Olivier Nakache & Eric Toledano

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Supfiction
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Re: Olivier Nakache & Eric Toledano

Message par Supfiction »

Est-ce que le fait que le film soit « sarkozyste » participe du fait d'être raté ? Ou est-ce un détail ?
Dernière modification par Supfiction le 26 oct. 19, 13:41, modifié 1 fois.
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Pacaya
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Re: Olivier Nakache & Eric Toledano

Message par Pacaya »

Supfiction a écrit :Est-ce que le fait que le film soit sarkozyste participe du fait d'être raté ? Ou est-ce un détail ?
Ça en révèle plus sur celui qui utilise ce terme que sur le film. Comme ceux qui accusaient le film de validisme ou de racisme.
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Supfiction
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Re: Olivier Nakache & Eric Toledano

Message par Supfiction »

Pacaya a écrit :
Supfiction a écrit :Est-ce que le fait que le film soit « sarkozyste » participe du fait d'être raté ? Ou est-ce un détail ?
Ça en révèle plus sur celui qui utilise ce terme que sur le film. Comme ceux qui accusaient le film de validisme ou de racisme.
Je suis d’accord. D’ailleurs ce film a à sa sortie été approuvé autant par Libé que par Le Figaro. L’excès de luxe entourant le personnage de Cluzet vaut surement au film ce qualificatif de « sarkozyste ». Car pour le reste, on est totalement dans une rhétorique de la gauche moderne, à savoir l’émancipation par le travail, l'accès aux richesses et aux bienfaits de la consommation et l’échange interculturel.
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Watkinssien
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Re: Olivier Nakache & Eric Toledano

Message par Watkinssien »

On peut aussi y lire la rencontre de deux pôles qui s'apprivoisent pour mieux comprendre les défauts et les qualités des uns et des autres. Avant tout, c'est l'osmose qui bouleverse tout dans Intouchables, plus que l'intérêt comique ou parfois doux-amer de l'exposition de leur différence. Ce n'est même pas le côté un peu métaphysique du cerveau d'un côté et les jambes de l'autre, car il n'y a plus de frontières entre service dû à son devoir et service dû à son droit.

Si Intouchables devenait devenir déplaisant, c'était si son propos devenait aussi lourd que son écriture, ses gags et ses personnages. Or, ce n'est jamais le cas, à mes yeux, et là je vise une comédie très populaire comme Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu? qui, elle, coche toutes les cases de la pesanteur hypocrite et faussement humaniste, politiquement plus dangereuse, toujours à mes yeux.

Pour en revenir un peu plus au sujet du topic, je rejoins assez Jeremy Fox pour dire que ce tandem est c'est ce qui fait de mieux dans la comédie française de ces dernières années. Je ne dis pas que ce sont des maîtres, mais des cinéastes intègres et jamais opportunistes, précis dans leur écriture et appliqués généralement dans leur mise en scène. Ils parviennent à obtenir le meilleur de leurs comédiens et font preuve d'un joli sens de l'observation.
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Thaddeus
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Re: Olivier Nakache & Eric Toledano

Message par Thaddeus »

Yaplusdsaumon a écrit :Mais Seigneur quelle outrance dans ta première phrase !
Je ne fais qu'exprimer le sentiment que j'ai éprouvé au fil du visionnage, et pleinement confirmé une fois passé le générique final. Pour moi, ce film est révélateur d'un certain esprit, d'une certaine manière de concevoir la société, de certaines valeurs, que j'associe au sarkozisme. Par exemple (mais il y en a cent), la façon dont le héros restaure au passage l'autorité paternelle en matant une ado effrontée est tout à fait symptomatique.
Supfiction a écrit :Est-ce que le fait que le film soit « sarkozyste » participe du fait d'être raté ? Ou est-ce un détail ?
Cet élément n'entre pas en ligne de compte s'il s'agit de juger le film sur ses qualités ou ses défauts. Je le trouve assez raté pour d'autres raisons : lourd dans sa leçon de vie, épais dans son humour, platement fonctionnel dans sa mise en scène... En revanche, c'est un caractère qui joue (de façon totalement subjective) dans mon manque d'adhésion à son égard. Un film peut véhiculer (parfois à son insu, et je pense d'ailleurs que c'est le cas ici) une certaine vision idéologique des rapports sociaux et des valeurs à défendre. À chaque spectateur de s'y retrouver ou non.
Supfiction a écrit :L’excès de luxe entourant le personnage de Cluzet vaut surement au film ce qualificatif de « sarkozyste ».
Comme je l'indique dans mon petit commentaire, ce n'est pas l'excès de luxe que je trouve déplaisant mais le regard fasciné et envieux porté sur celui-ci par le personnage d'Omar Sy, auquel le spectateur est invité à s'identifier pleinement. Ce dernier aspect est d'ailleurs mon plus gros problème : je trouve ce personnage des plus antipathiques, et j'ai beaucoup de mal avec un film cherchant à nourrir ma connivence avec lui.

(à l'époque, j'ai dû discuter d'Intouchables avec mon entourage à peu près autant que de Tarantino sur ce forum, vous comprendrez donc que je risque de saturer assez vite)
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Supfiction
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Re: Olivier Nakache & Eric Toledano

Message par Supfiction »

ce n'est pas l'excès de luxe que je trouve déplaisant mais le regard fasciné et envieux porté sur celui-ci par le personnage d'Omar Sy
Dans ce cas, le film est autant sarkozyste que macronien, chiraquien ou jospino-hollando-strausskhanien. C’est la promesse d’un rêve français d’accès aux bénéfices de la société de consommation par le travail et de mixité sociale qui sont vantés dans le film.
On peut rejeter le film pour cela, je le comprends très bien et suis même en partie d’accord. Mais le terme sarkozyste ne vaut à mon sens que pour son année de production.
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Thaddeus
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Re: Olivier Nakache & Eric Toledano

Message par Thaddeus »

Ce voeu d'échange culturel et d'enrichissement mutuel, c'est la ligne d'intention du film, qu'il martèle avec l'épaisseur d'un trait de stabilo. Au-delà de ce programme, il y a tout un ensemble de détails, de considérations orientées, de parallèles déséquilibrés qui tordent le discours dans un sens bien précis. Lorsque par exemple on voit le personnage d'Omar Sy se moquer de l'ambiance sinistre d'une assemblée très guindée (première étape : la bonne vanne cinglante qui met le public dans la poche et qui confirme que ces grands bourgeois ont vraiment un ballet dans le cul avec leur musique classique de m...), puis qu'ensuite on le voit enflammer le dance floor sur une chanson populaire (deuxième étape : on met encore le public dans sa poche en lui prouvant que c'est cela la vraie musique, et pas Mozart ou Bach), il y a un sous-texte un filigrane. Tu me répondras : ce n'est qu'un gag, inutile d'aller chercher plus loin. Et je serais d'accord si le mécanisme de ce gag n'était que ponctuel. Or c'est ce sur quoi est bâti tout le film. Omar Sy refait le même coup à chaque fois qu'il est confronté à la culture des "nantis" (une autre bonne vanne cinglante devant le tableau d'art moderne, pour faire passer l'idée que ce dégueulis sans aucun sens est vraiment de l'arnaque). En revanche, il n'a que des mots d'admiration devant les manifestations extérieures de richesse (voir son attitude émerveillée lorsqu'il entre dans le jet privé, lorsqu'il découvre le logement de son employeur, lorsqu'il peut conduire sa grosse bagnole à 200 km en semant les flics). Encore une fois, tout cela passerait s'il le film ne prenait pas son parti, ou du moins s'il l'équilibrait, s'il le nuançait par un autre point de vue. Mais non : le public est amené à s'identifier à lui en le rendant éminemment sympathique, à partager ses idées sur la valeur des choses (la richesse c'est génial, le pouvoir qui l'accompagne également, la culture c'est une imposture). A mon sens, le film défend donc des valeurs fondées sur la jouissance matérielle, le prestige social qui l'accompagne, et l'inanité de toute forme "universitaire" de culture. C'est je crois l'une des caractéristiques du sarkozysme : les promesses de la plénitude matérielle (délivrée par les riches), seul véritable marqueur de réussite, et le mépris de l'art en général. Il y a là un discours qui cherche d'une part à caresser les classes moyennes ou inférieures en vantant son bon sens, son innocence (lui qui n'est pas corrompu par les mystifications de la haute culture), sa morale (qu'elle s'exerce sur la forme de l'autorité ravivée avec Omar Sy vis-à-vis de la gamine, ou de la leçon de sagesse avec la mère d'Omar Sy) ; et d'autre part à faire miroiter les vertus et la valeur de la réussite matérielle, de l'accès au monde supérieur par le biais de l'argent et du pouvoir qui l'accompagne. Ce double discours-là (vertus du petit peuple/haine des élites), exprimé sous des tombereaux de démagogie, c'est exactement ce que j'appelle le populisme.
Supfiction a écrit :Dans ce cas, le film est autant macronien
Ah non, le film macroniste pour le coup, c'est Le Sens de la Fête. :mrgreen:
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Supfiction
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Re: Olivier Nakache & Eric Toledano

Message par Supfiction »

Dans ce cas je suis d’accord. On a bien vu le même film.
Mais l’état d’esprit que tu dénonces existait, existe et existerait sans Sarkozy. Ce n’est pas pour rien qu’un Chirac, bien avant Sarko, se faisait passer pour un type inculte, bon vivant buveur de bière et plus proche des paysans d’antan que des élites.
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Re: Olivier Nakache & Eric Toledano

Message par Jean-Pierre Festina »

Thaddeus a écrit :
Yaplusdsaumon a écrit :Mais Seigneur quelle outrance dans ta première phrase !
Je ne fais qu'exprimer le sentiment que j'ai éprouvé au fil du visionnage, et pleinement confirmé une fois passé le générique final. Pour moi, ce film est révélateur d'un certain esprit, d'une certaine manière de concevoir la société, de certaines valeurs, que j'associe au sarkozisme. Par exemple (mais il y en a cent), la façon dont le héros restaure au passage l'autorité paternelle en matant une ado effrontée est tout à fait symptomatique.
Thaddeus, au nom du Ciel, pas d'imprudence !
LU SUR FORUM A MONTRES : "(...) maintenant c'est clair que Festina c'est plus ce que c'était(...)"


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Re: Olivier Nakache & Eric Toledano

Message par Jeremy Fox »

Watkinssien a écrit : Pour en revenir un peu plus au sujet du topic, je rejoins assez Jeremy Fox pour dire que ce tandem est c'est ce qui fait de mieux dans la comédie française de ces dernières années.
Et le très bon Hors normes vient à nouveau le confirmer. Et leur mise en scène est de plus en plus maitrisée.
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Re: Olivier Nakache & Eric Toledano

Message par Supfiction »

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Le point, Le Figaro et Les échos ont adoré le dernier Olivier Nakache & Eric Toledano, Une année difficile, tandis que Liberation, Les inrocks, L’humanité et la moitié de Télérama ont détesté le sentimentalisme du film qui prendrait bien trop de place au détriment des sujets de fond et de la lutte des classes.. De quoi mettre la puce à l'oreille.
Il suffit de relire certaines interventions de ce topic page 1 ("un rêve de cinéma sarkozyste") pour se rappeler que déjà les précédents films du duo donnaient quelques indices sur la réception politique de leurs films depuis Intouchables. Dans sa critique du Sens de la fête, par exemple, Libé parlait déjà de « quelque chose comme une incitation lénifiante à l’obéissance et à la réduction de tout écart de comportement », bref rien ne va, c'est de droite.

Rebelote avec Une année difficile qui pourtant s'attèle à des sujets tel-que le consumérisme, le surendettement et la crise écologique. Le duo ne cherche pourtant pas à faire des films sociaux mais à livrer des comédies s'inscrivant dans l'air du temps (la fin du monde, la fin du mois et même la crise sanitaire sont les prétextes de leur dernier film), quitte à mettre leurs personnages face à leurs contradictions humaines et chercher à réconcilier dans un excès d'optimisme les opposés (le petit patron et ses employés, le millionnaire et fils d'émigré des quartiers, la militante altermondialiste et l'hyper consommateur surendetté..). Et ça ne plait pas à tout le monde. Pour ce dernier film, ces journaux reprochent en réalité la trop grande légèreté de ton du duo pour qui le combat militant et l'intrusion dans ce milieu de deux éléments antinomiques (irrésistibles Pio Marmaï et Jonathan Lambert dont le seul but est de "se faire" la jolie militante incarnée par Noémie Merlant et accessoirement boire des coups gratuits, trouver à se loger ou effacer leurs dettes à la banque de France) sont le prétexte à de multiples situations de comédies. Le film rappelle en cela les premiers films de Michel Blanc (Marche à l'ombre, Viens chez moi...) ou Gerard Jugnot.
Pire encore, Nakache & Toledano ridiculisent les militants (pas celui de Noémie Merlant en revanche qui interprète son rôle d'éco-anxieuse au premier degré et de façon très touchante), osent terminer par un happy end et même une romance. Libé fait la gueule (« Hyperridicules », « caricaturaux »… pour le défenseur de l’environnement Cyril Dion, les militants d’« Une année difficile », qui mangent des chips de navet, vivent dans des appartements vides et font des séances de câlins, « ne ressemblent pas du tout » aux activistes qu’il connaît) mais pas le spectateur malgré un petit quart d'heure de trop peut-être.
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