(en italiques : films découverts en salle à leur sortie)
Les rois du désert
En mars 1991, quatre bérets verts cyniques et blasés au service de l’Amérique triomphante de Bush Sr dénichent un plan juteux dans le trou de balle d’un bidasse irakien. L’occasion pour Russell de se livrer au saignant démontage d’une trahison politique, celle d’une administration qui, après avoir promis un soutien logistique aux opposants de Saddam Hussein, les laissa se faire exterminer sans broncher. La désastreuse confusion régnant au lendemain du conflit fournit la matière d’une comédie pétaradante et loufoque, qui se joue vertement des comptes-rendus officiels de CNN, accumule les situations déjantées façon
MASH, renvoie l’image caustique des cruels paradoxes laissés par une guerre sans conclusion, pour mieux accorder à ses profiteurs devenus héros malgré eux une absolution
urbi et orbi.
4/6
Fighter
Si on compare à l’anarchie joyeuse du film précédent, on peut croire que le cinéaste rentre dans le rang : toutes les conventions du film de boxe sont ici respectées, du rêve de revanche sociale aux effusions de sueur et de sang. On ne perd au change, parce que Russell a le don pour faire vivre des personnages exubérants arrachés au prolétariat
white trash d’une Amérique déglinguée, et parce que la tendresse rugueuse qu’il impulse à cette histoire somme toute prévisible de courage, de rivalité et de rédemption garantit une émotion cash qui tient à la fois de la gueule de bois et de la truculence radieuse. L’homogénéité complice de la distribution, le style direct et brut, le premier degré frontal de ses intentions font de ce film un très beau mélo mâtiné de
feel good movie, à moins que ce ne soit l’inverse.
5/6
Happiness therapy
Russell souscrit à nouveau aux lieux communs d’un autre genre typiquement américain (la comédie romantique) en y apportant son attachement pour les protagonistes déboussolés, les êtres en marge ou en rupture, son goût pour les névroses banales, les jactages à la limite de l’hystérie, les prises de bec homériques qui se terminent en embrassades ou en réconciliations. Le développement des enjeux est cousu de fil blanc, rien ne dérogera aux principes normatifs du couple déphasé qui apprend à se reconnaître et à s’aimer, mais c’est justement dans notre connivence avec cet optimisme joyeux, dans notre adhésion aux étapes obligatoires (le concours de danse final) que le film fait naître un charme persistant. Bradley Cooper est vraiment très bien, au moins autant que Jennifer Lawrence avec sa tête bouffie un peu chelou.
5/6
American bluff
Les clinquantes années 70, des magouilleurs de seconde zone, des politiciens à enfumer et des caïds à redouter, du disco, des coups fourrés et tout le folklore qui va avec. Dans le registre du dépoussiérage vintage, colifichets et camelote compris, Russell est doué. Bonne surprise : il dépasse le plaisir superficiel du toilettage, aussi brillant soit-il, pour dire avec humour et pertinence une certaine époque où l’on ne vit, jusqu’au délire, que pour pour le plaisir de faire passer des vessies pour des lanternes. Sans cynisme, il s’attache surtout à révéler la pathétique humanité de ses personnages à bon fond, tous fidèles, au-delà du jeu de dupes et d’entourloupes, à leurs amours ou à leurs nobles idéaux. Le casting s’en donne à cœur joie, dominé par une Amy Adams royale, délicieuse, émouvante et sexy à se damner.
4/6
Mon top :
1.
Fighter (2010)
2.
Happiness therapy (2012)
3.
American bluff (2013)
4.
Les rois du désert (1999)
Quatre films sans génie mais traversés par un réel enthousiasme, une identité marquée qui déplace les clichés sur un terrain personnel sans jamais les subvertir, une énergie roborative et assez euphorisante ont fait de David O. Russell un cinéaste franchement intéressant.