La Porte du paradis (Michael Cimino - 1980)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Kiké
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Re: La Porte du paradis (Michael Cimino - 1980)

Message par Kiké »

tenia a écrit :Question récurrente : qui est la nana à côté d'Averill sur le bateau ?
Je pense qu'il s'agit de
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sa copine d' Harvard. L'acte III et l'acte I me semblent fonctionner en miroir inversé ; l'amour idéalisé du jeune rêveur semble également s'être brisé.
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Demi-Lune
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Re: La Porte du paradis (Michael Cimino - 1980)

Message par Demi-Lune »

Kiké a écrit :
tenia a écrit :Question récurrente : qui est la nana à côté d'Averill sur le bateau ?
Je pense qu'il s'agit de
Spoiler (cliquez pour afficher)
sa copine d' Harvard. L'acte III et l'acte I me semblent fonctionner en miroir inversé ; l'amour idéalisé du jeune rêveur semble également s'être brisé.
C'est surtout qu'Averill a été rattrapé par son appartenance de classe qu'il voulait fuir (à la différence de son ami joué par John Hurt, qui le dit d'ailleurs explicitement dans le film : "nous sommes victimes de notre classe", sous-entendu, c'est un camp et des intérêts que nous devons défendre par principe). Tout est dit dès le discours rigolard de John Hurt au début du film : les choses ne doivent pas changer, et il était illusoire pour Averill de croire que son poste "terrien" de shérif et sa proximité avec les petites gens, ces émigrés du comté de Johnson, le préserveraient de ce déterminisme social. A la fin, le destin l'a rattrapé, il est redevenu le riche qu'il a toujours été, marié à cette jeune femme de Harvard du même monde que lui, et envers laquelle on peut imaginer qu'il n'éprouve rien. Toute sa vie, tout son idéal, ont été des échecs. Tout le drame de cette défaite semble contenu dans ce lent geste aristocratique, quasi catatonique, de son épouse qui allonge sa main pour allumer sa cigarette. C'est un monde mort, Averill est déjà mort, tout semble mort dans cette pièce. Ce plan où il se lève, droit et digne, et où l'on lit dans les yeux de sa femme l'incompréhension (pourquoi se sent-il malheureux alors qu'il a tout ?) tandis qu'Averill semble jeter un ultime regard sur toute la pièce (sur sa vie) le menton tremblant, c'est absolument terrible - une des plus fins les plus émouvantes de l'histoire du cinéma, digne d'un Leone ou d'un Visconti.
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Kiké
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Re: La Porte du paradis (Michael Cimino - 1980)

Message par Kiké »

Rien à ajouter, superbe fin en effet!
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Alba
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Re: La Porte du paradis (Michael Cimino - 1980)

Message par Alba »

Salut !

Je n'ai pas exploré à 100% tout le topic mais je ne crois pas avoir trouvé l'info: quelqu'un sait si et où je pourrais trouver la version "courte" du film, celle de 1981 qui dure 149min ? Je demande pas un lien de téléchargement illégal hein, juste savoir si ça peut se trouver quelque part, en vhs ou quoi. :uhuh:

Ce serait chic !
Merci !
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Alexandre Angel
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Re: La Porte du paradis (Michael Cimino - 1980)

Message par Alexandre Angel »

Il existe en version au bon format mais non anamorphique :roll: en dvd chez MGM
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Alba
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Re: La Porte du paradis (Michael Cimino - 1980)

Message par Alba »

Ah ba oui, tout simplement. Merci !
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Alexandre Angel
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Re: La Porte du paradis (Michael Cimino - 1980)

Message par Alexandre Angel »

Pour rebondir et poursuivre un peu la réflexion commencée sur le topic "Quand les grands cinéastes s'insultent" mais qui a plus sa place ici, je dirais que Tavernier (qui, pour rappel, dézingue maintenant Heaven's Gate), dans sa tendance à occulter les qualités (qu'il résume à un réel brio technique et visuel) ne parle plus de la mise scène grandiose et extrêmement spectaculaire (l'arrivée à Casper,Wyoming), des décors fabuleux de Tambi Larsen et de toutes ses petites scènes fascinantes, donnant du corps et de la densité à l'ensemble (Isabelle Huppert, émue, découvrant la cabane de Christopher Walken, ou la séquence avec le chasseur de loup dont un très jeune Mickey Rourke fait les frais). Il passe sous silence la virtuosité des scènes d'action, rapides, brutales, qui tournent le dos à tout maniérisme (jamais de ralentis), accueillent des trouvailles remarquables (le drap crevé d'une balle nous présentant, de manière fracassante, Nate Champion, ou bien, dans le même esprit, ce trucage subliminal nous montrant un personnage traversé d'une balle qui laisse filtrer le jour à travers lui).
Cela dit, je dois reconnaître que le fan de la première heure que j'étais s'est laissé quelque peu endormir par la version longue de 1989, parce que c'était un événement dont le côté grisant me faisait fermer les yeux sur ce que je considère maintenant comme deux motifs de tempérance. D'abord, sur le plan esthétique, j'estime que la version de 89, qui a régné jusqu'en 2013, a eu des conséquences négatives sur la réceptivité plastique du spectateur. La version longue de 1989 est marronnasse, tirant sur le verdâtre. Les sources de lumière (lampes à pétrole) y sont blêmes, blafardes. La fameuse séquence des patins à roulettes est tirée en sépia, pour enfoncer un clou (celui d'une temporalité révolue) qui n'en demandait pas tant. Cet aspect rédhibitoire m'a sauté à la gueule lors de la projection en 2011 d'une copie, par dessus le marché, abîmée! Et là, il faudrait se souvenir de ce qu'était La Porte du Paradis, dans sa version courte (2h30), de 1981, fraîchement étalonnée. Les couleurs y étaient chaudes, plus jaunes (les sources de lumière), plus vertes (l'herbe du Wyoming) et plus rouges (le sang). La version "director's cut" de 2013 répare ce dommage en retrouvant cette fraîcheur et nous débarrasse enfin de l'encombrant sépia de la séquence des patins à roulettes.
Ensuite, il y a l'aspect scénaristique. On a été quelques uns à se persuader que la version longue rendait la narration plus claire, les enjeux plus lisibles, les motivations moins opaques. Il n'en est rien et c'est peut-être tant mieux tellement le film tire son charme de son opacité (bien cernée dans 50 ans de cinéma américain). Il faut, à mon sens, aimer Heaven's Gate plus pour ce qu'il tait que pour ce qu'il dit. Comme l'on dirait de quelqu'un qu'il gagne à ne pas trop l'ouvrir. Or la version longue de Heaven's Gate laisse transparaître à de très nombreuses reprises la tentation un peu puérile de laisser discourir le refoulé. Ce qui est déjà présent dans la version courte ("La liberté, ils viennent de la violer" dit Kris Kristofferson juste après....le viol d'Isabelle Huppert, m'ouais..) devient omniprésent dans la longue. Même les mercenaires y perdent de leur mystère menaçant en prenant des poses théâtrales, shakespeariennes comme lorsque Sam Waterston tue un prisonnier devant ses hommes pour leur prouver qu'il en a (scène absente de la version courte).
J'adore, et j'adorerais toujours, Heaven's Gate. Mais ce sera en triant, bien plus que par le passé, le grain de l'ivraie.
Quant à Bertrand Tavernier, lui et son comparse ont suffisamment mis en avant les bienfaits (quand il y avait lieu) de la réévaluation comme garantie d'une pensée critique vivante, qui sait évoluer, pour qu'on ne s'étonne pas qu'elle s'exerce "sur l'oreiller".
On aimerait qu'une réévaluation soit systématiquement à la hausse. Cela ne marche pas toujours dans ce sens.
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Roy Neary
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Re: La Porte du paradis (Michael Cimino - 1980)

Message par Roy Neary »

Intellectuellement, je ne peux pas m'expliquer comment on peut défendre la version courte de 2h30. A tous points de vue, elle nuit à Heaven's Gate. Elle casse complètement le rythme de cette fresque partagée entre élégie et barbarie. Elle simplifie la relation en triangle, elle sacrifie des personnages qui pour le coup ont encore moins d'épaisseur (le reproche qu'on fait d'habitude au film). Elle enlève énormément de force et de prégnance à ce sentiment diffus et prolongé de mélancolie et de fatalité qui conduit le récit jusqu'à son final. Elle diminue la portée et la beauté du voyage poétique qui est nourri par les grands espaces naturels et spirituels qui élèvent les âmes alors que le développement historique et social condamne les hommes à la damnation.
Moi, je veux bien qu'on contemple la moitié du Déjeuner sur l'herbe ou qu'on sélectionne les naufragés du Radeau de la Méduse, mais à partir d'un moment il faut prendre ses responsabilités.
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Alexandre Angel
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Re: La Porte du paradis (Michael Cimino - 1980)

Message par Alexandre Angel »

Roy Neary a écrit :Intellectuellement, je ne peux pas m'expliquer comment on peut défendre la version courte de 2h30. A tous points de vue, elle nuit à Heaven's Gate. Elle casse complètement le rythme de cette fresque partagée entre élégie et barbarie. Elle simplifie la relation en triangle, elle sacrifie des personnages qui pour le coup ont encore moins d'épaisseur (le reproche qu'on fait d'habitude au film). Elle enlève énormément de force et de prégnance à ce sentiment diffus et prolongé de mélancolie et de fatalité qui conduit le récit jusqu'à son final. Elle diminue la portée et la beauté du voyage poétique qui est nourri par les grands espaces naturels et spirituels qui élèvent les âmes alors que le développement historique et social condamne les hommes à la damnation
La version longue n'élucide pas tout (et c'est tant mieux). Maintenant, je ne prône pas un retour barbare à la version maudite :mrgreen: , je dis juste que c'est cette version qui m'a immédiatement fait aimé le film et là-dessus, je ne peux pas revenir. Et la version longue sur-signifie bons nombres de séquences.
Roy Neary a écrit :Moi, je veux bien qu'on contemple la moitié du Déjeuner sur l'herbe ou qu'on sélectionne les naufragés du Radeau de la Méduse, mais à partir d'un moment il faut prendre ses responsabilités.
C'est quand même pas pareil mais bon, ça nous entrainerait dans un long débat et c'est l'heure de la sieste :oops: !
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hansolo
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Re: La Porte du paradis (Michael Cimino - 1980)

Message par hansolo »

Retour sur le film dans Affaires sensibles ;)
https://www.franceinter.fr/emissions/af ... tobre-2016
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Le grand saut - Joel & Ethan Coen (1994)
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Re: La Porte du paradis (Michael Cimino - 1980)

Message par mannhunter »

AtCloseRange a écrit :Le triangle amoureux ne fonctionne que là-dessus. Je trouve qu'il est un peu posé là comme un fait accompli mais qu'il n'existe pas vraiment. Et donc on s'appuie alors sur le charisme indéniable de Kristofferson ou de Walken (Huppert est un peu le maillon faible dans l'histoire). C'est ce qui me semble le moins fonctionner dans le film et je pense que c'est la raison principale qui entraîne le rejet plus ou moins important du film.
un peu le même ressenti, pas vraiment impliqué par ce trio de personnages et leurs relations, du coup le film m'a paru bancal et long par moments...reste le visuel, et de beaux moments éparpillés mais en ce qui concerne Cimino je préfère le plus modeste "le canardeur" ou "l'année du dragon".
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shubby
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Re: La Porte du paradis (Michael Cimino - 1980)

Message par shubby »

mannhunter a écrit :
AtCloseRange a écrit :Le triangle amoureux ne fonctionne que là-dessus. Je trouve qu'il est un peu posé là comme un fait accompli mais qu'il n'existe pas vraiment. Et donc on s'appuie alors sur le charisme indéniable de Kristofferson ou de Walken (Huppert est un peu le maillon faible dans l'histoire). C'est ce qui me semble le moins fonctionner dans le film et je pense que c'est la raison principale qui entraîne le rejet plus ou moins important du film.
un peu le même ressenti, pas vraiment impliqué par ce trio de personnages et leurs relations, du coup le film m'a paru bancal et long par moments...reste le visuel, et de beaux moments éparpillés mais en ce qui concerne Cimino je préfère le plus modeste "le canardeur" ou "l'année du dragon".
Avec du spoiler dedans :

J'ai pris une sacrée claque, on n'en fait plus des comme ça. Si j'ai qq réserves sur ce film - je vais développer après - je n'en ai aucune sur le triangle amoureux, à mon sens l'un des plus beaux qui soient. Tout le film est articulé autour de ça ; tout mène à là, puis en repart. C'est un big bang, cette relation. Jamais je n'avais vu telle construction. Un homme, une femme. Puis cet homme, plus tard, a priori seul. Non, il a une femme, une autre, qu'on découvre après qu'il ait géré ses affaires en ville. C'est sa femme ? Pas vraiment, une prostituée en fait, une mère maquerelle cheftaine de "french whores", qui sans la tronche de poupée d'Huppert renverrait presque aux putes à morpions de Peckinpah. Un autre homme la kiffe apparemment, la belle française, à savoir le salaud du début, celui qui nous avait été présenté comme un immonde salopard à la Leone, ce qu'il n'est pas vraiment en fin de compte. Il y a ça aussi, ce sentiment de voir un Leone détourné, entre ce truc, le train, les longs manteaux, un homme à l'harmonica... Once upon a time in the west, quoi. Bref. Ce type la convoite ? Il la "consomme" déjà en vérité, et souhaite aller plus loin, la marier. L'autre va-t-il devenir jaloux à en crever dans ce cas ? Pas vraiment, c'est un peu son pote en fait. On frôle alors le triolisme, on pense aux Valseuses (dans la tonalité, pas autant à l'image !) et l'on se dit que Miou-Miou aurait elle aussi pu tenir ce (grand) rôle à la perfection.

La construction - bancale - du film tient grâce à ce personnage féminin, fort comme rarement. Elle aime sans gêne, se fait violer, résiste, parle franchement, et tue sans peur. C'est un personnage entier ; les 3 héros sont d'ailleurs entiers, ne font pas de concession (comme le film) ainsi ils sont magnifiques. Jusqu'alors, mon chouchou de triangle amoureux était incarné par Chow yun fat, anita mui et Tony leung (celui de l'amant) dans le A Better Tomorrow 3 de Tsui Hark, lui aussi maudit à sa façon, imparfait donc charmeur. Il vient, peut-être, d'être détrôné dans ma caboche & mon p'tit coeur par ces portes du paradis.

Construction bancale malgré tout, parce que je n'aime pas le début, ne comprends pas toujours bien le temps qui passe là-dedans, et sur la fin j'ai un soucis. Tout le passage à Harvard sonne horriblement faux. A mon sens, les deux discours de fin d'année sont quasi abscons, les rires de la foule, même par convention parce qu'ils sont de classe, exagérés. On sent le besoin de créer une vignette, mais ça ne marche pas vraiment - et c'est méchamment casse-gueule parce qu'on nous présente un perso, l'autre femme, qu'on ne verra quasi plus. En résulte une première 1/2 heure (environ) assez pénible et non accrocheuse. Au mieux, on nous présente une autre planète, façon Ionesco. Le temps qui passe, ensuite. Kristofferson chez les bouseux de cow-boys. On pense d'abord voir plusieurs jours défiler pour se rendre compte après que non, un seul a passé. De la déclaration de guerre du gouverneur à son application, le flottement bienheureux entre-deux m'a lui aussi paru extrêmement dilué. Pourtant, c'est un film à voir ou revoir en ce moment tant il traduit notre époque. On sent que ça va craquer d'une façon ou d'une autre, mais il faut bien vivre, n'est-ce pas. Le triangle amoureux, alors, tient le tout en équilibre. La funambule glisse parfois, mais elle se rattrape à chaque fois et avance sans tomber... jusqu'à sa mort. Et puis la fin, donc. Quitte à romancer une histoire vraie, autant condenser le climax sur une grosse scène je trouve. Passé le baroud d'honneur monstrueux de Walken, si la charge des immigrés est magnifique, leur retranchement par la suite ne l'est pas (et le revirement de notre héros barbu qui revient aider toute la clique en laissant tomber sa valise est à mon sens une scène inaboutie ; Kristofferson passe parfois à côté du perso je trouve). Le massacre qui s'ensuit est homérique, mémorable, mais - c'est un petit mais, hein - le sentiment de climax a été rompu. On bascule dans autre chose. Une boucherie, donc. Et Trop scénarisé, parce que l'ultime rebondissement qui voit la belle se faire tuer et le grand vilain enfin crever arrive trop tard. Tout aurait dû figurer sur la grande finale, selon les codes du western, ce qu'est le film avant tout. Un Open range saura, lui, nous montrer le climax ultime du genre "villageois remontés". Et la conclusion dans le bateau est superbe, mais les maquillages vieillissant, passablement ratés, nuisent au propos.

Sinon, tout respire les 70's là-dedans. Ds le livret qu'on trouve ds le BR carlotta, JB Thoret analyse finement le parallèle entre la génération "1870" à harvard au début et la fin des 70's que décline le film. On a beau parler d'un fait historique datant du début du 20ème, on pense avant tout aux massacres de la 2nde guerre mondiale, alors encore vivaces ds les esprits. Davantage que le vietnam : le perso de Brad Dourif figure largement le juif martyr. On pense aussi à tous ces films d'alors où les corps de femmes et d'hommes s'amoncelaient. Missing, Soleil Vert (je crois) etc. Délivrance de Boorman aussi, avec l'intermède musical qui précède lui aussi le bain de sang. Avec ces séquences d'exécutions typiques, également, cf toute la fin homérique du Dillinger de Milius, Bonnie & Clyde etc. Et la petite touche 68 qui va bien : on baise à plusieurs, on crève en masse.

Ultime réserve : la beauté du film. Il est magnifique, oui, trop. Certains plans, certes à se damner, m'ont parfois sorti de l'histoire. Les acteurs m'ont remis à chaque fois sur les rails, mais on frôle la pose esthétiques par endroits (les femmes qui remplacent les boeufs dans les champs, Huppert seule devant la porte d'entrée du "Heaven's Gate", la salle des fêtes locale...)
Walken, d'ailleurs, est un enfoiré. On n'a pas le droit d'être aussi beau, d'avoir autant de présence, de charisme. Je m'imaginais dans Fight Club en train de le tabasser pour lui casser ses belles courbes. Ce que fait Cimino, d'ailleurs, pendant tout le film. Il casse du beau, comme l'ont fait et le font encore les gros sales pour mettre du dégueulasse partout tout le temps pour paraître, ainsi, un peu moins moches.

Pensée anecdotique : je me demande si le Capitaine Stilman de la bd des Tuniques bleus ne vient pas du perso désabusé incarné par John Hurt.
Dernière modification par shubby le 15 janv. 19, 23:45, modifié 13 fois.
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Alexandre Angel
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Re: La Porte du paradis (Michael Cimino - 1980)

Message par Alexandre Angel »

Je ne suis pas d'accord sur tout (mais de toute façon, avec Heaven's Gate, on est jamais d'accord sur tout, y compris avec le film lui-même), mais ton texte est captivant Shubby!
shubby a écrit :Pensée anecdotique : je me demande si le Capitaine Stilman de la bd des Tuniques bleus ne vient pas du perso désabusé incarné par John Hurt.
Remarque aussi intéressante qu'inattendue. Tu me donnes envie de m'adonner aux Tuniques Bleues parce que je suis passé à côté quand j'étais petiot. Mais il y a de bonnes anthologies chez Dupuis.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Jean-Pierre Festina
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Re:

Message par Jean-Pierre Festina »

Tom Peeping a écrit : Plastiquement exceptionnel (quels paysages!), thématiquement culotté (un chapitre de l'histoire US que les américains n'ont pas eu envie de se faire rappeler, c'est ça qui a surtout du expliquer le naufrage critique et public du film) mais avec quelques passages à vide qui bizarrement impliquent tous Isabelle Huppert. Comme d'habitude, l'actrice est parfaite mais ses scènes sont moyennement écrites, longues et surtout très répétitives.
J'ai terminé le premier dvd du coffret carlotta et je suis totalement d'accord avec ce que dit le camarade. Le film démarre merveilleusement mais s'embourbe dans d'interminable dialogues qui mettent en scène notre Isabelle nationale. L'ampleur du film en sort un rien compromise. Suite au prochain numéro.
LU SUR FORUM A MONTRES : "(...) maintenant c'est clair que Festina c'est plus ce que c'était(...)"


Non mais ALLOOOO quoi
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Jean-Pierre Festina
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Re: Re:

Message par Jean-Pierre Festina »

Yaplusdsaumon a écrit :
Tom Peeping a écrit : Plastiquement exceptionnel (quels paysages!), thématiquement culotté (un chapitre de l'histoire US que les américains n'ont pas eu envie de se faire rappeler, c'est ça qui a surtout du expliquer le naufrage critique et public du film) mais avec quelques passages à vide qui bizarrement impliquent tous Isabelle Huppert. Comme d'habitude, l'actrice est parfaite mais ses scènes sont moyennement écrites, longues et surtout très répétitives.
J'ai terminé le premier dvd du coffret carlotta et je suis totalement d'accord avec ce que dit le camarade. Le film démarre merveilleusement mais s'embourbe dans d'interminable dialogues qui mettent en scène notre Isabelle nationale. L'ampleur du film en sort un rien compromise. Suite au prochain numéro.
J'en suis à la moitié du 2e dvd du coffret Carlotta, et le moins qu'on puisse dire c'est que ça ne va pas tout seul.
Difficile de ne pas reconnaître à cette oeuvre maudite d'écrasantes qualités : le film est tout de lenteur majestueuse, ponctué ça et là de virtuosités de mise en scène, quant à la photographie, c'est du chef-d'oeuvre ininterrompu. Et je ne parle même pas des thèmes du film, on est grosso modo dans du marxisme intelligent.
Mais il arrive un moment où l'on n'en peut plus. C'est beaucoup, beaucoup, beaucoup trop long ; et c'est là que ce film semble choisir ses spectateurs : les uns y verront un long poème élégiaque et hypnotique, tandis que les autres trouveront toute cette cérémonie interminable et un peu pompière.
LU SUR FORUM A MONTRES : "(...) maintenant c'est clair que Festina c'est plus ce que c'était(...)"


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