Phantom Thread (Paul Thomas Anderson - 2017)
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Phantom Thread (Paul Thomas Anderson - 2017)
Dans le monde de la mode du Londres des années 1950, le couturier Reynolds Woodcock, proche de sa sœur Cyril, est engagé pour dessiner les vêtements des gens de la haute société, tel que les stars de cinéma, les héritières ou les mondains, et de la famille royale. Un jour, il rencontre Alma, une jeune femme qui devient sa maîtresse et surtout sa muse.
Bon allez, histoire d'engager la conversation... et de voir autre chose que le thread sur le féminisme ou sur les Marvel.
Ce n'est pas avec ce nouveau cru que je parviendrai à cerner Paul Thomas Anderson. C'est un peu ma bête noire du cinéma contemporain : je n'arrive pas à comprendre ce qui anime son cinéma, ni les envies, les obsessions qui le poussent à raconter telle ou telle histoire. Je me retrouve toujours un peu gros-jean à la fin, concédant volontiers la virtuosité formelle de son travail, tout en restant très dubitatif face aux intentions et leur aboutissement, qui me paraissent depuis un bout de temps complaisamment indéchiffrables, ou en-deçà du perfectionnisme qu'il met à l’œuvre derrière la caméra. Voilà : il y a quelque chose d'énervant, encore maintenant, dans le cinéma du gaillard. Ça ne dialogue pas, ça reste très cérébral, autiste d'une certaine manière. Qu'un film ne se livre pas clés en main est une bonne chose qui lui assure la postérité dans la mémoire ; mais chez PTA, la frontière entre un fond sibyllin et simplement banal est plus que floue.
Pas bien grave me direz-vous, j'envie ceux à qui ce cinéma s'adresse de façon lumineuse. Mais tout ça me laisse d'autant plus amer que Phantom thread s'annonçait plus riche que ce qu'il est en définitive, pour moi. Au fond, le film manque d'enjeux forts : le cadenassage qui dicte le couturier-Pygmalion, et qu'il fait subir à sa marionnette amoureuse, étouffe rapidement la dynamique dramatique du film (pourtant brillamment entamé) et le condamne en fait à un interminable ventre mou, que le premier "rappel à l'ordre" d'Alma vient à peine rehausser. En effet, en tâchant de faire un film obsessionnel à la Hitchcock où la névrose du protagoniste infuserait littéralement la mise en images, PTA redouble de raffinement et de fétichisme, recrée le magnifique environnement d'époque d'un control freak (le film pourrait être un bon complément au Saint Laurent de Bonello en la matière), et achoppe ainsi sur le même problème que son protagoniste : la passion a bien du mal à se frayer un chemin dans un tel glacis. Les sentiments sincères que voue Alma pour le couturier sont traités avec une distance censée entrer en résonance avec la vision du monde dirigiste de Woodcock, mais qui se révèle à terme contreproductive étant donné que le récit devient celui d'un cœur blessé de femme. Or, cette blessure, pour qu'elle captive ou fasse frémir, il faudrait que le film en ait donné la mesure, qu'il ait donné un minimum de chair à l'héroïne. C'est là que PTA me perd : avec ses personnages et sa narration verrouillés à double tour, on a toujours l'impression de rester extérieur aux choses et de quémander des clés qui ne seraient pas de refus. Je pense tout bonnement qu'il y a un souci de dramatisation dans ce récit : le film se recroqueville à tel point sur lui-même qu'il ôte toute chance à celle qui en est pourtant le moteur, l'inspiratrice. Cela provoque un déséquilibre qui rendrait légitime le reproche d'un film très superficiel. A mesure que le film avance (péniblement), on hésite entre classicisme bon chic bon genre prévisible et tension étrange, larvée, à la Michael Powell (celui des Chaussons rouges et du Voyeur) pour au final avoir eu la désagréable impression de s'être fait prendre de haut par un cinéaste qui n'avait peut-être pas tant de cartes maîtresses que ça dans son jeu. Je gage que la fin (et la morale qu'il y en aurait à tirer) suscitera longtemps les débats de cinéphiles.
Difficile de nier que tout ceci ne soit pas souverainement exécuté et quand même stimulant dans les interstices, les zones d'ombre égrenés par le cinéaste. Phantom thread est un geste artistique d'une élégance indicible (peut-être le plus "beau" jamais fait sur une maison de couture) et l'un de ces films qui titillent l'esprit, se rappellent à son bon souvenir, goguenards, parce qu'ils le mettent en échec sous l'apparente simplicité de leurs atours. Mais que l'on ne m'en veuille pas si je n'applaudis pas à l'unisson et n'y vois pas nécessairement l'étoffe d'un grand film : l'histoire me semble trop enluminée pour pas grand-chose pour être totalement honnête...
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Re: Phantom thread (Paul Thomas Anderson - 2017)
Je suis en grande partie d'accord même si ma note est haute.
C'est admirable (c'est déjà beaucoup me dira-t-on) mais d'un formalisme ostentatoire (au delà des impératifs du sujet) comme toujours chez PTA, un peu trop auto-promu.
Comme tu le dis et le suggères, il manque une sorte de clarté dans l'orientation émotionnelle que l'on peut attendre naturellement d'un grand film.
Cela dit, Paul Thomas Anderson est suffisamment talentueux dans le retors (maturation du style comprise, depuis 10 ans) pour qu'on s'autorise à respecter son art pour sa portée adulte, plus ambitieuse que prétentieuse, plus ouverte à l'imaginaire que cadenassée sur une posture d'éternel petit malin surdoué.
Il y a une certaine grandeur dans son cinéma (la fin, sardonique et shakespearienne, de There will be blood) qui prolonge avec générosité ce que pouvaient proposer il y a 40 ans, des gens comme Robert Altman ou John Huston.
Ceci étant posé, avec Phantom Thread, il nous emmène quand même loin (avec toujours ce côté tordu) dans la tenue formelle, la qualité de la respiration narrative et la stimulation de l'intellect aussi bien que des sens.
C'est admirable (c'est déjà beaucoup me dira-t-on) mais d'un formalisme ostentatoire (au delà des impératifs du sujet) comme toujours chez PTA, un peu trop auto-promu.
Comme tu le dis et le suggères, il manque une sorte de clarté dans l'orientation émotionnelle que l'on peut attendre naturellement d'un grand film.
Cela dit, Paul Thomas Anderson est suffisamment talentueux dans le retors (maturation du style comprise, depuis 10 ans) pour qu'on s'autorise à respecter son art pour sa portée adulte, plus ambitieuse que prétentieuse, plus ouverte à l'imaginaire que cadenassée sur une posture d'éternel petit malin surdoué.
Il y a une certaine grandeur dans son cinéma (la fin, sardonique et shakespearienne, de There will be blood) qui prolonge avec générosité ce que pouvaient proposer il y a 40 ans, des gens comme Robert Altman ou John Huston.
Ceci étant posé, avec Phantom Thread, il nous emmène quand même loin (avec toujours ce côté tordu) dans la tenue formelle, la qualité de la respiration narrative et la stimulation de l'intellect aussi bien que des sens.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.
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Re: Phantom thread (Paul Thomas Anderson - 2017)
A la rigueur sur sa dernière période, je peux comprendre les interrogations de Demi-Lune. Pour le reste de sa carrière, ça me semble incompréhensible de ne pas voir où il veut en venir.
On peut dire à la limite que c'est un peu trop martelé mais autiste, Magnolia, Boogie Nights?
J'aimerais comprendre.
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Re: Phantom thread (Paul Thomas Anderson - 2017)
Je ne pensais pas spécialement à ces films. C'est ses films à partir de Punch drunk love.AtCloseRange a écrit :On peut dire à la limite que c'est un peu trop martelé mais autiste, Magnolia, Boogie Nights?
J'aimerais comprendre.
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Re: Phantom thread (Paul Thomas Anderson - 2017)
Ah ok, on est d'accord.Demi-Lune a écrit :Je ne pensais pas spécialement à ces films. C'est ses films à partir de Punch drunk love.AtCloseRange a écrit :On peut dire à la limite que c'est un peu trop martelé mais autiste, Magnolia, Boogie Nights?
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Re: Phantom thread (Paul Thomas Anderson - 2017)
C'est une film d'une beauté à double niveau, celle que l'on voit, par son esthétique, sa splendeur des décors et son raffinement atmosphérique. Et celle qui émane, doucement, mais sûrement, qu'il faut aller chercher au fin fond d'une intrigue aussi périlleuse que classique.
Un peu comme le Silence de Scorsese, Phantom Thread est un film qu'il faut aller chercher mais quand on trouve quelque chose, cela ne fait pas semblant. C'est une oeuvre réellement marquante, d'une curiosité assez singulière.
Le côté démiurge qui parcourt le cinéma d'Anderson depuis ce chef-d'oeuvre qu'est There will be Blood (et encore on peut déjà chercher des soubresauts dans ses films précédents) atteint ici une plénitude d'une élégante solidité, affirmé par la mise en place d'une relation romanesque compliquée et tortueuse, où les sentiments se révèlent parfois à double tranchant. La question du créateur et de sa Muse s'avère au final un prétexte pour alimenter le combat entre le contrôle et la résistance de ce contrôle. Et qui plus est un combat entre deux pôles qui parviennent à cohabiter parfois de manière totalement harmonieuse.
Il y a un côté "Belle Noiseuse" entre Ophüls et Visconti dans ce mélodrame ciselé, interprété à la perfection. Sans vouloir réduire le film a une comparaison entre ces références, Phantom Thread se révèle comme une percée assez somptueuse et une relecture très éloignée de l'univers de Rebecca de Hitchcock.
C'est un film sur l'emprise artistique autant qu'amoureuse, sur l'affranchissement du modèle face à son Maître, tout en proposant un regard quelquefois sarcastique, curieusement drôle parfois.
Ce n'est pas étonnant qu'il soit difficile de ressentir une certaine orientation émotionnelle. Le film nous emmène partout et ailleurs, sans se montrer dispersé.
A noter que la photographie d'une beauté admirable est signée par Paul Thomas Anderson lui-même.
Un peu comme le Silence de Scorsese, Phantom Thread est un film qu'il faut aller chercher mais quand on trouve quelque chose, cela ne fait pas semblant. C'est une oeuvre réellement marquante, d'une curiosité assez singulière.
Le côté démiurge qui parcourt le cinéma d'Anderson depuis ce chef-d'oeuvre qu'est There will be Blood (et encore on peut déjà chercher des soubresauts dans ses films précédents) atteint ici une plénitude d'une élégante solidité, affirmé par la mise en place d'une relation romanesque compliquée et tortueuse, où les sentiments se révèlent parfois à double tranchant. La question du créateur et de sa Muse s'avère au final un prétexte pour alimenter le combat entre le contrôle et la résistance de ce contrôle. Et qui plus est un combat entre deux pôles qui parviennent à cohabiter parfois de manière totalement harmonieuse.
Il y a un côté "Belle Noiseuse" entre Ophüls et Visconti dans ce mélodrame ciselé, interprété à la perfection. Sans vouloir réduire le film a une comparaison entre ces références, Phantom Thread se révèle comme une percée assez somptueuse et une relecture très éloignée de l'univers de Rebecca de Hitchcock.
C'est un film sur l'emprise artistique autant qu'amoureuse, sur l'affranchissement du modèle face à son Maître, tout en proposant un regard quelquefois sarcastique, curieusement drôle parfois.
Ce n'est pas étonnant qu'il soit difficile de ressentir une certaine orientation émotionnelle. Le film nous emmène partout et ailleurs, sans se montrer dispersé.
A noter que la photographie d'une beauté admirable est signée par Paul Thomas Anderson lui-même.
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- Alexandre Angel
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Re: Phantom thread (Paul Thomas Anderson - 2017)
Histoire qu'on se foute un peu de ma gueule : j'ai passé le week-end, jusqu'à ce soir, à traduire le titre par "menace fantôme" confondant "threat" avec "thread", et expliquant à qui voulait m'entendre que Reynolds Woodcock sentait peser sur lui une menace, tout ça..
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Re: Phantom thread (Paul Thomas Anderson - 2017)
Alexandre Angel a écrit :Histoire qu'on se foute un peu de ma gueule : j'ai passé le week-end, jusqu'à ce soir, à traduire le titre par "menace fantôme" confondant "threat" avec "thread", et expliquant à qui voulait m'entendre que Reynolds Woodcock sentait peser sur lui une menace, tout ça..
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Re: Phantom thread (Paul Thomas Anderson - 2017)
- SPOILER ALERT -
J'aimerais quand même qu'on revienne sur cette fin...
Ne trouvez-vous pas qu'elle sonne faux ? Perso je me suis retrouvé complètement interdit devant... Peut-être que je me suis laissé berner par ce suspense funèbre entourant la confection de l'omelette, qui ne semble laisser aucune chance à Woodcock. Comme on sait que ces champignons sont vénéneux, et qu'une toute petite pincée a précédemment suffi à mettre K.O. le couturier, on en vient nécessairement à déduire de ce festin que son sort est scellé (comme dans Les proies). La lenteur avec laquelle Woodcock mâche sa portion, tout en fixant obstinément Alma, comme s'il voulait la sonder, fait par ailleurs penser qu'il se doute de quelque chose, même qu'il sait, ce qui impliquerait alors qu'il s'abandonne volontairement au rôle de victime expiatoire et complaisante. Et là, contre toute attente, surgissent ces paroles sado-masochistes d'Alma, à la fois pleines d'orgueil triomphant et de sujétion, encore, pour celui qu'elle aime et qu'elle veut voir se relever, qui entrent en contradiction avec la précédente mise en images - toute cette délectation macabre et vengeresse de la préparation culinaire. Et par dessus ça, la complicité du couple semble être revenue par magie dès lors qu'Alma en a explicité le rapport de force ! C'est-à-dire qu'il faudrait que l'on gobe le fait que Woodcock 1/ survive à ce plat, 2/ ait "compris la leçon", 3/ se soumette et 4/ voie enfin en Alma (qui lui a prouvé qu'elle pouvait lui être fatale) une âme sœur et non plus un corps étranger, un élément perturbateur. Je sais pas, je crois que je ne comprends tout simplement pas ce qui peut valoir à ces deux personnage un tel revirement psychologique à ce stade - d'un côté l'envie d'un sauvetage de la part d'Alma, et de l'autre, l'illumination et la catharsis chez Woodcock. Ça ne cadre pas avec le reste, pour moi. Ça sonne faux, mais à un point... si bien que je me demande dans quelle mesure il faut prendre cette fin pour argent comptant, ce happy-end en demi-teinte a quelque chose de trompeur (le landau dans le parc??) voire fantasmatique (du côté d'Alma) même s'il y a paradoxalement très peu d'éléments objectifs qui permettraient de le remettre en question. Vos avis ?
J'aimerais quand même qu'on revienne sur cette fin...
Ne trouvez-vous pas qu'elle sonne faux ? Perso je me suis retrouvé complètement interdit devant... Peut-être que je me suis laissé berner par ce suspense funèbre entourant la confection de l'omelette, qui ne semble laisser aucune chance à Woodcock. Comme on sait que ces champignons sont vénéneux, et qu'une toute petite pincée a précédemment suffi à mettre K.O. le couturier, on en vient nécessairement à déduire de ce festin que son sort est scellé (comme dans Les proies). La lenteur avec laquelle Woodcock mâche sa portion, tout en fixant obstinément Alma, comme s'il voulait la sonder, fait par ailleurs penser qu'il se doute de quelque chose, même qu'il sait, ce qui impliquerait alors qu'il s'abandonne volontairement au rôle de victime expiatoire et complaisante. Et là, contre toute attente, surgissent ces paroles sado-masochistes d'Alma, à la fois pleines d'orgueil triomphant et de sujétion, encore, pour celui qu'elle aime et qu'elle veut voir se relever, qui entrent en contradiction avec la précédente mise en images - toute cette délectation macabre et vengeresse de la préparation culinaire. Et par dessus ça, la complicité du couple semble être revenue par magie dès lors qu'Alma en a explicité le rapport de force ! C'est-à-dire qu'il faudrait que l'on gobe le fait que Woodcock 1/ survive à ce plat, 2/ ait "compris la leçon", 3/ se soumette et 4/ voie enfin en Alma (qui lui a prouvé qu'elle pouvait lui être fatale) une âme sœur et non plus un corps étranger, un élément perturbateur. Je sais pas, je crois que je ne comprends tout simplement pas ce qui peut valoir à ces deux personnage un tel revirement psychologique à ce stade - d'un côté l'envie d'un sauvetage de la part d'Alma, et de l'autre, l'illumination et la catharsis chez Woodcock. Ça ne cadre pas avec le reste, pour moi. Ça sonne faux, mais à un point... si bien que je me demande dans quelle mesure il faut prendre cette fin pour argent comptant, ce happy-end en demi-teinte a quelque chose de trompeur (le landau dans le parc??) voire fantasmatique (du côté d'Alma) même s'il y a paradoxalement très peu d'éléments objectifs qui permettraient de le remettre en question. Vos avis ?
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Re: Phantom thread (Paul Thomas Anderson - 2017)
- SPOILER ALERT 2 -
Je ne trouve pas qu'elle sonne faux, eu égard à la sophistication un peu dérangée du réalisateur.
Elle pêche, je dirais, autre part en partageant avec d'autres films un défaut qui revient souvent, à mon goût : la difficulté de négocier une fin. Trop de films me font l'impression de s'y reprendre à plusieurs fois avant de se décider à finir.
Phantom Thread n'est pas particulièrement plombé par ce travers mais il n'y déroge pas tout à fait.
Après, il ne fait pour moi aucun doute que Woodcock sait qu'elle va l'empoisonner. Il y a chez Anderson, et ce n'est pas pour me déplaire, quelque chose de Cronenberg sur ce coup-là, dans cette thématique, à l'extrême limite du fantastique, de l'interpénétration de deux emprises, et surtout, de la répercussion d'affects mentaux sur le corps humain (en l'occurrence celui de Day-Lewis, comédien que je n'ai jamais pu m'empêcher de comparer à Jeremy Irons).
Je ne trouve pas qu'elle sonne faux, eu égard à la sophistication un peu dérangée du réalisateur.
Elle pêche, je dirais, autre part en partageant avec d'autres films un défaut qui revient souvent, à mon goût : la difficulté de négocier une fin. Trop de films me font l'impression de s'y reprendre à plusieurs fois avant de se décider à finir.
Phantom Thread n'est pas particulièrement plombé par ce travers mais il n'y déroge pas tout à fait.
Après, il ne fait pour moi aucun doute que Woodcock sait qu'elle va l'empoisonner. Il y a chez Anderson, et ce n'est pas pour me déplaire, quelque chose de Cronenberg sur ce coup-là, dans cette thématique, à l'extrême limite du fantastique, de l'interpénétration de deux emprises, et surtout, de la répercussion d'affects mentaux sur le corps humain (en l'occurrence celui de Day-Lewis, comédien que je n'ai jamais pu m'empêcher de comparer à Jeremy Irons).
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Re: Phantom thread (Paul Thomas Anderson - 2017)
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Re: Phantom thread (Paul Thomas Anderson - 2017)
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Re: Phantom thread (Paul Thomas Anderson - 2017)
La nourriture a clairement une signification érotique dans le film, mais c'est surtout la scène du petit-déjeuner au restaurant que j'ai trouvée très appétissante. Entre le monceau de nourriture bien régressive mais qu'on devine cuisinée avec grand soin, la façon dont dès le départ ils se mangent des yeux (le rosissement d'Alma après qu'elle ait trébuché), les sous-entendus...
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Re: Phantom thread (Paul Thomas Anderson - 2017)
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Reste une interrogation, très terre-à-terre j'en conviens : comment Bitenbois peut-il savoir qu'Alma va l'empoisonner ?
Tu es sans doute dans le vrai et c'est bien cette "simplicité" des tenants et aboutissants qui me rend dubitatif à l'égard du film.Phnom&Penh a écrit :Après, dans ce couple, il y a une relation perverse assez originale, mais qui, finalement se résume à un grand créateur tyrannique qui découvre qu'il aime bien, de temps en temps, se retrouver dorloté comme un bébé. Sur la fin, il me paraît évident qu'il sait qu'elle va l'empoisonner mais qu'il lui fait confiance sur la dose, et qu'au final, leur relation s'est équilibrée et que ça roule pour eux.
Reste une interrogation, très terre-à-terre j'en conviens : comment Bitenbois peut-il savoir qu'Alma va l'empoisonner ?
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Re: Phantom thread (Paul Thomas Anderson - 2017)
D'abord, il est possible qu'il ait eu des doutes lors de la première crise, lui qui semble ne jamais tomber malade. A cette époque où chasser des champignons est très courant à la campagne, et ou il était encore courant d'aller porter sa récolte au pharmacien pour qu'il la vérifie (cela faisait partie des savoirs obligatoires d'un pharmacien que de bien connaître les champignons), il devait se souvenir de ce qu'il avait mangé la veille et le lien intoxication alimentaire / champignons aurait été assez naturel.Demi-Lune a écrit :comment Bitenbois peut-il savoir qu'Alma va l'empoisonner ?
Mais là, j'interprète. Objectivement, dans la scène,
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Après, ce n'est pas parce que l'histoire, déjà riche au premier degré, ne cherche pas à en dire plus que ce qui est montré, que le film serait finalement pauvre de sens.
Par exemple, avec cette histoire quand même très originale de couple amoureux, c'est, comme tu le disais toi-même, le meilleur film sur la haute couture traditionnelle. D'abord, il n'y en a pas tant que ça, si on oublie les films sur des couturiers (Chanel, Saint Laurent) ou sur le monde de la mode (Prêt-à-porter d'Altman). Des films dont une maison de couture est le sujet, je ne vois que Falbala.
Or, une maison de couture, quand on connaît un peu le sujet, et le film y aide, c'est un véritable fantasme pour un metteur en scène. La maison est généralement une vraie maison, hôtel particulier, dans laquelle on se retrouve tous les jours avec son équipe. Balenciaga, Dior, Givenchy, quand ils se lancent, c'est une adresse qui devient intemporelle. Ce sont de très grandes équipes, facilement d'une cinquantaine de personnes, et ce sont tous de très grands professionnels...je devrais dire de très grandes professionnelles, car souvent le couturier est quasiment le seul mâle de sa maison. Entre les couturières, les mannequins et les clientes, il vit entouré de femmes.
Chaque année, il travaille ses dessins qui seront sa future collection, transforme sa pile de dessins en des patrons, du tissu puis des véritables vêtements, uniques et oeuvres d'art par la part de création mais aussi les matériaux utilisés. Cette collection de l'année est mise en scène dans le défilé annuel. D'ailleurs, s'il y a un point sur lequel la haute couture actuelle est plus remarquable que l'ancienne, ce sont ces défilés qui autrefois se faisaient dans la maison et sont devenus de grands barnums de mise en scène.
Comme le cinéma avec ses stars, qui fréquentent d'ailleurs les maisons de couture (No Dior! No Diétrich!), les grands couturiers vivent dans un monde très à part de la réalité.
Franchement, pour ma part, cette histoire d'amour plus qu'originale, avec deux caractères riches et secrets, dans le monde d'une maison de couture qui colle si bien à la mise en scène cinématographique, ça suffit entièrement à mon bonheur. D'autant que la mise en scène, justement, est somptueuse.
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