Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méconnus

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

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Supfiction
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méconnus

Message par Supfiction »

Juste un mot rapide sur L'étranger dans la cité (Walk Softly, Stranger).
L’intérêt principal du film réside dans la réunion des deux stars du Troisième homme qui effectivement ne déçoit pas. Alida Valli est particulièrement touchante dans le rôle de cette femme estropiée qui n’attend plus rien de la vie mais qui n’est jamais aigrie, bien au contraire. La promo du film joua probablement à fond la carte de ces retrouvailles au sommet alors que... Le troisième homme a été tourné après ce Walk Softly, Stranger. Un film qui tarda à être exploité à cause d’Howard Hughes qui approuvait chaque sortie RKO, quitte à sortir parfois avec des mois ou des années de retard. En l’occurence, ce fut au plus grand bénéfice du film qui put profiter du succès du Troisième homme et de ses vedettes.
Ce film est plus un film romantique et mélancolique qu’un pur film noir et d’ailleurs les scènes de crime sont assez vite expédiées. On est donc pas du tout dans l’action et la brutalité. L’intérêt scénaristique réside dans la complexité des deux personnages et est axé sur le poids des erreurs du passé et la façon de vivre avec. Joseph Cotten (Hale, un homme qui revient dans la ville de son enfance pour d’obscures raisons) est parfait pour ce type de rôle ambigu dans lequel se mêlent mensonges et véracité. Il en fait très peu mais c’est suffisant pour comprendre les motivations et les doutes de Hale. Face à Alida Valli, la séduction se mêle à une détresse partagée. Leur couple emporte l’adhésion au point qu’on finit par se moquer totalement du reste de l’intrigue.
Une réalisation Robert Stevenson à qui l’on doit notamment The Las Vegas Story (1952) et... Mary Poppins!

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Message par Supfiction »

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Geoffrey Firmin a écrit :il est en stock chez WOW à 28 euros: :evil:
https://www.wowhd.fr/noir-archive-volum ... 3904633774
L'occasion de ressortir ces textes :
kiemavel a écrit :
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Escape in the Fog
1945
Réalisation : Budd Boetticher
Scénario : Aubrey Wisberg
Image : George Meehan
Produit par Wallace MacDonald
Columbia

Durée : 65 min

Avec :

Nina Foch (Eileen Carr)
Otto Kruger (Paul Devon)
William Wright (Barry Malcolm)
Konstantin Shayne (Schiller)
Ivan Triesault (Hausmer)
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A la fin de la seconde guerre mondiale, Barry Malcolm, un agent des services secrets américains, se rend à un rendez-vous fixé avec ses supérieurs et reçoit la liste des agents opérant en Asie avec pour mission de coordonner leurs actions d'infiltration. Quelques jours auparavant, Barry avait fait la connaissance d'une voisine, Eileen Caar, une jeune femme fragile qui avait servi comme infirmière et qui avait subi un grave traumatisme suite au torpillage du navire-hôpital sur lequel elle travaillait. Réveillée à nouveau par un terrible cauchemar dans lequel elle a vu Barry, son nouveau voisin, un matin elle se confie à lui et intrigue le jeune homme car ces cauchemars qu'Eileen croit incohérents ne semblent pas si irréels à Barry et en tout cas il ne sont pas incompatibles avec son activité d'espion…D'ailleurs, à peine commencée, sa mission -à laquelle Eileen va accidentellement se trouver mêlée- est menacée. Des espions nazis qui le surveillait en ont eu connaissance et vont tout faire pour les empêcher de quitter la ville…
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5ème film réalisé par Budd qui tournait à l'époque sous son nom de naissance, Oscar Boetticher jr. Ce n'est pas un film noir mais un thriller d'espionnage visuellement très soigné dont l'esthétique fait davantage penser à un film noir qu'à un film de propagande de série B…ce qu'il est par son intrigue qui ne mérite même pas tout à fait cette classification car il est "ailleurs", pouvant sans doute être considéré comme un thriller d'espionnage plaisant et baignant dans une atmosphère onirique par les uns…ou comme un nanard sans intérêt et totalement irréaliste par les autres. Pourtant la mise en scène au cordeau de Boetticher est déjà (malgré ce qu'il a pu en dire dans ses mémoires) très maitrisée mais malheureusement le talent du directeur de la photographie et celui déjà évident du metteur en scène servent un script un peu trop fantaisiste qui comportait pourtant en germe des choses intéressantes, y compris par l'irruption du surnaturel dans un thriller. Même si les cauchemars prémonitoires d'Eileen sortis d'un roman ou d'un film gothique semblent curieux et totalement irréels dans une telle intrigue, ils révèlent -même si c'est un arrière plan pas assez exploité- les séquelles encore vives de la guerre. Ses cauchemars s'ils sont traités en apparence sur un mode fantaisiste révèlent un traumatisme profond. Ils sont l'expression des troubles psychologiques d'Eileen et le prolongement de ses angoisses profondes engendrées par son expérience de la guerre qu'elle avait passé comme infirmière. Elle raconte notamment le naufrage du navire-hôpital sur lequel elle servait et qui avait été coulé par la flotte allemande. Si l'on en croit le film (et pour le coup, il faudrait être un peu crédule), Eileen a de bonnes raisons d'être terrorisée car le cauchemar nazi est bien vivace, ils continuent d'agir sur le territoire américain et ses terreurs anciennes trouvent un prolongement dans l'action des espions nazis qui les traquent.
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L'expression du danger nazi tient la aussi de la fantasmagorie plus que du récit réaliste d'un film d'espionnage "classique". Pour commencer, dans un récit d'un peu plus d'une heure, on ne doit pas perdre de temps et les personnages ici galopent…Pour donner une idée des raccourcis empruntés et de l'atmosphère de ce film, voici une rapide description du (presque) début. Le matin suivant la nuit ou Eileen avait réveillé ses voisins en raison de ses cris de terreur, elle retrouve et prend le déjeuner avec Barry sur la terrasse de leur résidence. A peine ont-ils fait connaissance que le jeune homme reçoit un coup de téléphone et est contraint de se rendre à un rendez-vous professionnel…et il emmène Eileen avec lui a ce rendez-vous pourtant un peu particulier, un rdv d'espions avec ses supérieurs des services secrets américains au domicile de Paul Devon, le responsable du service pour la cote ouest. A peine sont-ils partis que le réceptionniste de la résidence téléphone à un horloger pour rendre compte du départ de Barry. Il laisse alors tomber son travail en route et se rend au même rdv. Après que Barry ai pris connaissance de sa mission, l'horloger se présente chez Paul Devon, prétexte une réparation sur l'horloge du grand salon et profitant de la distraction du domestique, récupère le cylindre sur lequel toute la conversation a été enregistrée.

Voilà pour l'ambiance. Des espions réceptionniste d'hôtel et un horloger qui cache des micros dans les comtoises !..et le tueur à gages, c'est un barbier ? Non, mais c'est surement un indice. Bref, la toile d'araignée tissée par les espions est fine..Mais les ficelles sont grosses. Pas grave, on en a vu d'autres. Les développements de l'intrigue sont très compliquées et on se demande même par quel miracle Boetticher parvient tout de même à faire tenir debout cette intrigue minimaliste à coups de péripéties allant du classique ( tout ce qui tourne autour d'un document compromettant pouvant mettre la vie de dizaines d'agents en danger), au plus fantaisiste (le devenir du fameux document) et jusqu'au surnaturel qui est amené avec les cauchemars d'Eileen. C'est par un de ses cauchemars que s'ouvrait le film. Ce n'est pas le seul moment ou l'on verra Nina Foch "Escape in the Fog " mais il faut dire que même si l'on peut trouver cet irruption du fantastique peu convaincante, visuellement cela donne de biens belles images : L'utilisation du brouillard pour créer un effet de claustrophobie est simple mais efficace dans des scènes de cauchemars traitées sur un mode réaliste. Les scènes filmées de nuit sur un pont qui est censé être le Golden Gate Bridge sont superbes et cette onirisme baigne tout le film. Au delà de ces scènes nocturnes de rêves et de cauchemars, c'est tout le film qui est plastiquement très réussi du début à la fin.
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Les véritables premiers rôles étaient Nina Foch et William Wright mais ce dernier, bien qu'il apparaissait dans un film antérieur de Boetticher, One Mysterious Night, étant trop peu connu, c'est Otto Kruger qui occupait la tête d'affiche même s'il ne tenait qu'un rôle secondaire. Il campait bien souvent des méchants sirupeux et policés mais ici, toujours avec son coté guindé, il était du coté de la loi, incarnant le chef du réseau d'agents américains. On reconnait aussi parmi les seconds rôles quelques bonnes têtes de traitre, en premier lieu Ivan Triesault. Il jouait souvent les allemands dans de nombreux films de guerre et d'espionnage mais était né dans l'empire russe à Tallin (Estonie). C'était un acteur de caractère, en l'occurrence un acteur à accent et ici c'était encore le cas. Son rôle le plus connu est sans doute celui de Mathis dans Notorious. Parmi ses complices, on retrouvait Konstantin Shayne (vu notamment dans vertigo) et du reste Otto Kruger avait lui aussi travaillé sous la direction d'Hitchcock, dans Saboteur. Je signale aussi qu'on aperçoit une presque méconnaissable et toute jeunette Shelley Winters en chauffeur de taxi.

Bilan : Sans doute facilement oubliable mais je suis assez peu client de ces histoires mêlant le mystère -et même en l'occurrence le surnaturel- et l'espionnage. En tout cas, ce n'est sans doute pas le meilleur film d'Oscar Boetticher. Je vais revenir rapidement sur 2 autres films de sa 1ère période : One Mysterious Night (1944) et Assigned to Danger (1948). Je ne connais pas les autres en dehors de Behind Locked Doors (1948) qui a été édité en DVD chez Bach Films (A priori çà fait peur mais c'est un assez bon DVD)



kiemavel a écrit :
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L'homme de main - Johnny Allegro (1949)
Réalisation : Ted Tetzlaff / Production : Irving Starr (Columbia) / Scénario : Karen DeWolf et Guy Endore d'après une histoire de James Edward Grant / Photographie : Joseph Biroc / Musique : George Duning

Avec George Raft (Johnny Allegro), Nina Foch (Glenda Chapman), George Macready (Morgan Vallin), Will Geer (Schultzy), Ivan Triesault (Vetch) et Walter Rode (Grote)

Johnny Allegro, fleuriste dans la gallerie d'un grand hôtel, est abordé dans le hall par une inconnue qui lui assure être surveillée et suivie par un homme et qui lui demande son aide. Johnny lui permet de semer cet homme puis dans les jours suivants il revoit la charmante et mystérieuse Glenda Chapman et en tombe amoureux. Un soir, Schultzy, un agent du département du trésor lui rend visite à son magasin et lui apprend qu'il a été reconnu. Johnny Allegro est en effet un ancien gangster évadé de la prison de Sing Sing. Schultzy lui promet le pardon s'il accepte de collecter pour le compte de l'état des informations sur Glenda que le gouvernement soupçonne d'être liée à un gang de trafiquants de fausse monnaie. Le lendemain, la jeune femme lui annonce qu'elle doit partir de toute urgence. Johnny lui permet de quitter secrètement l'hôtel mais un policier cherche à les intercepter et Johnny est contraint de l'abattre. Arguant du fait qu'il s'est compromis pour elle, Johnny parvient à convaincre Glenda de l'accompagner alors qu'elle semblait vouloir se séparer de lui. Voyageant à bord d'un avion privé, puis poursuivant le voyage en bateau, ils arrivent sur une ile au large de la Floride. Là, ils sont reçus dans une villa où les attend Morgan Vallin, le mari de Glenda…
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George Raft, fleuriste ? Et George Macready joue la babysitter ? Non, bien sûr ça ne peut être qu'une couverture. Johnny Allegro, dont le véritable nom est Rock (Johnny Rock ? Non, non, aucun rapport) est donc en réalité un gangster en cavale vivant sous une fausse identité qui voit les efforts consentis pour se construire une nouvelle vie anéantis pour être venu en aide à une belle inconnue. Il est reconnu par la police et, confronté à son passé, se voit imposer un marché qu'il accepte à contre coeur. Le scénario combine une histoire d'infiltration plutôt routinière qui peut faire penser au film d'Alfred Hitchcock, Les enchainés (Notorious) puis revisite La chasse du comte Zaroff (The Most Dangerous Game) dans sa seconde partie. Rien de neuf donc mais quelques petites astuces dans un scénario cousu de fil blanc sont plaisantes (tout ce qui tourne autour de l'arme de Johnny Allegro) mais les développements du scénario sont un peu poussifs notamment les astuces trouvées par Allegro pour se débarrasser de la surveillance des complices de Morgan Vallin et rentrer en contact avec les agents du trésor alors qu'il ne sait pas lui même où se trouve l'ile sur laquelle lui et Glenda avaient débarqués.

Les personnages interprétés par le trio Raft/Foch/Macready rappellent donc ceux de Notorious (…et on remarquera que Ted Tetzlaff avait terminé sa première carrière, celle de directeur de la photographie, par ce film d'Alfred Hitchcock). Ici, plus précisément l'homme infiltré et l'épouse du méchant tombent amoureux mais le mari mauvais perdant ne s'avoue pas battu. Je résume grossièrement car la situation "morale" des personnages est, comme dans le film d'Hitchcock, beaucoup plus complexe, ou en tout cas elle aurait du l'être…Malheureusement, si concernant l'intrigue, le film de Tetzlaff ne souffre pas trop de la comparaison, émotionnellement parlant, on est très loin du film du maitre. Malgré un certain suspense distillé tout au long de la seconde partie, l'issue est évidemment tout à fait certaine mais entretenir une certaine ambiguité en ce qui concerne les sentiments éprouvés par les personnages aurait au moins pu relancer l'intérêt. Or, même si nous nous interrogeons sur le devenir de la situation, la faiblesse d'un scénario qui laisse trop les personnages agir sans donner à comprendre ce qui les meut et sans relancer nos interrogations par des scènes où les personnages dévoilent une partie de leurs mystères, l'intérêt pour ces personnages s'étiole même si l'action ne se relâche pas. La froideur du jeu de Raft et celui de Nina Foch accentue encore ce sentiment….sans parler du jeu de Macready, qu'on pourra trouver à la limite du grotesque mais c'est de mon point de vue souvent le cas lorsqu'il interprétait ce type de personnages (Gilda, My Name is Julia Ross, The Green Glove, etc…).
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Raft fait du Raft (oui, du Raft, pas du raft). On ne perçoit pas les états âme (il en a ?) de l'ancien gangster qui au tout début du récit avait semblé sincèrement séduit par sa nouvelle conquête ; puis qui la trahit…avant même de découvrir qu'elle est en réalité mariée et d'exprimer (quand même) du ressentiment ayant l'impression que Glenda s'était servi de lui, ce qui était le cas au moins du temps de leur rencontre à Los Angeles. Le personnage central de Glenda Chapman aurait du être le plus intéressant mais Nina Foch avec sa blonde froideur un brin nordique, sa voix rauque et sa diction dépassionné fait davantage penser à Bacall qu'à Bergman…et pourquoi pas, mais en raison des interrogations initiales sur leurs éventuels dilemmes, j'attendais moins de froideur de la part de ces personnages et notamment du sien. On s'intéresse à peine à ses intentions véritables même si le flou est entretenu presque jusqu'à l'épilogue. Tout ceci était d'ailleurs volontaire puisqu'il y a très peu de scènes montrant les 3 personnages principaux ensemble. Ce n'est donc pas véritablement le triangle amoureux qui a le plus intéressé scénariste et metteur en scène mais plus simplement le duel entre les deux hommes.

George Macready nous refait donc le coup du méchant sophistiqué décadent et hautain. Il traite de haut Johnny Allegro. Après avoir scruté de haut en bas l'allure de son rival, il lui lance : “Just looking at you makes me think of alley fights and tommy guns ! ” (Rien qu'à vous regarder, je vois les combats de rues/ruelles et les mitraillettes Thompson ! ). C'est avec un arc à la main et le prenant pour cible pour l'impressionner que le mari reçoit Johnny Allegro. Puis ce chasseur de grand gibier (hé, hé) lui vante les mérites de l'arc, une arme pour les hommes de culture, bien supérieure aux armes à feu ! Il réclame d'ailleurs son révolver à Allegro (on n'est jamais trop prudent quand même). La réponse de Raft est imagée : "In a tough spot, gimme a trigger instead of a piece of string" (Dans une situation difficile, donnez-moi une gâchette plutôt qu'un morceau de corde). Comme on voit arriver la suite gros comme une maison (l'Empire State Building), je n'en dis pas plus.
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Ultime rapprochement avec Notorious, dans le film de Tetzlaff, le méchant n'a pas seulement un rival amoureux qui cherche aussi à contrecarrer ses "affaires", il a aussi des problèmes avec des complices encore plus dangereux que lui et qui doutent de sa fiabilité. Parmi les deux principaux complices, on retrouve -comme par hasard- Yvan Triesault…et toujours dans un rôle à accent même si on ne sait pas trop d'où vient cette fois ci la menace : anciens nazis ou communistes, car ce n'est jamais dit (il me semble, car je n'ai pas revu le film depuis un bout de temps). Pour l'anecdote, George Macready et Nina Foch étaient déjà mariés (enfin…c'est beaucoup dire mais il faut mieux rester évasif) dans My Name is Julia Ross de Joseph H. Lewis (1945). Dans celui là, son arme favorite était le couteau avec lequel il déchirait notamment les sous vêtements de sa femme en prenant un air mauvais :shock: . Bilan : du potentiel, seulement partiellement exploité mais à voir néanmoins. Ma note : Allegro, peut-être, ma non troppo.
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Assignment: Paris

Message par Supfiction »

Egalement disponible dans le coffret Blu ray Noir Archive 9-Film Collection: Volume 1 :

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Assignment: Paris / Aveux spontanés (1952)
Réalisation : Robert Parrish et Phil Karlson
Scénario : William Bowers
Image : Ray Cory
Produit par Columbia

Durée : 85 min

Avec :
Dana Andrews : Jimmy Race
Märta Torén : Jeanne Moray
George Sanders : Nicholas Strang
Audrey Totter : Sandy Tate
Märta Torén : Jeanne Moray

Paris ... a city made for excitement ... excitement on a night made for murder !

Jimmy Race (Andrews) reporter du New York Herald Tribune basé à Paris est envoyé par son boss Nicholas Strang (Sanders) en mission à Budapest, en pleine guerre froid, pour couvrir le procès d'un ressortissant américain accusé d'espionnage par le régime communiste hongrois. Mais une fois sur place, Jimmy est lui-même arrêté. Son patron décide de tout mettre en œuvre pour le faire libérer...
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Phil Karlson avait été engagé par Harry Cohn pour réaliser ce film. Il a d'ailleurs commencé le tournage à Paris ce qui donna lieu à sa rencontre fortuite avec Pablo Picasso lors du tournage d'une scène de nuit à Montmartre à laquelle était venu assisté par curiosité Picasso. Karlson le prit pour un cameraman trop méticuleux et lui demanda de dégager avant qu'on lui explique de qui il s'agissait. Cohn ne laissa pas le temps à Karlson de finir le film et le remplaça au milieu du tournage par Robert Parrish qui ne fait nullement mention du film dans ses mémoires (J'ai grandi à Hollywood) d'ailleurs même si Cohn y figure en bonne place.

En fait Assignment: Paris est moins un film noir qu'un mélodrame d'espionnage, proche dans l'esprit et la forme d'un Fritz Lang ou de Hitchcock (Les Enchaînés, par exemple) les nazis étant remplacés par les communistes. Et en l'occurence, les communistes hongrois ressemblent vraiment beaucoup mais alors beaucoup à des nazis.
Une scène est très intéressante : à l'occasion d'un interrogatoire de Dana Andrews par les nazis, pardon par les autorités hongroises, Andrews prononce les mots "yes i am a spy, that's what you want that i say ?", ce qui donne l'occasion aux communistes de retravailler l'enregistrement sonore en salle de montage pour ne garder que le faux aveu de celui-ci et le diffuser par la suite. Cette séquence donne ainsi l'opportunité de montrer les mécanismes de manipulation de l'information et de propagande.

Au casting, Dana Andrews, une nouvelle fois confronté aux affres du rideau de fer après The Iron Curtain de William A. Wellman (1948) est très bien comme d'habitude bien que son personnage ne soit pas très développé, Audrey Totter, totalement sous-exploitée mais c'est en revanche l'occasion de découvrir l'actrice Märta Torén qui partage une ressemblance physique avec l'italienne Alida Valli (le sourire de Gene Tierney en plus) et joue avec beaucoup de talent et de charme. Cette actrice suédoise de talent qui joua également dans L'Impasse maudite d'Hugo Fregonese mourut malheureusement prématurément en 1957 des suites d'une hémorragie cérébrale après vingt-et-un films.
George Sanders joue, ce qui est assez rare un good guy, un peu M avant l'heure dirigeant les opérations depuis son bureau.
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Mais on est tout de même encore loin de James Bond en dépit de nombreux ingrédients présents : suspense, romance, méchants caricaturaux, espionnage, messages codés ("The little match girl") mais le film est malheureusement totalement dénué d'action. C'est bien dommage d'ailleurs car il y a de bonnes choses dans cette production Columbia. Outre le casting, la réalisation est solide, la bande originale inspirée mais ça ronronne un peu, ça manque de nervosité et d'un minimum d'action comme on en trouve dans les Hitchcock d'espionnage (La Cinquième Colonne, Les 39 Marches, Agent secret ... et plus tard bien entendu La Mort aux trousses). Et surtout le scénario fait sourire tant il est peu crédible et édulcoré (qu'arrive t-il exactement à Dana Andrews dans les griffes des communistes, un lavage de cerveau ? on ne le saura pas vraiment mais au final tout ira pour le mieux et sans dommage, on est évidemment loin de Montand dans L'aveu).
Le film se termine notamment sur cette réplique : "There is no sanctuary on earth for a man like me. Stalin reached all the way from Moscow to Mexico City for Leon Trotsky..". Le film fut nommé pour le Golden Globe de la meilleure promotion pour l'entente internationale. :P

A signaler que le film alterne séquences à Paris et Budapest mais je suspecte que les séquences hongroises furent tournées à Paris tant ce Budapest ressemble beaucoup à Montmartre.

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Dernière modification par Supfiction le 10 nov. 19, 11:53, modifié 1 fois.
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

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Address Unknown (1944)
Réalisation : William Cameron Menzies
Scénario : Herbert Dalmas, Kressmann Taylor
Image : Rudolph Maté
Durée : 75 min

Avec :
Paul Lukas ... Martin Schulz
Carl Esmond ... Baron von Friesche
Peter van Eyck ... Heinrich Schulz (as Peter Van Eyck)
Mady Christians ... Elsa Schulz
Morris Carnovsky ... Max Eisenstein
K.T. Stevens ... Griselle Eisenstein aka Griselle Stone


Geoffrey Firmin a écrit :J'ai commencé le visionnage avec Address Unknown et paf ! déjà une bonne pioche ! C'est un film anti-nazi réalisé en 1944 par William Cameron Menzies (le roi de l'art déco et du trompe l'oeil) et photographié par le grand Rudolph Maté (le roi du gros plan et de l'ombre portée). Ils forment un couple détonnant, le film est visuellement superbe ( si vous aimez les plafonds comme chez Ford et Welles, vous allez être servis avec celui là...). C'est court et efficace, rien à jeter hormis peut être K.T. Stevens ( la fille de Sam Wood), starlette pas très convaincante avec un physique à la Rita Hayworth (c'est bien un film Columbia), il y a aussi Peter Van Eyck mais pas blond (captures ci-dessous).
Le transfert est excellent
Rien à jeter effectivement. C'est un film sec privé de l'affect et de l'ampleur que l'on peut trouver dans La tempête qui tue ou Les quatre cavaliers de l'Apocalypse, films qui lui sont proches dans l'esprit. A l'image de K.T. Stevens qui effectivement ressemble à une Rita Haworth au rabais si j'ose dire. Et elle n'a pas grand chose à jouer cela dit hormis la scène clef du film, la plus marquante sans doute à l'issue de laquelle la caméra reste comme figée sur la marque de sa main.
A signaler que Address Unknown est à la base un roman épistolaire de l'écrivaine américaine Kathrine Kressmann Taylor publié en 1938 aux États-Unis, une époque où il prenait tout son sens et avertissait déjà le public américain du danger de l'isolationnisme. Ce titre « Inconnu à cette adresse » est fort, à la fois synonyme de mort et de sentence. C'est aussi le sceau de la vengeance.
Le film s'ouvre sur une non annonce de demande en mariage qui aurait du sceller les liens entre les familles des deux amis Martin Schulz (Paul Lukas) et Max Eisenstein (Morris Carnovsky), associés dans une affaire de commerce de tableaux à San Francisco. Les deux amis sont allemands mais Eisenstein est juif ce qui évidemment aura des conséquences lors de l’ascension d’Hitler bien qu’il vive déjà en Amérique. Le film suivra leurs correspondances alternant les plans en Amérique plutôt lumineux aux plans en Allemagne de plus en plus sombres et étriqués dans lesquels les personnages semblent de plus en plus seuls et en proie aux menaces extérieures.

Sur la forme c'est effectivement superbe. Non seulement la photographie est exceptionnelle mais elle est magnifiée par une copie de toute beauté avec un grain qui donne le relief et la chaleur qui font défaut au film.


A signaler que le roman a également été adapté en France au théâtre. Il a été joué avec succès il y a quelques années par Thierry Lhermitte et Patrick Timsit.


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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

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The Killer That Stalked New York (1950)
Réalisation : Earl McEvoy
Scénario : Harry Essex d'après l'article Smallpox, the Killer That Stalks New York de Milton Lehman
Image : Joseph F. Biroc
Production : Columbia
Durée : 79 min

Avec :
Evelyn Keyes : Sheila Bennet
Charles Korvin : Matt Krane
William Bishop (en) : le docteur Ben Wood
Dorothy Malone : Alice Lorie
Lola Albright : Francie Bennet



Le film participe d'un sous genre du film noir qu'on pourrait définir comme film noir-catastrophe ou film noir paranoïaque auquel on pourrait rattacher City of fear / La cité de la peur (1959) et Panique dans la rue sorti la même année 1950 dont l'argument est très proche :
une course contre la montre et contre la mort, ici pour retrouver une personne atteinte de la petite vérole avant que l'épidémie devienne incontrôlable…
Evelyn Keyes (vu notamment dans le mémorable Le Rôdeur / The prowler) tient le rôle titre d'une femme manipulée par son escroc de mari, petit escroc qui entretient une liaison avec sa sœur (la très jolie Lola Albright, actrice et chanteuse de l'époque) pendant qu'il l'envoi transporter des diamants entre Cuba et New-York.
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Le film commence alors qu'elle revient de Cuba (belle séquence d'introduction à New-York avec des plans de la ville pour finir sur la sortie du train du personnage d'Evelyn Keyes), suivi de près par des agents du trésor (les fameux T-Men de la brigade du suicide). Elle ramène de son voyage des diamants cachés sur elle ... mais pas seulement. Une voix off (un peu trop bavarde et datant le film) nous apprend qu'elle croit simplement souffrir de migraine alors qu'en fait elle a également ramené de Cuba à l'insu de son plein gré la petite vérole à laquelle elle a été contaminée (salauds de cubains!).

Le "Killer That Stalked New York" n'est donc autre que cette terrible maladie que les américains imaginaient qu'elle ne les concernait pas (un vieux médecin déclare qu'il l'a vu dans sa jeunesse en Europe et qu'elle avait décimé des millions de personnes), l'occasion de jouer avec l'effroi du spectateur. Le réalisateur appui là où ça fait mal et joue avec les nerds des spectateurs en montrant Evelyne Keyes, cherchant à s'enfuir d'un hôpital dans lequel un policier l'a amené craignant pour sa santé, embrasser une petite fille qui traîne dans un couloir et lui communiquant involontairement la maladie..
La menace du film est la maladie, ce qui renvoit le salaud de départ (Charles Korvin, le mari) aux oubliettes, le réalisateur s'en désintéressant totalement passé les scènes de retrouvailles et de tromperie du début du film au point qu'on se demande s'il n'a pas subit les coupes du monteur.

Cette ambiance urbaine est l'un des points forts du film qui profite de nombreux plans dans les décors réels de New-York. La musique est inspirée alternant douceur et ambiance menaçante et la photographie discrète mais impeccable.
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Au casting, outre Evelyn Keyes convaincante et Lola Albright, on trouve Dorothy Malone (époque brunette, à croquer, comme dans The Big Sleep) tient un second rôle d'infirmière dévouée plutôt mineur malheureusement. Le casting masculin n'est pas aussi bon en dépit de quelques bonnes gueules mais le grand nombre de petits rôles (garçons d'étage, laitier, infirmiers, logeuse etc) qui rendent la ville particulièrement vivante et vraie. Cette véracité du tournage dans New-York et de ces nombreux petits rôles est en revanche un peu contre-balancée par le côté un peu trop empesé et solennel du film entre la voix off du début, les personnages officiels tel-que le maire (« ok on va vacciner toute la ville pour éradiquer le virus, pas de problème, parce que c’est notre santé  ») ou les T-men et les discussions didactiques sur la maladie entre les médecins.

C'est dommage, le film et le suspens auraient gagnés à être épurés de ces aspects pompeux. Mais cela n’empêche nullement ce film noir d’être tout à fait recommendable.
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A signaler que Evelyn Keyes était la copine de Kirk Douglas à l'époque ce qui aurait causé quelques tensions avec la production.

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Chip
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méconnus

Message par Chip »

Très admiratif de la superbe et talentueuse LOLA ALBRIGHT ( voir " A cold Wind in August"/un vent froid en été), j'espère bien vite une édition française de ce DVD :) , Malone et Keyes ? j'aime aussi . :)
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par Supfiction »

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The guilt of Janet Ames (1947)
Réalisation : Henry Levin
Scénario : Lenore J. Coffee, Devery Freeman
Image : Joseph Walker
Production : Columbia
Durée : 83 min

Avec :
Rosalind Russell : Janet Ames
Melvyn Douglas : Smithfield Cobb


Quelques mots rapidement sur The guilt of Janet Ames : il s’agit là encore d’un sous-genre du film noir, le genre psychanalytique dans lequel on retrouve par exemple La Maison du docteur Edwardes réalisé par Alfred Hitchcock en 1945 ou encore Le Secret derrière la porte de Fritz Lang en 1947.
On est ici surtout proche du Hitchcock dont on retrouve un peu le schéma patient-docteur dans la relation Rosalind Russell/ Melvyn Douglas. A l'instar d'Ingrid Bergman tentant de psychanalyser Gregory Peck, Melvyn Douglas essaye d'aider Rosalind Russell à retrouver l'usage de ses jambes.

Le titre français est Peter ibbetson a raison, référence au roman à la base du film de Henry Hathaway de 1935 avec Gary Cooper (il y eu également une première adaptation, Forever, réalisée en 1921 par George Fitzmaurice) et bien sûr au fait que Peter ibbetson revit son amour dans les rêves.

Janet Ames recherche les cinq hommes pour lesquels son mari est mort en leur sauvant la vie. Renversée par une voiture, elle est paralysee et recoit la visite d'un des hommes, Smithfield Cobb devenu alcoolique depuis qu'il a donné un ordre fatal au défunt durant la guerre. Il lui parle des quatre autres hommes en travestissant quelque peu la verité.

Je n'ai pas été totalement emballé par le film mais je dois admettre que c'est sans doute l'une des meilleurs performances de Rosalind Russell que j'ai vues, loin des rôles parfois un peu agaçants (mais il y a des fans sur ce forum) qu'elle a pu jouer par la suite (je pense par exemple à Picnic). Là je dois dire qu'elle m'a ému, particulièrement dans la seconde partie (face à la petite fille puis lors de la résolution de l'intrigue par l'impeccable et toujours classieux Melvyn Douglas).

A signaler au casting, la présence de Nina Foch qui eu une carrière prolifique (elle tombera sous le charme de Gene Kelly dans Un américain à Paris, jouera Marie Antoinette dans Scaramouche et que l’on a vu dans le film noir notamment dans Escape in the Fog de Budd Boetticher ou en tête d’affiche de My name is Julia Ross de Joseph H. Lewis et Johnny Allegro (1949).

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les bas-fonds d' Hawaï - Hell's half Acre

Message par kiemavel »

Non ? :shock:
Ben si :wink:

Tu as pris de l'avance car je viens seulement de découvrir l'existence de ce coffret et ne l'ai pas encore commandé mais ça ne saurait tarder. Je ne connais pas ce The Guilt of Janet Ames au casting bizarre (à part Nina Foch, familière du genre, comme tu l'indiques)
Le film participe d'un sous genre du film noir qu'on pourrait définir comme film noir-catastrophe ou film noir paranoïaque auquel on pourrait rattacher City of fear / La cité de la peur (1959) et Panique dans la rue sorti la même année 1950 dont l'argument est très proche
Moins proche, mais de la famille, le très bon : Même les assassins tremblent / Split Second de Dick Powell (édité dans - feu - la collection rko des éditions Montparnasse). Faire, comme l'a fait Dick Powell, un film noir sur fond de péril nucléaire en 1953 … avant d'en tourner un autre (Le conquérant) dans l'Utah, à proximité d'un site militaire d'essais nucléaires atmosphériques, c'est singulier.
Mal informé ? … En tout cas, sur ce coup là, c'est pas le professeur Pèlerin le coupable (le nuage de Tchernobil qui a refusé de passer la douane, toussa ...)
Dernière modification par kiemavel le 16 sept. 20, 19:11, modifié 1 fois.
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Re: FILMS NOIRS, sans domicile fixe : Too late for tears (1949)

Message par Supfiction »

Supfiction a écrit :
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Too Late for Tears (1949)
Réalisation : Byron Haskin
Scénario : Roy Huggins
Avec : Arthur Kennedy, Lizabeth Scott, Don DeFore, Dan Duryea


Originellement sorti sous le titre Too Late for Tears, ce film noir connaitra une seconde sortie en 1955 sous un nouveau titre, Killer Bait. C'est un nouveau scénario de Roy Huggins, auteur l'année précédente de I Love Trouble.

Fritz Lang au début de sa carrière américaine cherchait à prouver que le citoyen moyen devait toujours se méfier de ses désirs profondément enfouis et finalement ne valait pas beaucoup mieux qu'un criminel. Lizabeth Scott le prend au mot dans Too Late for Tears : alors qu'elle est au départ une femme mariée de la haute société, elle surpasse très vite dans les mauvaises intentions et l'avidité le criminel auquel elle se trouve un moment confronté. Le criminel, c'est pourtant pas n'importe qui puisqu'il s'agit de Dan Duryea qui joue ici une variante de son rôle de petit voyou qui a fait sa gloire chez Fritz Lang. Il est à l'origine d'une arnaque (pas très claire mais on s'en moque) et jette lors de la première scène une mallette pleine de billets (60000 dollars apprendra t-on par la suite) sur la plage arrière de la voiture du couple qu'il croise sur une petite route alors qu'ils se rendaient à un dîner. A la vue d'une telle somme d'argent tombée du ciel, la réaction du mari et de la femme sont opposées. Lui voudrait plutôt la ramener à la police alors que la femme (Lizabeth Scott) perd rapidement la tête et essaye de convaincre son mari de tout garder. Puis commence allégrement à se faire plaisir en s'achetant fourrure etc.
Finalement le mari et la femme conviennent de mettre l'argent dans un coffre à la gare, en attendant. C'est à ce moment que ressurgit le voyou Dan Duryea qui veut bien entendu récupérer son pognon. Ce qu'il ne se doute pas c'est qu'il va avoir affaire à une vraie tigresse (d’où le titre français La tigresse)..
Nous verrons par la suite que le mari de la belle avait lui-même quelques doutes sur sa propre femme.

L'acteur Don Defore alias Don Blake arrive dans la seconde partie du film. Il est un mystérieux chevalier blanc dont le spectateur n'apprendra la véritable identité que dans les dernières minutes.
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The girl is bad, the girl is dangerous...
Un mot sur Lizabeth Scott : née Emma Matzo, elle commença sa carrière comme doublure de Tallulah Bankhead, connue pour son "omnisexualité", et l'acheva après des accusations de mœurs douteuses (entendre sexualité débridée) durant la chasse aux sorcières.
Ce que l'on retient en premier lieu de Lizabeth Scott, c'est sa voix rauque et sexy, assez proche de celle de Lauren Bacall, et qu'on imagine (à tort ou à raison comme) le résultat de la consommation de cigarettes et alcools en tout genre.
Après avoir fait ses débuts, déjà glaciale, dans le noir dans The Strange love of Martha Ivers en 1946 face à Stanwyck, Kirk Douglas et Van Heflin, on la verra par la suite dans I walk alone, Dead Reckoning, The Racket, Stolen Face, Two of a kind, Desert Fury, Dark city, Pitfall et Too late for tears dans lequel elle ne passa jamais inaperçu.

A titre d'anecdote, Denver Pyle (mais si, vous le reconnaissez!) apparait comme ultime proie de Lizabeth Scott.
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Je signale au passage l’existence de ce blog sur notre crapule préférée alias Dan Duryea :
https://danduryeafansite.wordpress.com/

Le film est depuis disponible en blu ray chez Flicker et moins cher chez Arrow (vo only évidemment):

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https://www.fnac.com/a10298697/Too-Late ... 037b90ebda

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https://www.wowhd.fr/too-late-for-tears/617311679698
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méconnus

Message par John Holden »

Sta sur le Arrow.
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Jullien Robert
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méconnus

Message par Jullien Robert »

Bonjour, Ce film existe avec des sous-titres français, j'ai le dvd de chez "serialpolar".
JULLIEN Robert
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Her Kind of Man

Message par kiemavel »

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A l'époque de la prohibition, dans une salle de jeu clandestine, un homme est pris en flagrant délit de tricher et fait irruption plus tard dans la soirée dans le bureau de Joe Marino, le patron d'une boite de nuit alors que celui ci s'entretient avec Steve Maddux, son beau frère, celui là même qui avait confondu et humilié le joueur. L'arme au poing il réclame son argent et est abattu par Maddux alors qu'il s' apprêtait lui même à tirer. Loin d'être sûr d'obtenir la légitime défense, Maddux fuit en Floride s'éloignant ainsi de sa petite amie Georgia, chanteuse de Music Hall qui venait d'obtenir un bon contrat à Broadway. Elle y est remarquée par le journaliste Don Corwin qui multiplie les articles pour promouvoir sa carrière et qui s'éprend de la jeune femme. Pendant ce temps, Maddux, fréquentant plus que jamais les salles de jeu connaît des revers de fortune et suite à une ruse de Marino accepte de s'associer avec lui. Rassuré sur sa situation, Maddux revient vers Georgia …
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Dane Clark, épisode 1
Devant ce film étrange, qui était le premier film criminel dans lequel Dane Clark tenait un rôle important, on a parfois l'impression que la Warner avait ressorti le vieux scénario d'un film criminel des années 30 d'un tiroir, tentant de l'adapter au goût du jour en y saupoudrant des éléments de film noir. Mais en raison d'un scénario bancal, d'une caractérisation des personnages incertaine, d'une tension et d'une violence latente ou « en couvaison « trop parcimoneusement saupoudrés, les moments de violence arrivaient comme par surprise et apparaissaient même presque incongrus et faux puisque l'atmosphère violente qui se concrétisait bien souvent par des séquences brutales dans les films de gangsters était ici très intermittente et donc bien trop fugace.
Sans être du tout un mauvais film, il soufre quand même de multiples petits maux et manque d'une véritable unité de ton quand bien même il comporte de solides ingrédients de film noir : un homme parti de rien et s'élevant socialement grâce à des activités illicites ou à la lisière de la légalité (ici un joueur devenant patron de tripots) et donc la montée et la chute d'un gangster. Un triangle amoureux impliquant deux hommes, un bon et un (plutôt) mauvais, rivaux auprès d'une chanteuse de Music Hall. Deux associés devenant brutalement des ennemis. Un jeune homme fasciné par un aîné dominateur qu'il finit par trahir ...
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Il y en a même presque trop ... d'ingrédients … de personnages importants, et le film exploite la plupart des possibilités offertes. Pour en donner une idée sans rentrer dans le détail des faits, je laisse entrevoir ces possibilités en présentant les personnages principaux.

Maddux est le personnage principal le mieux tenu et son interprète, Zachary Scott, y est remarquable. Il est calme jusqu'à la froideur, plein d'assurance, séduisant, suave (les séquences intimes avec Georgia font partie des plus réussies). Il est donc très loin des manières des gangsters à l'ancienne et s'il est capable de se battre contre son rival (sur un ring de boxe), il surprend finalement tout le monde – y compris le spectateur – quand il finit par sortir sa mitraillette Thompson (dans la séquence la plus absurde du film, celle qui lance les événements violents de sa partie finale). Plus intéressant et surtout plus finement observé sont les notations sur d'autres traits de sa personnalité. Maddux est aussi un homme dévoré d'ambition et très orgueilleux qui s’éloigne de Georgia dès qu'il se trouve provisoirement en état de faiblesse. Or, il s'y retrouve régulièrement puisqu'il tue un homme, est presque remplacé par un rival et surtout il subit les aléas de la vie de joueur. Mais Maddux force sa chance et joue en permanence sa vie, pas seulement dans ses affaires : il bluffe (pour convaincre Georgia de revenir à lui), fait tapis (il lui propose le mariage pour emporter la mise vis à vis de son rival) et dans un final où il aura tout contre lui, quand un des personnage dira à Georgia que Maddux possède 1 % de chance de s'en sortir, elle répondra : " C'est bien plus qu'il ne lui en faut ".
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Georgia King (Janis Paige, merveilleuse de sensualité discrète) est donc la compagne de Maddux puis sa femme. Elle aussi est une forte personnalité, indépendante et qui a du répondant face aux diktats de Maddux ... mais il est vraiment Her Kind of Man et en ce qui concerne les faits importants, elle lui cède tout et est finalement toujours derrière lui, même dans les moments où d'autres flancheraient ( face aux 2 crimes, certes commis l'un en état de légitime défense et l'autre en réalité accidentel). Il faut dire aussi que le rival est fade et beaucoup moins bien traité par les scénaristes. La rivalité entre Maddux et le chroniqueur de Broadway, Don Corwin si elle occupe beaucoup l'écran dans la partie centrale du film, ne donne pas grand chose. Dans ce qui était son premier film noir, Dane Clark était bizarrement distribué dans ce rôle de journaliste affichant presque toujours un large sourire (il doit sourire ici davantage que dans tous ses autres films réunis). Souriant … jusqu'à un certain point car il surprend quand même face à Maddux (sur un ring) puis plus tard face au jeune apprenti gangster qui admire Maddux mais, trop mal caractérisé, le personnage ne soutient pas la comparaison avec celui de son rival si bien qu'il ne profite pas des absences de ce dernier pour prendre vraiment sa place ; mais résolu, il ne s'éloignera pas tout à fait quand Georgia décidera finalement d’épouser "l'autre".
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Critère qui ne l'aide pas à charmer aussi bien Georgia … que le spectateur, il est souvent flanqué d'un policier, Bill Fellows, qui enquête sur Maddux à propos notamment du crime initial. C'est l'enquêteur le plus cool de l'histoire du film de gangsters si bien que lorsqu'il s'énerve enfin et organise une descente dans un des tripots de Maddux, on est vraiment pris par surprise (même les scénaristes qui font faire n'importe quoi à Maddux). Plus intéressant est le personnage de Candy (Harry Lewis), un jeune apprenti gangster fasciné par le charisme, la maitrise et l'assurance de Maddux. Il offre donc ses services au (gentil) gangster, devient ainsi son homme à tout faire … et son souffre douleur (la relation est ambiguë et suggère probablement l'homosexualité de Candy). Enfin, un mot sur le couple Marino : Joe (George Tobias), l'associé de Maddux est un des rares à se montrer plus roublard que lui mais il est lui aussi caractérisé un peu légèrement et le plus souvent en décalage avec les personnages similaires du genre puisque lui aussi est un peu trop rigolard. Quant à son épouse Ruby (Faye Emerson), qui est aussi la sœur de Maddux, elle n'a presque rien à faire.
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Bilan très mitigé donc pour ce film qui reste très regardable mais qui gâche ses possibilités et qui est noir … mais pas trop, un noir light en quelque sorte … ce dont même les étonnantes affiches attestent. Et encore je n'ai pas mis la plus souriante. Vu en vo avec sous titres anglais.

Frederick de Cordova était surtout réalisateur de comédies (aucune éditée en France, la seule que je connaisse, Bedtime fot Bonzo, jadis édité en zone 1 vaut son pesant de Caouettes. D'ailleurs à propos de caouettes, les principaux protagonistes en sont un chimpanzé et un ancien président américain (et celui qui a l'air le plus malin à l'écran n'est pas celui qu'on croit), de quelques Musicals (dont un Elvis édité) et secondairement de film d'aventures et de westerns, parmi lesquels 3 Yvonne de Carlo dont 2 sont plaisants et un assez bon western militaire avec Audie Murphy (tous édités en zone 1 et/ou 2 avec français) … et enfin il avait aussi réalisé un second film criminel : Illegal Entry dans lequel Howard Duff tapait plus fort sur les passeurs et sur la pègre "profiteuse de misère" que sur les clandestins. Donald, un avis sur le film ? Ce dernier fut diffusé en VF chez nous.


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Re: Her Kind of Man

Message par Supfiction »

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Tu sais nous parler.
kiemavel a écrit :dans un final où il aura tout contre lui, quand un des personnage dira à Georgia que Maddux possède 1 % de chance de s'en sortir, elle répondra : " C'est bien plus qu'il ne lui en faut ".
On dirait une réplique issue de Tom Cruise’s Mission impossible. :D
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Re: Her Kind of Man

Message par kiemavel »

Supfiction a écrit : Tu sais nous parler
:wink: Sur le plateau de Her Kind of Man, avec Dane Clark en arrière plan (désolé, photo piquée sur eBay que je n'ai pas trouvé par ailleurs)

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Janis Paige a tourné un autre film noir : This Side of The Law (présenté dans ce topic) et un autre de ses films présente une intrigue de film criminel mais traitée en comédie policière : The House Across the Street. Les deux films sont de Richard L. Bare

Je ne me souviens pas si le fait a été relevé dans le sujet " Ils sont toujours parmi nous …" mais c'est son cas … Née en 1922
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méconnus

Message par Supfiction »

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The Sniper / L'Homme à l'affût (1952)
Réalisation : Edward Dmytryk
Scénario : Harry Brown, Edna Anhalt, Edward Anhalt
Image : Burnett Guffey
Production : Columbia
Durée : 87 min

Avec :
Adolphe Menjou
Arthur Franz
Marie Windsor

Eddie Miller est un chauffeur-livreur à San Francisco. Malhabile avec les femmes, il vit comme un solitaire. Il est parfois pris de violentes pulsions pendant lesquelles, avec son fusil à lunette, il tue des femmes au hasard, tel un sniper. La police est plutôt désemparée face à ses crimes, dont elle ne parvient pas à comprendre les mobiles, jusqu'à ce qu'elle fasse appel à un psychologue qui va les aider à cerner la personnalité du tueur…

Un film aux résonances très contemporaines puisqu'il met en scène un homme malade identifié dès les premières scènes comme détraqué mental par un médecin qui prescrit consciencieusement de l'interner mais il est pris par le feu de l'action des urgences, le manque de place et le laxisme de ses collègues. L'homme est pourtant consentant pour être neutralisé, conscient de ses pulsions violentes. Frustré et maladroit avec les femmes, ces pulsions se concrétisent par des assassinats au fusil à lunette. L'originalité de ce film pour l'époque réside dans son regard empathique pour le tueur présenté comme une victime de lui-même. Le film est également précurseur des futurs films de serials killers sans motif explicite et sur le désarroi et l'obsession des enquêteurs incapables de se baser sur leur expérience face aux meurtres traditionnels avec préméditation. Un avant goût de Zodiac ou Memories of murders, en quelques sortes.
L'immense Adolphe Menjou est l'inspecteur en charge de l'affaire. Il est excellent à exposer le désarroi face à ce nouveau type de criminel. Plus tard, une discussion entre la police, les directeurs de presse et les politiques sera l'occasion d'entendre des propos qui nous sont très familiers aujourd'hui.. ("Vous avez réduit les budgets de la police",.. "il doit être abattu comme un chien").
Egalement au casting Marie Windsor (L'énigme du Chicago Express, L'enfer de la corruption) mais son rôle est anecdotique.
Arthur Franz dans le rôle du tueur est très bon pour ce qui est probablement le plus grand rôle de sa carrière.

L'Homme à l'affût s'avère dans la lignée directe du Gouffre aux chimères sorti un an plus tôt. Film noir certes mais film très politique dans lequel tout le monde en prend pour son grade : médias, citoyens lambda et institutions (politiciens, préfets, maire, médecins).

Le plan final est étonnant et superbe et dénote totalement avec ce qui était et sera d’usage (à comparer avec la fin de L’inspecteur Harry par exemple).

Très belle copie. Disponible en dvd.

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Dernière modification par Supfiction le 3 janv. 20, 15:52, modifié 3 fois.
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