Mathieu Amalric

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Jeremy Fox
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Mathieu Amalric

Message par Jeremy Fox »

La Chambre bleue : 2014

Pour bien connaitre l'univers de Simenon, le film d'Amalric m'est apparu comme l'un de ceux ayant le mieux capté le ton, l'atmosphère et le rythme du grand romancier. Indépendamment de ça - puisque nous ne sommes pas censé tous avoir lu ses livres-, cette histoire de drame passionnel adultérin est brillamment construite, le scénariste et réalisateur ne nous perdant jamais dans ce puzzle qui ne perd jamais sa fluidité durant ces 75 minutes d'une formidable densité (la principale originalité du film est que l'on ne sait pas le drame qui a eu lieu -malgré le fait que ce soit le sujet principal- avant quasiment une heure).

Une œuvre sensuelle et mystérieuse (l'on sent des pulsions meurtrières chez Amalric) qui nous ballade sans nous ennuyer jusqu'à une dernière partie plus conventionnelle mais pas moins captivante. Beau travail sur le cadre (en 1.37) sur la musique (Hetzel confirme tout le bien que je pensais de lui et la chaconne de Bach est toujours aussi belle) et direction d'acteurs impeccable (Laurent Poitrenaux et Lea Drucker sont excellents). Une jolie réussite.
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Joshua Baskin
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Re: Mathieu Amalric

Message par Joshua Baskin »

Un de mes grands coups de coeur de 2014.
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7swans
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Re: Mathieu Amalric

Message par 7swans »

Joshua Baskin a écrit :Un de mes grands coups de coeur de 2014.
Pareil.
Et j'y repense souvent.
Comme les Notting Hillbillies : "Missing...Presumed Having a Good Time (on Letterboxd : https://letterboxd.com/ishenryfool/)"
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cinéfile
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Re: Mathieu Amalric

Message par cinéfile »

J'avoue beaucoup repenser au film depuis sa diffusion dimanche sur Arte.

Le film démarre tambour (ou plutôt coeur) battant avec une longue séquence sensuelle et hypnotisante, essentiellement tournée en plans fixes (où Amalric semble vouloir créer des impressions picturales). Le reste du film ne laisse d'ailleurs que peu de répit. Très belle construction (mentale, subjective, suggestive). J'aurais rarement autant aimé Amalric acteur, lui-même aidé par d'excellents second rôles (dont un inoubliable Laurent Poitrenaux en juge d'intructions :)) .

Un film fait avec manifestement beaucoup de passion de la part de l'acteur/réalisateur.

Dispo en replay sur le site d'Arte encore 1 jour. Profitez-en :wink:
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Watkinssien
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Re: Mathieu Amalric

Message par Watkinssien »

cinéfile a écrit :Un film fait avec manifestement beaucoup de passion de la part de l'acteur/réalisateur.
Qui n'en a pas manqué pour son excellent Tournée sur un sujet totalement différent mais tout aussi personnel.
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cinéfile
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Re: Mathieu Amalric

Message par cinéfile »

Watkinssien a écrit :
cinéfile a écrit :Un film fait avec manifestement beaucoup de passion de la part de l'acteur/réalisateur.
Qui n'en a pas manqué pour son excellent Tournée sur un sujet totalement différent mais tout aussi personnel.
Pas encore vu celui-là :wink:
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Kevin95
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Re: Mathieu Amalric

Message par Kevin95 »

LA CHAMBRE BLEUE - Mathieu Amalric (2014) découverte

Conscient qu'on l'attendait de pied ferme après le succès critique et public de Tournée (2010), Mathieu Amalric décide de passer par la petite porte de La Chambre bleue, adaptation à priori modeste d'un roman de Georges Simenon (durée courte, budget moyen, comédiens copains...) mais cachant un film rigoureux, audacieux et passionnant. Formellement, le cinéaste adopte un parti-pris casse gueule - le 4/3 majoritairement en plans fixes - à la fois hommage au cinéma des premiers temps comme hommage au Jean-Luc Godard des 80's (Prénom Carmen, Détective). Un choix risqué pour une mise en scène qui doit suivre le format imposé, s'obligeant à aller vers de l'épure, vers une lenteur et vers des échelles de plan vacillant entre le plan large et le très gros plan (pas ou peu de plans moyens). Le résultat est payant, dès les premiers minutes et cet ébat filmé comme une scène de crime (par morceaux pour finir sur l'image du sang), la fascination est au rendez-vous comme le malaise simemenonien. Amalric a tout compris, ne dépasse pas l'heure et quart puisque son récit n'a pas besoin de séquences gratuites et joue autant sur la bizarrerie de ses images, que sur leurs valeurs documentaires (on pense par moment à Raymond Depardon). Quelques digressions (le personnage du juge est excellent mais fait perdre la narration à la première personne jusque là adoptée) mais une vraie réussite, faisant de Mathieu Amalric peut-être l'un des réalisateurs français les plus intéressants du moment.
Les deux fléaux qui menacent l'humanité sont le désordre et l'ordre. La corruption me dégoûte, la vertu me donne le frisson. (Michel Audiard)
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Re: Mathieu Amalric

Message par Nestor Almendros »

Découvert via le replay d'Arte cette Chambre bleue, film absolument formidable et énorme surprise. Maitrise formelle et narrative, appel des sens, jeu des chronologies et du montage, récit entre drame, mélodrame et polar, vraiment une très belle réussite que je n'attendais pas.
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Jeremy Fox
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Re: Mathieu Amalric

Message par Jeremy Fox »

Belle unanimité sur ce film :)
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Re: Mathieu Amalric

Message par Rick Blaine »

Vu il y a quelques temps, effectivement c'est une très belle réussite. C'est formellement plutôt audacieux, mais ça ne vampirise pas le film bien au contraire, cela renforce une atmosphère très bien posée
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Thaddeus
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Re: Mathieu Amalric

Message par Thaddeus »

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Tournée
Le film est fellinien : il s’agit d’abord d’un voyage dans le music-hall avec le show que produit une troupe itinérante de strip-teaseuses spécialisées dans le New Burlesque et s’exhibant dans des numéros chamarrés. Il est cassavetesien, avec sa mise en scène épidermique qui abolit toute distance vis-à-vis du sujet, son personnage de manager rappelant furieusement Cosmo Vitelli, sa peinture d’un quotidien chaleureux mais vécu comme un champ de guerre – amis cruels, ennemis déterminés, galères d’argent, trahisons diverses et grandes bouffées d’exaltation. Plein de couleurs et de lumières, de glamour et d’excès, d’humour revigorant et de mélancolie existentielle, il séduit par son rythme percussif, sa consistance sensible, son aptitude à tracer son chemin au gré de nuits talismaniques et improvisées. 4/6

La chambre bleue
Le père de Maigret a été souvent (parfois mal) adapté sur petit et grand écran, mais Amalric rend ici superbement hommage à la prose au scalpel de Simenon. Sa mise en scène sensuelle et morcelée, son montage libre et imprévisible comme un morceau free-jazz conjuguent la transparence de la ligne claire aux volutes d’une immersion trouble dans une passion hors-la-loi, mêlent l’étude psychologique à la chronique judiciaire, la tension d’un récit haletant, travaillé par le doute et l’obscur, au vertige de l’existence et à une forme de pathétique désenchanté. Sonné, hagard, comme prisonnier de sa machination d’auteur, le comédien-cinéaste fait glisser le récit criminel jusqu’aux portes de l’onirisme pour mieux figurer le mystère d’un puzzle mental dont l’enjeu fascine jusqu’au dernier plan. Une vraie réussite. 5/6

Barbara
Parce qu’elle était une longue dame brune, osseuse et intellectuelle, que sa sophistication insolente inscrivait de plain-pied ses manières de diva dans le parcours de son existence, Barbara la chanteuse ne pouvait être incarnée que par Balibar l’actrice. L’évidence est telle que le cinéaste les confond dans un jeu de miroirs démultipliés, un mise en abîme perpétuelle qui fuit l’embaumement du biopic et ne laisse plus s’exprimer que la fascination fétichiste d’un metteur en scène pour son insaisissable sujet. À la fois portrait-patchwork et mosaïque de textures, d’images, de temporalités imbriquées les unes dans les autres, l’œuvre témoigne indéniablement de la rencontre entre un désir de filmer et une présence désirée, mais peine aussi à se défaire de sa complexion théorique, un brin artificieuse. 4/6

Serre-moi fort
Une femme en fuite qui tangue, chancelle, qui semble s’inventer une vie imaginaire pour compenser la catastrophe intime subtilement dévoilée par un système narratif élaboré. Ce pourrait n’être qu’un minutieux travail d’horloger. C’est un tourbillon douloureux dont l’impact émotionnel s’impose de manière assez retorse, par la grâce étrange qui émane du dispositif, les détours intuitifs qu’il s’impose, la matière sensible du désarroi et du chagrin que donnent à ressentir les images, le jeu de rimes et de réminiscences entre plusieurs hypothèses possibles visant à exprimer une seule et même modalité de la fatalité. Et Amalric (superbement servi par son actrice) d’offrir de nouvelles couleurs, tristes mais pas désespérées, cruelles mais généreuses, à cette tragédie que représente la perte des êtres chers. 5/6
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2. Serre-moi fort (2021)
3. Tournée (2010)
4. Barbara (2017)

Celui qui est souvent considéré comme le meilleur acteur français de sa génération a su imposer également un étonnant tempérament de cinéaste, définitivement affranchi de son alter ego Arnaud Desplechin. Fiévreuse, habitée, brillante, protéenne, l’œuvre d’Amalric derrière la caméra n’a rien à envier à celle de bien des réalisateurs établis.
Dernière modification par Thaddeus le 4 août 23, 19:47, modifié 2 fois.
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Alexandre Angel
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Re: Mathieu Amalric

Message par Alexandre Angel »

Thaddeus a écrit :La chambre bleue
Le père de Maigret a été souvent (parfois mal) adapté sur petit et grand écran, mais Amalric rend ici superbement hommage à la prose au scalpel de Simenon. Sa mise en scène sensuelle et morcelée, son montage libre et imprévisible comme un morceau free-jazz conjuguent la transparence de la ligne claire aux volutes d’une immersion trouble dans une passion hors-la-loi, mêlent l’étude psychologique à la chronique judiciaire, la tension d’un récit haletant, travaillé par le doute et l’obscur, au vertige de l’existence et à une forme de pathétique désenchanté. Sonné, hagard, comme prisonnier de sa machination d’auteur, le comédien-cinéaste fait glisser le récit criminel jusqu’aux portes de l’onirisme pour mieux figurer le mystère d’un puzzle mental dont l’enjeu fascine jusqu’au dernier plan. Une vraie réussite. 5/6
Pour moi la meilleure adaptation récente/contemporaine de Simenon.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Re: Mathieu Amalric

Message par Supfiction »

Vous avez trouvé l’image froide ou chaude d’ailleurs ?
J’ai trouvé le film esthétiquement très réussi mais le film ne m’a pas passionné je dois dire.

Il y a eu quoi d’autres comme adaptations de Simenon ces dernières années ?
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Alexandre Angel
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Re: Mathieu Amalric

Message par Alexandre Angel »

Supfiction a écrit : Il y a eu quoi d’autres comme adaptations de Simenon ces dernières années ?
Pas grand chose au cinéma (L'Homme de Londres, de Bela Tarr, doit être particulier).
Pour info, une adaptation de Maigret et la Jeune Morte par Patrice Leconte est prévue pour 2020 avec Depardieu dans le rôle-titre, ce qui paraît évident tant le personnage de Maigret a ce côté corpulent, gros mangeur.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Thaddeus
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Re: Mathieu Amalric

Message par Thaddeus »

Le dernier film de Claude Chabrol, Bellamy (2009), pourrait presque être considérée comme une adaptation officieuse de Simenon. On y retrouve, dans l'atmosphère, l'intrigue, l'agencement des éléments narratifs, un certain nombre de choses que l'on peut aisément identifier à l'oeuvre de l'écrivain.
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