Le Cinéma asiatique

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Profondo Rosso
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Re: Le cinéma asiatique

Message par Profondo Rosso »

Tiens je partage ici cette vidéo sur Maggie Cheung à laquelle j'ai en partie contribué :wink:

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Shinji
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Re: Le cinéma asiatique

Message par Shinji »

Profondo Rosso a écrit :Tiens je partage ici cette vidéo sur Maggie Cheung à laquelle j'ai en partie contribué
Je ne savais même pas qu'il y avait une chaîne YT East Asia ! :D
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Profondo Rosso
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Re: Le cinéma asiatique

Message par Profondo Rosso »

Shinji a écrit :
Profondo Rosso a écrit :Tiens je partage ici cette vidéo sur Maggie Cheung à laquelle j'ai en partie contribué
Je ne savais même pas qu'il y avait une chaîne YT East Asia ! :D
Ah ben tant mieux il y a matière en plus de celle sur Maggie Cheung :wink:
The Eye Of Doom
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Re: Le cinéma asiatique

Message par The Eye Of Doom »

Profondo Rosso a écrit :Tiens je partage ici cette vidéo sur Maggie Cheung à laquelle j'ai en partie contribué :wink:

Il y a pas d’extrait de Green Snake !?!?!?!

Sinon, tres interessant. J’imagine que les films honkkongais cités sont difficiles a voir ....
Merci pour le lien
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Profondo Rosso
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Re: Le cinéma asiatique

Message par Profondo Rosso »

The Eye Of Doom a écrit :
Sinon, tres interessant. J’imagine que les films honkkongais cités sont difficiles a voir ....
Merci pour le lien
Il y a les références dvd/BR à la fin de la vidéo, sinon on en retrouve pas mal disponibles sur le site yesasia par exemple, après pour le reste il faut savoir où chercher quoi :mrgreen: Pour Green Snake vidéo déjà longue et l'angle c'était d'explorer un aspect plus méconnu de sa filmo, après on peut faire lien avec sa carrière plus commerciale dans ce qui est dit :wink:
The Eye Of Doom
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Re: Le cinéma asiatique

Message par The Eye Of Doom »

Merci.
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Re: Le cinéma asiatique

Message par Bogus »

Profondo Rosso a écrit :Tiens je partage ici cette vidéo sur Maggie Cheung à laquelle j'ai en partie contribué :wink:

C’est malin... j’ai envie de voir Comrades, almost a love Story .
Comment je fais maintenant? :cry:
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Profondo Rosso
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Re: Le cinéma asiatique

Message par Profondo Rosso »

Bogus a écrit :
Profondo Rosso a écrit :Tiens je partage ici cette vidéo sur Maggie Cheung à laquelle j'ai en partie contribué :wink:

C’est malin... j’ai envie de voir Comrades, almost a love Story .
Comment je fais maintenant? :cry:
Comme je disais celui-là se trouve sur yeasasia :wink: https://www.yesasia.com/global/search/c ... /list.html

On va commencer à harceler les éditeurs genre Spectrum sinon :mrgreen:
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Re: Le cinéma asiatique

Message par Bogus »

Je n’y connais rien :oops:
C’est fiable comme site?
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Re: Le cinéma asiatique

Message par Profondo Rosso »

Bogus a écrit :Je n’y connais rien :oops:
C’est fiable comme site?
Oui déjà acheté plusieurs fois là-dessus c'est fiable. Après fais juste gaffe aux zones pour les BR (et à la VOSTA), sinon la zone 3 ça marche partout en dvd.
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Re: Le cinéma asiatique

Message par Bogus »

Thanks! :wink:
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Re: Le cinéma asiatique

Message par Profondo Rosso »

I Are You, You Am Me de Nobuhiko Obayashi (1982)

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Kazuo se lie d’ami­tié avec Kazumi, la nou­velle de sa classe. Suite à une chute bru­tale, ils se ren­dent compte quand ils repren­nent cons­cience qu’ils ont échangé leur corps. Kazuo devient une fille aux maniè­res rus­tres et Kazumi un gar­çon timide...

Entre le récent et sublime Your name de Makoto Shinkai (2016) ou encore le célèbre et hilarant manga (ainsi que son adaptation en série animée) Ranma 1/2 de Rumiko Takahashi, le postulat d'un échange de corps ou d'une mue surnaturelle fille/garçon nourrit l'imaginaire japonais pour le meilleur. Cela se confirme avec ce I Are You, You Am Me sans doute inspiration des œuvres citées plus haut et un des meilleurs films de Nobuhiko Obayashi. Il adapte ici un roman de Hisashi Yamanaka dont l'intrigue voit donc les adolescents Kazuo (Toshinori Omi) et Kazumi (Satomi Kobayashi) suite à une chute près d'un temple être victimes d'un phénomène mystique qui leur fait échanger leur corps.

Obayashi se montre ici moins extravagant que dans son fameux House (1977) ou pour rester dans la romance adolescente surnaturelle The Little Girl Who Conquered Time (1982). C'est avant tout l'étude de caractère à travers le décalage social et physiologique que ressentent les deux personnages qui intéresse le réalisateur. Le début du film fige donc nos héros dans les attitudes associées à leur sexe respectifs, accentués par le contexte lycéen. Kazuo va donc épier avec ses camarades les filles faisant du sport au gymnase tout en infiltrant leurs vestiaires et tripoter leurs sous-vêtements, en bon ado aux hormones en ébullition. Lorsqu'il croise la route de Kazumi, nouvelle élève mais ancienne camarade d'enfance, celle-ci le taquine dans une espièglerie toute féminine. Même s'il semble l'apprécier, il la rabroue avec cette maladresse typiquement masculine et adolescente où l'on ne sait exprimer ses sentiments, jusqu'à l'incident de l'échange des corps. Obayahi dans les premières minutes adopte le noir et blanc pour figurer ce monde normé où chacun(e) est assigné(e) à la place que la société lui désigne, et la couleur est introduite après le switch pour traduire la transformation des personnages mais aussi des codes du monde qui les entoure.

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Dès lors le scénario exploite brillamment toutes les situations possibles et imaginables qui mettront Kazuo et Kazumi dans l'embarras. Tout est frontal, que ce soit dans l'exploitation humoristique ou dramatique de la situation. Les dialogues sont crus et l'on appelle un chat un chat (Kazumi dérangé par les variations de taille de son sexe masculin quand elle va aux toilettes, Kazuo découvrant l'indisposition et les douleurs des règles féminines), mais les plus grands obstacles sont finalement sociaux. Kazuo si désinvolte en tant que garçon découvre la réserve que l'on attend d'une jeune fille, que ce soit dans sa manière de s'asseoir, de manger ou même de défendre sa vertu puisqu'on lui reprochera la correction infligée au malotru qui avait soulevé sa jupe. A l'inverse Kazumi en garçon ne sait se plier à la masculinité toxique répandue auprès de ses camarades et se voit rapidement mis au banc pour sa vulnérabilité et ses attitudes maniérées. Les deux acteurs sont excellents, en particulier Satomi Kobayashi dont la métamorphose est jubilatoire, le phrasé vulgaire, l'attitude nonchalante et tout le langage corporel créant un décalage aussi hilarant que crédible. C'est un poil moins heureux pour Toshinori Omi, mais à cause de l'écriture plutôt que sa prestation.

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Le film laisse en effet un sentiment étrange quant à son message. Les relents de sa masculinité sont certes gênants pour Kazuo dans ce corps de fille dont l'horizon social est déjà bouché (être jolie, gentille et trouver un bon mari selon les attentes de la mère (Wakaba Irie)), mais lui servent grandement face au machisme ambiant où il/elle se rebiffe plus qu'à son tour. Par contre la féminité de Kazumi est un fardeau constant dont elle ne tirera jamais avantage (hormis avoir de bonnes notes, autre cliché les filles ça travaille mieux à l'école que les garçons) dans ce corps masculin (Kazuo encore garçon se défend d'ailleurs de ne pas être homo en début de film) et sera au contraire source de brimades. Il y a une part de cliché mais il est vrai que la société de ce début 80's, et japonaise de surcroît où c'est d'autant plus marqué encore aujourd'hui, ce clivage fille/garçon était très présent. Ce cliché est d'ailleurs altéré de façon extra diégétique en faisant jouer à Satomi Kobyashi une héroïne aussi libre et extravagante, alors que le cinéma japonais réservait plutôt ce traitement à la mauvaise graine des sukeban, les délinquantes japonaise.

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Obayashi filme au sein de sa ville natale d’Onomichi (dans la préfecture de Hiroshima) dont il offre des vues intimistes et somptueuses. Il trouve un équilibre idéal entre la langueur estivale de ce cadre portuaire et traditionnel et l'urgence des émois adolescents auxquels se heurtent les personnages. On oscille entre le contemplatif et les franches accélérations comiques avec une tenue plus assumée que le surréalisme de House. Le succès du film fera d'ailleurs d’Onomichi une véritable destination touristique et un lieu de pèlerinage tant Obayashi a su la mettre en valeur. Tout cela contribue sous les rires à une mélancolie suspendue qui culmine dans les 20 dernières minutes poignantes où la romance transcende les corps et sexes opposés avec une émotion à fleur de peau, en ne passant quasiment que par l'image. D'ailleurs la dernière scène où tout est revenu à sa place (et le noir et blanc retrouvé) montre bien à travers l'attitude, les regards et les dialogues complices que quelque chose est resté de l'expérience, que Kazuo et Kazumi se poseront désormais différemment face à ces cases que le monde leur impose. Obayashi allait faire encore mieux dans le spleen adolescent fantastique avec The Little Girl Who Conquered Time, et signerait en 2007 un remake de I Are You, You Am Me (dont la comparaison serait très intéressante pour voir le curseur de certain clichés désormais). 4,5/6
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Profondo Rosso
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Re: Le cinéma asiatique

Message par Profondo Rosso »

Chizuko's Younger Sister de Nobuhiko Obayashi (1991)

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Mika est une jeune fille de dix-sept ans timide et réservée, qui depuis sa plus tendre enfance a toujours vécu dans l’ombre de sa grande sœur, la talentueuse Chizuko, aimée de tous. Si Mika aime sa sœur plus que tout au monde, elle ne peut s’empêcher de se trouver inférieure en tout, y compris aux yeux de ses parents... Un jour, Chizuko est victime d’un terrible accident, laissant Mika seule face à son destin... seule ?...

Futari est une nouvelle belle et poignante incursion de Nobuhiko Obayashi dans le monde adolescent, ce sillon s'incarnant souvent dans le cadre de sa ville natale d'Onomashi. L'argument surnaturel sert souvent de révélateur pour les jeunes héros d'Obayashi à travers un quotidien qui bascule par la magie d'un lieu dans House (1977), le voyage dans le temps pour The Girl Who Leapt Through Time (1983) ou un échange de corps avec I are you, You am me (1982). L'élément fantastique transforme ce quotidien qui ne retrouvera l'équilibre qu'à travers la maturité des personnages acquise dans l'aventure. Futari change légèrement la donne puisque c'est un drame bien réel qui change la vie de la Mika (Hikari Ishida) et duquel va découler un surnaturel à la nature incertaine. Mika entretient une relation fusionnelle avec sa grande sœur Chizuko (Tomoko Nakajima) depuis toujours, avant que celle-ci ne disparaisse tragiquement dans un accident. Ce dernier ne se révèle que plus tard en flashback, le présent nous montrant plutôt le vide laissé par l'absente au sein de la famille. Mika hante l'ancienne chambre de Chizuko, tandis que cette dernière hante les pensées de leur mère (Junko Fuji) fragilisée psychologiquement (cette place et ce bol réservée à l'absente lors du petit déjeuner) et que le père (est dans un déni qui lui fait fuir le foyer (Ittoku Kishibe). Si les adultes n'ont que la vulnérabilité ou le silence pour affronter leur maux, Mika a la candeur et/ou l'imagination en éveil qui lui permet d'être en contact avec le fantôme de sa sœur.

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Cette présence spectrale est à la fois une béquille (mentale ou d'outre-tombe) et un fardeau dans la vie de Mika. Toutes les nouvelles expériences, rencontres et aléas lycéens sont vus par les autres et notamment ses parents à travers le prisme du parcours passé de Chizuko. Celle-ci est donc une aide, mais avant tout pour marcher sur ses traces, que ce soit un concert de piano, une course d'endurance scolaire ou même la rencontre d'un ancien amoureux. La mise en scène d'Obayashi appuie cela en exprimant toute son emphase et excentricité pour relier le cheminement de Mika à celui de Chizuko. Lors du concert de piano, les contrechamps se multiplient entre Mika, Chizuko et Kaminaga (Toshinori Omi acteur fétiche d'Obayashi) et les panoramiques s'emballent pour signifier les encouragements de Chizuko envers sa cadette qui s'enhardit sur ses touches. La scène de course scolaire fonctionne de la même manière, la dimension mentale s'illustrant par la bascule des plans d'ensemble réalistes de la ville provinciale à un cadre plus resserré et à l'imagerie fantaisiste où une nouvelle fois Chizuko pousse Mika à se dépasser. Dans les deux cas malgré le franchissement de l'obstacle Mika reste dans l'ombre de sa sœur, et dans l'impossibilité de dominer une absente idéalisée par son entourage.

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L'intérêt vient de la manière dont interviendront les failles, dans une approche tout en retenue où la rêverie n'a plus court. L'absence de Chizuko est-elle la cause où le révélateur de l'adversité multiple que va rencontrer Mika. Le scénario laisse longtemps supposer la première solution en faisant hériter notre héroïne des inimitiés et jalousies envers sa sœur avec notamment sa camarade Mariko (Yuri Nakae) qui la persécute secrètement. C'est cependant une manière pour Obayashi de montrer un autre pendant du vécu d'un drame familial pour Mariko, tandis qu'on en verra un versant lumineux (et donc un exemple à suivre) avec la meilleure amie Mako dans une scène aussi simple que bouleversante où elle révèle la mort subite de son père. Tous ces éléments développent un regard nouveau chez Mika qui découvre les difficultés que sa si parfaite sœur lui avait cachées (un amoureux que ses parents lui avait interdit de voir) et surtout le fossé affectif entre ses parents. Chaque aspect négatif s'avère donc une conséquence en filigrane plutôt que le résultat du deuil, subtilement amené par Obayashi qui ne perd jamais de vue l'éveil de son héroïne. Quand les épreuves s'avèrent moins superficielles, Chizuko est absente ou inactive face aux évènements que doit affronter Mika, et déleste donc ses passages de la fantaisie initiale. La découverte cruelle de l'adultère dans le couple que forme ses parents passe par un long plan fixe dialogué, celle de la malveillance d'une camarade fonctionne quant à elle en deux plans, celui de la réaction vindicative de Mika puis ensuite de son départ des lieux.

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Chacune de ces scènes place Mika en observatrice distanciée des faits, annoncés par le passage où elle renonce au rôle principal de la pièce scolaire pour s'occuper des effets de scène en coulisse. Mika ne recherche pas la perfection et l'admiration de celle qui aime à être regardée comme Chizuko, mais la réserve de celle qui regarde et retranscrit de manière imagée le spectacle des autres. Dans cette idée (et comme le soulignera un dialogue) la fameuse ville d'Onomashi revêt un aspect plus labyrinthique, plus claustrophobique et oppressant que dans d'autres films d'Obayashi où la rêverie domine, le temps de décloisonner la psyché de son héroïne. Alors que durant tout le film Mika emprunte des chemins détournés pour aller à l'école ou rentrer chez elle, la dernière scène la voit enfin réemprunter le chemin fatal où elle perdit sa sœur. Obayashi use d'un des effets horrifiques les plus mémorables de House (un personnage regardant le reflet d'un autre dans un miroir) pour offrir une magnifique scène d'adieu et un Sayonara chuchoté bouleversant. Cette réconciliation avec elle-même signe son passage à l'âge adulte pour Mika, l'ange-gardien comme le cocon parental ne sont plus nécessaires, ces doux sentiments passeront par son talent d'écrivain en devenir. Une vraie belle fresque intime (les 2h30 filent à toute vitesse) porté par un mémorable score mélancolique de Joe Hisaishi (la chanson et le thème principal rappellant beaucoup son travail chez Miyazaki). 5/6
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Re: Le cinéma asiatique

Message par Profondo Rosso »

The Deserted City de Nobuhiko Obayashi (1984)

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On associe souvent l'univers de Nobuhiko Obayashi aux expérimentations formelles de ses films les plus fou (House (1977) en tête) ou à son talent pour capturer l'adolescence au féminin dans de brillants films fantastiques (The Girl Who Leapt Through Time (1983), I are you, You am me (1982)). Avec ce magnifique The Deserted City il se montre tout aussi capable d'émouvoir dans une veine sobre et introspective avec cette adaptation du roman Bōkyaku no kawa (« Le fleuve des souvenirs perdus ») de Takehiko Fukunaga.

Dès les premières minutes, la beauté des images est contrebalancée par le voile funeste d'une révélation. On observe le jeune héros Eguchi sortir d'une gare provinciale pour arriver au sein de la cité de fluviale de Yanagawa, surnommée la Venise japonaise. La voix-off d'Eguchi nous révèle pourtant que ce que nous voyons n'est qu'un souvenir de sa venue en ces lieux 10 ans plus tôt, ce long flashback étant ravivé par la terrible nouvelle de la destruction de la ville dans un incendie. Ainsi les premiers pas d'Eguchi sont marqués de cette fatalité par le travail chromatique d'Obayashi qui fait de Yanagawa une ville fantôme dans des compositions de plan où le noir et blanc vient strier des décors en couleurs et inversement - dans un vrai travail de peintre mais aussi d'artiste plastique dans le travail sur les collages et les caches. Un sentiment chaleureux de vie voit ainsi comme des spectres blafards venir le troubler, ou à l'inverse la désolation d'une ruelle est ravivée par le passage d'Eguchi souriant qui amène la couleur avec lui. Venu s'isoler pour finir sa thèse, notre héros va loger dans une auberge traditionnelle où il est accueilli par la jeune Yasuko (Satomi Kobayashi) qui tient les lieux. Le mélange de pulsion morbide et de vie éclatante s'exprime aussi dans ce cadre, le sourire et l'allant de Yasuko étant contrebalancé par le vide de l'auberge dont Eguchi est le seul client, mais aussi le poids d'un passé dont on ne peut se défaire. La rencontre et la cérémonie de thé avec la grand-mère montre cette dernière sénile, confondant les personnes et les époques.

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Cette dichotomie se fait plus subtile ensuite, adoptant le regard émerveillé d'Eguchi sur Yanagawa que le réalisateur baigne d'une radieuse imagerie pastorale. Nous sommes comme dans un rêve éveillé lors d’une longue séquence de ballade en barque à la lenteur hypnotique, où l'imagerie se fait élégiaque pour magnifier cet espace d'eau et d'arbre tout en façonnant un écrin intime entre Yasuko et Eguchi au sein de l'embarcation. Il faut pourtant se souvenir que dans House, certes avec plus d'artifices, Obayashi débutait dans le shojo acidulé et insouciant avant de faire basculer le tout dans le cauchemar. Le même changement opère ici mais de façon plus retenue et feutrée. Alors qu'Eguchi s'extasie sur ce qu'il voit et dit qu'il rêverait de réellement vivre là, Yasuko le rappelle à l'ordre. Ce qui le charme, c'est justement ce qui tue à petit feu la ville et ces habitants. Ce clapotis incessant de l'eau du fleuve signifie aussi la monotonie de leur existence, que l'on refuse en partant et laissant le village dépérir, ou que l'on accepte en étant condamné avec lui. Le temps de ce dialogue les personnages se trouve d'ailleurs dans la pénombre d'un sous-bois face au fleuve, et la musique envoûtante d'Obayashi (qui a décidément tous les talents) s'estompe pour laisser les bruits de cette campagne envahir la bande-son. Le charme s'évapore pour laisser place à un sentiment plus inquiétant et mélancolique.

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Cette sensation reste diffuse mais Obayashi a semé les graines qui la rendront plus concrète, que ce soit les pleurs qu'entend Eguchi à l'extérieur lors de sa première nuit, ou l'insaisissable Ikuyo (Toshie Negishi) sœur effacée et torturée de Yazuko dont l'évocation ou les furtives apparitions distille un malaise certain. On pense vraiment souvent à un House à l'échelle d'une ville et sans l'excentricité ni la présence maléfique concrète. Le village de Yanagawa agit pourtant comme la demeure hanté du film de 1977, exacerbant et figeant les traits de caractères de ses habitants non par un sortilège, mais par une torpeur qui les empêche de se rebeller, d'empêcher la fatalité dans la tournure de leur relation réciproque. Eguchi est spectateur du phénomène à travers les non-dits tragiques entre Yazuko, Ikuyo et son époux Naoyuki (Tôru Minegishi), mais également victime en enfouissant en lui ses sentiments naissant pour Yazuko.

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Les vérités ne se devinent ou n'éclatent que dans cet élan de pulsion de mort lors des deux cérémonies mortuaires en début et fin de film. Les élans amoureux sont donc comme engourdis dans ce malaise ambiant qui s'ignore, mais se ressentent par des images furtives comme ce magnifique plan (photo somptueuse de Yoshitaka Sakamoto) capturant la lumière d'une fin d'après-midi estivale où Eguchi réconforte Yazuko. Obayashi place d'ailleurs judicieusement ce plan à la fin en flashback et pas au moment du déroulement de la scène, comme si la prise de conscience de ce sentiment ne pouvait toujous se faire qu'à rebours - le leitmotiv de la montre en retard renforce cet aspect. L'élément révélateur est le plus omniprésent mais paradoxalement aussi le plus discret et silencieux du récit, avec le conducteur de barque Saburoh (l'acteur fétiche Toshinori Omi) qui d'une rive à l'autre observe les dilemmes et déchirements de chacun et devine leurs pensées secrètes (l'échange final à la gare avec Eguchi). Le gothique et survolté House montrait la jeunesse surmonter l'emprise d'un environnement et le poids du passé (celui de la guerre qui hante l'œuvre d'Obayashi), le paisible The Deserted City l'incapacité à y échapper, concrètement (pour les habitants) ou en pensée pour Eguchi qui restera hanté par cette été, par cette Ville Morte comme l'exprime en français le titre original.. 5/6
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Coxwell
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Re: Le cinéma asiatique

Message par Coxwell »

A propos de Nobuhiko Obayashi, il est décédé le 10 avril. Il avait 82 ans.
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