Être génial peut donner de violentes céphalées : c’est le constat auquel arrive Max lorsqu’il finit par s’aérer le crâne à la perceuse. Sans doute voulu comme le nec plus ultra du cinéma indépendant section underground hardcore (soit plans tarabiscotés, noir et blanc filandreux et intrigue absconse), le film raconte l’histoire d’un jeune mathématicien new-yorkais reclus chez lui en quête du chiffre absolu qui combinerait le savoir universel et la connaissance de Dieu. Entre visions lynchiennes (période Eraserhead) et arabesques ésotériques à la Egoyan, il trace son propre sillon, n’hésitant pas à plonger le suc acide d’une paranoïa hypertrophiée dans une mélasse de plus en plus épaisse qui suscite un onirisme cauchemardesque. Si on est loin du chef-d’œuvre, ce devoir de fin d’école reste assez réussi. 4/6
Requiem for a dream
On connaît tous les spots figurant sur les DVD pour mettre en garde le spectateur, à la faveur d’un montage stroboscopique et d’une musique technoïde, contre les méfaits du piratage. Aronofsy s’emploie à étirer ce genre de clips vidéo sur deux heures, et révèle d’un coup sa nature fondamentale de créateur : un cinéaste très sûr de ses effets, dont la fatuité permanente se donne des airs emphatiques, et dont la forme ampoulée ne laisse aucune marge de manœuvre au spectateur en essayant de forcer son ressenti à grands coups de massue tapageurs. Martelant cette idée-truisme selon laquelle la drogue c’est mal, il opte pour une forme de terrorisme audiovisuel aussi assommant que stérile, traitant une série de pathologies compulsives avec un primarisme qui révèle vite sa part d’esbroufe. 3/6
The fountain
Le fond du gouffre. On y voit un petit Saint-Exupéry rasé qui vole au milieu de sphères célestes debout dans sa bulle de savon, le plus souvent en position de yogi. Tout cela au nom de quoi ? De l’Amour, bien sûr. On peine à imaginer jusqu’à quelles profondeurs de kitsch et de ridicule descend le cinéaste dans sa quête du sublime, tous sourcils froncés. Pris d’une soudaine bouffée de mégalomanie illuminée, le Darren se proclame plus grand métaphysicien-poète du monde et livre une bouillabaisse mystique à mourir de rire, qui aligne les plans grandiloquents en même temps qu’il développe un propos dont le simplisme new-age et l’arrogance satisfaite (toute l’histoire de l’humanité, de la Bible au Cosmos, en une 1h30 s’il-vous-plaît) laissent coi. Pas un film nauséabond, juste une énorme daube. 1/6
The wrestler
De façon inattendue, le cinéaste met alors son ego en veilleuse et témoigne d’une belle humilité pour évoquer la trajectoire rugueuse de ce catcheur sur le retour. Il livre ainsi un superbe mélodrame sur le vieillissement des idoles et l’épuisement d’une époque (les 80’s) dont il fait le requiem vibrant et chagriné. Sans commettre l’erreur d’approcher intellectuellement un sujet sans complexité, sans chercher non plus à en cacher la dimension conventionnelle, le réalisateur revigore les développements autour de la chute, du sacrifice et du rachat de son personnage de père et d’athlète dépassé avec une sincérité brute, une finesse psycho-physique presque hustoniens. Servi par un Mickey Rourke prodigieux, cette œuvre très sensible a pu faire reprendre, contre toute attente, espoir en Aronofsky. Mais chassez le naturel… 5/6
Top 10 Année 2008
Black swan
Psychologie de comptoir, quincaillerie freudienne et puritanisme anesthésiant le moindre trouble par une sorte de glacis chic très contrôlé, sans grâce ni mystère. Aronofsky bouffe à tous les râteliers (Polanski, Cronenberg, Argento, Kon) sans arriver à la cheville de ses modèles, grossit ses effets, surligne tout au stabilo (peluches roses, mère gorgone, overdose de miroirs…), histoire de bien se faire comprendre par les trois spectateurs du fond qui n’auraient pas tout suivi. La pyrotechnie déballée se fait le plus souvent ridicule, puis parvient à susciter un certain souffle lors du très beau final, qui rattrape pas mal de choses. Mais le cinéaste se noie bel et bien dans la lourdeur de ses intentions et de son symbolisme grossier, confirmant son tempérament de bourrin avec un melon énorme. Pachydermique. 3/6
Mon top :
1. The wrestler (2008)
2. π (1998)
3. Black swan (2010)
4. Requiem for a dream (2000)
5. The fountain (2006)
Je n’ai jamais compris l’engouement pour ce gros malin d’Aronofsky, cinéaste tape-à-l’œil et peu subtil ; ou plus exactement, je le comprends en ce qu’il est un parangon d’une conception actuelle du cinéma très en vogue mais à laquelle je suis totalement étranger. Son Wrestler restera sans doute l’exception d’une filmo sans grand intérêt pour moi.