Il y avait en décembre 2019 un cycle dédié au cinéaste/acteur Maurice Mariaud à la Fondation Pathé et qui permet de prendre le relais d'un double programme diffusé l'an dernier à la Cinémathèque, suivi quelques temps après d'un livre écrit par l'un de ses descendants et qui était accompagné d'un DVD avec 4 films (2 courts et deux longs).
Ce livre est la première monographie consacrée à Maurice Mariaud, acteur et metteur en scène français et portugais, auteur d’une quarantaine de films et acteur dans une quinzaine d’autres signés Feuillade, Fescourt, Lacroix, Perret, Burguet – outre les siens.
Les recherches de Frédéric Monnier qui se sont étalées sur plusieurs années font le bilan des connaissances que l’on peut recueillir sur ce cinéaste qui n’a laissé aucune archive personnelle, aucune correspondance, aucun écrit. Engagé chez Gaumont en 1911, formé par Feuillade, metteur en scène et scénariste dès l’année suivante, réalisateur ensuite au Film d’Art, chez Eclectic Film, Phocéa, Louis Nalpas, Cinéromans et Caldevilla au Portugal, Mariaud a touché à nombre de genres (comédie, drame, féérie…). Son œuvre est marquée au sceau de « l’esthétique Gaumont » – maîtrise de la lumière et de la profondeur de champ, goût pour le gros-plan dramatique et un jeu retenu. Salué par Delluc et Moussinac en 1919-1920, il fut l’une des victimes du passage au parlant et devint auteur dramatique au théâtre et à la radio, parolier de chansons sur des musiques de son ami Paul Fosse.
Ignorée des historiens, oubliée des archivistes, son œuvre refait lentement surface, une douzaine de titres étant maintenant repérés dans plusieurs archives cinématographiques (Archives Françaises du Film-CNC, Cinémathèque française, Deutsche Kinemathek, Eye Institute, Cinemateca Portuguesa, Gaumont Pathé Archives), plusieurs ayant été restaurés ou étant en voie de restauration. Cet ouvrage et le travail d’archives qui lui est lié (tant en termes de recherche que de restauration) engagent ainsi plus largement une redécouverte du cinéma français (et portugais) des années 1910 à 1930, de ses thèmes, ses genres, ses métiers, et des destins qui s’y jouèrent.
Je n'avais pas pris le temps d'en parler à l'époque mais deux films présentés à la cinémathèque était deux petites merveilles (surtout l'excellente et virtuose comédie de moeurs
Le Crépuscule du coeur), brillamment et intelligemment mis en scène, dans la lignée du très beau court-métrage
Au pays des lits clos (malgré un scénario assez improbable) présent dans le second coffret Gaumont consacré à leur « cinéma premier »
Le Nocturne à la poupée (1917) est court-métrage de 30 minutes où l'économie de moyen est compensé par une jolie sensibilité. Mariaud ne dispose en gros que d'un modeste décor (un salon où se déroule 90% du film) et d'un scénario lénifiant où une petite fille cherche à empêcher son papa, veuf, d'accompagner en soirée sa nouvelle compagne, une vamp toxique.
Contre toute attente Mariaud s'en sort avec les honneurs. La caméra est pour ainsi dire toujours placer dans le même axe et avec peu de variations dans la composition des plans. Pourtant le résultat n'est jamais ampoulée ou théâtral. Pour cela, il peut compter sur la sobriété et la délicatesse de ses comédiens - dont Mariaud lui-même dans le rôle du père. Et surtout le cinéaste intègre toujours au bon moment des gros plans exploités avec intelligence et justesse. Il peut ainsi appuyé sur l'émotion avec parcimonie ou montrer comment le père de famille commence à se séparer de sa compagne lorsque qu'un panorama isole leurs deux visages.
Simple et touchant, sans mièvrerie.
Os Faroleiros / Les gardiens de phare (1922) fait parti des films que le cinéaste a tournés au Portugal, tout en s'inscrivant dans l'univers de ses films bretons. Il est toujours question d'une petite communauté vivant au bord de la mer, face à des éléments violents qui semblent déchaîner les passions. La rivalité entre deux hommes amoureux de la même femme conduit à un drame , avant que tout deux soient réunis dans un phare.
On retrouve la même qualité photographique qui permet un discret lyrisme naturaliste, parfaitement en adéquation avec la sobriété des acteurs.
Le scénario évite la voie de la jalousie mélodramatique en plaçant au milieu du film ce qui aurait pu être le climax. Il peut ainsi mieux développer la psychologie et les tensions qui trouvent évidemment leurs points d'orgue dans le face à face, reclus dans le phare. Le scénario en fait peut-être un peu trop à se moment là avec quelques rebondissements superflus, d'autant que Mariaud est un peu moins à l'aise dans le « thriller » en huit clos que dans les extérieurs. Il lui manque aussi sans doute une stylisation expressionniste pour que ces éléments fonctionnent pleinement.
C'est cependant une maigre réserve et le film possède un belle force visuelle avec la mise en valeur de ses rivages accidentées et tumultueux.
As Pupilas do Senhor Reitor (1923) - toujours tourné au Portugal - partage les qualités plastiques du précédent avec des extérieurs inspirés, un travail réfléchi et abouti sur le cadre, la photographie et la profondeur de champ qui donne à l'histoire autant un ancrage socio-historique qu'un lyrisme rural et intimiste du meilleur cru. Cependant, le scénario est loin d'être aussi sophistiqué et après une vingtaine de minutes passionnantes à décrire la vie de ce petit village (et son rythme), l'histoire peine à évoluer. Les 2h20 ne sont absolument pas justifiées et il faut presque attendre les 40 dernières minutes pour que l'intrigue se lance enfin, avec de surcroit des péripéties mélodramatique pas forcément très subtiles ni originales.
Dommage.
L'aventurier (1924)
Chassé par sa famille à la mort de son père, un homme ruiné revient vers les siens après avoir fait fortune en Afrique du Nord. Ses proches le méprise sans ménagement mais leur entreprise vacille et ses capitaux pourraient les sauver.
De retour en France, Mariaud tourne cette adaptation d'une pièce de Alfred Capus qu'on suppose un produit de commande assez impersonnel ; ou en tout cas éloigné des ses préoccupations et de sa sensibilité (à part un ou deux seconds rôles féminins).
Le début est pourtant brillant où un groupe d'hommes, terrés dans une vaste demeure, repousse l'assaut d'une horde de "sauvages". La mise en scène est dynamique, fort bien découpée, sans fioriture et d'une intensité immédiate avec même un dureté assez rare dans sa violence.
Le reste ne sera jamais à la hauteur des attentes de cette introduction. Malgré une narration comprenant divers flash-backs, on devient assez passif devant l'académisme de la réalisation, certes appliquée mais dénuée de vie. Les scènes sont toujours trop longues, trop étirés pour des personnages malheureusement sans réelle profondeur. Le film dérange en plus par son colonialisme prononcé où le héros s'approprie sans scrupule ni ménagement une terre riche en or, en plus à des enfants.
Ca m'a paru tout de même supérieur au souvenir de la version parlante signé Marcel L'Herbier en 1934.