Nicholas Ray (1911-1979)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Kevin95
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Re: Nicholas Ray (1911-1979)

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KNOCK ON ANY DOOR (Nicholas Ray, 1949) découverte

Pourquoi Knock on Any Door malgré son tandem Bogart-Ray est tombé dans l'oubli ? Dans une interview retranscrite dans le dossier consacré au réalisateur dans le Positif d'avril 2016, Ray parle du film comme d'une frustration et de sa mise en scène comme "insatisfaisante". Si même l'auteur se met des bâtons dans les roues, la défense du film risque d'être compliquée. Compliquée mais nécessaire, car ce film de procès mérite qu'on s'y attarde, voir qu'on le soutienne. Pour s'en débarrasser, précisons d’emblée le principal défaut, ce foutu flash back. Ray en parle comme d'une erreur et le bougre n'a pas tord, non pas seulement parce qu'il occupe une bonne grosse demi-heure de film, mais aussi parce que son romantisme ne marche pas. On sait le réalisateur très client des amours éclatants, mais l'union qui unit ce benêt de John Derek et sa brave petite môme n'a pas la force et le tragique de celui de They Live by Night auquel il fait ardemment penser. A coté de ça, la part policière est tonitruante (voir le hold-up ou l’introduction sur le grill annonçant la première demi-heure géniale de On Dangerous Ground) mais dès que les tourteaux se posent près d'un arbre, le film se prend un coup de mou. Un flash back pas étincelant mais pourtant cohérent, vu qu'il s'agit d'une vue de l’esprit. Rien ne vient affirmer que ces images sont objectifs puisque c'est Bogart qui les raconte donc l'avocat de la défense. Ça ne sauve rien artistiquement mais ça nourrit dramatiquement. Au bout de 45 minutes au compteur, le film revient à son procès et le talent de Nicolas Ray explose. L'audience se muscle, aidée par cette ordure de George Macready (l'un des salopards les plus fascinants du cinéma us) et la résolution du drame se brouille. Ray multiplie les détails géniaux, de la sueur dans le dos du juge en passant par le juif européen dans le jury, tandis que le monologue final de Bogey rappelle la verve libertaire d'un Gabin dans Deux hommes dans la ville. Ce n'est pas le seul lien qui unit les deux films et il est quasiment sur que Knock on Any Door a énormément inspiré Giovanni pour son plaidoyer. Le dernier plan sur lequel s’inscrit le mot fin est glaçant. Le personnage de Bogart a bossé dur pour sauver ce morveux, irritant quand il lance tout fier "live fast, die young, make a good looking corpse", touchant quand il murmure à son avocat "i want to live". Boiteux mais doté de superbes envolées, Knock on Any Door est à réhabiliter.
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Jeremy Fox
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Re: Nicholas Ray (1911-1979)

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Re: Nicholas Ray (1911-1979)

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Le Violent (In a Lonely Place) - 1950

Même si tout ne m'a pas entièrement convaincu et notamment la description un peu appuyée du milieu hollywoodien, le couple Bogart/Grahame fonctionne tellement bien que l'on est captivé de bout en bout par ce film noir psychologique qui bénéficie aussi d'un superbe score entêtant de George Antheil, d'excellents seconds rôles (Frank Lovejoy) et de dialogues aux petits oignons. Me concernant l'un des meilleurs films de l'inégal Nicholas Ray.
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Re: Nicholas Ray (1911-1979)

Message par moonfleet »

Jeremy Fox a écrit :Le Violent (In a Lonely Place) - 1950

Même si tout ne m'a pas entièrement convaincu et notamment la description un peu appuyée du milieu hollywoodien, le couple Bogart/Grahame fonctionne tellement bien que l'on est captivé de bout en bout par ce film noir psychologique qui bénéficie aussi d'un superbe score entêtant de George Antheil, d'excellents seconds rôles (Frank Lovejoy) et de dialogues aux petits oignons. Me concernant l'un des meilleurs films de l'inégal Nicholas Ray.
L'une des rares fois où l'acteur Bogart m'ait convaincue, avec Beat the Devil et Le Trésor de la Sierra Madre.
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Re: Nicholas Ray (1911-1979)

Message par kiemavel »

Jeremy Fox a écrit :Le Violent (In a Lonely Place) - 1950

Même si tout ne m'a pas entièrement convaincu et notamment la description un peu appuyée du milieu hollywoodien, le couple Bogart/Grahame fonctionne tellement bien que l'on est captivé de bout en bout par ce film noir psychologique qui bénéficie aussi d'un superbe score entêtant de George Antheil, d'excellents seconds rôles (Frank Lovejoy) et de dialogues aux petits oignons. Me concernant l'un des meilleurs films de l'inégal Nicholas Ray.
Pour m'en tenir aux films criminels : Les amants de la nuit. La maison dans l'ombre. Les ruelles du malheur. Traquenard ... et bien sûr Le violent sont de grands films.
moonfleet a écrit :
Jeremy Fox a écrit :Le Violent (In a Lonely Place) - 1950

Même si tout ne m'a pas entièrement convaincu et notamment la description un peu appuyée du milieu hollywoodien, le couple Bogart/Grahame fonctionne tellement bien que l'on est captivé de bout en bout par ce film noir psychologique qui bénéficie aussi d'un superbe score entêtant de George Antheil, d'excellents seconds rôles (Frank Lovejoy) et de dialogues aux petits oignons. Me concernant l'un des meilleurs films de l'inégal Nicholas Ray.
L'une des rares fois où l'acteur Bogart m'ait convaincue, avec Beat the Devil et Le Trésor de la Sierra Madre.
Je ne suis pas non plus un fan absolu du "personnage" Bogart mais il s'en est écarté plus souvent que ça. Tu connais : Les passagers de la nuit de Daves ?
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Re: Nicholas Ray (1911-1979)

Message par moonfleet »

kiemavel a écrit : Je ne suis pas non plus un fan absolu du "personnage" Bogart mais il s'en est écarté plus souvent que ça. Tu connais : Les passagers de la nuit de Daves ?
Non.

Tu parles de Traquenard, et il y a quelques jours j'ai regardé le film Propriété Privée de Leslie Stevens et je me disais que cet acteur, Corey Allen, ne m'était pas inconnu ...et c'est donc lui qui joue le jeune gangster Cookie La Motte, plein de violence incontrôlée et qui va s'opposer au déjà "has been" Rico Angelo (Lee J. Cobb) .

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Re: Nicholas Ray (1911-1979)

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moonfleet a écrit :je me disais que cet acteur, Corey Allen, ne m'était pas inconnu
Forcément, c'est lui qui a réalisé le célèbre Avalanche :roll:
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Re: Nicholas Ray (1911-1979)

Message par Kevin95 »

Alexandre Angel a écrit :
moonfleet a écrit :je me disais que cet acteur, Corey Allen, ne m'était pas inconnu
Forcément, c'est lui qui a réalisé le célèbre Avalanche :roll:
Heureusement qu'Alexandre suit. :mrgreen:
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Re: Nicholas Ray (1911-1979)

Message par Alexandre Angel »

Kevin95 a écrit :Heureusement qu'Alexandre suit.
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Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Re: Nicholas Ray (1911-1979)

Message par Jeremy Fox »

Amère victoire chroniqué par Sébastien Vient à l'occasion de sa sortie en Bluray chez Sidonis.
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Re: Nicholas Ray (1911-1979)

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Le premier électrochoc provient de Bogart.
Humphrey Bogart, pour moi, c'était de l'acquis. Du dû. Bogey, quoi.. Si je me repassais Casablanca ou Le Grand Sommeil, c'était pour la classe de l'ensemble.
Je n'attendais rien de plus, de la part du comédien, qu'une retrouvaille chaleureuse, admirative sans doute (comme on admirerait un grand frère) mais sans surprise. Mon regard rétrospectif sur Bogart me fait l'effet d'un enregistrement un peu définitif. L'acteur a tendance à m'apparaitre comme une sorte de monolithe dont la présence granitique n'offre que peu de variations, ne présente qu'un nombre limité de facettes. Et ce ne sont pas les contre-emplois voyants du Trésor de la Sierra Madre ou de The African Queen qui allaient changer la donne.
C'est dire à quel point Bogart, dans Le Violent, ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre, fut une révélation.
Tout comme ce très beau Nicholas Ray, que je n'avais jamais vu, en fut une également.
Fidèle à sa manière rêveuse, allusive, impressionniste, le réalisateur excelle ici à refuser au spectateur le confort de l'identification facile de ce à quoi il a affaire. Film noir? Drame psychologique? Etude de mœurs (sur le milieu du cinéma)? Evocation d'une pathologie comme le sera plus tard Derrière le miroir?
La réponse facile à ces interrogations serait que le film soit tout cela à la fois. Or, pas vraiment..
Le Violent substitue à la dispersion de ces pistes le trou noir qui les aspirera toutes. Rien de plus fascinant que ce spectacle d'un film qui, s'auto-aspirant, dépouille les personnages et les arcanes de la fiction de leur précaire signalétique.
Bogart est dès le début présenté comme un bagarreur mais aussi un intellectuel, un écrivain, un scénariste (on songe à La Comtesse aux pieds nus). Le suffocant déplacement de la fiction nous le révèle atteint de ce qui pourrait ressembler à une pathologie.
Si Gloria Grahame nous apparaît d'emblée sous les apprêts de la femme fatale, nous pouvons compter sur la très particulière tectonique scénaristique du film pour nous la faire retrouver en amoureuse mutine et sincère.
Et ainsi de suite..
Il y a bien une intrigue policière à laquelle on pourrait reprocher le côté plaqué, mais contre quoi? En vertu de quel suspens?
Que peut-on plaquer sur ce qui se délite?
Or dans Le Violent, tout se délite. Les fondements de la fiction se dérobent sous nos pieds.
Film dont on sent, comme souvent avec Nicholas Ray, que la fabrication ne coule pas de source, que beaucoup d'intuitif s'y immisce et que l'assemblage de ses humeurs filmiques se fait par à-coups, Le Violent se révèle infiniment cohérent, tenu par une amertume tellement torrentielle qu'elle emporte tout, y compris le spectateur, dans un siphon de tristesse dont on ne doute pas qu'il mène à l'endroit solitaire et abstrait du titre original : In a lonely place.
Un grand film..
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Re: Nicholas Ray (1911-1979)

Message par Jeremy Fox »

Chapichapo
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Re: Nicholas Ray (1911-1979)

Message par Chapichapo »

Il n'y aurait pas une coquille ?

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Alexandre Angel
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Re: Nicholas Ray (1911-1979)

Message par Alexandre Angel »

Chapichapo a écrit :Il n'y aurait pas une coquille ?

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Il y en a une. Un mélange de pinceaux avec En marge de l'enquête (Dead Reckoning), qui doit sortir dans la même fournée.
Ils chient dans la colle en ce moment Sidonis :mrgreen:
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Re: Nicholas Ray (1911-1979)

Message par bruce randylan »

High Green Wall (1954)

Pour son unique téléfilm, Nicholas Ray a composé une petite merveille d'ironie d'une vingtaine de minutes basée d'une nouvelle réputée d'Evelyn Vaugh où un explorateur las du monde moderne se perd en plein jungle pour être sauver par un homme vivant reclus, loin de toute civilisation, et qui a la particularité d'être analphabète et un aficionado de Charles Dickens dont il possède tous les romans.
Sans chercher à être forcément claustrophobe, le décor unique dans un bout de studio réduit est plutôt bien exploité sans ne jamais nuire à l'intrigue, ni aux rapports entre les personnage. High green wall est un passionnant et formidable complément à certains opus du cinéaste comme la forêt interdite qui le précède, le complémente et poursuit sa réflexion sur la nature, la place de l'homme, la quête d'un paradis perdu mais avec un regard moins caustique. La réalisation est forcément assez sobre, privilégiant l'excellent duo d'acteurs et soignant les nombreuses habiles ellipses pour un faire une œuvre dense, concise et sans le moindre gras pour une fable cruelle et savoureuse.

Une grosse rareté que Brion avait diffusé en 1985 et invisible depuis. Pour les parisiens, il reste une diffusion à la cinémathèque le 14 septembre.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
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