Satyajit Ray (1921-1992)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Demi-Lune
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Re: Satyajit Ray (1921-1992)

Message par Demi-Lune »

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Je rejoins bruce sur la qualité du moyen-métrage Délivrance (1981). C'est l'adaptation d'une nouvelle (de Munshi Premchand, que Ray a déjà adapté avec Les joueurs d'échec) et cela se sent dans la gestion narrative : tout est concis, sans que cela n'affecte la présentation des personnages et leur évolution. Typiquement le genre de pitch très simple sur le papier (un intouchable requiert les bonnes faveurs du brahmane du village pour les fiançailles de sa fille, et doit s'épuiser sur toutes sortes de tâches pour ce faire), mais qui pourrait vite devenir emmerdant à l'écran. Il n'en est rien grâce au métier de Satyajit Ray, qui transcende cette histoire qui tient en trois lignes en quelque chose de puissant et métaphysique. Ray avait déjà montré l'Inde rurale auparavant, mais là c'est quand même expurgé de tout néoréalisme poétique, et c'est une parabole qui en dit long sur le système des castes, jusque dans un village reculé. 50 minutes marquantes.

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Le moyen-métrage documentaire Sikkim (1971) offre en revanche un intérêt beaucoup plus limité en matière de Cinéma. De belles images de l'Himalaya, de ce royaume et de son folklore, mais tout ça reste très informatif et gnangnan. J'ai réussi à trouver le temps long. La copie fatiguée et délavée n'aide pas à profiter du voyage.
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Kevin95
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Re: Satyajit Ray (1921-1992)

Message par Kevin95 »

LA DÉESSE / Devi - Satyajit Ray (1960) découverte

Satyajit Ray taloche la religion et ses fanatiques à travers cette histoire d'un vrai-faux miracle, d'un père dévoué à ses croyances, d'un fils sceptique et d'une fille devenue malgré elle, déesse aux pouvoirs extra-ordinaires. La famille craque, le doute s’installe, on est pas loin de devenir fou quand la fille perd, elle aussi, la raison et semble croire à son statut divin. La fin est déchirante, rien de bon ne peut sortir de tout cela et un personnage martyr va en faire les frais. Mise en scène superbe, décors écrasants et lumière divine (ah ah ah) rendent les gros plans hypnotisant. Ray fait un peu poiroter son auditoire, se complait parfois un peu trop dans la splendeur de ses images et la lenteur de son intrigue, mais le film trouve - via sa conclusion noire - son chemin et marque par son refus du mysticisme à la demande.
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Jeremy Fox
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Message par Jeremy Fox »

Kevin95 a écrit :LA DÉESSE / Devi - Satyajit Ray (1960) découverte

Satyajit Ray taloche la religion et ses fanatiques à travers cette histoire d'un vrai-faux miracle, d'un père dévoué à ses croyances, d'un fils sceptique et d'une fille devenue malgré elle, déesse aux pouvoirs extra-ordinaires. La famille craque, le doute s’installe, on est pas loin de devenir fou quand la fille perd, elle aussi, la raison et semble croire à son statut divin. La fin est déchirante, rien de bon ne peut sortir de tout cela et un personnage martyr va en faire les frais. Mise en scène superbe, décors écrasants et lumière divine (ah ah ah) rendent les gros plans hypnotisant. Ray fait un peu poiroter son auditoire, se complait parfois un peu trop dans la splendeur de ses images et la lenteur de son intrigue, mais le film trouve - via sa conclusion noire - son chemin et marque par son refus du mysticisme à la demande.
8) Encore un de mes coups de cœur du cinéaste.
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Kevin95
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Message par Kevin95 »

LE HÉROS / Nayak - Satyajit Ray (1966) découverte

Grosse influence du cinéma européen des 60's, de certaines coupes de montage godardiennes à un spleen moderne très Federico Fellini (La dolce vita et Otto e mezzo / Huit et demi sont ouvertement cités). Un acteur imbu de sa personne va pour recevoir un prix et dans le train qui le mène à Delhi, fait le point sur sa vie. Mais Le Héros ne s'arrête pas là puisque dans ce même train, une multitude de personnages évoluent et trainent avec eux une intrigue qui leur est propre. Narration complexe mais fluide à l'écran, comme dans un Robert Altman on passe de l'un à autre sans avoir une impression de saut, juste de glissement. Tous sont attachants, parfois le temps de quelques minutes, et ont autant d'importance que le héros du titre. Visuellement, on est dans un éclairage à la Otto e mezzo, très stylisé et propre de sa personne. Satyajit Ray en profite pour faire un portrait pas tendre du cinéma de son pays, jugé comme futile et non réaliste. Le film passe comme le train qui sert de décors principal, merveilleusement bien. Une modernité affichée étonnante dans le cinéma de Ray, mais le film est plus qu'une curiosité, c'est une réussite.
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Message par Demi-Lune »

Kevin95 a écrit :LA DÉESSE / Devi - Satyajit Ray (1960) découverte

Satyajit Ray taloche la religion et ses fanatiques à travers cette histoire d'un vrai-faux miracle, d'un père dévoué à ses croyances, d'un fils sceptique et d'une fille devenue malgré elle, déesse aux pouvoirs extra-ordinaires. La famille craque, le doute s’installe, on est pas loin de devenir fou quand la fille perd, elle aussi, la raison et semble croire à son statut divin. La fin est déchirante, rien de bon ne peut sortir de tout cela et un personnage martyr va en faire les frais. Mise en scène superbe, décors écrasants et lumière divine (ah ah ah) rendent les gros plans hypnotisant. Ray fait un peu poiroter son auditoire, se complait parfois un peu trop dans la splendeur de ses images et la lenteur de son intrigue, mais le film trouve - via sa conclusion noire - son chemin et marque par son refus du mysticisme à la demande.
Toujours pas de réponse au sujet de mon interrogation (qui n'est pourtant pas un point marginal du film :mrgreen: ) : pourquoi diable le personnage féminin accepte-t-elle sans broncher cette lubie de la part de son beau-père, comme si c'était "normal" qu'on puisse voir en elle la réincarnation de Kali ?
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Message par Kevin95 »

Elle parait pétrifiée à son contact, dès le début elle avoue sa peur de le voir refuser son mariage. Je pense qu'elle se soumet à son bon vouloir par amour pour le fils.
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Demi-Lune a écrit :Toujours pas de réponse au sujet de mon interrogation (qui n'est pourtant pas un point marginal du film :mrgreen: ) : pourquoi diable le personnage féminin accepte-t-elle sans broncher cette lubie de la part de son beau-père, comme si c'était "normal" qu'on puisse voir en elle la réincarnation de Kali ?
Mais parce que culturellement elle ne peut pas s'opposer à ses désirs, c'est lui le maitre de la maison, c'est d'ailleurs un des thèmes du film que ce pouvoir tout puissant du patriarche (qui est une sorte de dieu domestique, pendant de la Déesse à laquelle il croit) auquel personne ne peut s'opposer. Pour moi, ce point est donc tout à fait cohérent, et ce qui importe ensuite c'est la manière dont Ray filme cette histoire. La fin du film est bouleversante, et fait beaucoup penser à Mizoguchi (l'eau, les roseaux, la brume).
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Message par Demi-Lune »

Kevin95 a écrit :Elle parait pétrifiée à son contact, dès le début elle avoue sa peur de le voir refuser son mariage. Je pense qu'elle se soumet à son bon vouloir par amour pour le fils.
Strum a écrit :Mais parce que culturellement elle ne peut pas s'opposer à ses désirs, c'est lui le maitre de la maison, c'est d'ailleurs un des thèmes du film que ce pouvoir tout puissant du patriarche (qui est une sorte de dieu domestique, pendant de la Déesse à laquelle il croit) auquel personne ne peut s'opposer. Pour moi, ce point est donc tout à fait cohérent
Il n'est effectivement pas improbable que Ray veuille tenir un propos connexe sur la place de la femme dans la société indienne au travers de cette soumission spontanée, mais je trouve le basculement trop brut dans le film et donc pas très convaincant. Il élude commodément le point de vue de Doya sur la chose, en gardant ça sous le coude pour plus tard. Or, la révélation du beau-père ne peut laisser neutre l'objet de sa nouvelle adoration, lorsqu'il lui témoigne ses égards après avoir rêvé d'elle en Kali. Ce tour de passe-passe de scénario appelle un saut de foi qui ne passe pas chez moi, parce que la situation (absurde sur le papier) m'apparaît mal plantée : il y a une pièce du puzzle qui manque, on ne peut pas passer de cette Révélation absurde à la soumission de Doya à cette lubie sans qu'elle ne bronche, car le contrepoint psychologique sur Doya est indispensable pour "rationaliser" l'élément déclencheur qu'est ce rêve, pour que cet élément déclencheur devienne réellement dramatique. Pour moi, dans cet interstice manquant, il faudrait que l'on mesure ce qui se passe dans sa tête, même si ce sont des forces contradictoires (frayeur, fierté...). Or, la seule réaction que l'on ait de sa part, c'est une espèce de passivité légèrement décontenancée et quelques larmes résignées lorsqu'elle devient une idole vivante. C'est incompréhensible. Ray est vraiment extrêmement léger là-dessus et donne l'impression de sacrifier cet élément central à sa charge contre le mysticisme.

Par ailleurs, si la femme indienne reste généralement dépendante de l'homme (père, puis mari, puis fils si elle devient veuve), et a fortiori dans le cadre d'un film qui se passe au début du XXe siècle, l'action du film concerne une caste aisée (les Vaishyas, je pense, puisque l'opulence de la demeure n'a pas l'air d'avoir de lien avec la guerre - à noter que ce n'est pas le niveau de richesse qui conditionne la hiérarchie des castes, mais la notion distinctive de pureté/impureté, raison pour laquelle la caste des intouchables, à qui toutes les tâches les plus ingrates sont dévolues, est en bas de l'échelle). Je ne pense pas que ce soit négligeable, car la place de Doya dans cette famille n'est pas, avant la Révélation du beau-père, celle d'un être vu comme inférieur. Elle l'est peut-être de par sa caste d'extraction (le film ne dit rien là-dessus), mais ce que donne à voir le film, au contraire, c'est qu'elle a toute la confiance et l'affection du beau-père (même si c'est aussi parce qu'elle est dévouée) et qu'elle a développé un lien fort (mère par substitution) avec son jeune neveu. Bref, elle est présentée comme un membre à part entière de la famille, et, de fait, elle est déjà l'épouse du fils (il n'est aucunement question du consentement du vieux, qui est déjà le beau-père). Pour cette raison, que le beau-père et le beau-frère la sanctifient subitement constitue un revirement tel, qu'il est pour moi impensable de ne pas donner plus de biscuit en passant à la trappe sa réaction à elle. Même si le beau-père a un effet intimidant sur elle, sa réaction est totalement sous-dimensionnée, à aucun moment cette lubie n'est remise en cause.
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Re: Satyajit Ray (1921-1992)

Message par Strum »

Demi-Lune a écrit :il faudrait que l'on mesure ce qui se passe dans sa tête, même si ce sont des forces contradictoires (frayeur, fierté...). Or, la seule réaction que l'on ait de sa part, c'est une espèce de passivité légèrement décontenancée et quelques larmes résignées lorsqu'elle devient une idole vivante. C'est incompréhensible. Ray est vraiment extrêmement léger là-dessus et donne l'impression de sacrifier cet élément central à sa charge contre le mysticisme.
Pour moi, la réaction de Doya relève d'un conditionnement culturel (ce qui est différent de la peur ou de la passivité, et est compréhensible sans besoin d'explication supplémentaire par l'audience première des films de Ray, les indiens), que je n'ai pas essayé de remettre en question avec mon rationalisme d'occidental. Il me parait plus intéressant de noter qu'en faisant du beau-père un dieu domestique (on lui obéit parce qu'on croit en une tradition sans la remettre en cause, un système qui touche tout le monde chez Ray, pauvres et riches, sans distinction de classes sociales - la vraie distinction/opposition chez Ray, c'est la ville et la campagne), Ray peut dédoubler son discours sur la croyance et le mysticisme en le faisant porter à la fois sur la foi telle qu'elle ressort de la religion, et sur la foi sécularisée dans des traditions (ici celle de l'obéissance au beau-père) qui peuvent commettre beaucoup de dégats et que Ray, cinéaste humaniste, a souvent eu dans son viseur dans ses films (contre-exemple : dans l'environnement urbain de La Grande Cité, la belle-fille brave l'avis du beau-père et décide de travailler). De même que le beau-père croit bien faire en obéissant à Kali, Doya croit bien faire en obéissant au beau-père dieu domestique (je trouve d'ailleurs plus riche de perspectives et d'interrogations l'idée d'avoir laissé dans la pénombre ce que pense réellement Doya - cela crée aussi un autre mystère au moment même où Ray s'en prend à celui de la Déesse)
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Message par bruce randylan »

La forteresse d'or (1974)
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Le détective Felu est engagé pour servir de garde du corps pour protéger un enfant de 8 ans qui se souviendrait d'une vie antérieure où il aurait vécu dans un palais entouré d'or. Mais des brigands avide de retrouvé la cachette de bijoux ont déjà pris les devant.

Avant de rentrer dans la salle, je ne savais pas que le Dieu éléphant constitué le second opus des enquêtes de Felu et Topshe... voire le troisième car la Ménagerie pourrait presque constituer un préquel car même si le personnage semble différent, l'esprit est très proche.
En tout cas Ray donne très rapidement le ton en créant dès les premières scènes une affiliation avec Tintin puisque Topshe en lit les aventures à 2-3 reprises. Le cinéaste nous conduit avec une narration très décontractée pour ne pas dire dilettante. La photo couleur est assez jolie, les personnages sympathiques (même un des 2 méchants), le second rôle de l'écrivain assez drôle et l'histoire se suit avec plus de plaisir que dans le Dieu éléphant (c'est déjà moins confus). Après même si on ne s'ennuie pas nécessairement, on peut se demander si la durée de 2h20 est vraiment justifiée tant certaines scènes pourrait être condenser. Mais le film trouve justement son originalité dans ce genre de pérégrination nonchalante au second degré, remplie d'invraisemblances (quel est l'intérêt de laisser le taxi pour prendre le train si c'est pour attendre le taxi à l'arrivée ?)
Une petite récréation pas déplaisante donc mais assez mineure, même si sans doute plus personnelle qu'on pourrait le croire.


Les branches de l'arbre (1990)
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Quatre frères se rendent au chevet de leur pères qui vient d'être frappé par une crise cardiaque. L'occasion de disserter sur l’honnête et la corruption.

J'étais déjà passé à côté de la maison et du monde et ce n'est pas cet autre Ray tardif qui m'aura convaincu. J'ai même beaucoup souffert pendant le premier tiers dont l'approche uniquement thématique, et souligné par une interprétation sans finisse, m'a pratiquement donné envie de partir de la salle. Il faut rajouter une réalisation sans la moindre inspiration, se contentant, pour ainsi dire, de montrer en gros plan celui qui parle et à filmer platement des gens assis à une table. Pas très passionnant comme huit clos.
Comme souvent, les choses s'améliorent en cours de route et les 20-30 dernière minutes sont un peu plus encourageantes une fois que la famille s'en va faire un picnic en forêt. La proximité de cette séquence avec celle du lâche m'a donné le sentiment qu'il y a un avait une dimension testamentaire dans cette œuvre (son avant-dernier film si je n'abuse), comme si le film faisait un bilan de ses films passés (je suis sûr qu'il y a d'autres passerelles avec ses précédents films). Comme si Ray se doutait que ses successeurs perdront leurs âmes et leurs intégrités dans une société de plus en plus superficielle et attirée par l'argent. La dernière séquence est même plutôt touchante quand le malade comprend qu'il va disparaître avec son héritage « moral » qui ne fait plus rêver grand monde.

C'est cependant regrettable que le cinéaste ne parvienne pas à intégrer cette lucidité à une réalisation morne et à un scénario paresseux, à la limite du grabataire. Ca aurait pu donner un très grand film. En l'état, c'estlimite pénible à suivre, à part ses 2 dernières séquences donc.


Et un petit programme de courts métrages et de documentaires
Deux (1964)

Dans cette fiction de 11 minutes, Ray revisite la lutte des classes au travers de deux enfants, l'un résidant dans un appartement de luxe et le second issu d'un cabanon qui joue sur un terrain vague, sous la fenêtre du premier
Ca aurait pu donner un jolie faible sur l'absence de communication, sur la peur de l'autre, sur le mépris inculqué dès le plus jeune âge mais la grossièreté du trait est bien trop prononcé. Ca commence assez fort avec cet enfant corpulent buvant du coca-cola et portant des oreilles de mickey, qui vit littéralement dans une prison dorée puisque ses fenêtres sont munies de barreaux symboliques.
Les deux enfants se toisent ainsi à distance : celui qui fera le plus de bruit avec ses « jouets », celui qui aura le meilleur déguisement... La conclusion est plus réussie avec le « riche » jaloux de la liberté (le cerf-volant) de son voisin et qui le détruira avec un fusil à plomb... avant de se retrouver sans personne pour jouer dans un grand et vide appartement.
Sinon, la réalisation de Ray est d'autant plus limpide, claire, simple qu'elle ne repose sans aucun dialogue.

Pikoo (1980) est un téléfilm de 24 minutes (produit par la France) mettant en avant un enfant un peu livré à lui-même dans sa vaste demeure. En effet, son grand-père est très malade et ne peut plus sortir de son lit tandis que sa mère s'enferme dans sa chambre avec son « oncle » lorsque son père va travailler.
Pas trop mal mais les personnages manquent un peu de nuances. Le cynisme du scénario dessert l'empathie qu'on pourrait à voir et on a un peu de mal à s'attacher au garçon. Mais là aussi la seconde moitié fonctionne un peu mieux une fois que la mise en place, à la fois concise et laborieuse, est posée. La fin est assez belle, et cruelle, et Ray parvient à se défausser de tout jugement moral pour un court-métrage qui va tout de même assez loin dans ses thèmes (la production française a-t-elle pu contourner des problèmes de censure car j'ai rarement vu l'adultère traité aussi frontalement dans le cinéma indien).

Bala (1976) est un documentaire sur la célèbre danseuse Balasaraswti qui connut une carrière internationale et qui reste l'une des dernière descendantes d'un art ancestrale où chaque geste équivaut à une parole ; un peu comme le langage des signes. Ainsi malgré son âge avancée, elle était encore, à l'époque de la réalisation de ce film, considérée comme la plus talentueuse de son domaine. C'est assez instructif car même si je savais qu'il s'agissait d'une danse très précise, je ne pensais pas que c'était à ce point codifiée. Après, j'avoue que sur 30 minutes, les 3-4 séquences de démonstrations m'ont un peu lassés à la longue. :fiou:

L'oeil intérieur (1972) est enfin un autre documentaire, centré sur le peintre Benode Behari Mukherjee.
20 minutes assez scolaire où l'on présente un peu trop classiquement l'homme, son parcours et ses tableaux. Ca devient autrement plus passionnant quand on apprend que Benobe est actuellement aveugle mais qu'il continue de pratiquer grâce à son «oeil intérieur ». Ca devient même fort émouvant de continuer de le voir se livrer au dessin, à la sculpture ou aux fresques mosaïques. J'aurais préféré que l'ensemble du documentaire ne s'attarde qu'à cette particularité qui témoigne d'une sacré force de caractère et d'une passion sans cesse neuve pour son art.
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Re: Satyajit Ray (1921-1992)

Message par Kevin95 »

UN ENNEMI DU PEUPLE / Ganashatru - Satyajit Ray (1989) découverte

L'histoire classique du bon gars face au monde, à savoir un médecin droit dans ses chaussures face à la pollution de l'eau, l’aveuglement de la population et la filouterie des investisseurs. Un des derniers Satyajit Ray et prolongement direct de La Déesse (1960) dans sa charge contre l'obstination religieuse. Visuellement un poil statique car très redevable envers sa source théâtrale, Un ennemi du peuple se rattrape par la force de son sujet et l'humanisme débordant de son personnage principal au point où Ray change quelque peu la morale de la pièce, passant de "un homme fort est un homme seul" à "je ne suis pas seul, j'ai des amis". La scène des discours entre le médecin et son frère est à la fois drôle et révoltante. Intéressant.
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Re: Satyajit Ray (1921-1992)

Message par Kevin95 »

LES JOUEURS D'ÉCHECS / Shatranj Ke Khilari - Satyajit Ray (1977) découverte

Œuvre imposante, drôle et complexe car naviguant entre deux récits, reliés entre eux par un fil clair mais mince et par deux tonalités différentes. D'un coté deux nobles un poil nigaud obsédés par le jeu d'échec au point de ne plus voir ce qu'il se passe autour d'eux, de l'autre un roi déchu et une tentative anglaise de prendre le pouvoir en Inde au milieu du 18eme siècle. Deux tons pour deux ambitions, la tragédie et la comédie ? Beaucoup trop simple pour Satyajit Ray qui donne du poids au récit drolatique au point de rendre attachant voir indispensable le couple de corniauds pour laisser la partie politique dans l'obscurité. Rien n'est vraiment développè du caractère du roi, seules sont filmé ses prestations publiques et ses envolées lyriques tandis que les scènes anglaises sont uniquement constituées de stratagèmes politiques à la fois verbeux et terriblement peu spectaculaire. Sentiment d'un film haché, le film nécessite un temps d'adaptation avant que toutes ces scènes ne fassent qu'un et qu'une émotion s'en dégage, puisque ce sont pas différents personnages qui sont filmés mais un seul et même pays. Du trône au village déserté en bord de ville, tous vivent leur dernier moment d'insouciance avant que les colons anglais ne viennent stopper tout ça. L'obsession des deux gus pour les échecs devient alors un geste touchant de rébellion, une manière à la fois de comprendre le monde qui les entour et de s'en échapper. Comme le cinéma en somme.
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Re: Satyajit Ray (1921-1992)

Message par Alexandre Angel »

Un peu de cinémathèque au sein d'EntreVues 2016 (Belfort) avec les Satyajit Ray suivants : Charulata, La Déesse, La Grande ville, Des jours et des nuits dans la forêt, L'Adversaire, Tonnerres Lointains, Les Joueurs d’échecs et La Maison et le Monde . L'occasion pour moi d'une (re)plongée à la lumière des avis postés sur ce topic 8) .
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
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k-chan
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Re: Satyajit Ray (1921-1992)

Message par k-chan »

A 16h15, Kanchenjungha, qui n'est pas un des Ray les plus facilement visibles. Malheureusement, je passe mon chemin car je suis trop occupé, mais je compte sur certains pour nous faire un retour.
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Re: Satyajit Ray (1921-1992)

Message par bruce randylan »

T'inquiète, je gère :P
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