graphique et poétique avec une nature qui était à portée de voiture chez moi.

Chaque intérieur, chaque décor "intimiste" (par opposition au gigantisme de la ville de Casper) créait chez le jeune spectateur que j'étais des sensations bucoliques dont le côté oxygénant interagissait de façon féconde et bouleversante avec la violence qui se déployait dans le dernier tiers.

C'est que Heaven's Gate est un film-monde, plus qu'une reconstitution historique, avec ses codes, sa logique interne, ses échos et ses effets de proximité, ses billes d'imaginaire westernien venant tilter sur les bumpers d'un espace mental et temporel à la fois archaïque et sophistiqué. Une véritable odyssée de l'espace.

A-t-on suffisamment insisté sur l'extraordinaire côté choral de l'œuvre? Jamais film n'a semblé comporté autant de personnages (même chez Robert Altman), que l'on croise une fois, deux fois, et qui, tôt ou tard auront leur part en cours de récit. Se familiariser avec La Porte du Paradis et l'aimer, c'est épouser, intégrer cet univers foisonnant où étudiants, marshals, putes, musiciens, mercenaires, cattle barons et immigrants sont comme une troupe soudée par l'ambition foldingue du film.

Peu importe dès lors que les dialogues soient sentencieux (oui, ils le sont) puisqu'ils participent eux aussi de la circularité étourdissante de moults motifs visuels, sonores et thématiques dont Heaven's Gate s'est constitué le système, comme une gigantesque caisse de résonance, auto-circonscrite, affolante qui est celle d'un western-univers à nul autre pareil.
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Re: La Porte du paradis (Michael Cimino - 1980)

Message par ballantrae »

:wink: Entièrement d'accord avec toi Alexandre , foi d'ancien du blog Tavernier!
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tchi-tcha
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Re: La Porte du paradis (Michael Cimino - 1980)

Message par tchi-tcha »

Jean-Pierre Festina a écrit : 11 août 20, 12:55 ... je serais curieux de savoir qui parmi les amateurs du film l'a abordé par la version longue
Moi, par exemple (ou alors si j'ai vu la version "courte" c'était gamin à la télé et je n'en garde aucun souvenir, ce qui revient au même).

Je ne sais pas si ça me donne un avantage par rapport à mes aînés qui ont d'abord vécu pendant des années avec le montage court/salle/original/comme-vous-voulez. En tout cas, personnellement je n'ai jamais eu aucune envie de tenter un comparatif entre les deux versions. Disons que les films sont trop longs et que la vie est trop courte pour pouvoir tout faire. :mrgreen:

Tout ce que j'en sais, c'est la légende qui l'entoure ("le film qui a sonné le glas des grands studios tels qu'on les connaissait"), et c'est qu'il s'agit d'un charcutage. À part pour constater les dégâts, relever ce qui manque et ce qui n'a plus le même sens, je n'en vois pas trop l'intérêt. Avant qu'on ne me tombe dessus, je précise que même si c'est un film que j'apprécie (souvenir tenace de ses figures circulaires et de son image finale davantage que de ce qu'il raconte, à vrai dire), même si je le préfère à Voyage au Bout de l'Enfer (mais je préfère également Le Canardeur à The Deer Hunter, donc mon avis vaut ce qu'il vaut), Heaven's Gate ne fait pas partie de mes films de chevet (il n'est même pas dans mon Top 100, le grand topic du moment). Ceci expliquera au moins en partie mon absence de curiosité quant à cette version courte. Ce n'est pas un film fondateur de ma cinéphilie, je l'ai découvert sur le tard via sa version longue dont on m'a expliqué qu'elle représente la "vraie" vision de Cimino, ça me suffit.
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Re: La Porte du paradis (Michael Cimino - 1980)

Message par batfunk »

Alexandre Angel a écrit : 4 déc. 22, 23:08 Quelques réflexions très personnelles, au débotté,sur Heaven's Gate, vers lequel je reviens car j'ai craqué pour le BR (j'avais le dvd - pas le coffret de ouf- avec le livret rédigé par JB Thoret).

A force de côtoyer le film avec acharnement, de sa sortie en 1981 et sa version tronquée, à l'avènement de la version intégrale en 1989, jusqu'au Director's Cut de 2013, j'ai eu tout le temps de louvoyer, de rechercher la lucidité (peut-être l'avais-je trop aimé et trop tôt), de peser le pour ou le contre, d'écouter les arguments contre (et ambigus) de Bertrand Tavernier ou de certains amis dont l'avis m'était cher et j'ai décidé de me poser et d'arrêter ma décision : c'est un chef d'œuvre point marre.

Les défauts objectifs du film équivalent aux coquillages et autres artefacts qui viennent s'agglutiner sur l'épiderme d'un cétacé énorme et majestueux. En fait, ils m'indiffèrent et n'interfèrent en rien sur l'impression immense que ce film n'en finit plus d'exercer sur ma psyché cinéphilique.

Heaven's Gate reste ce mammouth exaltant qu'il n' a jamais cesser d'être depuis sa sortie que j'attendais à 15 ans, fébrile, muni du dernier Première et de la bande originale que je m'étais procurée à la FNAC. Bande originale que je connaissais par cœur avant de voir la bête, et sur laquelle un pote de mon âge et moi nous étions excités en sautant sur un matelas quand venait la plage de la fête sur patins à roulettes (on était des gosses, indulgence). Je me rappelle que j'imaginais Isabelle Huppert, déjà star du cinéma français à l'époque, faire la potiche française de service comme on l'a vu dans maints films, le surcroît d'exotisme européen. Or, elle est formidable dans le Cimino : hyperprésente, sensuelle, lumineuse, frémissante (ah, la scène où Kris Kristofferson lui offre un beau cheval et une Studebaker). Voilà bien un des multiples sortilège du film : offrir à la marraine du cinéma français peut-être bien son plus beau rôle. J'exagère sans doute mais c'est pour dire l'impact du film. Isabelle Huppert dans La Porte du Paradis, c'est un peu comme si elle avait joué dans Autant en emporte le vent. Ce rôle, c'est elle qui l'a eu et personne d'autre.

Ensuite, que l'on ne me tienne pas rigueur de l'avoir déjà dit, la présence de la nature et des décors qu'on y a plantés résonnaient avec des lieux que je connaissais (les Vosges, le Ballon d'Alsace). Il y a un côté "gite rural", ou plutôt relais montagnard, chez la cabane où vit Christopher Walken au milieu d'une plaine et vers laquelle serpente un chemin. L'univers du film créait une proximité esthétique, graphique et poétique avec une nature qui était à portée de voiture chez moi.

Chaque intérieur, chaque décor "intimiste" (par opposition au gigantisme de la ville de Casper) créait chez le jeune spectateur que j'étais des sensations bucoliques dont le côté oxygénant interagissait de façon féconde et bouleversante avec la violence qui se déployait dans le dernier tiers.

C'est que Heaven's Gate est un film-monde, plus qu'une reconstitution historique, avec ses codes, sa logique interne, ses échos et ses effets de proximité, ses billes d'imaginaire westernien venant tilter sur les bumpers d'un espace mental et temporel à la fois archaïque et sophistiqué. Une véritable odyssée de l'espace.

A-t-on suffisamment insisté sur l'extraordinaire côté choral de l'œuvre? Jamais film n'a semblé comporté autant de personnages (même chez Robert Altman), que l'on croise une fois, deux fois, et qui, tôt ou tard auront leur part en cours de récit. Se familiariser avec La Porte du Paradis et l'aimer, c'est épouser, intégrer cet univers foisonnant où étudiants, marshals, putes, musiciens, mercenaires, cattle barons et immigrants sont comme une troupe soudée par l'ambition foldingue du film.

Peu importe dès lors que les dialogues soient sentencieux (oui, ils le sont) puisqu'ils participent eux aussi de la circularité étourdissante de moults motifs visuels, sonores et thématiques dont Heaven's Gate s'est constitué le système, comme une gigantesque caisse de résonance, auto-circonscrite, affolante qui est celle d'un western-univers à nul autre pareil.
Chef d'œuvre effectivement. :D
Plus de 40 ans après sa sortie, je ne m'explique toujours pas l'absence de sa réhabilitation auprès de la critique américaine...
Le mythe de la conquête de l'ouest est il toujours aussi vivace dans l'identité américaine?
Ce film a brisé nette une ascension et une filmographie future probablement exemplaire. Mais bon, sans cet échec, pas d'Année du Dragon, alors...
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shubby
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Re: La Porte du paradis (Michael Cimino - 1980)

Message par shubby »

Le secret ici, c'est le casting. Ce film est cousin de The Sorcerer dans sa malédiction je trouve. Kristofferson, j'aime bcp, mais là il passe un peu à côté du rôle. C'est un miscat, surtout. Peckinpah l'avait cerné, pas Cimino. Qq'un d'un peu plus fin, genre Sam Shepard, aurait peut être mieux convenu, je ne sais pas. Roy Scheider est génial, mais un poil effacé sur The Sorcerer. Friedkin aurait eu McQueen s'il avait accepté de déplacer son action. Il a regretté ne pas l'avoir fait. "Le visage de McQueen était un paysage", disait-il. C'est beau, ça. Ça veut aussi dire qu'il aurait été plus inspiré avec une muse. J'adore tous ces films, mais je vois ce qui leur manque. J'apprécie aussi ce côté maudit, ça donne une tonalité unique. Mais ça explique le four.
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