Henri Verneuil (1920-2002)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jean-Pierre Festina
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Re: Henri Verneuil (1920-2002)

Message par Jean-Pierre Festina »

Kevin95 a écrit :PEUR SUR LA VILLE - Henri Verneuil (1975) révision
il met en scène un super flic qui se fout de l'affaire en cours. Le commissaire Jean Letellier a beau être au cul de Minos, il a constamment l'air de doucement se faire chier, de se focaliser sur un autre méchant au point de laisser une poursuite en plan pour enterrer un vieux trauma (et laisser le spectateur la queue entre les jambes) ou de constamment demander à ce qu'on lui retire l'affaire. Même l'assaut final relève de la contrainte, comme si Letellier voulait liquider l'affaire en deux coups de tatane et ainsi moucher ses supérieurs. Je trouve le double jeu osé et pas si fréquent dans le genre (qui en général simplifie la chose en opposant un bon et un mauvais, point barre).
Très fine caractérisation du personnage mais qui est à mettre à ton seul crédit j'en ai bien peur. D'ailleurs ce qui m'a le plus gêné dans ce film au cours d'une revoyure, ce sont les dialogues de Francis Veber débutant. L'héritage d'Audiard pèse lourd sur les épaules du dialoguiste qui en donne une copie forcée. Et l'absence de personnage féminin un tant soit peu déterminant dans le film (c'est une répugnance assumée de Francis Veber mais dont il s'est mieux accommodé dans l'écriture de ses films suivants) a quelque chose d'aussi efficace dans le resserrement de l'intrigue que malheureux dans la psychologie du personnage principal : à ce titre, je trouve que Belmondo "tient" mal. Le spectateur ne peut s'empêcher de se demander : à quoi marche le commissaire Letellier ? Il ne boit pas et n'a pas l'air de coucher non plus. Dans les films suivants, Audiard aura au moins le bon goût de lui adjoindre quelques prostituées dans les moments de détente. Ici, il y a un curieux vide, un flottement. Peut-être qu'un mari fidèle et scrupuleux comme Lino Ventura aurait mieux campé ce personnage lacunaire.
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Re: Henri Verneuil (1920-2002)

Message par Nestor Almendros »

Je vois mal Lino Ventura courir sur une rame de métro mais bon, pourquoi pas :uhuh:
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Jean-Pierre Festina
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Re: Henri Verneuil (1920-2002)

Message par Jean-Pierre Festina »

Nestor Almendros a écrit :Je vois mal Lino Ventura courir sur une rame de métro mais bon, pourquoi pas :uhuh:
Une bonne doublure et roule ma poule
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Re: Henri Verneuil (1920-2002)

Message par Supfiction »

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Le 2 avril à 17h55 sur TV5MONDE
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Re: Henri Verneuil (1920-2002)

Message par Supfiction »

Alligator a écrit :Image

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Le corps de mon ennemi
Spoiler (cliquez pour afficher)
Partagé entre d'une part, le plaisir de revoir Bébel dans un rôle un tantinet sérieux, dans une intrigue poisseuse sur le cynisme de la bourgeoisie et sur cette relation crapoteuse entre politique et pognon, et puis d'autre part, cet arrière-goût d'inabouti qui colle au film. Et si loin qu'il m'en souvienne, j'ai toujours ressenti cette gêne en voyant ce film. La sensation que quelque chose ne tourne pas rond.

Il y a un truc en trop dans ce film et il reste difficile à le définir. Je m'en vais essayer tout de même. Peut-être qu'il s'agit d'un trait un peu trop grossier dans la manière de dessiner ce portrait de la France rance? Les hommes d'affaire véreux un peu trop véreux? Les hommes politiques un peu trop pourris? Les bourgeois un peu trop déconnectés des réalités du peuple?

Du coup, certaines situations sont tellement grossies jusqu'à la caricature qu'elles n'apparaissent pas toujours très crédibles, trop stéréotypées. La violence de la campagne électorale est juste irréelle. Autre summum du n'importe quoi, le procès de pacotille. Y aurait-il possibilité de bâcler autant une enquête policière pour qu'au procès on s'appuie aussi clairement sur du vent? Scénario du pauvre? Mises bout à bout toutes ces excroissances dans l'écriture épuisent un peu le spectateur attentif. Car il faut nécessairement faire un gros effort pour accepter cette réalisme douteux, comme si le film était une métaphore, une fable tout entière destinée à édifier les foules, pleine de symboles et de caricatures pour bien montrer que le monde est pourri.

Dans les dialogues, on se demande si Michel Audiard n'a pas délégué ou pris le scénario par dessus la jambe : les bons mots sont rares, les répliques même parfois se révèlent très médiocres. L'humour qui est censé parsemer certains dialogues est très bas de plafond, sans aucune poésie, ni dynamisme , encore moins ne donne le moindre mordant aux personnages. Ça ne percute pas. C'est passif, fatigué. Et finalement, j'en viens à me demander si la sobriété (relative tout de même, c'est quand même Bébel) de Jean-Paul Belmondo ne vient pas de là... de ce ton assoupi que le film adopte.

Pourtant, on se laisse avoir par quelques éléments qui vous attrapent. Je verrais notamment une certaine beauté dans la vision mélancolique qui émarge du film, sur les rapports sociaux, sur le temps qui passe, inexorable et sans pitié, sur cette effrayante société de consommation qui s'éternise à changer la ville, les gens... on voit bien comment la France bouge.

L'on sent à la fois de la crainte et une certaine forme de fascination qui se bousculent chez les auteurs du film. Ce n'est pas un trait anodin, il me semble qu'on le retrouve dans les films du Verneuil vieillissant ou signés par Michel Audiard aussi quelques fois. Ça peut ressembler par moments à une rengaine de vieux cons, excusez le terme, il n'est pas insultant dans mon esprit, je crois leur trouver des circonstances atténuantes. Le film en transpire à grosses gouttes de cette peur de la mort. Les vieux bonhommes sont déboussolés par cette modernité galopante qui les dépasse.

Henri Verneuil film très bien cette dégradation des choses du passé. Il la capte sur quelques plans architecturaux, sur quelques images, le lugubre, le décati, la feuille morte, la couleur défraîchie, les témoins d'une vie qui n'est plus. Dans le même temps, les vieilles personnes peuvent jeter un regard presque apaisé sur le passé, sur les disparitions avec une sorte de sagesse qui échappe au plus grand nombre, à ceux qui continuent de se noyer dans les à-côtés matérialistes, ou tout simplement dans les gestes du quotidien. C'est assez bien décrit malgré tout.

Le personnage joué par Belmondo apparaît tout compte fait désabusé par ses 7 années de prison. Ça aussi, ça m'a bien plu, cette structure en flash-back! Alors oui, bien évidemment, elle n'a strictement rien d'original, elle est même archi-classique pour un film qui se veut foutrement noir, mais cela fonctionne très bien. Cela appuie sans forcer cette fois les contrastes entre le passé et le présent, entre mensonges et vérités. En effet, cela dessine avec férocité les petites comme les grandes hypocrisies. Les travestissements ont eu le temps en 7 ans de s'élimer et parfois de disparaître complètement. Accompagnant le héros, on est les témoins du fossé entre l'être et le paraître. Ce n'est pas toujours montré avec une grande finesse, on en revient toujours à cet excès qui pèse sur le film, mais par moments, cela garde une forme correcte.

"Le corps de mon ennemi" est donc un film qui me laisse perplexe. J'aime à retrouver ce vieil album de souvenirs (la belle Marie-France Pisier, la non moins adorable Nicole Garcia ou le généreux Michel Beaune) et dans le même temps, je ne parviens pas à entrer complètement dans une histoire pleine d'exagérations.
J’aime bien le texte d’Alligator sur ce film que je pensais connaître et que je viens de voir. Cela fait partie de ces films dont j’ai du voir régulièrement des bouts dans mon enfance (peut-être juste le début avant l’obligation d’aller se coucher parce que demain y a école). Le plaisir number one réside dans les scènes entre bebel et Marie-France Pisier (que j’adore, la classe absolue et une voix aussi envoûtante que celle de Delphine Seyrig) qui font des étincelles. C’est la lutte des classes dans un plumard. Et la scène du télégramme est magistralement jouée.

Le film se situe encore dans un entre-deux entre le belmondo serieux et le bebel qui le remplace progressivement.
Et d’ailleurs ce qui frappe c’est à quel point le film a été réexploité pour faire Le Professionnel cinq ans plus tard, sorte de resucée 100% Bebel à l’intrigue épurée pour ne garder que la partie revanche. Le film démarre de la même façon par le retour revanchard de Belmondo par le train. Et de la même manière, il débarque chez son vrai-faux ami Michel Beaune. Puis flashbacks. Puis bourre-Pif à Donnadieu. Élisabeth Margoni est présente aussi. Bebel regle ses comptes et se tape tout ce qui bouge (le pompon étant la fille qu’il croise à la fin et qui le suit au bout de 20 secondes). On ne cesse de s’étonner ou s’amuser de scènes d’un autre temps (striptease en temps réel de Frida de Düsseldorf, le pote travesti, etc).
Les deux films se terminent dans une lunette de carabine. Un scénario un peu grossier (la campagne électorale, le meurtre dans la boite de nuit qui n’a pas tellement de sens, le procès expéditif) mais d’excellents dialogues de Michel Audiard. Comme celui-ci :

« Vous avez un pronostic pour le match (France-Allemagne) ? Moi je dis que ça va pas être une promenade. Attention, les Allemands, sur leur terrain, faut jamais les sous-estimer.
François Leclerc : Parfois même sur le notre ». :uhuh:
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Re: Henri Verneuil (1920-2002)

Message par Jeremy Fox »

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Boubakar
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Re: Henri Verneuil (1920-2002)

Message par Boubakar »

Jeremy Fox a écrit : 30 janv. 13, 23:02 Des Gens sans importance est le film de Verneuil qui m'a le plus touché.
C'est un film que je revois régulièrement, et cette nouvelle vision, ce soir, a confirmé tout le bien que je pense du film. C'est d'ailleurs un des rôles (dans sa deuxième partie de carrière) où Gabin se montre à la fois touchant et d'une grande sobriété.

En revenant sur Verneuil, j'ai fortement réévalué à la hausse La vache et le prisonnier ; j'ai beau avoir vu le film plusieurs fois depuis mon enfance, dans mon esprit, il était en couleurs. Et là, en le revoyant pour la énième fois, dans son noir et blanc d'origine, il m'a encore plus ému.

J'avais écrit quelque chose sur ce film-là :
Ce qui est curieux, c'est qu'aussi loin que je remonte dans mes souvenirs, La vache et le prisonnier était toujours en couleurs ; il faisait partie de la vague de ces films des années 1950-60 qui étaient colorisés afin de continuer à être diffusés à la télévision. Souvenez-vous de cette horrible version des Tontons flingueurs... C'est vraiment depuis l'avènement du dvd qu'on se rappelle que le film de Verneuil était bien noir et blanc. Et c'est aussi un souvenir personnel, à savoir mon arrière-grand-mère qui aimait le voir à la télévision et qui m'avait raconté qu'elle l'avait vu au cinéma itinérant au début des années 1960.

C'est dire à quel point La vache et le prisonnier a marqué son époque : immense succès en salles, carton à chacune de ses rediffusions, acteur principal au firmament de sa carrière... C'est un film que j'ai fréquemment vu, mais là, avec la restauration 4k, on se rend compte aussi de l'excellent travail du réalisateur Henri Verneuil. Avec notamment la fameuse scène de la construction du Danube, où on a un sublime travelling latéral sur des soldats allemands qui laissent passer Fernandel ainsi que la vache Marguerite, l'autre véritable vedette de l'histoire. Mais aussi du formidable challenge qui est de faire jouer la plupart du temps Fernandel seul à l'écran ou alors en compagnie d'une vache avec laquelle se produit une véritable émotion. De la complicité parfois, voire un brin de paillardise notamment quand elle rencontre un veau.
Mais aussi des moments tragiques comme ces deux Français qui se font passer pour des soldats allemands et qui, quand ils se font contrôler par la Gestapo, se font trahir par leurs tenues, et sans un mot, ils se dirigent dans une camionnette pour une destination dont on se doute qu'ils ne reviendront pas.

Tout est comme ça dans le film, avec une émotion rentrée, avec un Fernandel tenu bien qu'on sent qu'il veut être face caméra, et une superbe technique, en particulier la photographie noir et blanc de Roger Hubert ainsi que la musique de Paul Durand qui est à fendre les pierres.
Bien que le tournage fut très difficile, du fait des rapports tendus entre Fernandel et Verneuil ainsi que la menace d'un projet similaire de Claude Autant-Lara avec Bourvil, qui ne se fera pas, La vache et le prisonnier ne démérite pas son statut de GRAND film populaire. A la fois drôle, touchant, et humain.
Avec Le président, ce sont à mes yeux les trois plus belles réussites de Henri Verneuil.
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Jeremy Fox
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Re: Henri Verneuil (1920-2002)

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Re: Henri Verneuil (1920-2002)

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J'ai le dvd sorti en collection "Série Noire", je vais le re-regarder ce soir, tiens.
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