John Huston (1906-1987)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Watkinssien
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Re: John Huston (1906-1987)

Message par Watkinssien »

Qu'il y ait eu des difficultés à foison sur Apocalypse Now, soit, mais quand Coppola revient dessus, je ne ressens pas d'amertume quand il parle même si les conditions étaient trop difficiles.
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Thaddeus
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Re: John Huston (1906-1987)

Message par Thaddeus »

Je n'ai jamais prétendu ou sous-entendu que Coppola éprouvait de l'amertume quant à la genèse chaotique de son film. Je rebondissais simplement sur l'hypothèse de Kevin, selon laquelle Brando "ne foutait son souk" que sur les tournages des réalisateurs non confirmés. Or c'est un fait établi, largement relayé depuis près de quarante ans, que le comédien a posé par son comportement d'énormes difficultés au cinéaste et à son entreprise déjà bien malmenée. Que Coppola ne lui en ait pas tenu rigueur et qu'il ait ensuite évoqué ces aléas avec magnanimité relève d'une autre question. Mais bref, je cesse de polluer ce topic avec ces considérations qui n'ont rien à voir avec Huston. :wink:
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Kevin95
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Re: John Huston (1906-1987)

Message par Kevin95 »

Thaddeus a écrit :Ce n'est pas tout à fait ce que j'ai compris, mais soit. :mrgreen:
Il en a bavé sur Apocalypse Now mais Brando était déjà ailleurs, au contraire de leur collaboration sur The Godfather qui s'est passée tranquilou. Pour Chaplin et Kubrick c'est deux cas particuliers, Chaplin était en fin de course et n'arrivait pas (ou plus) à communiquer avec les comédiens (même Sophia Loren n'en garde pas un excellent souvenir), tandis que Kubrick a vaguement bossé sur One-Eyed Jacks mais s'est barré non à cause du comportement de Brando (on connait la fameuse photo où ils sont bras dessus bras dessous) mais à cause d'un projet mal foutu et qui passionnait l'acteur plus que de raison (pour au final il lui laisser le champ libre).

A coté, Elia Kazan, Joseph L. Mankiewicz, Sidney Lumet, Arthur Penn, John Huston et Bernardo Bertolucci sont au premier rang pour applaudir le mythe Marlon.
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Jeremy Fox
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Re: John Huston (1906-1987)

Message par Jeremy Fox »

Freud chroniqué par Sebastien Vient à l'occasion de la sortie du film en DVD chez Rimini
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Profondo Rosso
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Re: John Huston (1906-1987)

Message par Profondo Rosso »

Le Barbare et la Geisha (1958)

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Le Japon en 1856. Le diplomate Townsend Harris, accompagné d'un interprète et ami, Henry Heusken, vient prendre son poste de premier ambassadeur américain au Pays du Soleil Levant, à la suite d'un traité signé avec les États-Unis. Il se heurte à l'hostilité des nobles, notamment du Gouverneur local Tamura, et s'ingénie à gagner leur confiance. On lui impose une domestique, la geisha Okichi, chargée en réalité de rendre compte des faits et gestes du consul. Mais bientôt, une réelle amitié teintée d'amour naît entre eux...

Le Barbare et la Geisha s'inscrit à une période de fascination hollywoodienne pour le Japon avec des films comme La Maison de bambou de Samuel Fuller (1955), La Petite maison de thé de Daniel Mann (1956) ou encore Sayonara de Joshua Logan (1957). Tout ces films étaient plus (La Maison de bambou) ou moins (Sayonara) réussis, le réalisme oscillant avec un exotisme forcé et quelques fautes de gouts (Brando grimé en japonais dans La Petite maison de thé) dans des genres aussi marqués que le film noir ou le mélo. Le Barbare et la Geisha s'avère un projet bien plus ambitieux avec cette réelle évocation de Townsend Harris, missionné pour être le premier ambassadeur américain au Japon en 1856. Il s'agit initialement d'un projet d'Anthony Mann qui faute d'avoir pu trouver une grande star pour incarner Harris revend les droits de l'histoire à la Fox. Les choix de productions correspondent aux mues hollywoodiennes du moment et plus précisément aux velléités réaliste de la Fox avec un tournage qui se fera au Japon dans les villes de Kyoto et Nara pour les extérieurs, et dans les studios de la Toho pour les intérieurs. Cinéaste globe-trotter depuis le début des années 50, John Huston s'avère le candidat idéal et trouve l'occasion de tourner pour la première fois avec John Wayne.

Le récit s'avère très réaliste sur le déroulement des évènements, y compris la relation de Harris avec une geisha durant son séjour semble-t-il avéré. Huston en plus du cadre s'entoure en partie de techniciens japonais pour un rendu entre la magnificence des extérieurs et le chatoiement des intérieurs grâce à la recherche des décors et costumes et la belle photo de Charles G. Clarke. C'est cependant dans le rapprochement des hommes que l'histoire articule celui des peuples, mutuellement méfiant et hostile. Le Japon est dans une période charnière où cette ouverture à l'extérieur mènera à l'ère Meiji, mais les craintes de perversion de leur identités et tradition subsistent face à l'étranger. Le décorum offre ainsi un parfum dépaysant et fascinant tandis que les mentalités sont fermées. Les américains ne sont cependant pas mis en valeur pour autant, la prestance naturelle de John Wayne n'en finissant pas d'être désarçonnée dès qu'il se pose en American hero. Cela donne des instants comiques comme lorsqu'il sera ridiculisé du haut de son allure de colosse en combattant un petit et véloce japonais, mais surtout des conséquences dramatiques lorsqu'il introduit malgré lui le choléra sur la cité portuaire. C'est par la proximité et les actions que le fossé se réduira. La curiosité des mœurs et objets occidentaux se révèlent notamment dans la voix-off de la geisha Okichi (Eiko Ando pour son seul rôle au cinéma), ponctuation (et parfois surlignage) du regard japonais dont Huston ne sous-titre pas les dialogues. A l'inverse la dimension de découverte du Japon est plus brute et spontanée à travers le regard de Wayne, ce qui provoque une belle émotion quand les lignes bougent notamment la scène où les villageois le remercie de son aide durant l'épidémie de choléra ou encore la procession glorieuse avant l'entretien avec le shogun.

Huston respecte les étapes de cet apprivoisement mutuel dans le rythme du film qu'il veut "japonais" par le temps passés à mette en valeur un décor, à dépeindre un rituel dans le détail. On évite l'exotisme cliché en dépit de passages obligés (Wayne surpris d'être choyé et déshabillé avant le bain par des suivantes) et même l'inévitable séquence de harakiri découle d'un vrai cheminement dramatique. Néanmoins Huston posera un regard mitigé sur le film du fait du remontage effectué par la Fox qui atténue un peu la force de ses partis pris. Cela n'en reste pas moins une belle réussite méconnue du réalisateur. 4,5/6
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Supfiction
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Re: John Huston (1906-1987)

Message par Supfiction »

Merci Profondo.
Très belle édition Blu ray.

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Profondo Rosso
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Re: John Huston (1906-1987)

Message par Profondo Rosso »

Promenade avec l'amour et la mort (1969)

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Le Royaume de France, en plein cœur de la Guerre de Cent ans. Laissant derrière lui Paris et l'Université de la Sorbonne, le jeune Héron de Foix prend la route en direction de la mer, qu'il n'a jamais vue. Au fil de son voyage il découvre une terre dévastée par les guerres, la peste, la famine et le fanatisme religieux. Hébergé pour la nuit dans un château, il y fait la connaissance de Claudia, fille du Seigneur de Saint-Jean. Cette rencontre et les soulèvements paysans qui se multiplient autour de lui vont bouleverser son existence.

A Walk with Love and Death est sans doute l’œuvre qui amorce la dernière et passionnante partie de carrière de John Huston. Le film illustre à merveille les élans libertaires de John Huston tout en entrant parfaitement en résonance avec ceux de son époque. Tombé sous le charme de la fable médiévale de Hans Koningsberger (qui participera au scénario) publiée en 1961, John Huston convainc la Fox de lui allouer un budget conséquent pour une adaptation. Le cadre historique du film va ainsi trouver un équivalent dans une production mouvementée. Si la Guerre de Cent ans est au départ un conflit entre les royaumes de France et d'Angleterre, sa durée et ses conséquences sur l'économie des belligérants seront la cause d'une guerre civile notamment en France avec de sanglantes jacqueries. Huston a la surprise de se confronter à un même tumulte mondial puisque la révolte (Mai 68 qui empêche le tournage initialement prévu à Paris) et la tyrannie (l'arrivée des chars russes à Prague autre destination envisagée), thématiques au cœur du film, se reflètent dans la conception de l'oeuvre.

Le film offre une forme de récit picaresque et initiatique médiéval où les personnages se confrontent à leurs doutes et contradictions dans leur errance. Dans son voyage pour voir la mer, Héron de Foix (Assi Dayan) recherche la beauté dans l'horreur du monde qui l'entoure. Il idéalise cette vision fantasmée de la mer alors que la réponse lui est donnée dès le début du film quand il entrevoit l'océan en rêve et que, sortant de la torpeur du sommeil il tombe sur le visage virginal de Claudia (Anjelica Huston). Cette dernière, noble et fille d'un intendant du roi, fantasme aussi une forme d'amour pur et platonique incompatible avec la vraie passion amoureuse. L'idéologie, l'éducation et le fantasme doivent ainsi être transcendés par une expérience reposant justement dans ses va et vient entre la beauté et l'horreur, la douceur et la violence, le rêve et le cauchemar. Huston l'exprime dans une des premières scènes du film lorsque Héron s'abreuve dans un étang : la composition de plan somptueuse et la lumière pastorale de Ted Scaife laisse alors la beauté morbide surgir dans le cadre avec la découverte du cadavre flottant d'une jeune femme à demi nue. Toute la l'ambiguïté humaine se résume là dans un récit où tous les symboles d'une pensée trop tranchée son synonyme d'oppression. La religion dans toute son expression la plus fanatique appelle à un oubli de l'individu de façon masochiste (la confrontation avec le moine fou joué par Michael Gough), violemment puritaine (l'abbaye de la dernière partie ou le rapprochement homme/femme est une monstruosité) et surtout cynique à travers quelques vignettes ironiques/personnages opportunistes - tel ce vendeur de reliques chrétiennes "authentiques". L'autre schisme concerne la lutte des classes où les paysans à la révolte légitime cèdent à une barbarie aveugle à laquelle répond celle des chevaliers, bras armés de l'oppresseur noble donnant dans le massacre impitoyable.

Huston montre alors ses amoureux juvéniles s'arracher à l'influence de leur environnement pour vivre pleinement leur amour. Héron tant qu'il ne vise qu'un idéal insaisissable peut voir sa vertu "morale" vaciller telle dans ce moment saisissant où il cède à la violence envers un jeune paysan. Claudia en se réfugiant dans la seule hauteur de son rang ne peut qu'espérer la vengeance envers la plèbe qui a détruit son château et tué son père. John Huston lui-même dans un rôle bref mais essentiel résume les contradictions d'un regard unidimensionnel sur ce monde en proie au chaos. L'amour courtois teinté du respect de classe laisse la proximité s'installer (Claudia invitant Héron à partager sa couche), puis la tendresse chaste cède au désir puis à l'union de corps et d'esprit des amoureux - magnifiquement ponctuée par le score de Georges Delerue. Les atrocités et la mort les entourant leur ont fait renoncer à toutes les vaines tentations du monde, qu’ils sont prêt à quitter ensemble puisque leur rencontre signe l'aboutissement de leur quête. Huston tisse cela implicitement avec un désir dépassant le rang et la morale, le manant et la noble s'aimant dans une abbaye déserte et installant leur nid d'amour au pied d'une croix. Le Moyen-Age dépouillé dépeint par John Huston s'orne d'une aura conjointement réaliste et rêvée où s'illustre sa vision désabusée en la société mais aussi sa profonde croyance en l'humain et sa soif d'ailleurs. La magnifique scène finale fait ainsi passer les amants vers l'oubli avec cette mort imminente, mais surtout vers la liberté que symbolise la mer qui se confond cette fois de manière consciente avec l'amour. La portée de cette échappée est encore plus grande grâce à l'interprétation et ce que représentent Assi Dayan (fils d'un héros du héros de guerre Mosché Dayan, choisissant la vie "saltimbanque" d'acteur) et Anjelica Huston (16 ans et dans son premier rôle, là aussi représente une jeunesse occidentale nantie) et qu'ils prolongent magnifiquement à l'écran. Le film pourtant si en phase avec la pensée pacifiste d'alors sera pourtant un échec commercial. 5,5/6
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Jeremy Fox
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Re: John Huston (1906-1987)

Message par Jeremy Fox »

L'un des très grands Huston 8)
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Profondo Rosso
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Re: John Huston (1906-1987)

Message par Profondo Rosso »

Freud, passions secrètes (1962)

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Le jeune Sigmund Freud se rend à Paris pour rencontrer le professeur Charcot, dont les travaux sur l'hypnose l'intéressent. Revenu à Vienne, il poursuit ses propres recherches, malgré l'opposition de son entourage. Seul le docteur Breuer le soutient... La psychanalyse devient donc pour lui une méthode de traitement des troubles.

En 1946, John Huston est chargé par le gouvernement américain de filmer le suivi médical des blessés traumatiques de la Seconde Guerre Mondiale. Il y observe et se passionne pour les différentes méthodes de psychanalyse et découvre ainsi la prégnance de l’inconscient dans nombres de maux humains. Si le gouvernement renoncera à diffuser le court-métrage Let There Be Light car ne souhaitant pas montrer cette image de l’armée américaine, l’expérience fait naître chez Huston le désir de signer un film autour des méthodes freudiennes. Il sollicite Jean-Paul Sartre en 1958 afin d’écrire un scénario, mais la longueur du script et le refus de concessions de l’intellectuel français crée rapidement des dissensions. Si nombres de ses idées demeurent dans le script final (notamment l’idée de condenser plusieurs patientes de Freud dans le personnage inventé que joue Susannah York), Sartre demandera à être retiré des crédits après les réécritures de Wolfgang Reinhardt, Charles Kaufman et John Huston himself. Freud, passions secrètes n’est pas n’est pas un biopic de Sigmund Freud, mais suit plutôt la grande aventure de sa recherche autour de l’inconscient et son invention de la psychanalyse. La scène d’ouverture ne s’y trompe pas, la voix-off (du timbre de stentor de John Huston) comparant cette découverte de l’inconscient à la théorie de l’évolution de Darwin ou de la découverte du système solaire en terme d’impact sur la perception humaine. On sort de l’image iconique de Freud en vieux professeur à la mine sévère pour prendre les traits plus jeunes de Montgomery Clift que l’on accompagnera sur une période de 5 ans, entre 1885 et 1890. Alors qu’il officie à l’hôpital général de Vienne, Freud se heurte à l’interprétation uniquement physiologique de ses collègues quand pour lui certains maux relèvent d’une faille relevant de l’inconscient qui appelle à une autre méthode de soin. Un voyage à Paris et l’observation des travaux du professeur Charcot (Fernand Ledoux) l’initie ainsi à l’hypnose, mais qui reste une porte d’entrée sans être une voie de guérison en soi. De retour à Vienne, il s’associe avec le docteur Breuer (Larry Parks), le seul partageant ses idées, pour mettre en pratiques les différents questionnements auprès de patients en proie à des symptômes spécifiques.

John Huston effectue une véritable prouesse puisqu’il part d’ouvrages purement théorique de Freud (notamment Trois essais sur la théorie sexuelle paru en 1905) pour construire un suspense intellectuel et dramatique autour de ses avancées. Les ambiances inquiétantes, oppressantes et parfois hallucinées qui se dégagent du film rejoignent finalement l’usage marqué de la psychanalyse que firent les studios hollywoodiens dans des genres comme le film noir, prétexte à nombre d’expérimentations formelles, un des exemple les plus fameux étant la scène de rêve de La Maison du Docteur Edwardes d’Alfred Hitchcock (1945). Si l’hypnose suffit et fait ressortir et résoudre les traumas les plus évidents, ceux très enfouis et tendancieux seront plus ardus. Le film captive en montrant Freud tâtonner car pour avancer, il devra autant se mettre à nu que ses patients (au contraire de son supérieur Meynart (Eric Portman) dans le déni de sa propre névrose). Il sera ainsi comme effrayer par les territoires qu’il côtoie quand il traitera Carl von Schloessen (David McCallum) dont il découvre les élans meurtriers envers son père, écho d’une jalousie issue d’un amour incestueux pour sa mère. La morale le rattrape ainsi et éveille des refoulements sombres de son inconscient qu’il va devoir surmonter pour ses travaux. La jeune Cecily (Susannah York) développe nombres de syndromes physiologiques (perte de vue, impossibilité de marcher) qui découle de différentes failles de son inconscient. Huston d’une imagerie et de ressorts dramatiques de thriller (les joutes verbales des thérapies lorgnant parfois sur l’interrogatoire) pour faire naître une tension psychologique dont l’enjeu est la fois un défi intellectuel et émotionnel. Le cheminement est fascinant dans le côté laborieux, hasardeux et méthodique avec lequel Freud traverse les strates du monde intérieur et des souvenirs de Cecily. On pense à le traumatisant flashback où elle revit la mort de son père, en déformant le cadre et les circonstances avec un Huston altérant et revisitant le souvenir dans une étrangeté qui traduit le ressenti des songes les plus tortueux. Il en va de même dans les traumas tout aussi complexes à dénouer de Freud lui-même où Huston invente des séquences surréalistes, baroques et expérimentales qui contiennent dans leurs motifs subtils toutes les clés du mystère à résoudre.

Les monologues intérieurs chargés de doutes et les interprétations erronées accompagnent tout le cheminement semés de doutes de Freud, où l’on voit se construire toute la méthodologie de la psychanalyse. Ainsi passé les spectaculaires scènes d’hypnose, c’est par le seul dialogue et ce qui s’en dégage dans l’attitude (Cecily tombant dans une forme de passion amoureuse pour tous ses médecins) ou les lapsus que se forge la manière d’interpeller le patient, de se positionner face à lui (la fameuse posture du psychanalyste installé derrière le patient faisant ses confidences arrivant avec un naturel parfait). Tout cela nous conduit de manière exemplaire vers des territoires audacieux dans le cinéma de l’époque en évoquant explicitement de sexualité infantile, de complexe d’Œdipe et en illustrant le choc d’une telle approche dans la médecine d’alors. D’un point de vue actuel, même si ces termes sont entré dans le langage courant, on imagine mal avec les sordides faits divers des dernières années le thème abordés aussi frontalement (et pour preuve le A Dangerous Method de David Cronenberg (2011) n’en parle pas). Montgomery Clift impose toute sa personnalité torturée dans son interprétation fascinante même si la relation fut compliquée avec John Huston (malgré une première collaboration dans Les Désaxés (1961)). L’alchimie avec Susannah York est parfaite, créant ce cocon de proximité et de confiance qui fait défaut aux premières scènes où Charcot traite ses malades comme de purs outils d’illustration de ses théories. C’est donc une des plus belles réussites de John Huston, capable de s’attaquer aux matériaux les plus complexes pour en donner un spectacle riche et passionnant. 5/6
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Jeremy Fox
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Re: John Huston (1906-1987)

Message par Jeremy Fox »

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Re: John Huston (1906-1987)

Message par Jeremy Fox »

Sybille a écrit : 13 mars 12, 13:43 Beat the devil / Plus fort que le diable
John Huston (1954) :

Récit d'aventures romanesque et humoristique. Dès l'entrée, un flash-back indique comment le récit nous sera entièrement restitué. Un groupe de personnages disparates, de nationalités éparses, aux objectifs divers attendent un bateau en partance pour l'Afrique.
Le film bénéficie d'un ton très particulier, d'un humour détaché qui fait mouche, souvent extrêmement incongru. Il y a une sorte de laisser-aller, de nonchalance amusée.
Des acteurs, c'est Jennifer Jones qui tire le mieux son épingle du jeu. Physiquement étonnante grâce à sa chevelure blonde, elle surprend surtout par l'apparente absurdité, mi-rêveuse mi-lucide de nombre de ses répliques. Mariée à un Anglais conservateur et terne, quoiqu'également loufoque, elle baigne elle-même en pleine d'illusion, en proie au flou des sentiments et des désirs. Mais les souhaits de chacun n'ont en fin de compte quasiment aucune importance. L'homme joué par Humphrey Bogart est là pour recadrer cet état de fait. Dans le rôle d'un aventurier à la petite semaine, sans doute revenu de toutes les combines disponibles, il se moque bien des hommes, des femmes, dont son épouse (Gina Lollobrigida) qui s'empresse justement d'aller flirter ailleurs. Parmi les seconds rôles, on retient en premier Robert Morley et Peter Lorre, très drôles dans leur couardise arrogante.
Tourné partiellement en Italie, le film n'offre que peu de prises de vue 'spectaculaires'. Néanmoins, le climat a l'air estival, donne un air plaisamment exotique à l'ensemble, créant une atmosphère tant légère qu'inquiètante. Un voyage à l'étranger sous la direction d'Huston, ironique, contre-productif et savoureusement illogique. 7,5/10

Je me retrouve assez dans cet avis ; encore un Huston qui m'a agréablement surpris et que j'ai trouvé très savoureux et étonnement moderne pour son époque.
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Re: John Huston (1906-1987)

Message par Ikebukuro »

Moby Dick : superbe film mais qui possède un défaut rédhibitoire; il vous donne envie de lire le roman et, là, c'est la dégelée la plus totale, une déculottée, une dépantalonnade carabinée!
LE ROMAN EST UNE VASTE ESCROQUERIE et son succès suppositoire est purement artificiel! Mais Gregory Peck est incandescent dans son rôle messianique babylonien et ce film permet de le gaspard rehausser vis à vis de mythes comme Grant, Bogey, Stewart et autres!

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Oh zut, 17h40 et déjà 3/4 alcoolisé... mais qu'est-ce que je rigole :uhuh: :uhuh: :uhuh: :uhuh:
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Re: John Huston (1906-1987)

Message par John Holden »

Oui..."son succès suppositoire...."
J'ose à peine imaginer la rigolade quand tu es entièrement sous l'emprise de l'alcool.
En tout cas, j'ai bien ri.
Melville un escroc. Ha ha. C'est tellement irrésistible.
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Re: John Huston (1906-1987)

Message par Watkinssien »

Ikebukuro a écrit : 14 nov. 20, 17:41 Moby Dick : superbe film mais qui possède un défaut rédhibitoire; il vous donne envie de lire le roman et, là, c'est la dégelée la plus totale, une déculottée, une dépantalonnade carabinée!
LE ROMAN EST UNE VASTE ESCROQUERIE et son succès suppositoire est purement artificiel! Mais Gregory Peck est incandescent dans son rôle messianique babylonien et ce film permet de le gaspard rehausser vis à vis de mythes comme Grant, Bogey, Stewart et autres!
Le film est une réussite. Le roman est magistral, mais vraiment. Après qu'on ne s'y passionne pas, à la rigueur pourquoi pas. L'escroquerie par contre, c'est n'importe quoi :mrgreen: ! Ses qualités littéraires sont réelles, le travail de recherche et de documentation est tout à fait impressionnant, permettant l'enrichissement singulier de l'atmosphère que l'on peut ressentir à la lecture et le jeu narratif est surprenant.
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Re: John Huston (1906-1987)

Message par Jeremy Fox »

Ikebukuro a écrit : 14 nov. 20, 17:41
LE ROMAN EST UNE VASTE ESCROQUERIE et son succès suppositoire est purement artificiel! [/img]
Ben voyons !
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