Roberto Rossellini (1906-1977)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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cinephage
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Re: Roberto Rossellini (1906-1977)

Message par cinephage »

Strum a écrit :
Wagner a écrit :Vous êtes bourrés de pognon, 3000 euro les 8 jours de croisière pour le tarif de base.
Evidemment, à ce prix là. :|
C'est vrai, il y avait ce facteur-là, aussi... :|
Si on ne peut plus rêver, aussi.
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Re: Roberto Rossellini (1906-1977)

Message par Wagner »

Ah oui, Valse triste, qui a servi d'inspiration à La nuit du chasseur 8)
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Demi-Lune
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Re: Roberto Rossellini (1906-1977)

Message par Demi-Lune »

Découverte d'Allemagne année zéro (1948) et confirmation que Rossellini va compter dans mes goûts cinéphiliques. Un film d'une acuité, d'une humanité bouleversantes doublé d'un instantané d'une valeur historique inestimable. Sans concession !
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Re: Roberto Rossellini (1906-1977)

Message par Jack Carter »

Demi-Lune a écrit :Découverte d'Allemagne année zéro (1948) et confirmation que Rossellini va compter dans mes goûts cinéphiliques. Un film d'une acuité, d'une humanité bouleversantes doublé d'un instantané d'une valeur historique inestimable. Sans concession !
:D
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The Life and Death of Colonel Blimp (Michael Powell & Emeric Pressburger, 1943)
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Re: Roberto Rossellini (1906-1977)

Message par cinephage »

Demi-Lune a écrit :Découverte d'Allemagne année zéro (1948) et confirmation que Rossellini va compter dans mes goûts cinéphiliques. Un film d'une acuité, d'une humanité bouleversantes doublé d'un instantané d'une valeur historique inestimable. Sans concession !
Immense film, que j'aime revoir à peu près tous les 5-6 ans, et qui parvient à chaque fois à m'emporter. Et puis, en soi, ce sens de l'actualité, ce talent dingue de filmer pour témoigner (parce qu'il s'agit de filmer l'histoire en plein déroulement, en somme, sans recul ni reflexion), gardant une vraie pertinence, tout en parvenant à ramener l'élément humain, c'est quelque chose qui me souffle totalement.
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La macchina ammazzacattivi (La machine à tuer les méchants) (Roberto Rossellini, 1952)

Œuvre particulière dans la carrière de Roberto Rossellini parce qu'elle adopte un ton volontiers comique, ce film se veut avant tout une fable très moralisatrice mais douée d'une résonance vibrante qui sait creuser une réflexion profonde sur la notion du bien et du mal.

Sous ses airs un brin simplistes, sans doute dus à la simplicité des "personnages", caricatures ou archétypes des notables et petites gens d'un village côtier italien d'après guerre, avec ses corruptions, ses rapports de force, ses relents fascistes, ses mendiants, ses nantis, son usurière honnie de tous mais indispensable, son saint, ses processions religieuses, etc... cette comédie fantastique délivre donc un message qui se veut édifiant et dans le même temps qui n'en demeure pas moins complexe. En fin de compte, elle apparait plutôt réaliste. Compliqué, hum? Peut-être, oui, à l'écrire, mais Rossellini assure une mise en scène fluide et par conséquent qui clarifie avec aisance tout cela.

A la fin du film, ce qui avait paru jusque là comme une étude de mœurs rigolote, où la part de fantastique, voire fantasmagorique, servait de prétexte à souligner le pittoresque de cette communauté de pécheurs pêcheurs plus clownesques les uns que les autres, assène d'un seul coup une morale pas conne du tout, sonnant comme une démonstration par A+B que les jugements de valeur portés sur les autres sont des pratiques plutôt casse-gueules finalement, compte tenu de l'extrême difficulté pour chacun de cerner les méandres de l'esprit, comme l'essence même des aléas de l'existence.

Enfermé entre deux parenthèses scéniques astucieuses et poétiques (une main, celle d'un magicien, d'un dieu ou d'un démon, arrange une maquette du village et y déplace les personnages principaux), le film trace une route somme toute bien balisée, très agréable à suivre, sur laquelle le ton souriant joue le rôle de médium à une pensée sensiblement intelligente. Même si Rossellini s'essaie à un genre, la comédie, qui n'est pas celui auquel sa filmographie nous a habitué, cette tentative s'avère plutôt heureuse, sans être exceptionnelle, avec quelques moments savoureux.

A la rigueur, si je veux être tout à fait exhaustif et honnête, il me faudrait sans doute souligner que le personnage central, le photographe qui découvre que son appareil photographique lui permet d'éliminer les emmerdeurs, interprété par Gennaro Pisano, n'offre pas toutes les garanties d'un jeu maitrisé. Je me demande même si ce n'est pas un acteur amateur (un coup d’œil sur imdb me le confirme, en tout et pour tout trois films à son actif, celui-ci étant son dernier).

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Dov'è la libertà...? (Où est la liberté?) (Roberto Rossellini, 1954)

Lors de ce Cinémed 2012 consacré à Roberto Rossellini, je me suis spécialement soucié de voir ses rares comédies. Dans sa filmographie, elles peuvent se compter non pas sur les doigts de la main mais dans les narines du nez. Après avoir vu et apprécié "La machine à tuer les méchants", je suis allé découvrir cette autre comédie, tout aussi morale.

Cependant, le message "philosophique" est cette fois plutôt simpliste et également plus "comique". On est proche de la farce, qui cherche à faire un bon mot via le parcours chaotique d'un homme qui vient de sortir de prison et qui tente de se réinsérer. Il nous est donc dit et démontré par les faits que la prison est un lieu plus paisible et plus moral que l'extérieur. Les monstres de cupidité, de cynisme, de malhonnêteté et d'égoïsme ne sont pas en prison mais pullulent en toute liberté. Dans la vie de tous les jours, on y est confronté en permanence et en fin de compte, il vaut mieux retourner en prison, coûte que coûte. Voilà donc en substance ce que cette fable essaie d'asséner.

Je ne doute pas un instant que Rossellini et ses co-scénaristes (Vitaliano Brancati, Ennio Flaiano, Antonio Pietrangeli, Vincenzo Talarico) ne pensaient pas sérieusement que ce propos devait être pris au pied de la lettre mais qu'ils le voyaient plutôt comme une blague, une histoire rigolote et un poil provocatrice destinée bien entendu à relativiser la vision béate du monde partagé entre bons et méchants.

Surtout je veux supposer que les objectifs immédiats étaient de proposer un récit gentiment anarchiste et mettre Totò, star considérable à l'époque du ciné de divertissement italien, monument populaire, dans des situations compliquées où son physique pouvait à merveille provoquer le rire. C'est bien là la priorité à ne pas oublier même si Rossellini signe la mise en scène.

Totò a un physique extraordinaire. Il y a dans son visage une forme qui de près ou de loin rappelle Buster Keaton, cependant, au contraire de l'Américain, Totò profite de l'élasticité de sa face pour jouer de ses traits et susciter avec le public cette relation privilégiée, basée sur une sympathie instantanée. Il est touchant et drôle, pince sans rire, s'emporte, romantique ou au bord de l'absurde, et tout cela avec un naturel charmant dévastateur. Il fallait sans aucun doute cet acteur-là pour ce film-là. Plus souvent qu'on pourrait le penser, Totò a servi de très grands réalisateurs, et même de ceux qui n'étaient pas à proprement parler des cinéastes populaires (je pense à Pasolini par exemple). Aussi, de le trouver dans une des rares comédies signées Rossellini n'est-il pas non plus une surprise. Tout le monde sait que Totò est un très grand comédien et qu'il peut jouer dans n'importe quel type de film ; il ressort de ses prestations toujours quelque chose de plus grand que son personnage, une délicatesse et une profondeur, une part d'humanité, une émotion peu communes, de la magie en somme. Dans ce film, Totò est sans doute l'un des rares éléments qui permettent au film d'exister. Comme je l'ai dit plus haut, l'histoire se résume à une idée, et très vite, on risque de s'en lasser. Seule son abnégation à vouloir faire vivre son personnage retient réellement le spectateur au bord de l'ennui.

Quelques plans, également, donnent à la mise en scène épurée de Rossellini une valeur notoire. C'est bien peu.

La déception est relative mais bel et bien là au final en ce qui me concerne. Des longueurs ralentissent et étouffent le film par instants. Les retournements de situations ne sont pas amenés avec toute la subtilité requise pour une comédie. Surtout, cela manque de vitesse, de dynamisme et pour ce genre, le manque de rythme devient rapidement rédhibitoire.

Quelques scènes dans le procès sont à savourer, on y retrouve la verve et l'espièglerie de Totò. Mais tout cela est un peu léger, on comprend vite qu'effectivement Rossellini n'est pas aussi à son aise qu'il le voudrait pour manier ce genre de cinéma, difficile et périlleux.
Alligator
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Re: Roberto Rossellini (1906-1977)

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Francesco, giullare di Dio (Les onze fioretti de François d'Assise) (Roberto Rossellini, 1950)

Dernier film que j'ai pu voir au Cinémed 2012 dédié à Roberto Rossellini. Ce fut très difficile. D'abord physiquement avec une bande son déplorable, chuintante et hurlante de bout en bout. Je voulais me colleter à la spiritualité de Rossellini, je fus servi. Alors qu'il était à une époque de sa vie compliquée, cruciale et notamment très fragilisée dans sa manière de vivre sa foi (il venait de rencontrer Ingrid Bergman et n'était pas encore séparé de son épouse), Rossellini s'attèle à une œuvre d'accès malaisé à qui n'est pas ouvert à la réflexion spirituelle. C'est dire qu'un hédoniste, un agnostique, un athée, un sceptique ou un rationaliste aura beaucoup de mal à voir ce film sans souffrir. Je me range à peu près dans toutes ces catégories et me suis royalement fait chier. Excuse my french, mais n'ayons pas peur des mots et ajoutons un autre "ique" : il faut être pragmatique!

Afin de bien faire comprendre la pénibilité du visionnage pour l'humanité listée plus haut, je vais prendre une de ces "fioretti", une séquence qui me semble tout dire du film, illustration parfaite. On y voit St François avec un de ses disciples embourbés dans un chemin enneigé et boueux. Isolés sous la neige qui n'en finit pas de tomber, ils discutent à la recherche de quelque abri, sur la nature de la félicité, du bonheur parfait. St François dit que convertir tous les infidèles ne serait pas le bonheur parfait, que connaître tous les secrets de la nature ne serait pas le bonheur parfait, etc. Ils en sont là de leur débat, quand ils aperçoivent une grande masure au milieu d'un champ. Ils y courent pour prêcher et accessoirement trouver un abri. Ils tambourinent à la porte mais une voix les envoie balader. Mais les deux têtus continuent à demander l'occasion de parler de Jésus en vociférant. Lassé de ce harcèlement, le propriétaire sort et leur flanque une volée de bois vert. Et là, le nez dans la boue, St François de s'écrier tout heureux, que c'est là, maintenant, qu'il voit la définition même du bonheur parfait, que c'est dans cette bastonnade qu'il trouve le bonheur d'avoir fait les louanges du seigneur en dépit de la douleur et de l'humiliation. Voilà tout est dit de cette philosophie hystérique. Et je comprends alors bien mieux pourquoi Rossellini introduit son film sur une citation de Paul de Tarse, le personnage historique qui a façonné le dolorisme chrétien et placer la religion sous le sceau de la violence et d'un certain masochisme (lui même avait de l'expérience en temps qu'ex-bourreau romain).

En effet, tout le film est constitué de ces petites scènes de la vie quotidienne de la communauté qu'a mis en place St François d'Assise. Ces "fioretti" illustrent bien le fonctionnement de ces moines et le développement de la pensée franciscaine des origines (dès la mort de St François, cela part en sucette, avec des schismes au sein même de l'Ordre), pure et continuelle fustigation du corps humain à des fins spirituelles. C'est tout le sens de l'option St Paul.

L'aspect didactique du récit proposé par Rossellini me parait nettement assumé, il perdure en effet tout le long du film. On est presque dans un film à sketchs ; dans sa structure du moins, cela y ressemble. On édifie les masses sur la pureté de St François, élevée à une essence de vie mystique censée permettre aux êtres humains de souffrir avec le sourire, une discipline de vie, avec l'au-delà fréquemment en ligne de mire en quelque sorte, mais ancrée dans le travail, la terre, le corps en souffrance et le "siècle" comme on disait. Petit abécédaire du monde franciscain et son "mode de croire". Aussi est-il nécessaire d'être, sinon croyant, au moins disposé à la réflexion spirituelle.

Ce qui parait pour le moins incongru, c'est le caractère comique que le film présente à maintes reprises. Comme je viens de voir les deux comédies de Rossellini ("La machine à tuer les méchants" et "Où est la liberté?"), il m'est facile de noter de suite en regardant ce film la forme un peu naïve que Rossellini lui fait prendre, en filmant et montant ses scènes avec quelques maladresses. Comme s'il fallait absolument aérer par l'adjonction de cet humour enfantin un propos trop austère et significativement dur à avaler. Ainsi voit-on débouler Aldo Fabrizi, un comédien que j'aime beaucoup par ailleurs, mais qui ici joue, de façon lassante à force de grotesques grimaces et simagrées, un barbare que l'attitude pieuse d'un franciscain va perturber au plus haut point. On retrouve souvent un moine un peu imbécile, un idiot qui met du bois dans la soupe, ou bien un autre qui n'en finit pas de se retrouver à poil à vouloir donner sa tunique aux plus pauvres. Humour un peu systématique et plutôt puéril qui m'a paru un peu trop insistant dans son air innocent, en tout cas mal dosé, dirais-je. Il est vrai que les intentions importantes de Rossellini sont ailleurs et surtout dans cette proposition que représente St François, sorte d'horizon comportemental, phare mystique, exemplarité d'humilité et synthèse d'un christianisme originel, plus proche du christ que les tenants officiels de l’Église.

Mais bon... c'est pas came. Définitivement pas. A réserver exclusivement aux bonnes âmes.
Cololi

Re: Roberto Rossellini (1906-1977)

Message par Cololi »

A t-on une chance de voir un jour ce réalisateur servi en HD ... voire tout simplement en DVD (DVD moisis ... voire indisponibles ... ou n'existant pas) ?
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Re: Roberto Rossellini (1906-1977)

Message par Rick Blaine »

Cololi a écrit :A t-on une chance de voir un jour ce réalisateur servi en HD ... voire tout simplement en DVD (DVD moisis ... voire indisponibles ... ou n'existant pas) ?
Il est plutôt bien servi en HD avec les deux coffrets BFI (Trilogie de la guerre et Bergman/Rossellini) notamment.
Cololi

Re: Roberto Rossellini (1906-1977)

Message par Cololi »

Rick Blaine a écrit :
Cololi a écrit :A t-on une chance de voir un jour ce réalisateur servi en HD ... voire tout simplement en DVD (DVD moisis ... voire indisponibles ... ou n'existant pas) ?
Il est plutôt bien servi en HD avec les deux coffrets BFI (Trilogie de la guerre et Bergman/Rossellini) notamment.
J'ai oublié de préciser : en France :uhuh:
Et je pensais aussi aux films de fin de carrière comme Blaise Pascal.
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Re: Roberto Rossellini (1906-1977)

Message par Viggy Simmons »

Au fait, quelqu'un a un lien pour "Jeanne au Bûcher" en VOSTF ? Il n'était passé qu'en VF sur Ciné Classic.
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Thaddeus
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Re: Roberto Rossellini (1906-1977)

Message par Thaddeus »

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Rome, ville ouverte
Aussi éloigné du calligraphisme que de l’emphase mélodramatique, le film se veut un témoignage fidèle de l’Italie prolétarienne au sortir de la guerre et représente l’acte de naissance d’une mouvance considérée comme l’une des inaugurations du cinéma moderne. Rompant avec le procédé fictionnel en une transcription naturaliste des choses, un dépouillement radical du style, saisissant le basculement du vieux monde en ruines dans la réalité inconnue de l’après-guerre, la caméra capture les déambulations des acteurs avec un rythme étrange dicté par les aléas du tournage. L’hymne à la résistance, à la liberté et à l’esprit de sacrifice de ceux qui ont lutté contre la barbarie reste évidemment fort et universel, mais je ne suis pas particulièrement ému par cette chronique vivante d’une société meurtrie. 4/6

Païsa
Ennui poli. Difficile de réfuter que la méthode rossellinienne atteint sans doute un nouvel achèvement : la fiction se soustrait à la réalité, les acteurs sont choisis sur les lieux de tournage, l’artifice du cinéma est liquidé au profit de la transparence absolue des choses. L’auteur se penche sur le moment d’instabilité qu’entraîne l’arrivée des soldats américains dans l’Italie où se battent encore les fascistes. En six épisodes indépendants, troués de brutales ellipses qui contrastent avec l’étirement contemplatif de certaines séquences, il ainsi tente de faire coïncider le désir de liberté des habitants de la plaine de Pô avec sa propre affirmation de liberté, et développe un propos certes irréfutable dans son humanisme et sa lucidité, mais qui hélas ne m’intéresse, ne me stimule ni ne m’emporte à aucun moment. 2/6

Allemagne année zéro
Le dernier volet de la trilogie consacrée à l’Europe d’immédiat après-1945 est celui qui, assez curieusement, me touche enfin pour de bon. Dans un Berlin en ruines, cité éventrée, exsangue, dont les ombres déchiquetées renvoient l’image à la fois ponctuelle et unanimiste d’un peuple humilié, Rossellini se livre à un poignant lamento sur le calvaire d’un enfant désemparé, perdu, livré à lui-même. Son regard témoigne du plus grand respect pour les êtres qu’il filme ; son inspiration s’en tient à une sécheresse de constat maintenant à distance aussi bien la fioriture d’esthète que le misérabilisme, et puise dans une forme de spiritualisme chrétien la dimension presque christique qu’il confère au parcours de son petit héros, victime expiatoire de l’immaturité des adultes, de la guerre et de l’idéologie nazie. 5/6
Top 10 Année 1948

Stromboli
Le film de la rencontre avec Ingrid Bergman, échappée des plateaux d’Hitchcock, est aussi la première étape d’une évolution vers une autre forme de radiographie, celle du couple moderne, par le prisme d’un journal intime où l’anecdote est réduite à sa plus simple et exigeante expression. Si le monde de la terre (et surtout de la mer) italienne est dépeint avec le même souci vériste qu’auparavant, c’est bien au désarroi intime d’une femme malheureuse en mariage, rendue cynique par les épreuves traversées, cherchant à échapper à sa condition dans la ruse de la séduction charnelle ou au contraire dans l’absolution d’une foi rédemptrice, que s’intéresse le cinéaste. Reste que la blancheur de cette expression, la mise à plat très littérale de ces intentions, me laissent à distance de tout véritable intérêt. 3/6

Les onze fioretti de François d’Assise
La tentation du prosélytisme catholique qui affleurait à la fin de Stromboli opère cette fois sans détour : c’est simple, le film n’est rien moins qu’un cours de catéchisme, une hagiographie béatificatrice de saint François d’Assise prêchant la parole de Dieu, tantôt confronté à la violence des reîtres ou à l’incompréhension hostile des paysans, tantôt égrenant les jours d’un humble quotidien. Entre l’évangélisation sans fard et les scènes de comédie (involontaire ?) montrant notre saint héros navré face à la stupidité de certains frères (il semblerait que l’illumination monacale soit une forme d’idiotie), on oscille entre deux pôles suscitant le même dépit affligé. Quelques incongruités font parfois hausser le sourcil, tel ce tyran aux airs d’Attila engoncé dans son armure, droit sorti de chez les Monty Python. 2/6

Europe 51
Rossellini fait ici rejouer la mort de son propre enfant à son actrice et filme l’héroïsme qui en découle comme une forme particulière de résilience. C’est donc presque à une autobiographie qu’il nous convie, en y maintenant son quotient paradoxal d’universalité. Grande bourgeoise en rupture avec la superficialité de la société capitaliste, Ingrid Bergman donne à percevoir de manière éloquente la lumière spirituelle de son personnage – lumière trop vive et déroutante pour ses proches, qui ne trouveront d’autre moyen pour l’éteindre que de la faire interner. Refusant autant l’utopie marxiste d’un paradis terrestre que celle, plus dogmatique, des voies chrétiennes, elle offre à la sainteté laïque un rayonnement qui exprime différemment, avec une force inédite, la morale du néoréalisme. 5/6

Voyage en Italie
On peut considérer que Rossellini fait ici le compte-rendu minutieux de sa vie commune avec Ingrid Bergman. Pour lui, la réalité extérieure (Naples et le sud de l’Italie) et la réalité extérieure (les deux êtres formés par le couple opaque) sont indiscernables, ce qui implique l’étroit conditionnement des états d’âme par le paysage. Jusqu’au miracle final où ils ont la révélation d’une forme de grâce qui pourrait les sauver de leur angoisse et de leur ennui, l’auteur inscrit le cheminement des amants en sursis dans la découverte presque topographique d’un passé qui fait écho à leur histoire, et où les morts cheminent aux côtés des vivants. Mais cette confession filmée de l’aventure et de la dérive conjugales, pour fondamentale qu’elle soit dans l’histoire du cinéma et l’évolution de son expression, a du mal à m’émouvoir. 3/6

La peur
Un metteur en scène-expérimentateur élabore un protocole d’observation fonctionnant à partir de stimuli très précis et devant aboutir à l’aveu de sa femme infidèle. La métaphore est claire : on est invité à être témoin de la mise à nu de la part maudite fondant la relation du cinéaste avec son épouse-actrice. Nordique, sombre, perdu dans les brumes, loin de la lumière de Stromboli ou de Voyage en Italie, le film n’a rien de néoréaliste ni de lyrique. Par cette façon de semer les indices sans se faire voir, cette course contre le temps qui se métamorphose en spirale d’angoisse, cette duplicité constante du couple, il semble traduire l’obstination avec laquelle Rossellini tente de se mesurer à Hitchcock, comme s’il était jaloux de ceux que le maître avait réalisés quelques années auparavant avec Ingrid Bergman. 4/6

India
C’est en écoutant l’expérience de Renoir relative à la genèse du Fleuve que Rossellini décide d’embarquer sa caméra pour un long voyage en Inde, à peine sortie du joug colonialiste et en pleine reconstruction politique et économique. Il en tire un film-reportage dont la structure épisodique semble passer en revue la multitude de castes, de peuplades, de classes et de religions qui forment le peuple indien. S’esquisse à travers l’entreprise comme l’utopie d’une histoire de l’humanité : en croisant les images du réel (la foule de Bombay, les éléphants de la jungle, la construction colossale du barrage d’Hirakud…) par des personnages de fiction éperdus, il offre un nouveau souffle à son inspiration et transmet à l’écran une curiosité, une attention, une générosité toujours renouvelées à l’égard de l’homme et de la nature. 4/6

Le général Della Rovere
Bertone, escroc faible et veule contraint par les évènements d’endosser un nouveau rôle, se voit soudain transfiguré en héros. D’abord aliéné par la guerre, la violence, la torture, il conquiert une autre conscience et choisit la dignité jusque dans la mort. Parce que l’écrivain catholique Diego Fabbri a participé à son scénario, on pouvait s’attendre à trouver dans ce film sur les faux-semblants d’un acteur-imposteur les résonances chrétiennes habituelles à l’œuvre chez Rossellini. Les thèmes du rachat et de la rédemption y sont en effet développés, et le protagoniste (superbement interprété par Vittorio De Sica) peut assurément faire penser à l’ouvrier de la onzième heure de l’Evangile. Mais le récit maintient jusqu’à sa fin une ambigüité humaine que valorisent la sobriété du style et la légèreté de l’écriture. 4/6

La prise du pouvoir par Louis XIV
Le cinéaste travaille ici dans une autre toute autre échelle, se faisant l’humble rapporteur des faits et gestes du passé, d’un homme appréhendé non dans ses inclinations provisoires mais dans sa continuité séculaire. Le désir d’édification y est retranché de toute emphase formelle et s’exonère des règles présupposées du spectacle en s’inféodant à une stricte reconstitution historique d’évènements célèbres (la mort de Mazarin, la construction de Versailles, l’arrestation de Fouquet par d’Artagnan…), sans suspense, sans effet, sans pittoresque. Pourtant cette re-création authentique d’une époque captive parce qu’elle éclaire d’une lumière nouvelle le fonctionnement d’un monde qui nous est étranger, et parce qu’elle nous fait accéder à la vérité intime et politique d’un roi en gestation. 4/6


Mon top :

1. Allemagne année zéro (1948)
2. Europe 51 (1952)
3. La prise du pouvoir par Louis XIV (1966)
4. India (1959)
5. Rome, ville ouverte (1945)

À quelques exceptions près, je n’ai jamais réussi à adhérer totalement au regard et à la méthode de Rossellini. Je perçois bien ce que ce réalisateur a apporté au septième art, en quoi son langage a pu représenter quelque chose de très nouveau à son époque, mais sa sensibilité ne me touche hélas que par intermittence.
Dernière modification par Thaddeus le 22 nov. 22, 22:34, modifié 4 fois.
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Re: Roberto Rossellini (1906-1977)

Message par Boubakar »

Thaddeus a écrit :Allemagne, année zéro
Le dernier volet de la trilogie consacrée à l’Europe d’immédiat après-1945 est celui qui, assez curieusement, me touche enfin pour de bon. Dans un Berlin en ruines, cité éventrée, exsangue, dont les ombres déchiquetées renvoient l’image à la fois ponctuelle et unanimiste d’un peuple humilié, Rossellini se livre à un poignant lamento sur le calvaire d’un enfant livré à lui-même. Son regard témoigne toujours du plus grand respect pour les personnages qu’il filme ; son inspiration s’en tient à une sécheresse de constat maintenant à distance aussi bien la fioriture d’esthète que le misérabilisme, et puise dans une forme de spiritualisme chrétien la dimension presque christique qu’il confère au parcours de son petit héros, victime expiatoire de la guerre et de l’idéologie nazie. 5/6
J'ai beaucoup aimé également, mais le dvd proposé par Rimini est vraiment limite. Je ne suis pas le meilleur spécialiste pour parler technique, mais on dirait que la copie est soit trop lumineuse dans les scènes de jour, faisant qu'on voit très peu les détails sur les visages, et trop sombres pour les scènes de nuit, à la limite du visible.
Il y a une bonne copie de ce film ou est-ce seulement imputable aux conditions de tournage ?
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Re: Roberto Rossellini (1906-1977)

Message par cinephage »

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Mais les sous-titres sont anglais...
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