(en italiques : films découverts en salle à leur sortie)
Une nuit en enfer
Tarantino, qui a dû imaginer cette histoire au cours d’une soirée arrosée, s’est pourtant vu offrir 15.000 dollars pour écrire le scénario qui lui permit de sortir à jamais du vidéoclub où il était employé. Sorte de grosse pochade délirante conçue entre amis, le film est l’occasion de visiter un à un les genres les plus en vogue du cinéma américain : polar noir avec braquage qui tourne mal, road movie, parodie sanglante de fantastique et d’horreur… Visiblement Rodriguez s’amuse comme un petit fou, s’attachant à bien rappeler à chaque plan qu’il est n’est ici que pour la déconne. Une telle régression obstinée n’est pas sans dispenser un certain charme, parce que ce petit trip adolescent de série Z est exécuté avec humour et dérision, mais il ne se regarde qu’une seule fois, avec des potes, des bières et des pizzas.
3/6
Sin city
Passée la fascination (très relative) exercée par l’exercice graphique, tout en ombres stylisées, silhouettes obscures et taches d’ocre, que retenir de ce polar millénariste où d’honnêtes détectives, quelques femmes fatales et de parfaits monstres bavent leur haine et crachent leurs dents dans un noir et blanc éclaboussé ça et là d’un filet sanguin ? Que Rodriguez insuffle une certaine élégance décadente à son adaptation outrancière, iconoclaste et macabre de la BD de Frank Miller, que les personnages (ou plutôt leurs esquisses) imposent un charisme de pure surface en phase avec ce Guignol clinquant, de belle facture technique, dont la démultiplication d’artifices est destinée à combler la vacuité : du vernis, de l’esbroufe certes pas déplaisante, si ce n’est la débauche de sadisme plus désagréable que dérangeante.
4/6
Planète terreur
Où l’on retrouve le Rodriguez d’
Une Nuit en enfer, ses lubies de puceau cinématographiquement impuissant, son goût fétichiste des fusillades, des explosions, des filles burnées et de la tripaille qui tâche, avec gangrène bactériologique, bocal à couilles et sang de zombies pour épicer la sauce barbecue. Avec surtout la bannière du délire décomplexé en alibi pour l’infantilisation généralisée. En régénérant la bonne vieille horde de morts-vivants avides de cerveaux humains qui attaque la ville, il ne fait que signer une parodie lambda de film d’horreur lambda, sans jamais parvenir à organiser ses inventions potaches en un imaginaire cohérent. Mais s’il ne possède pas les vertus "théoriques" (terme bien trop flatteur) du Tarantino, ce film tout aussi con a pour lui, en revanche, d’être idéologiquement moins puant.
3/6
Machete
Voici sans doute le premier film à avoir été réalisé des années après sa bande-annonce. Et c’est bien à ce stade qu’il aurait du rester. Car Rodriguez n’en finit plus de tourner en boucle et de mariner dans les fantasmes vermoulus que lui inspirent le cinéma d’exploitation et ses sous-genres : film d’action musclé avec son arsenal et ses méchants d’opérette, western italien, film d’arts martiaux, polar hongkongais, gore parodique… Tout cela est tourné et monté avec un dilettantisme à peu près complet qui s’autoproclame comme le stade suprême du cool, alors que l’entreprise témoigne d’une paresse, d’une bêtise et d’une vacuité affligeantes. Des stars fatiguées y cachetonnent dans un simili-délire étouffé, pas drôle, sans nerf et sans idée, aux antipodes de la farce corrosive qu'il prétend être.
2/6
Mon top :
1.
Sin city (2005)
2.
Planète terreur (2007)
3.
Une nuit en enfer (1995)
4.
Machete (2010)
Le réalisateur d’origine mexicaine pratique un petit cinéma d’adolescent sans intérêt, qui n’a que sa coolitude "décomplexée" (le qualificatif censé tout excuser) comme motivation. Doté d’un charme plus qu’intermittent, il est surtout totalement vain, vide, sans inspiration, sans émotion ni poésie ; par conséquent, il n’honore pas vraiment le créneau de divertissement qu’il prétend servir.