Strum a écrit :
Le film a des défauts (je n'ai pas été convaincu par le dernier tiers), mais ta critique me parait relever du procès d'intention, comme si tu faisais payer au film sa réception critique très favorable en France. Tu sembles accuser indirectement Lee Chang-Dong d'avoir fait son film en "pensant" aux festivaliers occidentaux de Cannes, Venise, etc. D'une certaine façon, c'est aussi remettre en cause le caractère universel du cinéma dans son aptitude à aborder des sujets ou à décrire des situations que l'on retrouve dans un nombre significatif de pays aux cultures différentes.
La réception critique n'est pas favorable qu'en France... elle l'est dans un grand nombre de pays marqués par un certain type de cénacles et d'attentes associées (modernité du cinéma passant par la sobriété d'une forme de naturalisme plus ou moins tempérée par quelques poses esthétiques évocatrices de tout un tas de transpositions initiales au delà des frontières). Le cinéma n'est pas seulement universel, ou du moins il l'est notamment dans la rencontre de singularités originelles, pas dans leur aplatissement mis au pas dans une grille de lecture et d'attendus donnés. Il n'y a rien de plus chiant et pauvre que la reproduction, surtout au sujet d'une démarche "intellectualisante"..
(Sur la réception, et la lecture politique et sociale du film, rien qu'un exemple tout à fait caractéristique de ce qui est évoqué plus haut :
https://www.telegraph.co.uk/films/0/bur ... ng-blazes/
Outre-atlantique c'est très similaire, le site "they shoot pictures, don't they" et son classement reflète assez bien la manière dont sont reçus certains films par un certain type de médias et affiliés)
Par ailleurs, sous des dehors de thriller social, le film discourt aussi sur les puissances de l'illusion et de l'invisible et ne se présente pas d'un bloc. Enfin, parce qu'il est parfois difficile d'identifier les intentions initiales d'un cinéaste à la simple lueur du film final, il est toujours périlleux de faire des procès d'intention en mettant en cause la sincérité des cinéastes. Et sachant que Lee Chang-Dong n'avait pas fait de film depuis 8 ans, on peut poser comme hypothèse que son premier réflexe dans ce projet enfin parvenu à son terme n'a pas été de se dire "je vais faire un film pour plaire au festivalier cannois".
Ce n'est pas parce qu'il est difficile de faire la séparation de ce qui est endogène et de ce qui exogène au processus de création et d'aboutissement d'une oeuvre qu'on ne peut pas considérer que remettre en question le produit proposé soit un procès d'intention ipso facto. Défendre cette position serait aussi subjectif et expéditif que de me présenter comme "pourfendeur" aveugle d'un certain type de cinéma. Cela dit, même en prenant toutes les nuance possibles, il est bien difficile de nier qu'il existe des stratégies dans la création, y compris chez les "auteurs", que ce soit dans la production comme dans la nature de l'exposition de son "produit". Le public festivalier ne s'arrête pas aux spectateurs présents dans le festival mais à toute l'aura et la réputation associée à la répercussion de ces événements auprès d'un certain public qui ne voient certains films que lorsqu'ils sont estampillés Telerama et assimilés.