Jacques Tourneur (1904-1977)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Profondo Rosso
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Re: Jacques Tourneur (1904-1977)

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Stars in My Crown (1950)

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En 1865, au moment où s'achève la Guerre de Sécession, le pasteur Gray s'installe dans la bourgade sudiste rurale de Walesburg ; la vie y est simple et rude mais les enfants s'épanouissent entre école, chasse, pêche et moisson; l'ombre du Ku Klux Klan rôde autour d'un vieux Noir et très vite, les convictions du jeune docteur Harris s'opposent à celles du pasteur, surtout quand éclate une épidémie de typhoïde. Le pasteur dévoué à sa communauté a recueilli avec sa femme un jeune orphelin, John Kenyon qui est le narrateur...

Stars in My Crown était considéré comme son film favori par Jacques Tourneur. Cette fable apaisée est pourtant bien éloignée d'une filmographie nettement plus basée sur la tension et le mouvement tant dans le fantastique, le film d'aventures, le film noir ou son précédente incursion dans le western avec Le Passage du Canyon (1946). La voix-off adulte du narrateur John Kenyon et encore petit garçon au sein du récit (Dean Stockwell) annonce la dimension nostalgique qui traversera le film dans cette vision d'un paradis perdu. Le film célèbre un monde révolu tant dans les souvenirs ému du narrateur que dans les valeurs nobles et bienveillantes. Le symbole de cela sera le pasteur Gray (Joel McCrea) père adoptif du petit John et esprit volontaire prêt à tout pour tirer le meilleur de ces concitoyens. L'introduction du personnage donne le ton, Gray débarquant en ville en faisant son premier prêche dans le saloon local.

Le passé, le présent et le futur du pays se joue dans le microcosme de cette bourgade sudiste de Walesbourg. Le pasteur Gray a combattu lors de la Guerre de Sécession, parcours qui scelle son amitié indéfectible avec le truculent Jeb Isbell (Alan Hale) mais posera la tentation de reprendre les revolvers lors de moments plus dramatiques. Les fantômes du passé planent aussi dans le conflit terrien qui oppose le vieux noir Oncle Famous (Juano Hernández) et le Lo Backett (Ed Begley) le second souhaitant s'approprier les terres du premier pour faire avancer son exploitation minière. Son refus va ranimer les élans racistes et faire à nouveau chevaucher les "night riders" du Ku Klux Klan. Enfin c'est la foi et la science qui s'opposent également avec le jeune médecin Harris (James Mitchell), pragmatique agacé par l'importance de la foi chez ses malades réclamant autant le pasteur Gray que lui. Tous ces enjeux se déroulent dans une tonalité bucolique, où tous les conflits semblent au départ pouvoir se résoudre par le bon sens. Les intimidations envers Oncle Famous tournent cours grâce à la solidarité de ses voisins, le pasteur Gray fait jouer son autorité et humour pour stopper nette l'humiliation d'un faible en pleine rue et plus globalement tout dans l'imagerie du film tant à tisser les contours de cette nostalgie. La photo de Charles Schoenbaum et le filmage de Tourneur dessinent de véritables cartes postales passéistes et chaleureuse dans les plans d'ensemble sur la ville et les scènes naturalistes (belles séquences de pêche) et les situations truculentes amènent une légèreté bienvenue (le gimmick sur la chanson-titre Stars in my crown, une consultation enfantine mouvementée du médecin).

Les péripéties (une épidémie de fièvre typhoïde, une tentative de lynchage) ébranlent les protagonistes qui doutent, s'égarent et souffrent (remarquable prestation de Joel McCrea qui réussit à faire vaciller son interprétation si forte) avant que cette bienveillance, cette humanité naturelle envers l'autre transcende les doutes. Cela pourrait sembler désuet mais la force de l'interprétation et des situations (McCrea faisant face seul au Ku Klux Klan) font croire à cette bienveillance encore vivace sans que le ton ne bascule dans la niaiserie bondieusarde. En somme Tourneur réussit là où échouera le pourtant plus célébré La Loi du Seigneur (1956) de William Wyler avec ce film attachant. 4,5/6
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Profondo Rosso
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Re: Jacques Tourneur (1904-1977)

Message par Profondo Rosso »

Un Jeu risqué (1955)

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Wyatt Earp arrive à Wichita (Kansas), une petite bourgade de l'Ouest américain. Économiquement, la cité vit essentiellement du commerce du bétail. Mais les convoyeurs et leurs hommes sèment le trouble à chaque arrivée. Un soir de beuverie, un enfant est tué d'une balle perdue. Andrew Hocke, le maire de la ville, demande à Wyatt Earp de prêter serment pour devenir shérif. Celui-ci accepte et ordonne à chaque homme de ne plus porter d'armes. Mais certains notables commencent à s'inquiéter de ses décisions...

Figure mythique de l'Ouest, Wyatt Earp hante le western américain dans une multitudes d'œuvres explorant ses exploits, sa légende et le fameux affrontement d'OK Corral à travers le regard de cinéastes aussi divers que John Ford, John Sturges ou plus récemment Lawrence Kasdan. L'approche se fait mythologique comme plus intimiste à travers les différents film, tout comme la dimension héroïque alterne avec celle plus dure et proche de la réalité notamment à travers les deux film que lui consacrera John Sturges, Règlement de compte à OK Corral (1957) pour la légende et l'excellent Sept secondes en enfer (1967). Wichita est loin d'être le film le plus connu consacré au "personnage" mais s'avère une des visions les plus captivantes. Jacques Tourneur entrecroise la facette idéalisée de Wyatt Earp et un contexte plus réaliste, le tout équilibré par la stature à la fois modeste et imposante de Joel McCrea. Wyatt Earp prolonge une figure de droiture morale que Jacques Tourneur façonné dans ses deux précédents westerns, toujours incarné par Joel McCrea en pasteur dans Stars in my crown (1950) et juge dans Stranger on Horseback (1955). Le pacifisme forcené du pasteur et le rigorisme tout aussi poussé du juge trouve donc sa variante dans le justicier inflexible qu'est Wyatt Earp porté par une approche toujours aussi captivante de Jacques Tourneur.

L'aspect le plus intéressant concerne notamment la nature de héros en construction et qui s'ignore de Wyatt Earp. Simple silhouette lointaine à cheval l'immensité d'une plaine, Wyatt Earp incarne cette stature mythique avant son apparition effective à l'écran. Jacques Tourneur lui donne cette aura avant que notre héros ne l'assume lui-même, la violence et l'injustice le poursuivant partout malgré lui pour qu'il puisse y mettre un terme. Cette situation prendra des proportions toujours plus grandes : Wyatt Earp sauve d'abord sa peau en mettant aux pas deux voleurs, puis stoppe un hold-up de banque avant de plaquer cette notion à la ville entière de Wichita plongée dans le chaos dont il est devenu shérif. La simplicité et le jeu minimaliste de Joel McCrea amène une dimension modeste et terrienne u personnage qui se conjugue à la mise en scène de Tourneur qui le magnifie dans ce qui est son premier film en cinémascope. Le réalisateur joue de la carrure intimidante de l'acteur et ses 1m91 qui écrase de sa volonté inflexible ses adversaires dans les plans larges, notamment la scène de mise à sac où à pied il domine paradoxalement ses antagonistes à cheval. Le montage renforce également cette idée, tant dans la dimension d'attente et de menace qu'il crée pour un Wyatt Earp absent (la balle stoppant un ennemi qui l'attendait de pied ferme dans le saloon) que de l'inéluctabilité de sa victoire dans les duels. On pense au champ contre champ entre Wyatt Earp avançant à cheval sans faillir et son adversaire (incarné pas cette trogne patibulaire bien connue de Jack Elam) caché derrière un rocher, notre héros semblant indestructible (même avec un cheval désarçonné) et de plus en plus immense alors que l'autre rétrécit jusqu'à être acculé et mourir.

Jacques Tourneur exprime ainsi par l'image l'affrontement idéologique audacieux du film, la morale inflexible auquel Wyatt Earp soumet la ville (interdiction du port d'armes notamment) et le tumulte dont s'accommodent les notables dans cette Wichita en pleine expansion - et dont Tourneur capture magnifiquement la frénésie. C'est donc captivant de bout en bout, porté par de seconds rôles remarquable et un scénario habile pour initier les contours de la légende (superbe scène d'introduction des frères de Wyatt Earp). Une des plus belles évocations de Wyatt Earp qui gagnerai à être plus connue. 5/6
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Jeremy Fox
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Re: Jacques Tourneur (1904-1977)

Message par Jeremy Fox »

Profondo Rosso a écrit :Un Jeu risqué (1955)

C'est donc captivant de bout en bout, porté par de seconds rôles remarquable et un scénario habile pour initier les contours de la légende (superbe scène d'introduction des frères de Wyatt Earp). Une des plus belles évocations de Wyatt Earp qui gagnerai à être plus connue. 5/6

Absolument :)
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Profondo Rosso
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Re: Jacques Tourneur (1904-1977)

Message par Profondo Rosso »

Et alors le sens du cadre de Tourneur + le charisme de Joel McCrea ça donne des plans très classes tout au long du film

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Alexandre Angel
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Re: Jacques Tourneur (1904-1977)

Message par Alexandre Angel »

Parmi les notations délicieuses qu'on trouve dans les westerns réalisés par des mecs qui assurent, il y a dans Wichita un moment dont je raffole, c'est au début, lorsque Joel McCrea est dans l'imprimerie (ma mémoire s'émousse un peu, tu rectifieras..) en face de ? et demande à ? (Buchanan?) si il peut "garer" son cheval dans la cour derrière. L'autre lui accorde ce qu'il demande en lui précisant qu'il peut faire rentrer le canasson dans l'imprimerie pour faire plus court. Et McCrea de traverser de gauche à droite du cadre la pièce avec sa monture :D . Comment concilier gain de temps, d'argent et crédibilité organique, moi ça, j'adore...et je n'est jamais vu cela ailleurs.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Jeremy Fox
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Re: Jacques Tourneur (1904-1977)

Message par Jeremy Fox »

Ce ne doit pas être Buchanan qui pour une fois est du mauvais côté de la loi si je me souviens bien. Je viens d'aller revoir les captures que j'ai faites pour le test du DVD sans retrouver cette séquence dont je me rappelle pourtant très bien. Mais est-ce dans ce film ? Quoiqu'il en soit c'est l'autre splendide western de Tourneur juste derrière Passage canyon.
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Profondo Rosso
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Re: Jacques Tourneur (1904-1977)

Message par Profondo Rosso »

Alexandre Angel a écrit :Parmi les notations délicieuses qu'on trouve dans les westerns réalisés par des mecs qui assurent, il y a dans Wichita un moment dont je raffole, c'est au début, lorsque Joel McCrea est dans l'imprimerie (ma mémoire s'émousse un peu, tu rectifieras..) en face de ? et demande à ? (Buchanan?) si il peut "garer" son cheval dans la cour derrière. L'autre lui accorde ce qu'il demande en lui précisant qu'il peut faire rentrer le canasson dans l'imprimerie pour faire plus court. Et McCrea de traverser de gauche à droite du cadre la pièce avec sa monture :D . Comment concilier gain de temps, d'argent et crédibilité organique, moi ça, j'adore...et je n'est jamais vu cela ailleurs.
D'ailleurs la réplique est magique, genre "Faites le passer à l'intérieur de toute façon ce ne sera pas plus sale que ça l'est déjà" :mrgreen:
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Alexandre Angel
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Re: Jacques Tourneur (1904-1977)

Message par Alexandre Angel »

Ah oui, c'est encore meilleur comme ça. Je n'avais pas intégré cette réplique comme quoi il faut vraiment revoir les films.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Alba
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La Bataille de Marathon (1959)

Message par Alba »

Un Péplum de fin de carrière du grand Jacques Tourneur, dont on peut lire un résumé - comme toujours - très complet au Ciné-Club de Caen. Comment ça j'ai la flemme de le faire moi même ?

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Assez loin des meilleurs Tourneur mais pas complètement honteux pour autant, La Bataille de Marathon pèche surtout par le charisme de merlu dopé à la testostérone du "Monsieur Univers" Steve Reeves. Quant aux deux actrices principales, Daniela Rocca et surtout Mylène Demongeot, leurs rôles ne leur permettent pas vraiment de laisser exprimer leurs talents. Il faut bien dire que si la plastique des trois interprètes est particulièrement vallonnée, les dialogues sont eux à peu près aussi plats que les plaines du combat final.
Ne parlons pas trop de Sergio Fantoni, qui s'est visiblement contenté de relire le manuel du méchant traitre-comploteur-pleutre.

Quant au scénario, je ne me permettrai pas d'être trop méchant, la projection assez désastreuse de la Cinémathèque n'ayant pas vraiment aider à fluidifier le récit (sous titre décalés d'une bonne minute et demi pendant les 10 premières minutes, incomplet par la suite, et plusieurs coupures pendant le film). L'opposition amoureuse entre Andromède et Karis*, qui ne tourne jamais au conflit, n'est pas inintéressante et apporte un petit peu d'originalité à cette suite de péripéties politico-militaires très balisée.

Finalement, les quelques qualités du film viennent surtout du sens du cadrage toujours impeccable de Tourneur et d'une certaine invention dans les scènes d'action. Je pense par exemple au combat à mains nus entre Philippides et un gros lutteur, qui se démarque par son absence de musique et ses gros plans abstractisants. Et surtout cette scène aquatique étonnante où les soldats athéniens plongent pour planter des pieux au fond de l'eau, avant d'attaquer à la nage les bateaux ennemis. C'est assez original et la violence de la scène est assez bien rendue pour l'époque.

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La photographie de Mario Bava, qui aurait d'ailleurs fini le flm après le départ de Tourneur, est également très belle. Certains plans sont vraiment à couper le souffle. Les quelques images que j'ai pu trouver sur le net ne rendent malheureusement pas du tout justice au travail esthétique des deux réalisateurs.

Bref, un peplum transalpin pas toujours très haut de gamme, mais sauvé par la qualité de sa réalisation et quelques idées de scénario pas inintéressantes. Il faut surtout aimer le genre (pas spécialement mon cas) ...

* (qui finalement est peut être une fille bien, mais Philippidès préfère les tchoins)
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Re: Jacques Tourneur (1904-1977)

Message par bruce randylan »

Vieux souvenir d'une diffusion sur Arté. A part la photographie parfois splendide de Bava et la fameuse course qui sert de climax, y-a pas grand chose qui m'avait marqué à l'époque même si ça reste un péplum dans la bonne moyenne.


J'ai aussi commencé la rétro. :)

Voodoo (I walked with a zombie - 1943)
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Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce fameux opus de Tourneur repose sur un scénario très curieux qui le déséquilibre malheureusement bien trop.
Comme si le producteur demandait tout et son contraire à ses scénaristes puis son cinéaste avant de jouer encore des ciseaux au montage.
Le début est ainsi un quasi décalque de Jane Eyre avant de basculer dans le pur fantastique pour conclure sur un réflexion sur l'opposition (ou non) entre science et foi. Mais les différents virages oublient souvent ce qu'il y avait dans la ligne droite précédente. Ainsi l'histoire d'amour de l'infirmière n'est non seulement à peine survolée mais tout simplement oubliée en cours de route et n'a finalement aucune réelle influence sur la trame principale.
Il y a vraiment 2-3 moments où j'avais l'impression que le projectionniste s'était embrouillé dans l'ordre des bobines tant certaines transitions sur rudes et brutales. Ca aurait pu s'avérer payant si ses ellipses et ses changements de direction auraient servi le sentiment de perte de repère, de mystères flottants ou de réalité fuyante.
Pour le coup, on sent vraiment que les 68 minutes sont trop courtes et ne devaient pas nécessairement être prévu lors de la conception du film. On a donc plus le ressenti d'être devant une ébauche ou un brouillon qu'un œuvre aboutie.
C'est forcément frustrant car visuellement et thématiquement, le film de Tourneur ne manque pas d'allure et bénéficie d'un esthétique remarquable avec sa photographie quasi expressionniste (malgré une copie 35mm de la cinémathèque trop sombre), son atmosphère à la lisière du songe et des visions toujours saisissantes plus de 60 ans après sa réalisation comme toutes les apparitions de ce mort-vivant noir squelettique et aux yeux exorbités. Cette peinture du de la sorcellerie voodoo est d'ailleurs ce qui m'a pratiquement le plus plu. Tourneur a l'air de respecter les « paiens » qu'il filme, loin de du folklore exotique qu'on trouve généralement dans ce genre de production. Ca ne sonne pas la récréation de pacotille. Par exemple, lors de la scène de la danse, on ne sent pas de « chorégraphe » derrière les mouvements des femmes mais quasiment une transe palpable.
Malgré sa beauté et une une demi-douzaine de séquences aussi hypnotiques qu'angoissantes, je suis sorti de la salle fortement mitigé.


Angoisse (Experiment Perilous - 1944)
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Grosse douche froide devant celui-ci.
Le début dans le train est assez prenant mais le film perd rapidement tout attrait derrière son scénario prévisible, mal fagoté et peu crédible. Le rythme incroyablement mollasson et l'absence totale de trouble comme d’ambiguïté sont cela dit le plus dommageable. Il n'y a guère que les 10-15 dernières minutes où les choses s'accélèrent un peu, et de façon bien timorée. Heureusement que la beauté d'Hedy Lamarr surnage tant bien que mal face à deux partenaires masculins sans la moindre présence.
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Profondo Rosso
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Re: Jacques Tourneur (1904-1977)

Message par Profondo Rosso »

La Cité sous la mer (1965)

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Côte des Cornouailles au début du XXe siècle. Partis à la recherche de Jill Tregellis, une jeune Américaine, ses amis se retrouvent dans une cité engloutie, dirigée d'une façon despotique par Sir Hugh…

Cet ultime film de Jacques Tourneur est une production American International Pictures, compagnie initiatrice de la série d'adaptations à succès d'Edgar Allan Poe signée Roger Corman et interprétée par Vincent Price en ce début des années 60. City under the sea apparaît plus comme une production opportuniste surfant sur cette vague puisqu'elle brode toute une intrigue autour du poème éponyme (récité dans une scène du film) de Poe. On doit initialement le script est à Charles Bennett que les producteurs James H. Nicholson et Samuel Z. Arkoff convoquent en Angleterre pour une réécriture mais sans lui payer le voyage. Devant le refus de celui-ci, ils font donc remanier le scénario par Louis M Heyward qui y rajoute une dimension comique trop prononcé (au désarroi des comédiens convaincus par le scénario initial de Charles Bennett) notamment le personnage de David Tomlinson et sa poule domestique.

Le résultat sera un curieux mélange entre épouvante gothique et film d'aventures fantastique un peu dans l'esprit de She produit par la Hammer cette même année. Il est donc ici question de cité sous-marine oubliée sous les côtes des Cornouailles, d'un Vincent Price terré sous les mers victimes d'une malédiction mystérieuse et d'un trio de héros tentant d'échapper à ses griffes. L'élément romanesque (Jill (Susan Hart) sosie de l'épouse disparue de Vincent Price) est trop survolé et certains raccourcis narratif assez grossiers. Néanmoins le charme exotique et désuet opère notamment grâce au savoir-faire de Jacques Tourneur et à une belle direction artistique Frank White. Les époques et architectures se bousculent dans les visions de cette cité sous-marine à laquelle Tourneur avec de modestes moyens (les scènes de plongée un peu cheap notamment les créatures marine) donne une belle ampleur, bien aidé par la photographie bariolée de Stephen Dade. L'humour ne fonctionne pas si mal, le cabotinage de David Tomlinson étant compensé par le premier degré et l'énergie de Tab Hunter ainsi que le charme de Susan Hart (dont le décolleté pigeonnant n'a rien à envier aux Scream Queens de la Hammer). En dépit d'un creux un peu bavard en milieu de film, l'ensemble se laisse donc voir sans déplaisir et Jacques Tourneur conclut sa belle filmographie de la plus honorable des manières. 4/6
bruce randylan
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Re: Jacques Tourneur (1904-1977)

Message par bruce randylan »

Profondo Rosso a écrit :La Cité sous la mer (1965)

4/6
T'es bien généreux.
J'y ai cru une demi-heure pour une bonne tenue visuelle, un second degré curieux mais amusant (la poule Herbert) et une certaine continuité du cycle Poe/Corman. La direction artistique tient la route, certains plans en scope ont de l'allure mais en fait tout retombe très vite,et curieusement, quand Vincent Price apparait. Le film n'a alors pas grand chose à raconter pour un scénario grotesque et des personnages qui passent leur temps à parcourir 2 décors. La dernière demi-heure est poussive comme c'est pas permis avec en point d'orgue les 10 minutes de poursuite aquatique tout bonnement incompréhensible et bordélique. Et le running gag de la poule, ça va 10 minutes, au bout de 80...
Et puis, t'as quand même l'impression que les 3 acteurs principaux jouent dans trois films différents. Je préfère ne pas parler de la pauvre Susan Hart qui se demande ce qu'elle peut faire à l'écran pour donner vie à un personnage inexistant.

Timbuktu (1959) est presque du même acabit mais dans un registre très différent : le film d'aventures déguisé en partie en western. C'est non seulement incroyablement fauché mais les "solutions" trouvées par Tourneur sont souvent grotesque. Surtout quand on connaît la dune de sable de la Vallée de la mort. :mrgreen:
Que dire des affreuses contre-plongées en gros plans des acteurs faisant semblant de chevaucher en plein désert. Acteurs par ailleurs vraiment médiocres dans l'ensemble.
Celà dit l'avantage de ce film-ci est d'être bien mieux rythmé, sans réel temps mort avec le risque d'être régulièrement invraisemblable (le prophète caché dans une charrette :lol: ). Et il y a quelques bons échanges entre Victor Mature et Yvonne de Carlo.
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Alexandre Angel
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Re: Jacques Tourneur (1904-1977)

Message par Alexandre Angel »

bruce randylan a écrit :Timbuktu (1959) est presque du même acabit mais dans un registre très différent : le film d'aventures déguisé en partie en western. C'est non seulement incroyablement fauché mais les "solutions" trouvées par Tourneur sont souvent grotesque. Surtout quand on connaît la dune de sable de la Vallée de la mort. Que dire des affreuses contre-plongées en gros plans des acteurs faisant semblant de chevaucher en plein désert. Acteurs par ailleurs vraiment médiocres dans l'ensemble.Celà dit l'avantage de ce film-ci est d'être bien mieux rythmé, sans réel temps mort avec le risque d'être régulièrement invraisemblable (le prophète caché dans une charrette ). Et il y a quelques bons échanges entre Victor Mature et Yvonne de Carlo.
Jacques Lourcelles, fan transis de Tourneur, est plus qu'indulgent avec Timbuktu, tout comme avec The Fearmakers. Il les traite à égalité des œuvres majeures :| .
La fin de carrière est quand même bof bof (Comedy of Terrors :? ).
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Re: Jacques Tourneur (1904-1977)

Message par aelita »

Assez d'accord pour City Under the sea. Ca commence assez bien, dans une veine Poe/Corman/Price (qui est presque plus intéressant quand il récite en voix off le poème de Poe qui a inspiré -de loin- le film) , mais ça part assez vite dans le film fauché en manque d'idées (avec en effet en particulier cette poursuite/bagarre sous-marine assez absurde et interminable, accompagnée d'invraisemblables glouglous). Dommage, l'idée d'une longue séquence muette n'était pas mauvaise. Certaines pistes (classiques mais pas inintéressantes, comme la ressemblance entre la jeune femme et l'épouse décédée du personnage de Price) sont à peine exploitées.
Le bon point est en effet pour la direction artistique, notamment le décor de cette cité sous-marine , au style très composite, et les scaphandres. Par contre, les créatures sous-marines font un peu pitié, façon série Z...
L'ensemble reste toutefois pas désagréable du tout. Je le classerais dans les petits films sympas, sans plus.
Dernière modification par aelita le 10 sept. 17, 13:21, modifié 2 fois.
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? (pensée shadok)
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Jeremy Fox
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Re: Jacques Tourneur (1904-1977)

Message par Jeremy Fox »

Alexandre Angel a écrit : La fin de carrière est quand même bof bof (Comedy of Terrors :? ).
Voire même parfois exécrable : le honteux Mission of Danger à peine digne des plus mauvais Joseph Kane
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