Cinéma Coréen contemporain

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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bruce randylan
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Re: Cinéma Coréen contemporain

Message par bruce randylan »

Vanishing Time : a boy who returned (Um Tae-hwa - 2016)

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Surin, une fille de 14 ans, suit son beau-père qui vient s'installer dans une île après le décès de sa mère. Elle se lie d'amitié avec un orphelin, attiré comme elle par le surnaturel. Lors d'une escapade avec deux autres camarades dans une zone interdite en montagne, pour cause de travaux sous-terrains, ils découvrent une grotte au fond de laquelle se trouve une étrange pierre.

Un très joli film fantastique qui ne manque ni de poésie ni d'émotion pour un scénario original (même si j'ai cru comprendre qu'un épisode d'Au frontière du réel possédait une histoire similaire). Cependant, avec ses 130 minutes le film souffre de plusieurs longueurs et d'un manque de concision pénalisant. Le début met ainsi trop de temps à se mettre en place (heureusement rattrapé par quelques jolies trouvailles dans la complicité des deux enfants comme leur code secret) tandis que la dernière demi-heure devient trop redondante à force de répéter 2-3 fois les mêmes discussions/dilemmes.
Certains comme Cinephage ont trouvé que le film manquait également d'enjeux digne de ce noms et faisait l'impasse sur des points plus intéressants comme la vie insulaire. C'est vrai que vu sa durée disproportionnée, on pourrait avoir cette impression mais ça ne m'a pas dérangé dans la mesure où l'histoire se vit au travers du regard des enfants et que ces enjeux là sont les seuls à être important à leurs yeux.
Par contre, je ne suis absolument pas d'accord pour ceux qui trouvent que le film dégage un parfum douteux à la limite de la pédophilie. Faut vraiment avoir l'esprit mal placé et tomber dans la chasse aux sorcière car le film évite totalement toute ambiguïté, surtout pour le personnage plus « âgé ».
Le film traite au contraire de la solitude et ce à quoi on peut se raccrocher pour y faire face et ne pas sombrer dans la folie. On est uniquement dans une histoire d'amitié « suspendue» avec des degrés de maturité différents.

Le film ne manque en tout cas pas d'idées assez pertinente qui culminent forcément dans les différents flash-backs parfaitement mise en scène et qui exploitent bien son concept, dégageant un sentiment de mélancolie assez fort. Le dénouement, s'il tarde à venir, est plutôt bien vu et évite la conclusion attendue et donc redoutée. Quant à la dernière séquence, je pense qu'il ne faut pas la prendre pour argent comptant mais comme une pure projection de l'héroïne.
En parlant de l'héroïne, il faut encore une fois souligner l'incroyable qualité du jeux des enfants coréens qui sont d'une justesse et d'un naturel formidable.
On est pas passé loin de la merveille mais ça demeure déjà hautement recommandable.



V.I.P. (Park Hoon-jung – 2016)

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Un policier et un membre des services secrets sont en compétition pour arrêter le fils d'un responsable nord-coréen. Le premier afin de le condamner pour avoir sauvagement violé et assassiné des douzaines de jeunes filles et le second pour le livrer à des homologues américains qui s’intéressent aux comptes cachés de son père.

Chaque année, il nous faut au moins un thriller violent et sadique. En 2017 ce fut donc ce V.I.P. qui risquent de filer des boutons aux réfractaires de ce genre typiquement coréen et on ne leur donnera pas tort : jurons à tout va, acteurs cabotinant à outrance et se la raconte à mort (le flic qui mâchouille ses cigarettes, Peter Stormare d'une nullité crasse), méchant au visage angélique pour un sourire carnassier tout en écoutant du classique, violence racoleuse à souhait et souvent gratuite.
C'était moins insupportable que Ashura l'an dernier mais c'est tout aussi peu empathique tant les personnages sont agaçants de postures. Le méchant est désespérant de clichés à ce titre et tous les personnages sont des pantins sans aucune surface.
Ca se laisse tout de même suivre car quelques passages sont plutôt pas trop mal, notamment la rivalité entre les différents services qui jouent une partie d’échec grandeur nature ainsi que quelques fulgurances dans le déroulement du scénario telle que la scène du pont qui lance le dernier acte. Mais la conclusion grossière au possible renvoie le film dans sa médiocrité tapageuse.
Un grosse faute de parcours pour Park Hoon-jung qui m'avait agréablement surpris l'an dernier avec The Tiger (New World étant également bien réputé aussi, j'ai le blu-ray qui traîne)


The fortress (Hwang Dong-hyuk – 2017)

En 1636, le royaume de Joseon, allié au Ming, est menacé par les Qing. Le roi et sa cour sont rapidement assiégés dans un palais en montagne entouré d'un mur de protection. Les conseillers et ministres ne sont pas d'accord sur les décisions tandis que la population sur la place souffre d'un hiver particulièrement rude et que les vivres sont rapidement insuffisant.

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Après 4 ans nous avoir tétanisé avec l'éprouvant et déchirant Silenced, le FFCP nous donne des nouvelles de son cinéaste Hwang Dong-hyuk (qui a signé un autre film entre temps) pour cette grosse production sorti tout juste sorti en Corée et qui a l'air de bien cartonné sur place. Cela dit, ceux qui s'attendait à un blockbuster gorgés de bataille façon Roaring Curents (aka the Admiral) ont tiré la tronche. Le film mise assez peu sur l'action qui se résument à 3-4 scènes guerrières de quelques minutes (bien fichus cela dit). L'essentiel du film est plutôt centré sur la stratégie, les choix politiques et les jeux d'influences/manipulation. On peut dire qu'on est très loin des titres habituels qui misent à fond sur le nationalisme patriotique et le spectaculaire belliqueux. The fortress en prend même le contre-pied avec de nombreuses séquences qui dévoilent un pouvoir incapable de prendre de bonnes décisions, d'être cohérent, de penser au bien commun et qui préfère s'enfermer dans un cérémoniel pompeux et coupé du bon sens comme ces lettrés qui passent leur temps à demander la mise à mort de ministres en rupture avec la ligne générale de la cour.
The fortress parle ainsi d'une impasse totale dans laquelle se trouve le régent et sa suite face à une situation où tous les choix sont problématiques et risquent de conduire à leur perte même si le respect des codes et coutumes l'emportent souvent sur la logique.
Dans cette optique, les méchants ne sont jamais diabolisés mais campent sur un attentisme pour juger de la suite de leur manœuvre : laisser au roi coréen de faire le premier pas diplomatique ou l'écraser s'il tente une attaque. Mais parmi les officiers de Joseon, le premier pas est considéré comme une humiliation ou une trahison...
Un scénario assez riche et même passionnant mais qui ne passe malheureusement pas le cap de la réalisation plombé par un académisme stérile se limitant à du champ contre-champ mécanique alors qu'il aurait été plus judicieux de confronter les points de vues, les rapports de forces, d'appuyer la lourdeur des réunions, de traduire les confrontations idéologiques. Il en ressort une mise en scène répétitive au possible alors que le scénario ne l'est pas et évoque justement l’absurdité de cette incapacité à décider pour mieux se réfugier dans les beaux discours théoriques plus rassurant. Ca n'excuse pas en revanche les atermoiements qui affaiblissent le dernier acte où plusieurs scènes déclinent le même contenu.

Pour moi, les 140 minutes sont assez bien passés pour la gravité de l'ensemble, son approche résolument non commerciale, la qualité d’interprétation et son scénario qui démonte les coulisses du pouvoir. Mais plusieurs de mes copains ont souffert le martyr. :mrgreen:
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bruce randylan
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Re: Cinéma Coréen contemporain

Message par bruce randylan »

The attorney (Yang Woo-seok - 2013)

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A la fin des années 70's, un avocat qui peine à trouver des clients profite d'un changement législatif pour s'imposer dans le droit immobilier où il fait fortune. Songeant désormais avant tout à son propre confort, il se coupe des bouleversements politiques de son pays et de la violente répression qui s'abat sur la jeunesse... jusqu'à ce que le fils d'une restauratrice, qui l'a soutenue durant ses études, soit arrêté et torturé.

Avec 13 millions d'entrées, ce film reste l'un des plus gros cartons coréen des dernières années mais demeure peu diffusé à l'étranger. La raison ? Yang Woo-seok s'inspire fortement de la vie de Roh Moo-hyun (avocat qui devint président du pays) et de son éveil politique sous la dictature de Park Chung-hee qui n'est autre que le père de Park Geun-hye, la présidente récemment destituée et qui n'appréciait pas ce portrait peu reluisant des méthodes de gouvernement de son paternel. Elle fit donc beaucoup de pression pour empêcher que le film ne soit projeté (en France en tout cas).
J'étais donc très impatient de le découvrir d'autant qu'on y retrouve Song Kong-ho dans le rôle titre. Je n'ai absolument pas été déçu de cette attente : the attorney est un très beau drame même s'il n'atteint pas le vertige moral et vénéneux de Ordinary person en se contentant d'être un passionnant film à procès qui repose beaucoup sur son excellent interprète principal, une nouvelle fois admirable de bout en bout par sa justesse, alternant humour, éloquence et pure émotion.

Pour un premier film, l'auteur de bande-dessiné Yang Woo-seok fait preuve d'une certaine maîtrise qui colle bien à l'ambiance du film et de son personnage central. Ainsi le début possède une réalisation anodine, tout en étant alerte dans sa narration, correspondant à l'individualisme de cet avocat qui manque d'intégrité et d'empathie. Quand ce dernier commence à une découvrir une conscience et une éthique, la mise en scène se complexifie avec un montage moins linéaire, des prises de vues plus graphiques, des couleurs plus prononcés et une caméra plus mobile comme lors de la première prise de parole pendant le procès qui donne lieu à un virevoltant plan-séquence.
Même sans ça, l'histoire est de tout façon suffisamment forte et prenante pour qu'on suive le film avec intérêt avec quelques joutes palpitantes et intenses. Après, c'est sûr que ça demeure prévisible et balisé dans sa structure pour une formule bien rodée. Mais après tout, quand c'est bien fait comme ici, ça passe sans problème.

Malgré ses tentatives de censure, The attorney est tout de même disponible en DVD (uniquement) aux USA. :wink:


The 6 days struggle at Myong-dong Cathedral (Kim Dong-won - 1997) faisait lui aussi parti de cet excellent focus "1980's Revisited" concocté par la programmation du FFCP. Ce documentaire commence d'ailleurs pratiquement là où finit The attorney avec les manifestations de 1987 pour un renouveau démocratique face à un pouvoir autoritaire. Si tout cela doit être connu pour les Sud-Coréens, ce n'est pas le cas pour le monde et une petite re-contextualisation n'aurait pas été de trop. Ce qui ne l'empêche pas d'être bien conçu mélangeant des archives d'époques (souvent des films amateurs) avec des interviews de plusieurs participants 10 ans après les fait. C'est plutôt riche, complet et le cinéaste ne fait pas l'impasse sur les problèmes d'organisations des manifestants ou les dissonances entre les différents groupes les composant. Ca permet de garder du recul, voire une lucidité, tout en s'avérant logiquement touchant et de rendre palpable ce désir d'émancipation et de liberté de la population qui ne se limitait pas qu'aux étudiants. Mais avec une durée d'1h15, j'ai trouvé que ça restait parfois trop superficiel, en se contentant de rapporter les faits jour par jour.

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Je regrette de ne pas avoir vu le film avant d'avoir été en Corée en mois d'aout où je suis passé sur place sans prendre conscience de l'importance du lieu.
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Coxwell
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Re: Cinéma Coréen contemporain

Message par Coxwell »

L'histoire politique coréenne est très complexe, et Roo Moo-hyun est un personnage qui illustre les associations tactiques entre rivaux, et ce, depuis la colonisation japonaise. Son prédécesseur, le président kim Dae-jung fut sauvé in extremis de la mort et des actions de la KCIA, à l’époque dirigée par l'ancien colistier de Park Chung-hee, le lieutenant du coup d'Etat du 16 mai 1961, Kim Jong-pil. Ce dernier fut même premier ministre (de celui-là même qu'il désira exécuté (années 60) à savoir Kim Dae-jung. Roo moo-hyun, le successeur, était proche de Kim Dae jung, ou du moins a manœuvré politiquement pour associer sa frange électorale aux soutiens de l'ancien parti Saenuri. Il s'agissait de fonder une stratégie pol de réconciliation avec les anciens exécutants de la tyrannie et des collaborateurs pro-japonais de l'époque antérieure. D'obscures affaires politico-économiques se sont ajoutées à ce dossier. Il semblerait que ces décisions et malversations aient joué un facteur de causalité non négligeable dans son suicide en 2009. L'histoire politique coréenne est passionnante, et le cinéma en révèle quelques fragments, de manière éparse, au gré des soubresauts politiques et économiques. Et dans le cas Roo Moo-hyun, le tableau est un peu plus complexe que les gens veulent bien le présenter :wink:
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Re: Cinéma Coréen contemporain

Message par Ben Castellano »

The Running Actress (Moon So-ri, 2017)

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La star d'Oasis, Une femme coréenne et de quelques Hong Sang-soo période 2010-2015 a monté trois courts métrages réalisés entre 2014 et 2017 pour en faire ce "premier" long, autofiction qui a servi visiblement de catharsis à une période difficile de sa carrière / vie personnelle. Le procédé est un peu lâche forcément, mais ça n'empêche pas de trouver à chacun des segments (qui ont un format d'image différent) ses qualités propres. D'abord, Moon So-ri possède un vrai tempo pour la comédie dans l'écriture, c'est vraiment bien mené à ce niveau, on rit beaucoup. Et les sujets sont multiples : la crise existentielle et de carrière pour une femme de 40 ans, les rapports familiaux espacés, les diktats d'image en Corée et quelques arrières-plans de l'industrie. Le premier acte très court est un peu plus faible je trouve, le second aurait presque pu être la dynamique d'un vrai long car il est narrativement plus complexe... le dernier tiers, focalisé sur les funérailles d'un cinéaste raté, joue plutôt bien du malaise et de la poésie (superbe dernier plan). On a aussi le sentiment dans la mise en scène qu'elle condense plein d'inspiration venant des réalisateurs rencontrés tout au long de sa filmo.
Peut-être un "one shot" de la part de l'actrice/réalisatrice, ce serait compréhensible mais un peu dommage aussi car il y a un vrai talent prometteur.
bruce randylan
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Re: Cinéma Coréen contemporain

Message par bruce randylan »

Coxwell a écrit :L'histoire politique coréenne est très complexe, et Roo Moo-hyun est un personnage qui illustre les associations tactiques entre rivaux, et ce, depuis la colonisation japonaise. Son prédécesseur, le président kim Dae-jung fut sauvé in extremis de la mort et des actions de la KCIA, à l’époque dirigée par l'ancien colistier de Park Chung-hee, le lieutenant du coup d'Etat du 16 mai 1961, Kim Jong-pil. Ce dernier fut même premier ministre (de celui-là même qu'il désira exécuté (années 60) à savoir Kim Dae-jung. Roo moo-hyun, le successeur, était proche de Kim Dae jung, ou du moins a manœuvré politiquement pour associer sa frange électorale aux soutiens de l'ancien parti Saenuri. Il s'agissait de fonder une stratégie pol de réconciliation avec les anciens exécutants de la tyrannie et des collaborateurs pro-japonais de l'époque antérieure. D'obscures affaires politico-économiques se sont ajoutées à ce dossier. Il semblerait que ces décisions et malversations aient joué un facteur de causalité non négligeable dans son suicide en 2009. L'histoire politique coréenne est passionnante, et le cinéma en révèle quelques fragments, de manière éparse, au gré des soubresauts politiques et économiques. Et dans le cas Roo Moo-hyun, le tableau est un peu plus complexe que les gens veulent bien le présenter :wink:
Merci de toutes ses précisions enrichissantes et en effet j'imagine que le tableau est toujours plus complexe qu'on veut bien le croire. Je rajoute d'ailleurs que je n'ai évidement pas pris pour argent comptant le "portrait" fictionnel de The attorney

Pour finir avec le FFCP 2017, il me restait deux films à évoquer :

The first lap (Kim Daehwan - 2017)

En couple depuis 6 ans, Su-hyeon et Ji-young ne sont toujours pas mariés et ont toutes les chances de croire qu'ils attendent un bébé qui n'était pas prévu. La visite à leur parents respectifs va exacerber les tensions.

Un jour je ferais une thèse sur les "les œuvres filmées depuis un périscope" et The first lap en sera peut-être la colonne vertébrale. C'est un film qui repose uniquement sur une succession de plan-séquences majoritairement basés sur une caméra fixe qui se permet juste quelques panoramas si les personnages se déplacent. Comme filmer depuis un périscope donc. Et comme souvent avec un périscope, la composition du cadre est loin d'être d'une immense harmonie. C'est juste que la caméra est un peu placé au centre de la scène et voilà. Action. Coupez.
The first lap est ainsi une chronique intimiste/naturaliste insignifiante au possible pour un sujet sans grand intérêt et vu au moins 15 fois chaque année (avec une "vraie" réalisation). Donc, le couple déjà pas super sympathique (la chieuse Vs l'immature) et font face à leurs parents relou qui symbolisent la pression sociale et la carcan patatipatata gnagnagni gnagnagna
Pour moi, un machin auteurisant d'une vacuité et d'une inutilité cinématographique totale.
J'avais vu son premier long métrage il y a quelques années (End of winter) qui était pas trop mal mais dont les qualités reposaient plus sur le scénario que la réalisation. Pour ses débuts, je lui avais laisser le bénéfice du doute ; la prochaine fois, je pense faire l'impasse.

Par chance, ma dernière séance fut le très beau Merry Christmas Mr. Mo (Lim Dae Hyung - 2016)
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Vivant dans une petite ville de province, un modeste coiffeur veuf demande à son fils de l'aider à réaliser un court-métrage dont il a écrit le scénario. Ce dernier est réfractaire à l'idée mais se laisse convaincre par sa copine.

Entre la chronique familiale et le road movie, j'ai été totalement sous le charme de cette comédie dramatique pleine de chaleur sans que Lim Dae Hyung ne tire vers le mélodrame comme les coréens en raffolent. Signe qui ne trompe pas le film fait à peine 1h40 !
Le style est plutôt dépouillé, avec peu de dialogues, beaucoup d'ellipses intelligentes, le tout filmé dans une joli noir et blanc et portée par une musique bluesy à la guitare qui ne pouvait que me conquérir. Avec cette simplicité humaniste et cette tonalité musicale, j'avoue avoir pensé à un croisement entre Vivre de Kurosawa et le chanteur/musicien Mississippi John Hurt.
C'est écrit avec chaleur sans pathos, tout en réussissant à rendre vivant le moindre second rôle avec 3 fois rien (une habituée de la piscine, le patron d'un petit bar, la belle-soeur etc...). C'est cependant évidement la relation entre le père et le fils qui demeure au cœur du film et donne quelques moments drôle et touchant, voire même très émouvant comme lorsque le rejeton fond devant le premier montage du film ou quand le père se cache dans la voiture alors qu'ils vont rendent visite à son amour de jeunesse.

L'une des très bonne surprise est aussi ce fameux court-métrage qui conclut le film qui est à la fois un hommage sincère à Chaplin tout en possédant assez de caractère et de personnalité pour ne pas tomber dans le décalque facile. Et si ce petit film regorge de très belles idées poétiques, sa réalisation demeure toujours à la hauteur de son équipe de tournage. Et la double conclusion (celle du film et du film dans le film) est belle à pleurer. Ce que j'ai fait d'ailleurs.

Alors oui, il y a quelques petites maladresses, quelques baisses du rythme et des acteurs moins "professionnels" que d'autres (le père est heureusement impeccable) mais c'est bien peu de chose face à la sobriété du traitement et surtout face à sa tendresse et sa délicatesse.

Rien qu'à regarder sa bande-annonce, j'ai déjà envie de le revoir.
Dernière modification par bruce randylan le 1 nov. 18, 01:45, modifié 1 fois.
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Re: Cinéma Coréen contemporain

Message par Pomponazzo »

Merci en tout cas Bruce de creuser le sillon, plein d'infos, de l'enthousiasme... Le ciné coréen regorge de fraîcheur, de vie et de talent pour ce qui parvient jusqu'à moi. Je te lis avec curiosité et plaisir 8)
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Re: Cinéma Coréen contemporain

Message par Coxwell »

bruce randylan a écrit : Merci de toutes ses précisions enrichissantes et en effet j'imagine que le tableau est toujours plus complexe qu'on veut bien le croire. Je rajoute d'ailleurs que je n'ai évidement pas pris pour argent comptant le "portrait" fictionnel de The attorney
Oui bien sur, ce n'était pas mon intention de te corriger ou de suggérer que tu avais mal interprété les choses concernant cette page de l'histoire. :wink:
Merci pour ces retours concernant les autres films, il va falloir que je les mette sur ma liste !
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Re: Cinéma Coréen contemporain

Message par bruce randylan »

Le FFCP a commencé depuis mardi soir ! :D

et le programme est encore bien chargé, peut-être plus que les années précédentes !

Mate (Jung Dae-gun - 2017)
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Une petite comédie romantique mignonne mais cruellement anecdotique et inconsistante sur une partition "Je t'aime ; moi non plus" : Joon-ho a peur de s'engager avec les femmes, il rencontre Eun-ji qui a du mal à se défaire d'un ex pourtant désormais fiancé ; ils s'aiment mais n'osent se le dire. Et le hasard les fait travailleur ensemble. Tous deux passeront le film à se chercher, se trouver, se séparer à cause de leur indécision et ça finit par vraiment tourner en rond au bout d'un moment. Et pour son premier film de fiction, Jung Dae-gun fait preuve d'une absence totale de style et de mise en scène. Elle est fonctionnelle au possible et n'apporte strictement rien à son histoire. Dommage aussi que les petites touches sociales présente au début du film disparaissent rapidement (le chômage chez les jeunes, les quartiers en mutation, la drague par application téléphonique)
Heureusement le duo d'acteur est beaucoup plus attachant et permet quelques jolies scènes, qu'elles soient légères, amères ou mélancoliques, sans que ça suffise forcément à tenir du début à la fin.

Old love (Park Ki-yong - 2017)
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Là, c'est la mauvaise caricature du film d'auteur d'indépendante coréen, entre Hong Sang-soo et Antonioni, soit deux anciens amants qui se retrouvent par hasard 30-35 ans plus tard et qui passent plusieurs jours ensemble, autour d'une table et/ou d'un verre. Mixage agaçant où les bruitages sont sur-présents au point de croire que les micros étaient au fond d'une poubelle ou sur les bus traversant le cadre plutôt que sur les comédiens, acteurs dépressifs, images lugubres et sombres, succession de plans fixes, mise en scène minimaliste et le misérabilisme n'est par toujours loin (les perso sont des déracinés, des loosers, sans réel familles ni amis, entourés de malades etc.).
Ca a rapidement roupillé dans la scène. J'ai tenu bon mais je me demandais régulièrement ce que le film avait a raconter à part son simple postulat : ça ne raconte rien, les personnages sont des coquilles vides, les partis-pris sonnent artificiels. Sans parler d'une (non)fin grotesque.

Keys to the heart (Choi Sung-hyun - 2017)
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Premier coup de coeur :D
La comédie dramatique entre humour irrésistible et grosse artillerie mélo comme les coréens savent si bien le doser.
Il y avait pourtant de quoi s'attendre au pire avec cette histoire totalement improbable où un boxeur has-been et immature croise sa mère qui l'avait abandonné des années plus tôt et découvre qu'il a un demi-frère autiste et pianiste.
Et pourtant (et malgré d'autres ficelles énormes), ça marche du feu de dieu : le rire, la tendresse et l'émotion s'enchaînent avec une aisance stupéfiante jusqu'à la fin où la moquette était inondée des larmes.
Après plusieurs scénarios, ce premier film de Choi Sung-hyun est remarquable d'harmonie, de mélange des genres et de fluidité.
Il faut dire qu'il est épaulé par des comédiens formidables à commencer par la vedette Lee Byung-hun en petit contre-emploi irrésistible aux effets comiques excellents et le jeune Park Jung-min aussi doué pour jouer au piano ( :o ) que le jeune frère sans qu'il ne tire par non plus vers la performance à récompenses. Ils sont accompagnés d'une ribambelle d'autres acteurs géniaux (la mère forcément émouvante, la jeune voisine aguichante...).
Le genre de petite merveille lumineuse (comme Sunny, Hope, South bound) qui n'arrive jamais chez nous et qui changerait un peu des films coréens qui sortent en salle en France (en gros HSS et polars violents). Sans oublier que ça met à l'amende pas mal de "feel good movie".
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Re: Cinéma Coréen contemporain

Message par bruce randylan »

Park Hwa-young(Lee Hwan - 2018)

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Adolescente obèse, Park Hwa-young est surnommée "Maman" par les jeunes filles fugueuses qui squattent dans son appartement.

Je crois que je vais inventer un nouveau genre : "les films essuies glaces". Ceux qui te balancent des trucs dans la gueule de manière tellement artificielle que je me crée immédiatement un vitre pour parer aux crachats en enclenchant les essuies-glaces, scènes après scènes.
Celui-ci en est un parfait représentant. Ça se voudrait un portrait sans concession d'une certaine jeunesse coréenne, loin de l'image propre et lisse qu'on l'habitude de voir, ou d'imaginer. Ici, on jure, on crie, on est violent, on s'insulte, on baise, on clope non stop, on menace ses parents ou ses profs, on humilie, on se prostitue...
Pourquoi pas à la rigueur, et même volontiers... encore faut-il que cela soit bien fait. Dans le cas de Park Hwa-young, on ne prend pas la peine de te présenter les personnages, de t'expliquer un peu leur background, de les humaniser (sans demander de les rendre attachant), de travailler leur rapport. C'est juste 1h50 de "enculé de ta mère", "j'te nique sac à foutre", "ta gueule la suceuse de queue", "putain de salope", sur fond de brimades, de passage à tabac et autres hurlements. Il est proprement impossible de comprendre ou de saisir les relations entre les personnages, notamment le triangle Park Hwa-young, son "amie" Mi-jung et le caïd Young-jae.
Au bout de 15 minutes, j'avais donc cessé de suivre le film et j'attendais la séquence suivante en mode "essuie-glace". Et la dernière demi-heure est un supplice avec l'incapacité du cinéaste (ancien acteur, passant la première fois devant la caméra) à savoir quand et comment conclure son film, jusqu'à la dernière séquence grotesque qui enfonce des portes ouvertes.
Pénible et je cherche toujours quel est le point de vue du film et sa finalité.

Sur un sujet proche, Jane (découvert l'an dernier au FFCP) était plus intéressant dans ses partis-pris sans être vraiment satisfaisant non plus.

The great battle (Kim Kwang-sik - 2018)

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En 645, l'empereur chinois et sa puissante armée tente d'envahir le royaume de Goguryeo (ancienne Corée). Après plusieurs victoire écrasante, il se heurte à la ville fortifiée de Ansi, tenue par un général considéré comme un traître par le pouvoir en place.

Nouveau gros blockbuster sur le mode "5.000 hommes contre 200.000", basé sur des faits historiques, un peu malmenés sur la fin forcément (même si les chinois ont bien construit une gigantesque butte durant plusieurs mois pour surplomber les remparts :shock: ).
Ça a les défauts et les qualités intrinsèques à ce genre de production onéreuse : personnages caricaturaux, scénario prévisible, élans patriotiques, sacrifices héroïques, effets spéciaux pas toujours réussis, effets tape-à-l'oeil mais aussi quelques comédiens charismatiques, une reconstitution spectaculaire et surtout son lot de scènes de batailles homériques et quelques morceaux de bravoures épiques.
Avec ses 2h15, le film est plutôt généreux niveau action et propose assez peu de temps morts même si la dimension stratégie est peu présente en fin de compte. Ca doit donner une demi-dizaine de séquences guerrières intenses entre bataille d'ouverture (qui souffre le plus d'images de synthèses médiocres), différentes tentatives d'envahir la ville, quelques raids désespérés et le climax, finalement en deçà du reste. Les parties "assaut du siège" sont les plus réussies, surtout l'attaque nocturne avec les tours mobiles et la course du général sur les remparts, muni son arc, qui délivre son bon quota d'adrénaline et testostérone.
Forcément impersonnel, la réalisation est tout à fait honnête malgré quelques effets bling-bling vidéoludique (genre timewarp)

Dans l'ensemble, et avec les limites du genre, son efficacité a plutôt bien fonctionné pour moi. A voir en parallèle avec The fortresspour comparer comment le même genre d'histoire peut être traiter de manière totalement différente.

"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
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Re: Cinéma Coréen contemporain

Message par bruce randylan »

Adulthood (Kim In-seon - 2018)

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A 14 ans, Kyung-un se retrouve seule après la mort de son père, divorcée. Son jeune oncle qu'elle n'a pratiquement jamais vu entreprend de vivre avec elle mais elle comprend rapidement qu'il en a surtout après l'assurance vie de son frère pour régler ses dettes. Et lui demande bientôt de l'aider à séduire une veuve aisée.

Un joli petit premier film entre humour, tendresse et un peu d'émotion sans tirer dans les gros sentiments ou la pure farce. Les qualités reposent avant tout sur l'écriture et les comédiens qui sont irréprochables et toujours justes. Une nouvelle fois avec la Corée, je suis épaté par la performance des jeunes comédiens qui sont d'un naturel formidable.
Les personnages sont ainsi bien campés car bien définis sur le papier avec une volonté de ne pas aller dans la caricature et les facilités. Bien que typiquement cinématographique, on reste dans des comportements réalistes, touchants et j'ai beaucoup apprécie le traitement de la veuve pharmacienne, y compris le refus du happy end conventionnel.
Il y a ainsi de vrais moments d'émotions qui durent jusque ce qu'il faut pour ne pas aller dans la pathos (la discussion nocturne après l'anniversaire ; le souvenir de la naissance) avec ce qu'il faut d'humour.
C'est pas le film du siècle, ni une grande mise en scène, mais j'aime le rythme du film qui sait prendre son temps quand il faut.
Un peu de chaleur sincère, c'est toujours bon à prendre. :)



Believer (Lee Hae-Young - 2018)

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Un remake du Drug War de Johnnie To (que j'ai toujours pas vu :oops: ) pour un polar/thriller qui se suit sans réel intérêt ni implication. Faut dire que les protagonistes laissent de marbre, que le twist tout pourri se devine au bout de 10 minutes et que c'est pas non plus hyper palpitant niveau tension et action. C'est correctement emballé mais sans réel surprise. J'ai comme l'impression que les quelques petites touches d'originalité tiennent de l'original (le duo de sourd-muets et le double rendez-vous dans l’hôtel où les deux héros interprètent à tour de rôle les intermédiaires). Sinon, comme la norme des polars coréens, il y a des passages à tabac et une dose de sadisme/torture pas franchement utile. La fin est bien ratée en plus.
Très bof pour moi sans que je puisse dire que j'ai trouvé le temps long pour autant.
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1987 : when the day comes (Jang Joon-Hwan - 2018)

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En 1987, un étudiant décède suite aux tortures de la police anti-communiste. Les responsable tentent d'étouffer l'affaire mais un procureur refuse de laisser le corps disparaître sans autopsie, ce qui alerte les médias pourtant censurés.

Après Taxi Driver, the attorney ou Ordinary person, un nouveau film se penche sur la dictature militaire et les mouvements de contestation démocratique (presse, religion, étudiant, justice). Et c'est cette fois le réalisateur de Save the greeen planet et Hwayi : the monster boy qui s'empare du sujet. Il délaisse donc le film de genre pour une approche plus documentée et réaliste avec une belle rigueur qui fait bien sûr penser aux thrillers politiques 60-70's. Beaucoup d'informations et de personnages pour un film aussi passionnant que palpitant, diablement emballé avec une densité remarquable sans jamais sacrifier les personnages qu'il arrive à faire vivre avec une vraie économie de moyen (avec quelques scènes déchirantes bien amenées comme le père face aux cendres de son fils). Il faut dire que ça fonctionne beaucoup sur l'indignation et un début d’écœurement face à un système désormais déshumanisé qui ne se cache plus. Jang et son scénariste laisse tout de même la parole brièvement aux tortionnaires pour expliquer leur motivation et leur haine des communistes sans chercher à les dédouaner de leur arrogance et impunité. Servi par un casting formidable et charismatique, 1987 suit la parole et l'acte et intègre davantage de civils au fur et à mesure que le film avance. Au début, on est uniquement entre les membres des différents services du pouvoir, puis de la presse avant d'élargir aux personnels de la prison puis des étudiants. La photographie suit cette dynamique en passant des tons sombres et ternes à plus de scènes en plein jour et une lumière plus vive au fur et à mesure que la prise de conscience grandit. Le ton se fait alors plus émouvant et lyrique au point de se perdre un peu dans le dernier acte avec une reconstitution quasi criarde des scènes de foules enthousiastes, doublé d'un virage "thriller" un peu trop agencé, sans souffrir non plus des mêmes défauts que la fin de Taxi driver.
Son grand élan démocratique final qui se voudrait lyrique perd un peu en force, ce qui amenuise mon enthousiasme des 110 minutes précédentes. Ca reste malgré tout une vraie réussite amplement recommandable. Encore une fois, quelle dommage que tous ces films ne sortent jamais en France. :(

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Counters (Lee Il-ha - 2018)

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Un génial documentaire qui s'intéresse aux "Counters", des contre-manifestants s'opposant aux racistes japonais qui paradent contre les coréens (entre autres) dans un pays où aucune loi ne condamne l'incitation à la haine (raciale).
Au delà du sujet, le film est déjà stimulant par son dynamisme et ses nombreuses idées de mises en scène mais surtout pour son approche et ses intervenants. Le cinéaste donne ainsi la parole à tout le monde, y compris au leader d'extrême droite sans que ses propos soient jugées ou que le commentaire et les questions soient condescendantes ou moralisatrices. Et puis il y a Takahashi qui mériterait un film à part entière : un ancien yakuza qui a quitté le milieu révolté par leur injustice, mettant son énergie à défendre les personnes discriminées, tout en gardant ses idées de droite et son tempérament impulsif, voire violent. Ainsi, contrairement aux Counters, qui protestent pacifiquement, lui et ses acolytes cherchent plutôt à en découdre et tabasser leurs opposants. Ce qui lui a fallut quelques séjours en prison.
Du coup, le film est passionnant par ses nombreux points de vue et son absence de manichéisme qui questionne notre propre perception du racisme et les moyens de l'affronter. Ca donne aussi une image assez surréaliste de certains japonais (dont je connaissais pourtant la xénophobie) qui atteignent des niveaux de haines incroyables et des paroles décomplexées qui glacent le sang ("ce qu'on a besoin, c'est d'un nouveau Nankin").
La dernière partie est un peu moins réussie en tombant dans une forme plus facile quand les questions se déplacent à un niveau politique national avec un projet de loi en débat. On n'échappe aux violons dégoulinants et des propos plus consensuels tout en reconnaissant qu'il est difficile de ne pas être transporter par l'émotion lors du vote de la loi et les pleurs de joie des concernées.

L'un des 3-4 meilleurs films découverts lors de cette édition et j'ai vraiment penser à Samuel Fuller dans la complexité du traitement et du regard des intervenants.



Romans 8:37 (Shin Yeon-shick - 2017)
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Un jeune diacre effacé apprend que son mentor, le révérend Joseph, est accusé de harcèlement sexuel par 3 pratiquantes mineures. Pensant au début qu'il s'agit de manœuvres voulant le discréditer à l'approche des élections de la paroisse, il commence à douter de l'honnêteté de Joseph, par ailleurs on beau-frère.

Les premières rencontres avec Shin Yeon-Shick n'avait pas été très fructueuses (via The russian novel ou le scénario qu'il a écrit de Dongju : the portrait of a poet), j'avais un peu peur de ce drame de 2h15 sur un jeune prête doutant de sa foi. Et au final, c'est une excellente surprise.
Contrairement à ce que je craignais, le traitement ne place pas la religion et les états d'âmes au coeur du récit mais propose un approche qui tient davantage du thriller. Et derrière la simplicité, voire l'épure, de sa réalisation, j'ai trouvé une forme d'assurance tranquille et de maîtrise contenu d'une grande force dramatique et d'une discrétion absolue.
Sans aller jusqu'à comparer avec Révélations de Michael Mann, j'y ai pensé à plusieurs reprises en trouvant que le cinéaste avait atteint une forme de maturité sobre mais palpitante. Shin trouve la respiration de son récit, se met en résonance avec la modestie de son héros et ne cherche pas à choquer, condamner, émouvoir ou de la jouer la carte "metoo" malgré quelques témoignages douloureux.
J'ai presque envie de le revoir pour essayer de mieux décrypter la sobriété de la mise en scène (les flous, la gestion de l'espace, du cadre, les contrastes, le montage).



Along with gods : the two world (Kim Yong-hwa - 2017)
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Un pompier décède en opération. Accompagné de 3 anges gardiens, il est envoyé dans l’au-delà pour traverser sept procès qui établiront ses mérites et sa possibilité d'être réincarné.

14 millions d'entrées (le deuxième record en Corée derrière le très sympa et bourrin Roaring Currents), un volonté de relire le bouddhisme à grand renfort d'Heroic fantasy et de CGI pour accoucher d'un interminable navet moralisateur lénifiant de 2h20. 140 minutes d'un affligeant chantage émotionnel permanent où le fadasse pompier pleurniche sur sa pauvre maman qu'il a du abandonner adolescent, mais à qui il envoyait de l'argent pour payer son traitement médical et les frais d'études de son jeune frère. Parmi les 7 procès de l'au-dela, il y a ainsi l'affreux "piété filiale" qu'on a envie de rebaptiser la "pitié filmique".
De plus, les acteurs sont à l'ouest totale, les effets spéciaux sont souvent laids, l'humour tombe à plat, les scènes trop répétitives, le scénario aussi incompréhensible que bordélique et le rythme est catastrophique pour une narration pachydermique. Reste quelques plans rares de l’au-delà (la roue de la paresse) et quelques vagues scènes d'actions potables (la course autour des fils électriques).


Une suite a été faîte dans la foulée (sorti 8 mois plus tard !) qui se penche sur le passé des 3 gardiens. Faudrait me payer cher pour la regarder.
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A haunting hitchhike (Jeong Hee-jae - 2017)
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Une adolescente qui vit dans un bidon-ville avec son père se met en tête de retrouver sa mère qui les a quittés des années plus tôt. Avec une amie qui connaît la situations inverse, et grâce à des papiers de l'administration, elles prennent toutes deux un bus pour aller dans un petit village reculé. Après une possible tentative de kidnapping, elles sont prises en charges par un policier qui pourrait bien être le père recherché.

Encore une jolie découverte que ce premier film qui offre un joli drame tout en retenu sur des douleurs et des doutes muets.
La première moitié n'est pas sensationnelle avec une narration qui tarde à mettre en place ses thématiques et son vrai nœud narratif mais sa jeune comédienne, son ambiance de faux "road-movie", ses touches sociales jamais envahissantes s'installent bel et bien pour offrir une deuxième acte beaucoup plus touchant et émouvant. La réalisatrice évite habilement les poncifs de ce genre de drame en ne cherchant pas la larme facile et le misérabilisme. L'histoire est pourtant très dur mais la tendresse est lové dans le mutisme et la solitude de cette adolescente en quête d'une famille qui n'est pas la sienne. Jeong Hee-jae sait capter les silences, les regards gênés, les gestes simples et compose de beaux plans de visages.
Vraiment de type de film qui vieillit très bien. :)



Monstrum (Jong-ho – 2018)

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Le pacte des loups à la sauce Detective Dee.
Ca donne un gros blockbuster divertissant, souvent inégal, pas toujours au point techniquement et écrit avec des moufles. Le réalisateur-scénariste grille un peu trop rapidement ses cartouches via son double twist quasi enchaîné (le monstre n'existe pas, c'est une machination politique – ah il existe vraiment) pour mieux foncé sur sa seconde moitié, presque uniquement constitué d'un long climax ininterrompu avec la grosse bête déchaînée lâchée dans le palais royal.
La première moitié fonctionne mieux avec son enquête policière et mystérieuse, tout en souffrant de personnages très stéréotypés (les méchants, la fille du héros...) et d'une musique qui surligne à la bombe aérosol (« attention, cette scène est humoristique »).
Puis, ça ne tarde pas à enchaîner scènes d'action entre combats à l'épée et Kaiju Eiga avec un gros loup garou mutant. Les chorégraphies sont pas mal mais souvent endommagées par une réalisation pas toujours lisible, sans unité (comme le faux plan-séquence à la Kingsmen), et massacre commis par le monstre qui zigouille des dizaines et dizaines de figurants. Malheureusement, le design de la créature est assez ratée (surtout avec le flash-back risible racontant sa naissance) avec des moments assez laids comme la poursuite dans la grotte qui alternent avec d'autres moments plus prenants et réussis. Mais le monstre est trop présent et ce climax finit par lasser ponctuellement malgré son lot de plans iconiques et money shots.
Par contre, le réalisateur – qui n'est définitivement pas Tsui Hark – veut en donner pour son argent au public au point d'en écœurer certains, sans trop savoir comment raconter son histoire qui vire parfois dans le pastiche de serial hors-sujet comme le mini-flash back final.
A part ça, c'est un peu gore, l'humour fait parfois mouche et les acteurs font ce qu'on leur demande : donner une silhouette à des conventions sur pieds.
Plaisant sur le moment mais ça risque pas de rester longtemps en mémoire.

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Re: Cinéma Coréen contemporain

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Little Forrest (Yim Soon-rye - 2018)

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Fatiguée par le via citadine, sa nourriture industrielle et sa relation avec son petit copain, une jeune femme retourne sur un coup de tête dans son petit village natal et sa maison isolée où elle a grandi seule avec sa mère. Elle consacre le plus clair de son temps à se préparer des recettes maternelles dont profitent deux amis d'enfance.

Mon film coup de cœur du festival donc :D
Un film d'une beauté solaire, d'une simplicité lumineuse et d'une fraicheur irrésistible qui rappelle plus le cinéma japonais (comme celui de Kore-eda) que le cinéma coréen qui use parfois des gros sabots. Ce n'est sans doute pas un hasard puisque Little Forrest est l'adaptation d'un manga (sorti en France) et privilégie les petits plaisirs de la vie : pédaler dans la campagne, un rayon de soleil, le froid revigorant, une odeur, le plaisir de cuisiner, le réconfort d'un cocoon... Ca pourrait être une pub "herta" lénifiante mais le scénario trouve quelque chose de presque existentielle avec cette succession de préparations culinaires qui dresse une passerelle entre le passé, le présent et l'héroïne et sa mère qui a quitté la maison sans explication des années plus tôt.
Il est ainsi difficile de définir le style du film : ni une chronique, ni un drame, ni une comédie, ni une quête initiatique, tout en englobant tous ces registres. Je préfère donc le définir comme un plaisir immédiat qui colle un sourire permanent, parfois accompagné de yeux gonflés de larmes face à une émotion aussi pure que soudaine.
Difficile de ne pas s'attacher au trio de personnage et surtout de ne pas tomber amoureux de Kim Tae-ri (enfin "re-tomber" amoureux après Mademoiselle), et son regard timide et fuyant. Difficile aussi de ne pas saliver devant la majorité des plats concoctés devant la caméra.

Une merveille suspendue au rythme des saisons, et donc des ingrédients.

Reste un doute : a quel point la mise en scène de Yim Soon-rye (auteure de l'excellent http://www.dvdclassik.com/forum/viewtopic.php?p=2357731#p2357731) est personnelle ou est-elle sous grosse influence du manga et/ou d'une précédente adaptation japonaise en deux films. Pour ce que j'ai vu de la bande-annonce, c'est vraiment très proche avec des cadrages très similaires lors des recettes mais la qualité picturale du coréen a l'air plus abouti avec une photographie plus lumineuse.



After my death (Kim ui-seok - 2018)

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Tout porte à croire que la lycéenne Kyung-min s'est suicidée en sautant d'un pont. En attendant de retrouver le corps, la police mène son enquête et découvre qu'une de ses camarades l'a incité à commettre l'irréparable.

L'enchaînement avec le film précédent est sacrément rude et rejoint ce que je disais sur la trop grande propension des coréens à faire compliqué quand on peut (doit) faire simple. Ainsi, après une première moitié que j'ai beaucoup aimé, le film n'en finit plus d'égarer le spectateur derrière une surenchère de noirceur, de rajouts inutiles et comportements alambiqués, sur fond de perversité sadique.
L'histoire n'en avait pourtant pas besoin vu les thèmes mises en place et la grande tension qui découle de cette première moitié : le poids de la culpabilité, la naissance de la sexualité, le besoin de trouver un responsable, l'impossibilité de se reconstruire. Il y a de nombreuses séquences fortes, remuantes voire bouleversantes, menées par une main de maître dans un style implacable issu d'un jeune cinéaste qui signe son premier long-métrage. La cérémonie chamane suivie de la tentative de suicide dans les toilettes est impressionnante d'un poids étouffant comme les premiers moments du réveil à l’hôpital où résonnent une douleur et une incompréhension désespérantes. Le cinéaste porte un regard sans concession sur son pays entre des adultes insensibles (qu'ils soient profs, directeurs, parents ou policiers) et des élèves qui ne vivent que par les mouvements de foules.
Mais cette fable vénéneuse sur le remord ne tient malheureusement pas toutes ses promesses, malgré une interprétation magistrale.
Le film sort le 21 novembre en France. C'est à la fois une sortie à encourager car c'est toujours audacieux de sortir un premier film coréen en salle (qui ne manque quoiqu'il en soit pas de qualité) mais c'est aussi un peu frustrant de se dire que ça risque d'alimenter le sentiment général que les coréens ne font que des films misanthropes et torturés.



Voilà, plus que 3 films à évoquer (la section classique, ça sera ailleurs) :)
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Re: Cinéma Coréen contemporain

Message par bruce randylan »

et voilà, c'est la fin :


On your wedding day (Le Seok-keun - 2018)

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Une sympathique comédie romantique qui a bien cartonné en Corée.
Rien d'exceptionnellement révolutionnaire, on est dans des chemins balisés (avec quelques références à Quand Harry rencontre Sally) même si le film évite le happy-end dans sa dernière ligne droite alors que tout était mis en place.
La première partie, très teen movie – sans tomber dans la vulgarité -, est la plus enlevée et drôle avec un duo attachant qui ménage quelques îlots d'émotion. Les deux comédiens sont en plus épaulés par une poignée seconds rôles excellents qui relancent la machine quand le ton se fait plus amer et dramatique. Cette dernière partie subit donc plusieurs baisses de régime et on sent que le film frôle les deux heures.
Des personnages vivants, quelques bons gags, une écriture qui sait rendre émouvante plusieurs scènes et le charme des comédiens. Choupinou et ça suffit à mon plaisir (éphémère).



Dark Figure of crime (KIM Tae-gyun - 2018)

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Un inspecteur est contacté par un criminel qu'il devait arrêté mais qu'un autre service a appréhendé avant lui. Ce prisonnier lui annonce qu'il est l'auteur de plusieurs meurtres et qu'il est prêt à lui donner des informations pour retrouver les corps.

Pas folichon ce thriller/polar qui donne à penser que la Corée commence a avoir fait le tour du genre.
Celui-ci commençait pourtant de manière assez habile avec un jeu du chat et de la souris revisité puisque le criminel est mis derrière les barreau dès les premières minutes. Il parvient à manipuler l'inspecteur (trop naïf) en lui faisant accomplir des actions qui devrait faire avancer sa carrière mais qui favorise au contraire le dossier du tueur devant la justice. Cette première partie est originale, avec un méchant retors et fin tacticien dont le plan est redoutable. Face à lui, le policier ne fait pas le poids et se fait piéger à chaque fois, avant de perdre pied.
J'aurais préféré que le film cultive cette direction et y aille à fond (ou s'intéresse au policier devenu gardien de parking pour être tomber dans l'engrenage des fausses pistes d'un précédent suspect). Au lieu de ça, le film bascule ensuite dans le thriller plus convenu, loin de la maîtrise de Memory of murders. La mise en scène est très effacée et n'apporte pas grand chose au scénario, rendant la dernière partie creuse, d'une triste banalité et sans saveur.



Et presque le meilleur pour la fin
Micro-Habitat (JEON Go-woon - 2017)
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Une jeune femme qui ne gagne que modestement sa vie en faisant quelques ménages décident de quitter son logement trop onéreux plutôt que rogner sur ses deux plaisirs : la cigarette et un verre de Whisky. Elle rend visite à plusieurs anciens amis, qui faisait partie de son groupe de musique, en espérant qu'ils pourront l'héberger.

Une formidable premier film entre comédie de mœurs et drame social qui m'a fait penser à la comédie à l'italienne, moins acerbe et plus mélancolique, mais qui partage une structure proche du film à sketch, un regard juste et mordant sur les travers de la société coréenne. Ca pourrait être d'une noirceur et d'un pessimisme étouffant mais la distanciation ironique du scénario et le choix d'une héroïne qui cultive sa marginalité permet de ne pas en faire une simple victime.
On se met ainsi plutôt à plaindre ses anciens camarades qu'elles rencontrent à tour de rôle et qui représentent tous une façade de l'absurdité et la solitude de la vie citadine : la pure salary woman, la mère de famille aliénée, l'épouse devant partager un petit appartement avec sa belle-famille, le dépressif s'est endetté à vie pour satisfaire sa femme qui l'a quitté au bout de 6 mois, le célibataire qui vit avec ses parents.
Malgré cette structure en épisode, le film n'est jamais inégal ou répétitif grâce à son humour qui fait toujours mouche comme la description de la vie sentimentale de l'héroïne avec son petit copain, un auteur de BD sans succès. Les séquences irrésistibles s'enchaînent, sans précipitation : le couple désirant faire l'amour mais dont l'excitation retombe à cause du manque de chauffage (et décrétant qu'il reprendront au printemps), la visite des appartements de plus en plus insalubre, les inquiétants parents prêts à tout pour trouver une fiancée à leur fils...
La cinéaste trouve toujours le ton juste entre la satire, le pathétisme et la fatalité sans méchanceté ni cynisme. Et surtout sans jugement ni solution facile ou leçon de morale. On sent une réelle interrogation sur l'incompatibilité entre les impératifs de s'adapter à une société de plus en plus conformiste, tributaire de l'argent, et le désir d'entretenir ses rêves. La fin peut ainsi se comprendre de deux façons différentes. Et complémentaires.
Une petite merveille qui m'a fait regretter d'avoir raté les courts-métrages de la cinéaste qui étaient excellents paraient-ils, et d'une virulence beaucoup plus directe.

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