Mademoiselle de Joncquières (Emmanuel Mouret - 2018)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Thaddeus
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Mademoiselle de Joncquières (Emmanuel Mouret - 2018)

Message par Thaddeus »

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Madame de La Pommeraye, jeune veuve retirée du monde, cède à la cour du marquis des Arcis, libertin notoire. Après quelques années d’un bonheur sans faille, elle découvre que le marquis s’est lassé de leur union. Follement amoureuse et terriblement blessée, elle décide de se venger de lui avec la complicité de Mademoiselle de Joncquières et de sa mère...


Je reporte ici ma très brève appréciation :
Robert Bresson avait tiré du récit de Diderot un mélodrame à sa manière, implacable et épuré. Adaptant aux intrigues assassines son plumage de dandy lunaire, Mouret détaille quant à lui les étapes menant chacun des personnages sur la voie de sa perte ou de son salut. À condition d’accepter les conventions d’un cinéma très consciemment littéraire, tiré aux quatre épingles des toilettes, corolles et autres ombrelles, on goûte sans peine à la délicatesse de ces jeux de manipulation amoureuse, qui interroge les désirs et les usages en les mettant à l’épreuve de la parole, qui vogue entre nature et culture, sentiment et libertinage, cruauté et sensibilité, et qui, plutôt que de juger la perfidie d’un être blessé agissant par détresse, prône la bienveillance du pardon et la touchante sincérité des mouvements du cœur. 7/10
zemat a écrit :MADEMOISELLE DE JONCQUIERES : 3,5/10
Très vite soporifique (bien lutté contre le sommeil alors que c'était une séance matinale...) jusqu'à en devenir pénible, heureusement le dernier quart sauve les meubles.
Dunn a écrit :Mademoiselle de Joncquières! 6,5/10
Bien écrit et joué dans le genre "Metoo" du 18éme siècle !
Et je laisse la parole à LordAsriel, qui va se livrer à une vibrante défense du film.
LordAsriel
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Re: Mademoiselle de Joncquières (Emmanuel Mouret - 2018)

Message par LordAsriel »

:mrgreen:

(Oui, oui, je vais m'y mettre...)
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Karras
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Re: Mademoiselle de Joncquières (Emmanuel Mouret - 2018)

Message par Karras »

Reprise du topic "classement" :
Dunn a écrit :Mademoiselle de Joncquières! 6,5/10
Bien écrit et joué dans le genre "Metoo" du 18éme siècle !
Thaddeus a écrit :Pourtant, on me souffle dans l'oreillette que ce film n'est pas Me too-compatible.
Flol a écrit :
Thaddeus a écrit :Pourtant, on me souffle dans l'oreillette que ce film n'est pas Me too-compatible.
"Mais pour de vrai, on s’en veut soudain de jouer les policières de la pensée"
Tu m'étonnes, pour le coup t'aurais mieux fait de t'abstenir. Mais alors, pourquoi écrire cet article finalement ? (hormis de faire du clic, bien évidemment)
J'essaie encore d'y déceler un second degré potentiel, mais j'ai un peu de mal.
Jack Griffin a écrit :
Flol a écrit : J'essaie encore d'y déceler un second degré potentiel, mais j'ai un peu de mal.
C'est la zone grise du second degré
LordAsriel a écrit :
Thaddeus a écrit :Pourtant, on me souffle dans l'oreillette que ce film n'est pas Me too-compatible.
Que cette lecture est rance et ne tient en rien compte de ce que le film raconte et montre. Tous les paradigmes qu'elle pose sont biaisés (le marquis harceleur, la Pommeraye féministe...). Le regard de Mouret est pétri de compassion pour TOUS ses personnages, qui dépassent tous de très loin les statuts que ce type de lecture voudrait leur accoler, on ne sait si c'est par paresse ou par malhonnêteté intellectuelle.
Thaddeus a écrit :Je suis d'accord avec toi, et trouve également ce texte complètement à la ramasse par les présupposés de sa lecture, par sa mauvaise interprétation de tout ce que le film propose, et de façon plus générale par l'écueil sur lequel elle ne cesse de se fracasser : une appréciation bornée par l'idéologie. Voir en La Pommeraye une féministe, par exemple, est une perception qui me laisse coi. Qu'une critique en arrive là est un cinglant aveu d'échec. Mais c'est dans l'air du temps, je crois.
Jack Griffin a écrit :
Thaddeus a écrit :Je suis d'accord avec toi, et trouve également ce texte complètement à la ramasse par les présupposés de sa lecture, par sa mauvaise interprétation de tout ce que le film propose, et de façon plus générale par l'écueil sur lequel elle ne cesse de se fracasser : une appréciation bornée par l'idéologie. Voir en La Pommeraye une féministe, par exemple, est une perception qui me laisse coi. Qu'une critique en arrive là est un cinglant aveu d'échec. Mais c'est dans l'air du temps, je crois.
Il y a quand même une fausse ingénuité dans le texte. C’est plus léger et humoristique qu’accusateur et surtout cela parle des critiques plus que du film.
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Thaddeus
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Re: Mademoiselle de Joncquières (Emmanuel Mouret - 2018)

Message par Thaddeus »

Jack Griffin a écrit :Il y a quand même une fausse ingénuité dans le texte. C’est plus léger et humoristique qu’accusateur et surtout cela parle des critiques plus que du film.
Je n'ai pas perçu cette fausse ingénuité, et comme Flol je ne décèle pas de second degré dans ce papier. L'impression en revanche que la journaliste manie au début la chèvre et le chou pour essayer de désamorcer les critiques que son texte risque de susciter. Sauf que cette précaution ne fonctionne pas, et que l'on comprend très vite où elle veut en venir. C'est l'équivalent du fameux "mais" dans une démonstration qui se drape de fausses nuances : ce qui compte, c'est ce qui vient après le "mais".

Sinon, pour revenir au film, et concernant l'interprétation que j'ai trouvé globalement irréprochable, une actrice m'a particulièrement étonné : Natalia Dontcheva, qui exprime avec une sensibilité très touchante la détresse d'une femme socialement déchue, écartelée entre la dette qui la lie à Mme de la Pommeraye et l'aversion que lui suscite la manoeuvre dans laquelle elle est malgré elle engagée.
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Supfiction
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Re: Mademoiselle de Joncquières (Emmanuel Mouret - 2018)

Message par Supfiction »

Mademoiselle de Joncquières souffre d'une comparaison inévitable avec Valmont et Les liaisons dangereuses. Moins de moyens et moins d'ampleur il faudra trouver son plaisir dans le texte et le jeu des comédiens. Et dans la subtilité et la délicatesse. Et sur ces points on est assez gâtés. Le casting féminin est impeccable avec une Cécile de France très à l'aise, lumineuse puis subtilement plus grave et noire. Avec également, comme l'a dit Thaddeus la très juste Natalia Dontcheva, et enfin Alice Isaaz, révélation confirmée de ces dernières années (En mai fais ce qu'il te plait, La crème de la crème), qui emporte le morceau malgré un rôle majoritairement mutique.
Edouard Baer manque de peu le coup de maître. En dépit de ses agissements de libertin qui pourrait le faire passer pour un #porc moderne, il réussit à obtenir la compassion et l'empathie. Le rôle semble écrit pour lui. Je dis qu'il manque "de peu le coup de maître" car, malgré ses efforts (il réussit à gommer son excentricité habituelle qui aurait porté préjudice au rôle), il y a encore dans son phrasé quelque-chose qui le ramène par moments à notre époque, quelques manques dans l'articulation lors de ses tirades (ce n'est clairement pas Luchini sur ce point). Mais il est parfait et génial dans ses manières de petit marquis libertin versatile.

Mademoiselle de Joncquières n'est pas vraiment un pur film féministe. C'est plutôt un film sur la précarité et l'aveuglement des passions, la vengeance et l'amour.

Un très bon Mouret, qui avec ces 3 derniers films a opéré un virage subtile vers plus de gravité et moins de fantaisie, ce qui lui permet d'éviter la redite et de s'enfermer.
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Re: Mademoiselle de Joncquières (Emmanuel Mouret - 2018)

Message par Strum »

Un bien joli film qui fait honneur à Diderot. On est séduit par le partage équitable établi par Mouret entre ses personnages. Tout cela n'a, à mon avis, pas grand-chose à voir avec le mouvement "metoo" (le Marquis, qui recherche d'abord la vertu chez la femme, est un faux libertin ; la vengeance de la femme délaissée est ignoble et se retourne contre elle).
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Re: Classement Dvdclassik des sorties cinéma 2018

Message par Alexandre Angel »

Flol a écrit :
Thaddeus a écrit :Pourtant, on me souffle dans l'oreillette que ce film n'est pas Me too-compatible.
"Mais pour de vrai, on s’en veut soudain de jouer les policières de la pensée"
Tu m'étonnes, pour le coup t'aurais mieux fait de t'abstenir. Mais alors, pourquoi écrire cet article finalement ? (hormis de faire du clic, bien évidemment)
J'essaie encore d'y déceler un second degré potentiel, mais j'ai un peu de mal.
J'ai essayé (en trois fois-certes je sors à peine de table :fiou: ) de comprendre ce texte retors et hypocrite (et pervers somme toute).
C'est quoi? La critique du film par Télérama? Avec le p'tit bonhomme qui sourit?
A moins que quelque chose m'ait échappé, c'est une honte. Où parle-t-on cinéma là-dedans? Et surtout, où veut-t-on en venir?
Assez inquiétant dans le genre démission intellectuelle.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Re: Mademoiselle de Joncquières (Emmanuel Mouret - 2018)

Message par Karras »

Strum a écrit :Un bien joli film qui fait honneur à Diderot. On est séduit par le partage équitable établi par Mouret entre ses personnages. Tout cela n'a, à mon avis, pas grand-chose à voir avec le mouvement "metoo" (le Marquis, qui recherche d'abord la vertu chez la femme, est un faux libertin ; la vengeance de la femme délaissée est ignoble et se retourne contre elle).
Je n'ai pas vu la version Mouret, mais dans l'adaptation de Robert Bresson, les dames du bois de Boulogne, il s'agit aussi d'une vengeance féminine ( excellemment interprétée par Maria Casares dont les derniers mots sont "On dirait que vous ne savait pas ce que c'est qu'une femme qui se venge" ) au dépend d'une autre femme de classe différente mais sans le backlash final. ( et bien loin des sororité, patriarcat, et tout le toutim ).
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Re: Mademoiselle de Joncquières (Emmanuel Mouret - 2018)

Message par Supfiction »

Karras a écrit :
Strum a écrit :Un bien joli film qui fait honneur à Diderot. On est séduit par le partage équitable établi par Mouret entre ses personnages. Tout cela n'a, à mon avis, pas grand-chose à voir avec le mouvement "metoo" (le Marquis, qui recherche d'abord la vertu chez la femme, est un faux libertin ; la vengeance de la femme délaissée est ignoble et se retourne contre elle).
Je n'ai pas vu la version Mouret, mais dans l'adaptation de Robert Bresson, les dames du bois de Boulogne, il s'agit aussi d'une vengeance féminine ( excellemment interprétée par Maria Casares dont les derniers mots sont "On dirait que vous ne savait pas ce que c'est qu'une femme qui se venge" ) au dépend d'une autre femme de classe différente mais sans le backlash final. ( et bien loin des sororité, patriarcat, et tout le toutim ).
Je n’avais pas fait le rapprochement entre les deux films. C’est tiré de la même nouvelle ?
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Re: Mademoiselle de Joncquières (Emmanuel Mouret - 2018)

Message par Karras »

Supfiction a écrit :Je n’avais pas fait le rapprochement entre les deux films. C’est tiré de la même nouvelle ?
Oui, Jacques le fataliste, avec des dialogues de Cocteau pour le film de Bresson.
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Jeremy Fox
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Re: Mademoiselle de Joncquières (Emmanuel Mouret - 2018)

Message par Jeremy Fox »

Une superbe réussite du film à costumes portée par ses interprètes tous parfaits (Cecile de France en tête), une esthétique pastelle absolument délicieuse, des dialogues finement écrits, une réalisation au cordeau et sans chichis. Après avoir un peu fait le tour de sa première manière qui commençait un peu à tourner à vide (après nous avoir ravie dans ses premiers films), Emmanuel Mouret amorce un virage qui lui convient à merveille.
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Re: Mademoiselle de Joncquières (Emmanuel Mouret - 2018)

Message par Supfiction »

Jeremy Fox a écrit :Une superbe réussite du film à costumes portée par ses interprètes tous parfaits (Cecile de France en tête), une esthétique pastelle absolument délicieuse, des dialogues finement écrits, une réalisation au cordeau et sans chichis. Après avoir un peu fait le tour de sa première manière qui commençait un peu à tourner à vide (après nous avoir ravie dans ses premiers films), Emmanuel Mouret amorce un virage qui lui convient à merveille.
8)

Dans mon top10 2018. Un film qui méritait largement de concourir au César du meilleur film, bien davantage qu’une large partie des films nominés à la place.
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Roilo Pintu
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Re: Mademoiselle de Joncquières (Emmanuel Mouret - 2018)

Message par Roilo Pintu »

Dialogues raffinés qui peuvent être aussi soyeux à l’oreille que tranchant comme une lame, un très bon casting, Cécile de France y est éclatante, Edouard Baer en séducteur manipulé est charmant, Alice Isaaz dans l’économie des mots et rayonnante. La mise en scène est très sobre (voire télévisuelle), mais c’est pour mieux s’appuyer sur les dialogues et les acteurs. J’aime beaucoup le parcours du Marquis, à qui l’histoire laisse une chance de se racheter d’une belle manière. Très belle surprise.
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Jack Griffin
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Re: Mademoiselle de Joncquières (Emmanuel Mouret - 2018)

Message par Jack Griffin »

Bon film qui ronronne agréablement jusqu'à saouler légèrement. Mouret commence à avoir de la bouteille et a su acquérir une efficacité dans la manière de tenir un récit, de faire durer les plans en laissant parfois des acteurs parler dos caméra ou au 3/4 tout en nous faisant comprendre leur émotions...C'est pas loin d'une urgence truffaldienne dans le rythme et l'enchainement des séquences. Cependant j'ai eu un peu de mal à saisir émotionnellement ce qui liait les acteurs entre eux, chacun semblant jouer une partition dans son coin. La reconstitution est propre mais je n'ai pas pu m'empêcher de trouver ça un peu toc, je n'y ai jamais vraiment cru.
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