La malédiction
Plus qu’à
L’Exorciste, c’est à
Rosemary’s Baby que renvoie cet avatar des films traitant de l’enfance maléfique. Époque oblige, celle d’une Amérique fraîchement traumatisée par le Watergate, où sorciers et démonologues font autant de recettes que les psychiatres et où Billy Graham ne connut jamais autant de conversions, la parabole politique et les oppositions religieuses prédominent une histoire à forte coloration protestante (importance primordiale de la Bible, prêtres corrompus et inefficaces, refrain eschatologique sur l’air de Rome, nouvelle Babylone). L’habile agencement de chaque épisode, la musique anxiogène de Jerry Goldsmith, le crescendo dramatique d’un récit qui ne craint ni le grand-guignol ni d’occire violemment ses personnages contribuent à l’efficacité de cette série B fort bien troussée.
4/6
Superman
Il serait inconvenant de reprocher à Donner de se plier exactement à ce pour quoi il a été embauché : la transcription cinématographique très consensuelle d’un mythe national qui est lui-même l’exaspération la plus lisse, lénifiante et moralisante de la bonne conscience américaine. Innocence, fraîcheur, naïveté délibérée que tout cela : certes. C’est aussi le rôle du cinéma que de donner à rêver, d’exciter les imaginations. Mais il existe un seuil au-delà duquel l’enfantillage devient infantilisme, et la candeur rouerie suspecte. À trop faire l’archange, Superman peut faire la bête. Si l’on parvient à surmonter toutes ces grosses réserves, on peut apprécier les qualités purement fonctionnelles de ce divertissement carré et fédérateur. Brando et Hackman, eux, ont le bon goût de jouer dans un tout autre film.
3/6
Ladyhawke, la femme de la nuit
Pièges fatals, preux chevalier, évêque diabolique, angoisses ancestrales. Sans brûler du feu mystérieux qui illuminait l’
Excalibur de Boorman, ce beau film d’aventures fantastiques honore une veine perdue du cinéma médiéval. Donner trouve une respiration originale entre réalisme historique (si l’on excepte un synthé-rock particulièrement kitsch) et envolées oniriques, et peaufine un conte merveilleux aux enluminures gracieuses, d’autant que la photographie de Storaro offre à la passion de l’homme-loup et de la femme-faucon les flamboyantes nuances contradictoires d’un gothique glacé. Narré avec un vrai sens du romanesque, alternant séquences d’action et intermèdes poétiques avec la même inspiration délicate, le spectacle enchante. Et Michelle Pfeiffer est vibrante, jolie comme un cœur.
4/6
Les Goonies
Donner cherche à réactiver l’esprit du Club des Cinq le long d’une chasse au trésor dont le pittoresque constitue le seul horizon et qui touille les vestiges d’une littérature où non-sens, cruauté et naïveté se conjuguaient pour effacer la banalité des situations. Un coup on croise un simili-Elephant man, un autre on passe du côté de Superman, la seconde suivante on voit la caricature de Ma Baker, chef de gang flanquée d’une stupide progéniture. La mayonnaise est lourde, l’humour pataud, la scénario un ramasse-miettes qui superpose les clichés sans leur insuffler d’élan, sans autre envie que de satisfaire ce que l’Amérique compte comme types de bambins : les gentils, les timides, les grognons, les insupportables. Certes l’ensemble est sans prétention, mais mieux vaut le découvrir avant d’atteindre douze ans.
3/6
L’arme fatale
Schéma archiconnu. Deux flics : l’un est blanc, veuf, seul et suicidaire, l’autre est noir, père de famille, propret et pantouflard. Enquêtant sur la mort d’une call-girl droguée, ils triompheront de l’adversité au terme d’un monticule de cadavres, de corps disloqués et de voitures cramant gaiement avec leurs occupants. L’enchaînement des actions vise à un vaste déploiement de prouesses physiques et d’éclats, la mise en scène est souvent une simple technicité appuyée par des collaborateurs très compétents, avec parfois une idée, un effet qui prouve que Donner est juste un peu plus baroque que ses confrères. La complémentarité du duo antinomique, le mariage assez heureux de suspense explosif, de caractérisation sommaire et d’humour font de cet archétype de polar à la nitro un solide divertissement.
4/6
L’arme fatale 2
On prend les mêmes et on recommence. Flanqués d’un escroc sympa qu’ils sont chargés de surveiller, nos deux compères trouvent du fil à retordre avec un diplomate sud-africain qui exerce pépère son activité de trafiquant de drogue. Qu’ajouter au précédent commentaire ? Que la recette éprouvée fonctionne encore assez bien, et sans doute davantage puisque les impératifs hollywoodiens ne sauraient déroger à la règle fondamentale de la surenchère. Que Donner sait prendre le temps de respirer, ponctuant les décharges de castagne et de pétarades tous azimuts d’un humour bien tranchant. Mais qu’à tout prendre, si cette suite est aussi distrayante que son modèle, on peut regretter (en s’en fichant complètement) qu’elle s’éloigne des velléités psychologisantes manifestées dans ce dernier.
3/6
L’arme fatale 3
Bon… Le concept se décline mécaniquement et confine à la recette. Point nouveau, cependant : l’arrivée d’une femme séduisante et combattive, qui bien sûr noue une idylle musclée et sado-maso, davantage qu’attendrie, avec ce chien fou de Riggs. L’aspect comédie semble gagner encore quelques points, à l’image d’un Pesci plus volubile que jamais, crachant des "
OK" aussi vite qu’une mitrailleuse : de là un aspect cartoon qui manie l’autodérision et fait progresser le récit à coup d’invraisemblances sans que cela gêne à aucun moment le spectateur de toutes manières peu concerné. Ça défouraille, ça bastonne, ça explose dans tous les coins, selon un schéma industriel parfaitement rodé. Pour le dire simplement, le passe-temps est peut-être estimable mais il m’en touche l’une sans faire bouger l’autre.
2/6
Maverick
Une voleuse dépouille un joueur de poker qui la rattrape et obtient d’elle excuses et aveu d’amour, avant qu’elle ne le plume à nouveau puis reprenne la fuite, et ainsi de suite. Tout le film est fondé sur cette incertitude : chacun se trahit avec un grand sourire, c’est à qui trompera la mieux l’autre, à commencer par le spectateur qui, tel le corbeau de la fable, jure qu’on ne l’y prendra plus mais se retrouve l’instant d’après floué et content de l’être. Cherchant à retrouver le charme et la légèreté d’un certain divertissement passé de mode, type
Butch Cassidy et le Kid, Donner et ses acteurs rendent un hommage à la fois respectueux impertinent au western, s’en donnent à cœur joie dans le registre du pastiche parodique, et enroulent une arnaque soignée aux allures de comédie picaresque. Un cocktail plaisant.
4/6
Mon top :
1.
Ladyhawke, la femme de la nuit (1984)
2.
La malédiction (1976)
3.
L’arme fatale (1987)
4.
Maverick (1994)
5.
Superman (1978)
Vieux routard de l’industrie hollywoodienne, Donner est de ces réalisateurs sans grande personnalité qui ont parfaitement assimilé les règles de l’
entertainment à l’américaine. J’y prends parfois du plaisir, parfois moins.