Un homme est passé
Pour atteindre à son plein épanouissement, une allégorie doit s’ancrer au sein d’un espace précisément appréhendé, activer des êtres et des objets aussi justes et adéquats que possible. Telle est la première qualité de ce transparent réquisitoire contre la lâcheté collective, tourné en pleine chasse aux sorcières maccarthyste, où les personnages sont disposés comme des pions sur l’échiquier du Cinémascope. Sturges y raconte comment la démocratie américaine, paralysée de son aile gauche et débarquant dans un pays dont les habitants soumis refusent de prendre position contre le tyran local, rappelle que le respect de la liberté et de la dignité réside entre les mains du peuple. Tout ici est sa place, conçu et exécuté sans graisse, dans un souci permanent de conjonction entre la forme et son sujet. 4/6
Les sept mercenaires
Peut-être parce qu’il est le remake d’un des films les plus fameux et admirés du septième art, ce western pourtant célèbre a toujours été un peu méprisé. Il n’en demeure pas moins fidèle au propos de Kurosawa en ce qu’il dépeint un certain type d’hommes, ces infixés qui n’ont rien à perdre ni à gagner, rien à construire ni à détruire, seulement à réunir entre semblables les conditions d’une fraternité idéale, au seul profit d’une action jugée honorable. Importance thématique ne devant pas faire négliger la rigueur d’une composition ordonnée de main sûr, celle de plans harmonisés dans un ton de mauve pâle, le lyrisme et le sens d’une aventure qui est précisément le souffle du western, exprimés ici dans un style, presque une gestuaire, faisant des héros les chevaliers d’une moderne quête du Graal. 5/6
La grande évasion
Comment des prisonniers anglo-américains internés pendant la guerre dans un camp allemand réussirent une évasion en masse mais subirent pour la plupart un sort tragique avant d’atteindre la frontière suisse et la liberté. L’histoire est authentique et cet exemplaire film d’aventures la conte en deux parties d’un ton très différent. La première, captivant documentaire sur la vie en stalag, décrit les préparatifs de la fuite ; la seconde, marquée d’une cruelle amertume, éclaire la marche en avant d’une "caravane humaine" dont le destin est de perdre et de dépenser démesurément ses forces pour le succès d’un petit nombre. Par-delà la tension d’un suspense impeccablement entretenu, la plénitude consommée du spectacle, s’affirme un émouvant lyrisme de l’amitié, du paysage et de la volonté de l’homme. 5/6
Mon top :
1. La grande évasion (1963)
2. Les sept mercenaires (1960)
3. Un homme est passé (1955)
Dans l’historiographie officielle du cinéma, John Sturges n’apparaît souvent guère plus que comme un solide artisan. Ces quelques films laissant pourtant percevoir une personnalité affirmée, celle d’un peintre de l’âme américaine et plus particulièrement de la démocratie rooseveltienne, ayant parfaitement assimilé les exigences du spectacle et de certains genres bien circonscrits. L'essentiel de son oeuvre me reste cependant à découvrir.