La Mort aux Trousses (Alfred Hitchcock - 1959)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Thaddeus
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La Mort aux Trousses (Alfred Hitchcock - 1959)

Message par Thaddeus »

Rendez-vous compte qu’un aucun topic n’existait pour ce classique ultra-révéré et multi-analysé (ou alors j’ai la berlue).

Johnny Doe a écrit :North by Northwest

Revu après un avis mitigée il doit y avoir 3-4 ans. Apparement la vision d'autres films de Hitch n'a pas alteré mon jugement. Même si je lui reconnais un Cary Grant fantastique et pince sans rire, l'epoustouflante maîtrise Hitchcockienne, je trouve la seconde partie particulièrement lassante et plus d'une fois longuette. Enfin il y a plus d'un très bon moment, mais j'ai toujours beaucoup de mal avec ce Hitch. :?
Jordan White a écrit :C'est peut-être mon Hitchcock préféré ( je n'ai pas encore vu ses premiers films ). Je ne vois presque rien à en dire car il ne semble souffrir que de très rares défauts, et encore c'est pour pinailler. Le film regorge en plus de moments de bravoure tous plus fous les uns que les autres. Peut-être suis-je moins attiré par le charme de Eve Saint-Marie que par celui de Tippi Hedren, ou mieux celui de Kim Novak, mais ce film est une perle.
johell a écrit :Image
LA MORT AUX TROUSSES (North By Northwest) de Alfred Hitchcock (1959)

Le publiciste Roger Tornhill se retrouve par erreur dans la peau d'un espion. Pris entre une mystérieuse organisation qui cherche à le supprimer et la police qui le poursuit, Tornhill est dans une situation bien inconfortable. Il fuit à travers les Etats-Unis et part à la recherche d'une vérité qui se révèlera très surprenante.

Grand classique du cinéma par le Maître Alfred Hitchcock, LA MORT AUX TROUSSES a déjà plus de 50 ans d'âge et reste un spectacle toujours aussi excitant. Cary Grant est absolument parfait dans le rôle d'un homme que l'on prend pour quelqu'un d'autre... C'est le début d'une grande aventure riche en rebondissements. Hitchcock dévoile avec parcimonie les détails souvent surprenants de son histoire et captive son audience avec des fabuleuses séquences à suspense mais aussi de très belles scènes avec ses comédiens comme cette magnifique rencontre dans un train avec la séduisante Eva Marie Saint. Un spectacle formidable qui regorge également de gros morceaux de bravoure aujourd'hui encore très célèbres comme l'attaque de l'avion sans oublier le final au Mont Rushmore qui clôt brillamment une gigantesque et tonique course poursuite à travers les Etats-Unis. On a beau connaître le film par coeur, c'est toujours un plaisir de le voir et revoir, la maestria d'Hitchcock nous accroche de la première à la dernière image. Un pur régal de cinéma!
Nestor Almendros a écrit :Revu hier LA MORT AUX TROUSSES (1959).

Excellent exemple (peut-être le meilleur?) d'un scénario qui dynamise son récit par ses propres scènes, qui rebondit sur leurs contenus pour rajouter de la tension dans les suivantes, laissant la logique de côté pour se concentrer principalement sur la manipulation du spectateur (chère à Hitchcock) et le flot ininterrompu de séquences d'anthologie. Rarement on aura été aussi conquis par une histoire aux enjeux si obscurs mais aux mécanismes si implacables et efficaces. Hitchcock trouve peut-être ici la meilleure illustration de sa thématique préférée sur l'individu qui se retrouve seul dans un monde hostile, l'innoncent accusé à tort, le quidam pris pour un autre.
C'est aussi l'occasion pour Cary Grant de cabotiner comme il sait si bien le faire dans le registre de la comédie, le film est souvent très amusant, ajoutant des qualités à une histoire à suspense déjà réussie. Pour Eva Marie Saint, si l'on regrette d'abord que ce ne soit pas une Grace Kelly ou consors, plus glamour, ce choix de casting est finalement plutôt bien vu: c'est un personnage au sex-appeal évident mais qui reste froid, distant, pendant tout le film. Son physique un peu dur, moins lisse, apporte une certaine noirceur qui aurait certainement manqué à d'autres actrices plus attirantes.

Ce n'est pas mon Hitchcock préféré probablement parce que je le connais trop (trop souvent visionné) et que j'y suis moins surpris. (C'est pour cela que je dose drastiquement les visionnages de VERTIGO que je connais assez mal et dont je savoure chaque redécouverte). Mais LA MORT AUX TROUSSES reste un spectacle si parfait qu'on ne peut que l'admirer malgré tout. Et le master HD du blu-ray Warner renforce cet impact: image absolument parfaite, peu de grain, définition très bonne, belles couleurs (la robe rouge d'Eva Marie Saint). Pourvu que la future édition HD de VERTIGO soit de cet accabit.
Concernant les bonus (sans stf, bravo :? ) j'ai plutôt apprecié les 2 docs récents sur les analyses du film et du cinéma d'Hitchcock (bien qu'on ne parle que de la dizaine de films édités par Warner et pas des autres). Je déplore surtout un zoom des images 4/3 originales pour tenir dans un cadre 16/9: et qui dit zoom dit image floue, c'est assez désagréable sur la durée...
Alligator a écrit :North by Northwest (La mort aux trousses) (Alfred Hitchcock, 1959) :

http://alligatographe.blogspot.com/2011 ... hwest.html

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La mort aux trousses est un film merveilleux, avec plein d'étoiles pour mes yeux. Un de mes films préférés. Il s'avère souvent difficile de bien exprimer ce que l'on ressent pour un film aussi important de son panthéon mais je pourrais résumer en évoquant sa séduction : je suis tombé amoureux d'un beau film, hâbleur, élégant, bien gaulé et drôle.

Gardons-nous de faire accroire que toute cette beauté sophistiquée émane uniquement de Cary Grant. Certes, des qualificatifs énumérés, beaucoup se marient justement au bonhomme, mais le film a bien d'autres jolies courbes à faire valoir à mes yeux gourmands.

Mais restons sur Cary Grant et la distribution qui l'entoure : ils forment une équipe superbement performante. Ce n'est guère étonnant, Alfred Hitchcock ayant toujours su choisir ses comédiens avec soin. Cary Grant fait partie de ses acteurs favoris. Au moment d'aborder le tournage de "La mort aux trousses", il en sont déjà à 3 films ensemble. C'est un comédien particulier, capable de jouer le séducteur tout en faisant le clown, ce qu'il ne manque pas de faire ici. Aidé d'un physique dégingandé, sa stature lui donne des airs un peu gauches, charmants. En 1959, il a 55 ans et une incroyable carrière derrière lui. On sent d'ailleurs que sa filmographie et son expérience notamment dans la "screw-ball comedy" où l'assise des dialogues percutants confère aux acteurs une rapidité comique doublée d'une réjouissante assurance, lui permettent d'alterner les registres comiques, romantiques et aventureux avec une facilité plus que déconcertante. Je parlais de merveilleux tout à l'heure, en voilà un sacré exemple. Ce comédien est admirable de naturel tout en parvenant à conserver un œil rieur et espiègle très enfantin. Débordant de jeunesse, je ne crois pas que les gros plans plus ou moins floutés ou le haut degré de bronzage aient été vraiment nécessaires pour cacher son âge relativement élevé.

A ses côtés, Eva Marie Saint élabore un jeu plus direct, extrêmement féminin, de cette féminité qu'Hitchcock savait mieux que quiconque glorifier l'image, des poses un peu rigides en apparence, presque froides en parfait contraste avec des personnalités "calientes". La blonde glaciale cachant sous sa coiffure travaillée et ses tailleurs serrés un tempérament vorace, une sexualité de femme libérée qui fascinait tant sir Alfred. Eve Kendall n'est pas qu'un cœur à prendre.

La discussion au wagon-restaurant entre Roger Thornhill et elle est une des scènes les plus torrides qu'il m'ait été donné de voir. Elle garde cependant une forme extrêmement élégante et policée, sainte nitouche. Le jeu des regards, la délicatesse des gestes nous aspirent la salive, gloups. Toute en sous-entendus salaces, l'érotisme dans son acception la plus stricte, éclabousse l'écran, humecte les mots.

Pour bien construire son héros, le film se devait de lui mettre dans les pattes un méchant aussi classieux. Qui pouvait aussi bien relever ce défi que l'aristocratique James Mason? Avec sa voix mielleuse mais chargée de menaces, envoûtante, il propose un personnage crédible de "séductueur", énamouré capable de la pire vengeance, de la plus extrême froideur à l'heure de balancer sa nénette du haut des cieux.

Tout aussi glacial meurtrier que ne l'est le chef des espions, Leo G. Carroll avec ses lunettes en écailles et son air renfrogné, le comédien joue de son physique banal, un brin pépère, conventionnel, incarnant le papy qu'on imagine gâteau et sait faire preuve d'un tempérament sévère, voire injuste, ce qui a don de renforcer les liens du couple Thornhill/Kendall, tous seuls face au monde hostile, amoureux partout et contre tous.

Le scénario, à l'image des aventures qu'Hitchcock a souvent raconté dans le passé que ce soit sur "The lady vanishes" ou "The 39 steps", mêle la romance au film d'espionnage et développe un récit très dynamique évoluant sur le thème ô combien porteur de mouvements et d'action : le voyage. Le périple que subit Roger O. Thornhill est vieux comme "L'odyssée", il est mythologique. Il est si ancré dans le temps que le film semble se minéraliser peu à peu, dans la poussière jaune d'une campagne sèche et déserte jusqu'aux rochers blanchâtres et escarpés du Mont Rushmore en passant par le marron terreux de la statuette antique contenant les microfilms qui tiennent de McGuffin, ce fameux prétexte à la con dont tout le monde se fout sauf les personnages.

Ce film là est fabuleux parce qu'il tient debout et sautille crânement sur un autel à la gloire de l'Homme dans toute sa complexité, avec son animalité, sa sexualité, sa richesse d'émotions et de sensations. Cary Grant est à la fois Ulysse, Roméo et James Bond, peut-être même pourrait-on l'appeler Adam arrachant Eve au serpent?

Pour finir de m'assoter, Alfred Hitchcock concocte un spectacle visuel épatant. Le travail sur la photographie, les cadrages et les décors est tout simplement exceptionnel. Voir ce film en blu-ray est une expérience inoubliable. Les couleurs éclatent, la beauté des plans renverse. J'ai pris un pied pas possible!

Et puis cette mise en scène! Alfred Hitchcock est un type incroyable, tout bonnement génial : comment peut-on imaginer cette scène d'anthologie sur la route désertique, ce découpage de l'action, dans l'espace et dans le temps? Absolument divine, cette séquence est en soi une des plus belles scènes de cinéma.

Quand on voit comment Eva Marie Saint et Cary Grant se tournent autour, basculent, chavirent, se tenant plus par la tête que par les mains, bien mises en évidence pourtant, amoureux poings liés, dans cette autre scène admirable, dans une sorte de prélude tactile où ils se préparent à l'amour, l'émoi qui les bouleverse invite à parler, se dévorer du regard et des lèvres, tournoyer sans cesse, au rythme de la chamade qui les envahit, dans une danse enivrée qu'Hitchcock a déjà filmée dans "Notorious".

Dans des décors de matte-painting ou construits en studio, sur un somptueux Technicolor, les personnages courent de péril en péril, tenant les spectateurs en haleine. Le fameux suspense d'Hitchcock n'aboutit peut-être pas aux sommets que le maître a atteint par ailleurs, cependant l'altitude est très élevée.

La musique de Bernard Hermann, au style facilement identifiable, apporte en soutien plein d'originalité et de saveur à l'entreprise. Hermann est un de ces compositeurs dont les œuvres se suffisent à elles-mêmes. Vous pouvez écouter du Bernard Hermann indépendamment des films qu'il a mis en musique, néanmoins la bande qu'il propose ici se marie d'une manière très appropriée à l'histoire, ses enjeux, ses rebondissements et surtout les émotions par lesquelles les héros passent.

Voilà pourquoi je tombe à chaque visionnage en pâmoison, ravi, kidnappé, enfant nappé dans un coulis de bonbons à la fraise, enfant happé par un spectacle grandiose et profond. "La mort aux trousses", tu permets que je t'appelle "La mort"? "La mort", je t'aime.
Federico a écrit :
Alligator a écrit :North by Northwest (La mort aux trousses) (Alfred Hitchcock, 1959) :
La discussion au wagon-restaurant entre Roger Thornhill et elle est une des scènes les plus torrides qu'il m'ait été donné de voir. Elle garde cependant une forme extrêmement élégante et policée, sainte nitouche. Le jeu des regards, la délicatesse des gestes nous aspirent la salive, gloups. Toute en sous-entendus salaces, l'érotisme dans son acception la plus stricte, éclabousse l'écran, humecte les mots.
... et vide/remplit le verre de Grant au mépris de toute continuité. C'est dire si toute l'équipe (réalisateur, script, accessoiriste, monteur...) était troublée. :wink:
Alligator a écrit : Ce film là est fabuleux parce qu'il tient debout et sautille crânement sur un autel à la gloire de l'Homme dans toute sa complexité, avec son animalité, sa sexualité, sa richesse d'émotions et de sensations. Cary Grant est à la fois Ulysse, Roméo et James Bond, peut-être même pourrait-on l'appeler Adam arrachant Eve au serpent ?
J'isole ce bout de phrase juste pour sauter sur le fait que ce film est parsemé de circonstances aussi improbables qu'absurdes et irréalistes mais - par le génie d'Hitchcock - reste un festival incomparable, une leçon à la fois de ce qu'il ne faudrait jamais faire dans les détails et de ce qu'il faudrait parvenir à égaler pour le tout. Et si ce jeu enfantin passe, même avec le spectateur le plus pointilleux ou cartésien, c'est aussi en partie grâce à Cary Grant qui a gardé ce côté d'éternel grand gamin (aspect renforcé dans les séquences où il est question de sa môman).
Alligator a écrit : Pour finir de m'assoter, Alfred Hitchcock concocte un spectacle visuel épatant. Le travail sur la photographie, les cadrages et les décors est tout simplement exceptionnel. Voir ce film en blu-ray est une expérience inoubliable. Les couleurs éclatent, la beauté des plans renverse. J'ai pris un pied pas possible!
Et puis cette mise en scène! Alfred Hitchcock est un type incroyable, tout bonnement génial : comment peut-on imaginer cette scène d'anthologie sur la route désertique, ce découpage de l'action, dans l'espace et dans le temps? Absolument divine, cette séquence est en soi une des plus belles scènes de cinéma.
Oui, c'est le grand panard. Et récemment à la radio, j'ai été ravi d'entendre je ne sais plus qui évoquer le plan qui pour moi est le summum de cette séquence d'anthologie : juste après l'explosion du camion, quand on voit, filmés en légère contre-plongée, la rangée des spectateurs de l'accident. Une composition picturale (que le très graphiste Hitchcock a peut-être d'ailleurs empruntée à un tableau) et qui donne tort au Fritz Lang Méprisant le Cinémascope.
semmelweis a écrit :J'ai eu l'occasion de faire découvrir North by Northwest à ma copine.Si je devais dire une chose sur ce métrage ,c'est à quel point Hitchcock a un style d'une fluidité impressionnante.Au fond ,je crois que c'est ce qui caracterise l'oeuvre hitchcockienne,tous ses films me paraissent accessibles.En effet, durant la scène de l'avion ou du mont Rushmore,j'ai l'impression d'imaginer le metteur en scène avoir refléchi murement ces plans à l'avance.Hitchcock est accessible au plus grand monde à mes yeux car il est celui qui a introduit une certaine modernité dans le cinéma mondial.A l'image d'un Kubrick, tout le monde a été influencé par Hitch.Pourquoi?Peut etre parce que sa mise en scène va à l'essentiel, qu'elle prend le chemin de la simplicité comme un enfant qui déssinerait son premier storyboard.C'est sans doute stupide et prétentieux ce que je raconte.Mais cela m'a sauté aux yeux lors de cette revision.North by northwest contient tous les ingrédients des films d'aventure des 50 dernières années mais transcendés pour en faire un pur régal.Cary Grant est somptueux en grand enfant (les scènes avec sa mère sont très droles),James mason inquiétant en méchant.Je ne peux empecher de faire un parallèle avec les premiers James Bond (que je suis en train de revoir) et aussi dans les Indy.Hicth a crée le film d'action actuel avant les autres.Tout Hollywood devrait lui etre reconnaissant.
Meme si Vertigo et Psycho me touchent plus , je ne peux que saluer le plaisr que m'a procuré Hicthcock.Et si je ne partage pas nécessairement les memes obsessions que le maitre du suspense,j'ai l'impression d'apprendre milles choses sur la mise en scène en voyant ses films.On ne peut nier que Hitchcock est entré dans l'inconscient du cinéma mondial, à l'image d'un Kubrick, d'un Bergman ou d'un Kurosawa.Une revision superbe avec un Blu ray qui l'est tout autant.
allen john a écrit :North by Northwest (Alfred Hitchcock, 1959)

Shakespeare, dans Hamlet (Acte II, sc. II) nous gratifie d'une allusion à Hitchcock: Hamlet définit sa folie par la désorientation géographique, I am but mad north-northwest. Le barde avait nécessairement vu le film, ou alors cette introduction absurde n'est ici que pour souligner à quel point il est vain de vouloir à tout prix renvoyer à Shakespeare lorsqu'on a Hitchcock entre les mains. Et si effectivement le titre etait une allusion consciente à Hamlet, quelle importance, réellement? North by northwest est sans doute, pour reprendre la formule chère à Hitchcock, d'abord et avant tout une "tranche de gateau", un film, à consommer avec plaisir. Et peut-être un peu plus, aussi.... Un opéra de celluloid dans sa forme la plus parfaite, la plus classique.
Profondo Rosso a écrit :La Mort aux trousses (1959)

Le publiciste Roger Thornhill se retrouve par erreur dans la peau d'un espion. Pris entre une mystérieuse organisation qui cherche à le supprimer et la police qui le poursuit, Thornhill est dans une situation bien inconfortable. Il fuit à travers les Etats-Unis et part à la recherche d'une vérité qui se révèlera très surprenante.

Après l'échec commercial de Vertigo (1958) et avant de faire sa révolution avec le glaçant Psychose (1960), Alfred Hitchcock s'offrait avec North by Northwest à la fois un condensé et une apogée du thriller "hitchcockien" tel qu'il avait contribué à le définir. Tout le projet naît d'ailleurs de cette idée de livrer le Hitchcock ultime et définitif, le réalisateur collaborant au départ avec le scénariste Ernest Lehman sur une adaptation du roman de Hammond Innes The Wreck of the Mary Deare (finalement réalisé par Michael Anderson avec Gary Cooper sous le titre Cargaison dangereuse en vf). Lehman peu inspiré avoue à Hitchcock qu'il piétine sur le script mais ce dernier satisfait de leur travail en commun lui propose de travailler sur une autre histoire à l'insu de la MGM à laquelle ils proposeront le nouveau scénario entamé. Lehman a ainsi l'ambition de signer "the Hitchcock picture to end all Hitchcock pictures". Plutôt qu'un script classique, Lehman doit au départ broder son intrigue autour de morceaux de bravoure rêvé d'Hitchcock vers laquelle la future intrigue devra mener, une approche moderne qui fera des émules (les 2 premiers Indiana Jones se sont fait de la même manière). On trouvera tout d'abord l'idée d'un meurtre commis aux Nations Unies et le fameux final sur le Mont Rushmore auxquels s'ajoutera le périlleux rendez-vous en rase campagne où le héros sera pourchassé par un avion. Sur ses bases Lehman écrira une brillante histoire d'espionnage qui constitue un digest parfait de grande réussites Hitchcockienne passée : l'innocent accusé à tort pourchassé et cherchant à prouver son innocence (Les 39 Marches, Le Faux coupable, La Loi du silence et bien d'autres...), l'espionne fragile plongée dans la fosse aux lions (Les Enchaînés), sans parler des péripéties renvoyant à des œuvres antérieures (l'alternance suspense/séduction dans le train façon Une femme disparait, le découpage du vertigineux final renvoyant autant à Vertigo qu'à La Cinquième colonne entre autres).

Tout cela tournerait au vide auto référentiel si ces personnages et situations archétypaux du Maître du Suspense n'étaient si brillamment incarnés. Cary Grant en quidam plongé dans la tourmente est absolument parfait de charme, d'aisance et de bagout avec cette maturité en plus estompant son côté clownesque et en faisant un solide héros d'action (Ian Fleming pensait à lui en créant le personnage de James Bond -la série devant énormément à La Mort aux trousses au passage- et lui proposera même le rôle que Grant refusera car s'estimant trop vieux). Suave et menaçant, James Mason en dépit d'une présence espacée est un méchant mémorable formidablement secondé de Martin Landau, bras armé glacial et possiblement amoureux de son patron comme le suggérera subtilement un dialogue. Quant à Hitchcock, il allie l'assurance du vieux briscard sûr de sa force et de ses effets avec la fraîcheur des premières fois. Le sens du rythme est bluffant (Les 39 marches la frénésie en moins, voir l'a longue attente lourde de menace avant l'attaque d'avion) avec un montage percutant mettant bien en valeur une intrigue rebondissant avec inventivité d'une situation, d'un cadre à un autre et faisant ainsi ressentir cette écriture faite autour de moments forts tout en parvenant toujours à les justifier et à les rendre impliquant émotionnellement.

Ce miracle s'accomplit grandement grâce au personnage d'Eva Marie Saint, pivot émotionnel du récit. Hitchcock en fait une de ses blondes glaciales et séductrices typique lors de l'échange dans le train, les dialogues à double sens, les regards provocants et assurés laissent place à des scènes à l'élégante sensualité où la complicité avec Grant est palpable (tout en laissant une délicieuse ambiguïté sur la nature de la nuit commune pour l'encombrant Code Hays). Cette froideur calculée s'effrite progressivement grâce à la prestation subtile de l'actrice où un geste, une moue ou un regard trahira la duplicité, le regret et les sentiments naissants (les retrouvailles dans la chambre d'hôtel, la scène de vente aux enchères). La figure de la blonde séductrice devient ainsi peu à peu incarnée et poignante dans son destin cruel (révélé par un brillant rebondissement), le personnage reflétant en fait le film entier. L'horlogerie suisse à suspense savamment calculée devient une histoire d'amour aussi belle que celle des Enchaînés, le fugitif Cary Grant ne cavale plus seulement pour nourrir le simple plaisir de la péripétie et l'haletante séquence du Mont Rushmore ne s'admire pas seulement pour sa virtuosité (maîtrise du matte painting, découpage au cordeau, décor studio impressionnant) mais parce que l'on vibre pour les personnages. Hitchcock l'a bien compris, ne s'embarrassant pas d'explications et d'un épilogue superflu pour seulement réunir son couple par une merveille d'ellipse finale et une ultime provocation avec cet ultime plan train s'engouffrant dans un tunnel dont le sens n'aura échappé à personne. Après nous avoir offert son thriller classique définitif, le Maître de Suspense allait pouvoir nous secouer dans une approche plus novatrice avec le plus rugueux Psychose. 6/6
Jeremy Fox a écrit :La Mort aux trousses (North by Northwest) - 1959

Revu hier soir pour la n-ième fois, cette fois en salle au travers sa dernière restauration 4K. Pas grand chose à ajouter avec tout ce qui a déjà été dit ici et là. C'est effectivement un modèle de mise en scène, de découpage, Eva-Marie Saint est magnifique, Cary Grant égal à lui-même, James Mason impérial, les séquences d'anthologie se succèdent, ma préférence allant toujours à cette longue scène à mi-film dans le train entre New York et Chicago, mélange de suspense et de sensualité le tout saupoudré d'énormément d'humour. Parmi les petits points négatifs, quelques plans en studio moyennement raccords et j'ai à une ou deux reprises été gêné par l'utilisation de la musique, ayant trouvé que dans certaines séquences mouvementées elle était vraiment assourdissante et pas nécessairement en correspondance avec les images ; mais dans l'ensemble il s'agit bien évidemment d'une grande partition de Bernard Herrmann. Bref, arrêtons de chipoter : du grand cinéma.
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Thaddeus
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Re: La Mort aux Trousses (Alfred Hitchcock - 1959)

Message par Thaddeus »

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La quintessence hitchcockienne


Roger Thornhill ou le touriste malgré lui. Dans La Mort aux Trousses, l'Anglais Hitchcock flatte narquoisement le goût si américain du superlatif. On visite l'Hôtel Plaza et le siège des Nations Unies ; on prend le "Twentieth Century" qui menait de New York à Chicago ; on admire le saisissant contraste entre la verticalité monumentale du Mont Rushmore et la platitude poudreuse de la route d'Indianapolis. On jouit du privilège de pénétrer dans la réplique d’un ouvrage célèbre de l'architecture contemporaine : la maison sur la cascade de Frank Lloyd Wright. On entre aussi dans un tunnel avec pour Madone des sleepings l’une des plus belles et enivrantes blondes hitchcockiennes, Eva Marie Saint, en l'honneur de qui semble avoir été inventée la métaphore pétrarquiste du feu qui brûle sous la glace. À travers le parcours géographique du héros, le film s’offre comme une superbe déclaration d'amour à l'Amérique, celle du Midwest, des cafétérias et des diners, des aéroports et des halls d'hôtels désuets. Comme l’indiquent le générique fléché de Saul Bass et le titre original emprunté à Hamlet, il s’agit d’un film-grille fait pour déchiffrer le pays-continent. Mais également d’une œuvre née de la Guerre froide au moment où s'amorce la Détente ; aussi le conflit idéologique y est-il montré sous un jour légèrement moqueur mais tout à fait crédible. Tandis qu'on tremble d'être protégé par les siens, ni tendres ni efficaces, l'ennemi, cinquième colonne fondue dans les tweeds et les alcools de l'establishment, ne manque pas d'allure : c’est James Mason, port distingué et charisme machiavélique, dont l’âme damnée a les traits inquiétants de Martin Landau, et qui offre au proverbial antagoniste hitchcockien son sens naturel des nuances et des ambigüités. Or, selon la maxime du gros Alfred, plus le méchant est réussi, plus le divertissement est bon. La Mort aux Trousses est mieux que bon : c’est l’un des films les plus parfaitement écrits et réalisés jamais conçus.


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L’argument est ludique comme un coup de dés. L’espace d’une seconde, un publiciste chaperonné par sa Gertrude oublie que celle-ci est invitée à une partie de bridge. Conséquence : l’équilibre des forces internationales se trouve bouleversé en fonction d’un imperturbable enchaînement de cause à effet, d’une nouvelle logique de multiplication. À la suite d’un malentendu, Roger Thornill perd en effet son identité — d’ailleurs toute relative : ne dit-il pas lui-même qu’il n’existe pas (le "O" de R.O.T.) ? Sa façon de chiper un taxi, grâce à un faux prétexte, le mène droit au péril et le contraint à sauter de véhicule en véhicule pour s’en approcher encore davantage. En devenant George Kaplan, être fictif créé par une organisation occulte parce qu’il est nécessaire à ses desseins, il va apprendre à ses dépens le rôle assigné à cet homme, et qu’il est chargé derechef d’interpréter. Tout l’enjeu du film réside précisément dans la reconquête par le personnage de la maîtrise de son destin, dans sa lutte à ne plus se réduire à une pâte malléable en équilibre, ou en déséquilibre, avec des masses et des volumes. Lui dont le métier consiste cyniquement à mentir et à faire tricher les semblants est forcé d’examiner la question du réel et la croyance qui l’accompagne. Il va devoir se battre pour le plus inaliénable des droits, à savoir être reconnu comme celui qu’il n’a jamais cessé d’être, Roger Thornhill. Sa trajectoire se déroule au cœur d’un univers totalement stratifié : mots de passe, intermédiaires (secrétaires, serveurs, contrôleurs, guichetiers), autorisations en tous genres, langages à double sens... Hitchcock fait un usage politique du genre. Tout agent secret qui se respecte sait bien que la meilleure façon de passer inaperçu est de se cacher au vu et au su de tous. Seule une société du contrôle qui a suffisamment stabilisé ses usages et ses codes peut accoucher de l’espionnage. Vandamm n’est pas pour rien le plus civilisé des hommes, ni Eve Kandall une parfaite femme du monde, douée d’une connaissance infaillible de ce qui se fait ou ne se fait pas, de la règle et du jeu et de ce qu’elle rend possible.

Rendu là, inutile de préciser que l’œuvre témoigne d’une puissance d’abstraction et d’une richesse théorique à peu près infinies. La Mort aux Trousses est pourtant dénué des torsions souterraines de Vertigo, c’est un film lumineux et lisse comme une carte postale. Calculs, fausses pistes, malentendus, coups de théâtre, manipulations, tromperies, quiproquos, méprises ont beau se succéder, tout est soumis à l’empire de la transparence. Le récit dessine une ligne droite, un sprint permanent, tout au long d’une route fortement balisée : de la Mère castratrice (beaucoup plus drôle que dans Psychose) à l’assimilation finale au Père (les grands visages de l’Amérique), Thornhill accomplit avec brio son voyage œdipien. New-York-Chicago, puis Chicago-New York, comme retour à la maison, mais avec Eve dans les bagages. Extrêmement rigoureux, le scénario éreinte les possibilités psychanalytiques au-delà des espérances, et montre à quel point les personnages se distribuent sur tout l’axe figuratif : le Père, c’est à la fois l’Absent, Townsend, Vandamm, le Professeur, Kaplan, Washington. Il se déplace en permanence parce qu’il est partout comme une instance omnisciente qui passe d’avatar en avatar pour surveiller le trajet de ce grand gamin de Roger. Le texte freudien étend ses rets dans tous les recoins pour que chaque motif s’insère dans le système symbolique. Le vertige de cet épuisement, qui est le fantasme de tout analyste, trouve ici un objet clôturé, parfaitement adapté à ce verrouillage. Comment voir le film sans suivre pas à pas le circuit à la manière d’une visite guidée ? Comment perdre le Nord et faire zigzaguer les plans selon le sens insensé du "north by northwest" (le northwest, c’est ça : l’image débloquée) ?


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Peut-être en se fixant sur des détails obsessionnels qui accrochent le regard et éclipsent la fiction impeccablement huilée de La Mort aux Trousses. Par exemple un policier qui, sans raison apparente, trace une ligne blanche sur le sol. Le sujet plastique inverse alors le sujet dramatique : non pas la constitution d’un couple ni la sortie de l’Œdipe, mais la disparition sous toutes ses formes. Les variations sur ce thème défilent à toute allure : camouflage (lunettes noires à Grand Central, casquettes rouges à Chicago), évanouissement (scène du guichet à la gare), effacement (taches d’alcool sur le divan). Hitchcock dessine une espace taillé beaucoup trop grand où l’homme devient imperceptible, quand il n’est pas carrément intégré au décor. Lorsque Thornhill sort du car en rase campagne, un plan d’ensemble le fond dans le paysage. En grand formaliste, le réalisateur met en jeu une figure et un fond dans une composition à visée esthétique. Il combine les phases et les rythmes, bâtit une trame arithmétique où le poursuivi est en même temps poursuivant, où l’effet se confond avec la cause. Cette construction ne débouche en rien sur un cercle vicieux mais sur le mouvement perpétuel : la loi même du progrès. Ainsi Thornill, fuyant la police, poursuit Kaplan ; Kaplan est supposé suivre Vandamm, lequel se met en devoir de suivre Thornill ; Vandamm suit Eve, qui s’en va séduire Thornill ; le F.B.I. suit Thornill, qui poursuit Eve de ses avances ; celle-ci, qui appartient au F.B.I., surveille Vandamm, qui recherche Kaplan. À tous les niveaux, le film tend à l’axiome géométrique. Les matières utilisées sont le verre (baies vitrées de la cafétéria, palais de glaces de Vandamm), la roche (celle du Mont Rushmore) et la poussière (nuages projetés par le camion, sulfate pulvérisé par l’avion, qui font remonter la blancheur à la surface matricielle de l’écran). New York dicte la loi du film : labyrinthe de signes et sillons tortueux de stéréotypes aptes à construire la plus solide des architectures. Les lignes se disséminent discrètement (le bâtiment de l’ONU, le train, les arbres lors des retrouvailles de Roger et Eve). Et les personnages sont des mobiles lancés dans l’espace à grande vitesse (destination finale : Rapid City).

Reste Kaplan. Bien sûr, il n’existe pas. Hitchcock lui accorde pourtant un traitement de choix. Une case vide, certes, mais qu’il occupe comme un roi. Par trois fois, le cinéaste met en place des chaises vacantes, dressant une absence tellement obsédante que les autres sont pris dans sa force d’attraction. Qui est absent ? Ces chaises témoignent de la volonté du réalisateur de conserver une place pour le spectateur de la fiction ou, aussi bien, du désir de figurer malgré tout Kaplan. Lorsque Thornhill ivre, roulant des yeux comme Chaplin, s’aperçoit que sa voiture patine au-dessus du précipice, la plongée sur la falaise offre en amorce l’image d’une roue qui tourne avec frénésie. Mise en abîme du film : le dispositif montre sa bobine. Le suspense se joue aussi dans l'utilisation du point de vue, et il suffit d’étudier la légendaire séquence de l'embuscade en plein désert pour s'en rendre compte. Exploitant avec une virtuosité magistrale les potentialités des étendues ouvertes et de la lumière aveuglante (généralement antithétiques à la menace), Hitchcock fait briller comme jamais sa science du découpage. Il n’adopte pas une seule fois la perspective de l'avion, qui n'est montré que comme un monstre sans tête. Le pilote reste invisible pendant toute la séquence. Plus tard, lorsque Thornhill s'enfuit de sa chambre d'hôpital, la scène est filmée en un panoramique unique qui le saisit en train de sortir par la fenêtre, longer la corniche puis rentrer dans une autre chambre. Hitchcock refuse d’embrasser la vision du haut de l'immeuble, s'interdit toute image de la rue en profondeur, car filmer dès cet instant la sensation du vide consisterait à gaspiller les effets dramatiques de la scène finale. Rarement a-t-on vu un réalisateur jouer avec une telle maîtrise de la syntaxe du cinéma, ni témoigner d’une conscience aussi totale des touches qu’il active et des procédés qu’il emploie. Où et bien regarder, telle pourrait être une des leçons à tirer de La Mort aux Trousses.


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Pour Hitchcock, la mise en scène a tous les droits. Elle ne consiste pas à remplir l'écran mais à savoir comment percevoir ce qu'on met dans un plan. Cary Grant fixe imperturbablement l'avion qui fonce droit dans sa direction jusqu'au déclic, drôle et angoissant, où son regard pressent en même temps que le nôtre la nature du danger. Eve, grâce à un coup d’œil jeté distraitement sur un tapis, reconnaît la boîte d'allumettes et comprend du même coup que Roger est dans la pièce. La poésie de l’insert s’instrumentalise, se met au service du récit. L’image devient élément d’information, et le cheminement intellectuel du personnage rejoint celui du spectateur : ce qui se joue ici, c’est une intelligence en marche, mue par le sentiment qui lie deux êtres. Un vrai secret d’amoureux devient un moyen de communication mentale, presque télépathique, et les rapproche au sein d’un monde hostile et double. En découvrant avec Thornhill les initiales gravées dans le morceau de tissu, un temps d’arrêt est nécessaire pour relier ces trois lettres à une scène située au moins une heure plus tôt. Tout ce qui semble relever du détail gratuit est essentiel, et tout ce qui paraît fondamental (la statuette bourrée de microfilms) est en réalité sans importance. Chaque élément renvoie à l’admirable harmonie de l’ensemble. Vertigo ressemblait à un long soupir désespéré ; La Mort aux Trousses, tourné juste après, à une longue respiration. L’un, sublime mélodrame noir, tirait vers la mort ; l’autre, son reflet solaire, entraîne dans la vie, faite d’imprévus comme autant de merveilleux hasards, ceux qui rapprochent toujours les êtres qui s’aiment. Derrière les apparences grisantes d’un road movie palpitant, et sans jamais nuire au plaisir immense que la (re)découverte du film procure au premier degré, Hitchcock offre ainsi, à ceux qui veulent le voir, une réflexion métaphysique sur l’existence. Pour sceller leur union, Roger et Eve doivent vaincre des épreuves, déjouer des pièges, risquer leur vie et se mentir l’un à l’autre comme aux uns et aux autres. L’amour est à ce prix : une initiation commune et tourmentée, mais que le cinéaste traduit dans une allégresse constante, avec la légèreté d’une plume, et en recourant à toutes les séductions. D’où le dernier plan, clair comme de l’eau de roche, qui se réfère à l’ordre privilégié de l’expression où l’on peut reconnaître la relation de la sexualité et du langage : le mot d’esprit. C’est bien cette fausse désinvolture, cette intarissable prodigalité narrative et thématique qui expliquent la longévité du film auprès des spectateurs depuis sa sortie. Que coure à perdre haleine Cary Grant, dont la prestation ironique, aussi difficile à formaliser qu’aisée à dénoter, trouve la jonction idéale entre gratuité du jeu et gravité de l’enjeu ! Que retentisse toujours le fandango syncopé de Bernard Herrmann sur les gratte-ciels de Manhattan ! La Mort aux Trousses demeure l’exemple le plus achevé de ce "cinéma pur" tel que le définissait lui-même Hitchcock, et l’une de ces grandes œuvres d’apprentissage ouvrant la porte à la compréhension sensible d’un art.


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Watkinssien
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Re: La Mort aux Trousses (Alfred Hitchcock - 1959)

Message par Watkinssien »

Une oeuvre majeure !

Il y aurait tant à dire que forcément mon message sera limité.
Tout dans le film est parfait, en premier lieu le scénario.
Si le scénario arrive a être aussi formidable, c'est grâce au génie de la mise en scène de Hitchcock. En effet, rarement un film a donné l'occasion aux spectateurs de se "projeter" dans l'écran, et ce de la plus élégante et captivante des façons. Nous avons un héros (Cary Grant, dans le meilleur de ses meilleurs rôles) alias Roger O. Thornill qui se fait confondre avec un certain Kaplan. Or on saura assez vite que Kaplan est un leurre, un piège pour capturer des espions sans scrupules. Le spectateur s'identifie fortement à son héros, car nous avons pour lui toute la sympathie. En s'identifiant, nous "vivons" alors tous ses faits et gestes, et nous "cherchons" un moyen de s'en sortir. Lorsque Thornhill se fait passer délibérément pour Kaplan, Hitchcock jubile de montrer que l'histoire avance grâce à un personnage qui n'existe pas à l'origine et qui prend forme cinématographiquement, afin de créer un deuxième film dans le film, avec l'arrivée de la femme "fatale" (Eva Marie Saint à croquer), les guet-apens divers (la séquence d'anthologie de l'avion), et surtout les grands thèmes hitchcockiens (innocence/culpabilité, identité recherchée, érotisme, injustice, psychanalyse).

On enlève une séquence et c'est tout le film qui s'écroule.

North by Northwest, par sa construction éblouissante, par sa mise en abîme extraordinaire, par la remarquable musique d'un des plus grands compositeurs de l'histoire du cinéma, par sa mise en scène virtuose, aussi à l'aise dans les séquences intimistes (impeccablement réalisées), que dans les morceaux de bravoure splendides, est une oeuvre monumentale de bout en bout.
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Commissaire Juve
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Re: La Mort aux Trousses (Alfred Hitchcock - 1959)

Message par Commissaire Juve »

Thaddeus a écrit :.... tout est soumis à l’empire de la transparence.
Des "transparences", oui. :twisted: :mrgreen:
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Re: La Mort aux Trousses (Alfred Hitchcock - 1959)

Message par Alexandre Angel »

Commissaire Juve a écrit :Des "transparences", oui.
Alors ça... comment dire...ça....c'est d'une mesquinerie....d'une outrecuidance...d'un irrespect....dépassant tout entendement
Non, vraiment, vous chiez dans mes bottes Monsieur :( :mrgreen: au cas où y aurait ambiguité
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Commissaire Juve
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Re: La Mort aux Trousses (Alfred Hitchcock - 1959)

Message par Commissaire Juve »

Alexandre Angel a écrit :... vous chiez dans mes bottes Monsieur :( :mrgreen:
:lol: Quel fumet !
La vie de l'Homme oscille comme un pendule entre la douleur et l'ennui...
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Re: La Mort aux Trousses (Alfred Hitchcock - 1959)

Message par Johnny Doe »

Johnny Doe a écrit :North by Northwest

Revu après un avis mitigée il doit y avoir 3-4 ans. Apparement la vision d'autres films de Hitch n'a pas alteré mon jugement. Même si je lui reconnais un Cary Grant fantastique et pince sans rire, l'epoustouflante maîtrise Hitchcockienne, je trouve la seconde partie particulièrement lassante et plus d'une fois longuette. Enfin il y a plus d'un très bon moment, mais j'ai toujours beaucoup de mal avec ce Hitch. :?
Ouh la vieille critique... Bon, je crois que j'ai retenté l'expérience entre temps (la critique doit dater de 2003-2004), mais il fait toujours partie de ces Hitch qui me laissent complètement froid. Mais comme d'autres (Rear Window, The Man Who Knew Too Much, Marnie) j'ai très envie de retenter. D'ailleurs il n'y a pas si longtemps, j'aurais aussi cité Vertigo dans les grands Hitch qui m'ennuient ferme. Alors bon, après ma revision cette année, ça reste assez loin de mes favoris du maître, mais ça m'a quand même touché et fasciné (et un peu emmerdé aussi, on se refait pas).
- Errm. Do you want to put another meeting in?
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Re: La Mort aux Trousses (Alfred Hitchcock - 1959)

Message par bronski »

Johnny Doe a écrit :
Johnny Doe a écrit :North by Northwest

Revu après un avis mitigée il doit y avoir 3-4 ans. Apparement la vision d'autres films de Hitch n'a pas alteré mon jugement. Même si je lui reconnais un Cary Grant fantastique et pince sans rire, l'epoustouflante maîtrise Hitchcockienne, je trouve la seconde partie particulièrement lassante et plus d'une fois longuette. Enfin il y a plus d'un très bon moment, mais j'ai toujours beaucoup de mal avec ce Hitch. :?
Ouh la vieille critique... Bon, je crois que j'ai retenté l'expérience entre temps (la critique doit dater de 2003-2004), mais il fait toujours partie de ces Hitch qui me laissent complètement froid. Mais comme d'autres (Rear Window, The Man Who Knew Too Much, Marnie) j'ai très envie de retenter. D'ailleurs il n'y a pas si longtemps, j'aurais aussi cité Vertigo dans les grands Hitch qui m'ennuient ferme. Alors bon, après ma revision cette année, ça reste assez loin de mes favoris du maître, mais ça m'a quand même touché et fasciné (et un peu emmerdé aussi, on se refait pas).
Vertigo me laisse assez froid, j'ai l'impression que c'est trop parfait, une œuvre policée... alors que dans ce Mort aux trousses la perfection semble naturelle et couler de source. Un des rares Hitch à me toucher vraiment (avec Rear Window).
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Re: La Mort aux Trousses (Alfred Hitchcock - 1959)

Message par AtCloseRange »

La Mort aux Trousses, c'est le cinéma.
Basta.
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Demi-Lune
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Re: La Mort aux Trousses (Alfred Hitchcock - 1959)

Message par Demi-Lune »

AtCloseRange a écrit :La Mort aux Trousses, c'est le cinéma.
Basta.
J'aime quand tu parles comme ça.

T'es de nouveau mon copain ? :mrgreen:
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Re: La Mort aux Trousses (Alfred Hitchcock - 1959)

Message par ValentinG »

Bonsoir à tous,

J'ai une question assez précise concernant ce film. Après plusieurs recherches je ne suis pas parvenu à y répondre.
J'aimerais savoir ce que signifie les lettres "PUT", situées sur un panneau indicateur, lors de la séquence dans laquelle Thornhill se fait attaquer par un avion sulfateur. (le moment dans lequel l'avion fait face à Thornhill lors de la 1ère attaque.)
Merci d'avance de votre réponse :D
ValentinG
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Re: La Mort aux Trousses (Alfred Hitchcock - 1959)

Message par ValentinG »

Je n'ai pas réussi à joindre l'image mais on remarque les lettres sur le panneau à 19 secondes sur la vidéo ci-dessous.

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Watkinssien
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Re: La Mort aux Trousses (Alfred Hitchcock - 1959)

Message par Watkinssien »

Cela désigne généralement un endroit où on dépose les choses (poubelles, livraisons, etc...).
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ValentinG
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Re: La Mort aux Trousses (Alfred Hitchcock - 1959)

Message par ValentinG »

Quel serait le rapport avec la scène ?
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Watkinssien
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Re: La Mort aux Trousses (Alfred Hitchcock - 1959)

Message par Watkinssien »

ValentinG a écrit :Quel serait le rapport avec la scène ?
On pourrait interpréter que cela désigne un endroit qui semble toujours invisible, loin, malgré toute indication et cela renforce encore plus la dangerosité de la situation. De plus, le panneau désigne, dans son placement dans le cadre, le nord-ouest.
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