Abel Gance -
La roue (1923)
Pour un coffret de cette taille, je vais adapter mon retour en petits paragraphes plutôt qu'en lignes.
Packaging
Le coffret est sobre et élégant, à taille Blu-ray standard. Le boîtier extérieur est en carton rigide, serti de quatre digipaks (trois disques pour le prologue et les quatre périodes du film, un disque de suppléments) qui sont complétés par "livret" de 140 pages détaillant la genèse du film ainsi que le travail de reconstruction/restauration. C'est vraiment un bel objet pour les collectionneurs, et cela justifie direct le tarif assez élevé.
Vidéo
Je ne vais pas revenir en détail sur le travail de restauration 4K réalisé sur ce film, mais souligner qu'il s'agit avant toute d'une
reconstruction à partir d'un fil conducteur musical qui se rapproche le plus possible de la première projection de février 1923 au Gaumont Palace. Le master HD se base sur plusieurs sources de qualité différentes, une hétérogénéité qui se fait évidemment sentir quand on passe par exemple d'une bobine de 35mm à un élément tiré d'un 16mm : perte de piqué, de détails, etc. Pour être bref, toutes les séquences tirées du négatif original sont absolument superbes, les autres de qualité très variable. Les teintes ("virages" etc.) et colorisations sont magnifiques. Les effets de fondu enchaîné utilisés pour combler l'absence de photogrammes sont bienvenus, quand ce procédé est utilisé, le confort de visionnage est total. Mais pour être tout à fait franc, plusieurs choses - qui relèvent purement de choix de la part des équipes en charge de la restauration et de mon goût personnel en la matière - m'ont gêné. Il a été décidé, par exemple, de ne pas corriger les sauts de pellicule quand il manquait cinq photogrammes ou moins (pour privilégier la netteté du meilleur élément disponible), ce qui m'a un peu perturbé pour certaines scènes où ces sauts sont multiples. Plus encore, le choix de ne pas intervenir sur la présence de collures dues au montage d'origine ; l'image est nettoyée, stabilisée mais sans gommage numérique, on passe à la postérité des scories qui gâchent le plaisir avec des sortes de "flash" qui desservent l'ensemble. Enfin, il faut noter que certaines bobines étaient en mauvais état (en particulier dans la troisième époque et vers la fin du film), et que la "restauration" de ces éléments reste très limitée. On aurait pu imaginer un travail plus abouti grâce aux outils informatiques modernes pour gommer les moisissures et les nombreuses taches blanches qui défilent à toute allure. Il y a là, sans doute, une question de budget qui m'amène à croire que, si la phase de reconstruction est plus ou moins définitivement actée, une restauration de l'image plus poussée (et visant moins le recueil technico-patrimonial que l'absolu poétique) sera sans doute proposée d'ici quelques années. C'est en tout cas un scénario souhaitable pour la pureté d'une "symphonie en noir et blanc".
Audio
Ici, je serai beaucoup plus laconique. La piste sonore du Blu-ray est très solide techniquement, dynamique, réussie. Quand on connaît l'importance cruciale des partitions signées Honegger dans la reconstruction de ce film, c'est un vrai bonheur. Elle aide à se plonger intégralement dans l'ambiance du film, avec des thèmes marquants, et sa grandeur rattrape souvent les quelques insatisfactions dues aux défauts de pellicule.
Bonus
L'excellent livret de 140 pages est le gros morceau des "bonus" pour l'amateur avide d'informations. Le disque de suppléments vidéo propose le court documentaire sur la restauration du film qui avait été diffusé sur Arte, ainsi que d'autres morceaux choisis : des coulisses de tournage par Blaise Cendrars (toujours intéressant pour déconstruire les scènes vues à l'écran), des scènes coupées du montage original (et qui expliquent certains passages étranges du film
a posteriori), un comparatif avant/après restauration (mettant en évidence certains procédés). Les actualités d'époque sont sympathiques, mais ne valent pas les deux courts entretiens avec Gance et son équipe (1964/1974). Il ne manquerait à cette édition, finalement, qu'un commentaire audio - ou un document d'analyse vidéo étant donné la longueur du film - pour être tout à fait satisfaisante.
Film : 9/10
Vidéo : 7,5/10
Audio : 10/10
Bonus : 8/10