Nanni Moretti
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Re: Nanni Moretti
Cest bien ça, de donner la présidence du Jury, à cet auteur qui n'a rien reçu à Cannes l'année dernière!? je veux dire j'espère qu'il l'a digéré...j'imagine que oui...
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Re: Nanni Moretti
Une palme d'or pour La Chambre du fils et un prix de la mise en scène pour Journal intime, effectivement il doit l'avoir bien mauvaise contre Le Festival en général et Gilles Jacob en particulier.Stygma2 a écrit :Cest bien ça, de donner la présidence du Jury, à cet auteur qui n'a rien reçu à Cannes l'année dernière!? je veux dire j'espère qu'il l'a digéré...j'imagine que oui...
ça va être un carnage.
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Re: Nanni Moretti
Plussun, une belle surprise, un joli film malgré une mise en scène un peu anonyme à mon sens...mais les acteurs et notament Moretti sont très bons.Alligator a écrit :Caos calmo (Antonio Luigi Grimaldi, 2008) :
http://alligatographe.blogspot.com/2011 ... calmo.html
_______________
Quel joli film, d'une extrême délicatesse, comme une grande et longue respiration. C'est très agréable de voir un film de ce type. Comme dire? Je cherche des équivalences, je n'en trouve pas. Peut-être dans certains films japonais, ou plus largement asiatiques, dans lesquels le temps est considéré à sa juste place. Je ne dis pas forcément que le cinéma doit à tout prix suivre une cadence ultra réaliste, non, bien entendu, mais qu'il est bon parfois de voir un film qui prend le temps, qui donne à ses personnages l'occasion de se poser et d'attendre qu'un évènement arrive.
C'est bel et bien le cas ici. Pietro (Nanni Moretti) perd sa femme. Attentif avant tout à la réaction de sa fille, il en oublie sa propre tristesse. Le jour de la rentrée, il l'accompagne à l'école et décide de rester là, tout près, à attendre, tous les jours, jusqu'à... il ne sait pas trop, il veut juste être là au cas où sa fille aurait besoin de lui.
Il le peut, il en a les moyens. Et donc il passe ses journées sur la grande place en face de l'école, guettant le moindre appel de sa fille, il passe son temps sur un banc, au café, dans sa voiture, il marche, il observe, il attend, il s'octroie une incroyable liberté. Avec le temps, va, tout s'en va.
Dans notre société, il est devenu commun de rejeter cette liberté. Souvent on se la nie. On n'a plus le temps. Les gens qui en ont sont vus comme des privilégiés, des rentiers, des gens qui peuvent, des salops qu'on envie la plupart du temps, dans le pire des cas on les rejette comme des feignants, à la marge, il faut s'en méfier, des excentriques, des artistes ou des va-nu-pieds. Et le film n'aborde pas cette liberté sous cet angle, sans doute parce que tout le monde estime qu'en période de deuil, Pietro en a bien le droit après tout.
Il est vrai qu'il ne s'exclut pas pour autant de la société. Sa secrétaire vient le voir, il lit les journaux, rentre avec sa fille chez eux chaque soir, aborde des gens, communique, téléphone, mange, drague, fait l'amour, s'amuse, travaille, réfléchit, reçoit ses amis, sa famille, ses collègues, son patron. La vie ne s'arrête pas totalement.
Mais les priorités ont changé. Celle d'attendre est au premier rang. Cette place est en quelque sorte devenue son nouveau bureau. On le complimente sur la beauté de l'endroit. On s'habitue. Avec le temps. Pietro s'habitue lui aussi, à l'endroit, à ce rythme de vie, aux personnes qu'il croise, qu'il apprend à connaitre.
Peu à peu le temps fait son travail. C'est cette lente progression que le film nous conte avec une belle maitrise car on pouvait craindre à la fois une charge de pathos et également ce foutu ennui qu'on associe trop bêtement à l'attente.
Les scènes de tristesse sont incroyablement légères. Comment fait Antonello Grimaldi? Sans doute que la manière de décrire cette attente, faite de moments gais, voire drôles, que la photographie souvent lumineuse et le jeu de Moretti d'une profondeur authentique préparent admirablement le terrain pour que cette douce sérénité s'empare du film et des personnages. Quand arrive le moment où Moretti expulse sa douleur, il se dégage de la scène une sorte de soulagement, comme si le spectateur pouvait le toucher et lui offrir une épaule pour s'épancher. Tout se déroule comme la vie le prévoit, malgré les complexités de l'être humain, c'est à dire dans un élan tout simplement naturel. Ses pleurs ne sont en aucun cas pathétiques. C'est juste la vie.
Il y a une bande musicale très anglo-saxonne, très rock-pop qui se voudrait tout aussi guillerette mais que j'ai trouvé un peu trop artificiellement posée là, juste pour alléger le récit. Trop voyante. Pas aimé. Ça m'a souvent dérangé. C'est bien le seul truc qui m'a chiffonné.
Voilà un film sur le deuil qui répond avec enchantement à "La chambre du fils", qui pour le coup m'avait déplu parce que sur-pathétique, d'une trop agressive noirceur. Ce "Caos calmo" est blanc. Pas le pur mais le neutre, celui de la pause. "Stop, je prends le temps de peser l'évènement, la mort de ma femme, la souffrance de ma fille, je prends le temps de réaliser ce qui se passe pour elle et pour moi, j'attends le moment où elle pourrait tomber, je la rattraperais". Voilà. Simple, doux et beau, comme la vie.
- Jeremy Fox
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Re: Nanni Moretti
Le portrait du cinéaste à travers ses films.C'est aujourd'hui que sort en salle Mia Madre, le nouveau long métrage de l'indispensable Nanni Moretti honteusement absent du palmarès du dernier festival de Cannes alors que le réalisateur aurait pu briguer sans conteste une seconde Palme d'or. L'occasion pour nous de revenir sur la carrière de l'un des plus grands cinéastes de notre temps à travers les douze longs métrages qu'il a réalisé en quarante ans.
- tenia
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Re: Nanni Moretti
Mia Madre est un film absolument magnifique de finesse. Retrospectivement, il aurait pu effectivement briguer pas mal de prix.
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Re: Nanni Moretti
Je suis un autarcique
C’est la profession de foi d’un grand adolescent déçu par les lendemains de Mai 68, une chronique foutraque et brouillonne relevant parfois du plus grand dilettantisme, tournée en super 8 entre potes puis gonflée en 16mm. Empruntant d’abord les sentiers pénibles d’un post-godardisme aux frontières de l’imbitable, elle opte ensuite pour la satire parodique d’un certain gauchisme devenu à la mode en ce milieu des années 70, d’une nouvelle idéologie qui s’amollit dans les drogues douces, la musique planante, le théâtre nouveau, les fringues et le désespoir luxueux. Mais elle a beau brocarder l’usure d’une mini-société qui se voudrait exclusivement intellectuelle et cultive poussivement un pessimisme snob, les ressources traditionnelles auxquelles elle recourt demeurent franchement minces. 3/6
Bianca
Titre trompeur, tant le personnage féminin n’est ici qu’un fantôme et le véritable sujet du film son auteur. Après une idée comique utilisée pendant une demi-heure (la description d’une école ultra-moderne où la névrose infantile des professeurs le dispute à l’outrecuidance des élèves), la trame zigue-zague entre plusieurs emprunts patauds (notamment à Fenêtre sur Cour), plusieurs registres plus ou moins hétérogènes (du policier à la comédie de mœurs) pour dresser le portrait d’un homme en état de scission permanente, névrotique, lâche, vaguement compulsif, animé par une rigueur inquisitoriale et une totale intransigeance morale. La relative mise en ordre des matériaux ne compense pas l’impression d’inachevé qui émane de ce film sincère mais bien trop brouillon et approximatif. 3/6
La messe est finie
Pas facile, le sacerdoce de curé. Le jeune prêtre incarné par Moretti, confronté à l’évolution des mœurs et des mentalités et à sa propre crise spirituelle, s’en rend compte bien vite. Avec une ironie tendre et malicieuse, le cinéaste suit le parcours d’un homme désemparé qui ne comprend pas pourquoi tout se met à dérailler : névroses et angoisses d’une famille désunie, tristesse morose des amis, désertion de la générosité au profit d’un individualisme amer. Dans l’Italie des années 80 où la pagaille morne des sentiments a remplacé le désordre tonique des espérances, il pratique un humour accidentel, décalé, incongru, une sorte de comique d’implosion qui déferle par bouffées, à contre-pied et contretemps. Et ce ton de comédie se nourrit de détresse, parfois de colère, mais jamais de désespoir. 4/6
Palombella rossa
Une balade de Bruce Springsteen se fait entendre et le temps s’arrête sur la piscine, avant que ne reprenne le match entre les équipes mais surtout entre les idées, les convictions et les ardeurs philosophiques. Moretti déplace l’étude des comportements, des mœurs sociales et de l’autoanalyse du terrain religieux au terrain politique, où s’affrontent communisme, catholicisme, gauchisme, saisies en vue de coupe, avec autant d’acuité que d’invention. Il règle ses comptes avec l’Italie contemporaine, la religion, la morale, la culture médiatique et encore plus avec lui-même : car si la charge contre Berlusconi est féroce, l’auteur ne s’épargne rien, se remettant constamment en question par le recours original aux motifs de l’amnésie, de l’autarcie intellectuelle, de la psychanalyse. 5/6
Journal intime
Une rencontre émerveillée avec Jennifer Beals, un séjour solaire dans les îles Éoliennes, une ballade en Vespa dans les humeurs estivales de Rome : trois épisodes euphorisants, caustiques et chaleureux de la vie intime du cinéaste, qui nous fait partager ses désirs, ses colères, ses angoisses, ses instants de bonheur. L’autoportrait n’est nullement égocentrique, car la fluidité du style et la liberté du ton lui font dépasser le stade de l’anecdote pour atteindre à la chronique voltairienne du monde contemporain. La catharsis personnelle prend ainsi la valeur d’un acte conjuratoire universel. Ce recueil de souvenirs, de promenades et de réflexions impose un charme enchanteur et primesautier, une espièglerie mordante, une poésie douce. À la fin, on a l’impression de compter Nanni parmi le cercle de nos amis. 5/6
Aprile
L’introspection de l’éternel atrabilaire se poursuit, entre angoisse artistique, paternité et lubies fantaisistes. Il continue de nous parler à l’oreille, sans se soucier de fignoler un récit cousu main, parce qu’un homme libre, ça ne se laisse pas caser. Ce nouveau chapitre de son journal intime raille une fois de plus, avec ironie mais sans agressivité, les dérives de la politique italienne, tout comme il moque le conformisme, la pusillanimité, l’hypocrisie et le grégarisme de ses concitoyens. Entre la victoire électorale de Berlusconi et le naufrage d’un bateau albanais, Moretti fait entrecroiser les événements autobiographiques avec une délectation communicative, gratte là où ça fait mal, considère le spectateur comme son confident privilégié et rit autant de lui-même que du monde qui l’entoure. 4/6
La chambre du fils
Sans la moindre maladresse sentimentale, la moindre complaisance affective, Moretti aborde ici le plus "impossible" des sujets : la mort d’un enfant. La perte, le désespoir, l’affliction insurmontable causée par l’absence sont considérés de front, avec une pudeur, une retenue, un tact admirables, qui confèrent à cette analyse feutrée du travail de deuil une exceptionnelle justesse. Le film restitue tous les états de la souffrance : pratique sportive comme délassement puis comme recherche de l’épuisement, rapport obsessionnel au passé et à la culpabilité, fracture entre des êtres que tout devrait réunir, incapacité à supporter l’autre, sa détresse la plus profonde comme son mal-être le plus banal. À son terme, lorsqu’un travelling accompagne père, mère et sœur dans une sérénité fragile, l’intense émotion qui l’aura parcouru est à son comble. 6/6
Top 10 Année 2001
Le caïman
Berlusconi a toujours été dans le collimateur du cinéaste. L’attaque déjoue cependant les attentes, emprunte des chemins de traverse, appelle à la raison et à l’engagement. Surtout, elle ne prend jamais le pas sur la tendresse drolatique d’une chronique intimiste qui excède largement le cadre de la charge politique et suit un héros débordé par ses problèmes sentimentaux et professionnels, pour lequel financer un film devient délicat, et sauver son couple une mission impossible. S’épanouit alors une émotion prégnante, infusant le film jusqu’à un final saisissant : lorsque Moretti lui-même incarne son pire ennemi, qu’il en fait un manipulateur populiste à la séduction ambiguë et au fascisme larvé, le couperet tombe et la légèreté s’évapore pour ne laisser la place qu’à une inquiétude glaçante. Énorme, ce final. 5/6
Habemus papam
Notoirement athée, régulièrement anticlérical, le réalisateur aurait pu se livrer à un pamphlet féroce contre le microcosme du Vatican. Comme tous les grands cinéastes, il choisit de prendre les attentes à contre-pied et livre une méditation cocasse et secrètement profonde sur les troubles de l’identité, les difficultés d’être à la hauteur et de ressembler à soi-même. Maniant la tendresse autant que l’ironie, offrant à travers son personnage de pape démissionnaire (formidable Michel Piccoli) une méditation inquiète sur le pouvoir et la responsabilité, liant le jeu à la psychanalyse, le théâtre à la religion, il glisse d’un registre à l’autre avec une aisance harmonieuse et signe une drôle de comédie angoissée, miroir saisissant d’un monde contemporain (et de la société italienne) au bord du précipice. 5/6
Top 10 Année 2011
Mia madre
D’une rectitude absolue mais apte à entremêler rêves et souvenirs de la représentation mentale, grave comme une complainte mais désopilant de cocasserie, très personnel mais crucial dans les sujets qu’il aborde (la difficile harmonie entre les désirs individuel et collectif, l’engagement et le doute qui le lézarde, la valeur résiliente du souvenir et de la transmission), ce drame feutré multiplie les fausses contradictions comme autant de vertus qui concourent à en faire, après La Chambre du Fils, un nouveau parangon de délicatesse et de bienveillance. Attentif à révéler en chacun le fond de bonté qui l’anime, Moretti lui offre le droit de surmonter les épreuve de la vie à travers les voiles de la souffrance pour mieux se rapprocher des autres, de lui-même et de l’être aimé qui s’éteint. Un grand film pudique, introspectif, universel. 5/6
Top 10 Année 2015
Tre piani
Trois étages dans une résidence cossue de Rome, trois destinées familiales frappées par une tragédie commune, pour un même regard compatissant sur une société morcelée, insularisée, minée par le manque de confiance, le poids du doute et de la faute, le conflit intergénérationnel : en un mot, la difficulté à vivre ensemble. Si le film adopte le ton romanesque qui reste traditionnellement attaché au mélodrame, il se dépouille jusqu’à l’épure de toute charge stylistique, de toute séduction conventionnelle, pour éclairer les affres et dilemmes de chacun d’une lumière transparente mais distanciée, perméable à l’émotion mais hostile aux facilités de l’épanchement pathétique. L’auteur y actualise ainsi, dans une veine classique très consommée et avec une belle acuité morale, le "chacun a ses raisons" renoirien. 4/6
Vers un avenir radieux
Le cinéaste revient ici au code génétique qui définit sa nature d’artiste, entre colère et mélancolie, journal intime et tourments collectifs. En imbriquant la chronique d’un réalisateur au travail avec une évocation historique du parti communiste italien, il joue son avatar en une version un peu assommante, vieux tonton remâchant en bout de table que tout était mieux avant et faisant la morale à chacun parce que tout le monde à cédé sur ses principes. Mais pour déplaisant qu’il soit, ce morettisplaining est atténué par l’ingéniosité du dispositif, la spécificité de son ironie, que dévoile sa façon de massacrer le pittoresque et l’espoir du spectateur de s’y lover comme dans un confortable canapé. Et si le film accuse une certaine lassitude, sa manière est assez légère et funambulesque pour conjurer son amertume. 3/6
Mon top :
1. La chambre du fils (2001)
2. Mia madre (2015)
3. Journal intime (1993)
4. Habemus papam (2011)
5. Palombella rossa (1989)
C’est bien simple : Moretti est aujourd’hui, avec Bellocchio peut-être, le seul vrai grand cinéaste italien en activité, portant sur ses uniques épaules tout l’héritage de l’un des cinémas les plus prestigieux du monde. On a longtemps dit qu’il était le Woody Allen de son pays ; ce n’est pas faux, mais alors sur un mode plus politisé, plus perméable aux vibrations du monde contemporain. En tout cas j’aime énormément le charme, la dérision, l’émotion qui émanent de son expression.
C’est la profession de foi d’un grand adolescent déçu par les lendemains de Mai 68, une chronique foutraque et brouillonne relevant parfois du plus grand dilettantisme, tournée en super 8 entre potes puis gonflée en 16mm. Empruntant d’abord les sentiers pénibles d’un post-godardisme aux frontières de l’imbitable, elle opte ensuite pour la satire parodique d’un certain gauchisme devenu à la mode en ce milieu des années 70, d’une nouvelle idéologie qui s’amollit dans les drogues douces, la musique planante, le théâtre nouveau, les fringues et le désespoir luxueux. Mais elle a beau brocarder l’usure d’une mini-société qui se voudrait exclusivement intellectuelle et cultive poussivement un pessimisme snob, les ressources traditionnelles auxquelles elle recourt demeurent franchement minces. 3/6
Bianca
Titre trompeur, tant le personnage féminin n’est ici qu’un fantôme et le véritable sujet du film son auteur. Après une idée comique utilisée pendant une demi-heure (la description d’une école ultra-moderne où la névrose infantile des professeurs le dispute à l’outrecuidance des élèves), la trame zigue-zague entre plusieurs emprunts patauds (notamment à Fenêtre sur Cour), plusieurs registres plus ou moins hétérogènes (du policier à la comédie de mœurs) pour dresser le portrait d’un homme en état de scission permanente, névrotique, lâche, vaguement compulsif, animé par une rigueur inquisitoriale et une totale intransigeance morale. La relative mise en ordre des matériaux ne compense pas l’impression d’inachevé qui émane de ce film sincère mais bien trop brouillon et approximatif. 3/6
La messe est finie
Pas facile, le sacerdoce de curé. Le jeune prêtre incarné par Moretti, confronté à l’évolution des mœurs et des mentalités et à sa propre crise spirituelle, s’en rend compte bien vite. Avec une ironie tendre et malicieuse, le cinéaste suit le parcours d’un homme désemparé qui ne comprend pas pourquoi tout se met à dérailler : névroses et angoisses d’une famille désunie, tristesse morose des amis, désertion de la générosité au profit d’un individualisme amer. Dans l’Italie des années 80 où la pagaille morne des sentiments a remplacé le désordre tonique des espérances, il pratique un humour accidentel, décalé, incongru, une sorte de comique d’implosion qui déferle par bouffées, à contre-pied et contretemps. Et ce ton de comédie se nourrit de détresse, parfois de colère, mais jamais de désespoir. 4/6
Palombella rossa
Une balade de Bruce Springsteen se fait entendre et le temps s’arrête sur la piscine, avant que ne reprenne le match entre les équipes mais surtout entre les idées, les convictions et les ardeurs philosophiques. Moretti déplace l’étude des comportements, des mœurs sociales et de l’autoanalyse du terrain religieux au terrain politique, où s’affrontent communisme, catholicisme, gauchisme, saisies en vue de coupe, avec autant d’acuité que d’invention. Il règle ses comptes avec l’Italie contemporaine, la religion, la morale, la culture médiatique et encore plus avec lui-même : car si la charge contre Berlusconi est féroce, l’auteur ne s’épargne rien, se remettant constamment en question par le recours original aux motifs de l’amnésie, de l’autarcie intellectuelle, de la psychanalyse. 5/6
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Une rencontre émerveillée avec Jennifer Beals, un séjour solaire dans les îles Éoliennes, une ballade en Vespa dans les humeurs estivales de Rome : trois épisodes euphorisants, caustiques et chaleureux de la vie intime du cinéaste, qui nous fait partager ses désirs, ses colères, ses angoisses, ses instants de bonheur. L’autoportrait n’est nullement égocentrique, car la fluidité du style et la liberté du ton lui font dépasser le stade de l’anecdote pour atteindre à la chronique voltairienne du monde contemporain. La catharsis personnelle prend ainsi la valeur d’un acte conjuratoire universel. Ce recueil de souvenirs, de promenades et de réflexions impose un charme enchanteur et primesautier, une espièglerie mordante, une poésie douce. À la fin, on a l’impression de compter Nanni parmi le cercle de nos amis. 5/6
Aprile
L’introspection de l’éternel atrabilaire se poursuit, entre angoisse artistique, paternité et lubies fantaisistes. Il continue de nous parler à l’oreille, sans se soucier de fignoler un récit cousu main, parce qu’un homme libre, ça ne se laisse pas caser. Ce nouveau chapitre de son journal intime raille une fois de plus, avec ironie mais sans agressivité, les dérives de la politique italienne, tout comme il moque le conformisme, la pusillanimité, l’hypocrisie et le grégarisme de ses concitoyens. Entre la victoire électorale de Berlusconi et le naufrage d’un bateau albanais, Moretti fait entrecroiser les événements autobiographiques avec une délectation communicative, gratte là où ça fait mal, considère le spectateur comme son confident privilégié et rit autant de lui-même que du monde qui l’entoure. 4/6
La chambre du fils
Sans la moindre maladresse sentimentale, la moindre complaisance affective, Moretti aborde ici le plus "impossible" des sujets : la mort d’un enfant. La perte, le désespoir, l’affliction insurmontable causée par l’absence sont considérés de front, avec une pudeur, une retenue, un tact admirables, qui confèrent à cette analyse feutrée du travail de deuil une exceptionnelle justesse. Le film restitue tous les états de la souffrance : pratique sportive comme délassement puis comme recherche de l’épuisement, rapport obsessionnel au passé et à la culpabilité, fracture entre des êtres que tout devrait réunir, incapacité à supporter l’autre, sa détresse la plus profonde comme son mal-être le plus banal. À son terme, lorsqu’un travelling accompagne père, mère et sœur dans une sérénité fragile, l’intense émotion qui l’aura parcouru est à son comble. 6/6
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Berlusconi a toujours été dans le collimateur du cinéaste. L’attaque déjoue cependant les attentes, emprunte des chemins de traverse, appelle à la raison et à l’engagement. Surtout, elle ne prend jamais le pas sur la tendresse drolatique d’une chronique intimiste qui excède largement le cadre de la charge politique et suit un héros débordé par ses problèmes sentimentaux et professionnels, pour lequel financer un film devient délicat, et sauver son couple une mission impossible. S’épanouit alors une émotion prégnante, infusant le film jusqu’à un final saisissant : lorsque Moretti lui-même incarne son pire ennemi, qu’il en fait un manipulateur populiste à la séduction ambiguë et au fascisme larvé, le couperet tombe et la légèreté s’évapore pour ne laisser la place qu’à une inquiétude glaçante. Énorme, ce final. 5/6
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Notoirement athée, régulièrement anticlérical, le réalisateur aurait pu se livrer à un pamphlet féroce contre le microcosme du Vatican. Comme tous les grands cinéastes, il choisit de prendre les attentes à contre-pied et livre une méditation cocasse et secrètement profonde sur les troubles de l’identité, les difficultés d’être à la hauteur et de ressembler à soi-même. Maniant la tendresse autant que l’ironie, offrant à travers son personnage de pape démissionnaire (formidable Michel Piccoli) une méditation inquiète sur le pouvoir et la responsabilité, liant le jeu à la psychanalyse, le théâtre à la religion, il glisse d’un registre à l’autre avec une aisance harmonieuse et signe une drôle de comédie angoissée, miroir saisissant d’un monde contemporain (et de la société italienne) au bord du précipice. 5/6
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D’une rectitude absolue mais apte à entremêler rêves et souvenirs de la représentation mentale, grave comme une complainte mais désopilant de cocasserie, très personnel mais crucial dans les sujets qu’il aborde (la difficile harmonie entre les désirs individuel et collectif, l’engagement et le doute qui le lézarde, la valeur résiliente du souvenir et de la transmission), ce drame feutré multiplie les fausses contradictions comme autant de vertus qui concourent à en faire, après La Chambre du Fils, un nouveau parangon de délicatesse et de bienveillance. Attentif à révéler en chacun le fond de bonté qui l’anime, Moretti lui offre le droit de surmonter les épreuve de la vie à travers les voiles de la souffrance pour mieux se rapprocher des autres, de lui-même et de l’être aimé qui s’éteint. Un grand film pudique, introspectif, universel. 5/6
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Trois étages dans une résidence cossue de Rome, trois destinées familiales frappées par une tragédie commune, pour un même regard compatissant sur une société morcelée, insularisée, minée par le manque de confiance, le poids du doute et de la faute, le conflit intergénérationnel : en un mot, la difficulté à vivre ensemble. Si le film adopte le ton romanesque qui reste traditionnellement attaché au mélodrame, il se dépouille jusqu’à l’épure de toute charge stylistique, de toute séduction conventionnelle, pour éclairer les affres et dilemmes de chacun d’une lumière transparente mais distanciée, perméable à l’émotion mais hostile aux facilités de l’épanchement pathétique. L’auteur y actualise ainsi, dans une veine classique très consommée et avec une belle acuité morale, le "chacun a ses raisons" renoirien. 4/6
Vers un avenir radieux
Le cinéaste revient ici au code génétique qui définit sa nature d’artiste, entre colère et mélancolie, journal intime et tourments collectifs. En imbriquant la chronique d’un réalisateur au travail avec une évocation historique du parti communiste italien, il joue son avatar en une version un peu assommante, vieux tonton remâchant en bout de table que tout était mieux avant et faisant la morale à chacun parce que tout le monde à cédé sur ses principes. Mais pour déplaisant qu’il soit, ce morettisplaining est atténué par l’ingéniosité du dispositif, la spécificité de son ironie, que dévoile sa façon de massacrer le pittoresque et l’espoir du spectateur de s’y lover comme dans un confortable canapé. Et si le film accuse une certaine lassitude, sa manière est assez légère et funambulesque pour conjurer son amertume. 3/6
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1. La chambre du fils (2001)
2. Mia madre (2015)
3. Journal intime (1993)
4. Habemus papam (2011)
5. Palombella rossa (1989)
C’est bien simple : Moretti est aujourd’hui, avec Bellocchio peut-être, le seul vrai grand cinéaste italien en activité, portant sur ses uniques épaules tout l’héritage de l’un des cinémas les plus prestigieux du monde. On a longtemps dit qu’il était le Woody Allen de son pays ; ce n’est pas faux, mais alors sur un mode plus politisé, plus perméable aux vibrations du monde contemporain. En tout cas j’aime énormément le charme, la dérision, l’émotion qui émanent de son expression.
Dernière modification par Thaddeus le 3 mars 24, 20:28, modifié 11 fois.
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Re: Nanni Moretti
Mia Madre - 2015
Très beau film, brillamment réalisé, intelligemment écrit et construit, formidablement bien interprété. Je n'ai cependant pas ressenti l'émotion attendue (celle qui m'avait rendue La Chambre du fils bouleversant) et la liberté de ton de Journal Intime me convient mieux. Ceci dit, la pudeur de l'ensemble, la cocasserie de certaines séquences grâce à un John Turturro grandiose, des morceaux de Philip Glass et Arvö Part, le tout harmonieusement combinés, font que je ne m'arrêterais pas à une seule vision d'autant que, pour une fois que je me rendais en ville voir un film, des voisins sans gêne m'ont gâché une partie de la séance en mettant leur musique à fond. Avouez que ça n'arrange pas l'immersion dans un film intimiste
Très beau film, brillamment réalisé, intelligemment écrit et construit, formidablement bien interprété. Je n'ai cependant pas ressenti l'émotion attendue (celle qui m'avait rendue La Chambre du fils bouleversant) et la liberté de ton de Journal Intime me convient mieux. Ceci dit, la pudeur de l'ensemble, la cocasserie de certaines séquences grâce à un John Turturro grandiose, des morceaux de Philip Glass et Arvö Part, le tout harmonieusement combinés, font que je ne m'arrêterais pas à une seule vision d'autant que, pour une fois que je me rendais en ville voir un film, des voisins sans gêne m'ont gâché une partie de la séance en mettant leur musique à fond. Avouez que ça n'arrange pas l'immersion dans un film intimiste
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Re: Nanni Moretti
Malheureusement pour moi, j'ai trouvé ce Mia Madre totalement quelconque, monotone et facile.
En premier lieu, le film m'a paru très scolaire, académique même, dans ses idées comme dans son traitement. Le film traite du thème de la disparition d'un parent. Mais sur un mode comico-tragique qui se révèle totalement foiré car trop attendu, stéréotypé, dans son humour ( ahh, la star cabot totalement nul) comme dans ses effets mélodramatiques ( la préparation à la perte et Arvo part ne ne suffisent pas à émouvoir). Et, qui, tente d'établir, de manière assez grossière, un parallèle entre l'agonie et le tournage ubuesque d'un film consacré à la fermeture mouvementée d'une usine, entre une mère et une autre, idée passionnante que le film fait semblant de traiter, se contentant plutôt d'enfiler mécaniquement des scènes de dignes d'un téléfilm - superficiel. Reste plus qu'à se rabattre, dans ce cas, sur les personnages et les acteurs. Et, là aussi catastrophe, la qualité d'écriture, la subtilité, complexité, ne sont pas au rendez-vous. John Turturro, faire-valoir d'un film, qui n'a, visiblement, pas besoin de lui, est embarrassant. Moretti est inexistant dans le rôle du frère pour ne pas dire transparent. Et, quant à l'héroïne du film, Margherita Buy, elle se démène comme elle peut pour faire vivre ce rôle de mère-fille-réalisatrice. Mais, ces nombreux efforts sont réduits à néant par un film cherchant moins la complexité que l'empathie facile, le personnage se rapetissant en silhouette éplorée. Il y avait longtemps que les ficelles de l'humour et du mélo ne m'avaient pas apparu aussi énormes, faciles, dénuées d'intensité. On est très, mais alors, très loin de l'incandescence de la Chambre du fils ou même de la legereté d'un Habemus Papam.
En premier lieu, le film m'a paru très scolaire, académique même, dans ses idées comme dans son traitement. Le film traite du thème de la disparition d'un parent. Mais sur un mode comico-tragique qui se révèle totalement foiré car trop attendu, stéréotypé, dans son humour ( ahh, la star cabot totalement nul) comme dans ses effets mélodramatiques ( la préparation à la perte et Arvo part ne ne suffisent pas à émouvoir). Et, qui, tente d'établir, de manière assez grossière, un parallèle entre l'agonie et le tournage ubuesque d'un film consacré à la fermeture mouvementée d'une usine, entre une mère et une autre, idée passionnante que le film fait semblant de traiter, se contentant plutôt d'enfiler mécaniquement des scènes de dignes d'un téléfilm - superficiel. Reste plus qu'à se rabattre, dans ce cas, sur les personnages et les acteurs. Et, là aussi catastrophe, la qualité d'écriture, la subtilité, complexité, ne sont pas au rendez-vous. John Turturro, faire-valoir d'un film, qui n'a, visiblement, pas besoin de lui, est embarrassant. Moretti est inexistant dans le rôle du frère pour ne pas dire transparent. Et, quant à l'héroïne du film, Margherita Buy, elle se démène comme elle peut pour faire vivre ce rôle de mère-fille-réalisatrice. Mais, ces nombreux efforts sont réduits à néant par un film cherchant moins la complexité que l'empathie facile, le personnage se rapetissant en silhouette éplorée. Il y avait longtemps que les ficelles de l'humour et du mélo ne m'avaient pas apparu aussi énormes, faciles, dénuées d'intensité. On est très, mais alors, très loin de l'incandescence de la Chambre du fils ou même de la legereté d'un Habemus Papam.
Dernière modification par G.T.O le 6 déc. 15, 12:54, modifié 2 fois.
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Re: Nanni Moretti
Je comprends pas, y a des spectateurs dans la salle qui écoutaient de la musique pendant le film ? O_oJeremy Fox a écrit :Mia Madre - 2015
Très beau film, brillamment réalisé, intelligemment écrit et construit, formidablement bien interprété. Je n'ai cependant pas ressenti l'émotion attendue (celle qui m'avait rendue La Chambre du fils bouleversant) et la liberté de ton de Journal Intime me convient mieux. Ceci dit, la pudeur de l'ensemble, la cocasserie de certaines séquences grâce à un John Turturro grandiose, des morceaux de Philip Glass et Arvö Part, le tout harmonieusement combinés, font que je ne m'arrêterais pas à une seule vision d'autant que, pour une fois que je me rendais en ville voir un film, des voisins sans gêne m'ont gâché une partie de la séance en mettant leur musique à fond. Avouez que ça n'arrange pas l'immersion dans un film intimiste
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Re: Nanni Moretti
Non, dans un appart au dessus. Mauvaise isolation phonique de la salle à priori.
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Re: Nanni Moretti
Effectivement, ça doit être bien relou.
(Je suis allé une fois au MK2 Bastille à Paris, on entendait la rue et les allers et venues des autres spectateurs dans le cinéma… )
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Re: Nanni Moretti
Mia Madre
Grand film mais tellement désespéré qu'il n'est pas facile d'accès.
Dans une scène de tournage en voiture Moretti prouve qu'il n'a rien perdu de son talent comique et la vision du film n'en est que plus poignante et douloureuse car pour le reste le cinéaste refuse quasi tous les effets humoristiques qui font souvent le sel de son cinéma, même le plus politique.
Ici il renonce aussi à la forme mélodramatique dont il a montré avec "La chambre du fils" qu'il la possédait parfaitement, non cette fois le cadre reste sec (à l'exception des 2 derniers plans bouleversants) et l'interprétation de Margherita Buy, excellente mais qui dégage si peu d'empathie, ne permet pas au spectateur de trouver un peu de réconfort dans cette exploration de la perte de toute espérance pour la génération de Moretti, puisque ni l'amour, ni la famille, ni le travail, ni la société ne proposent plus d'échappatoire face à la mort inéluctable...
Seul le personnage de la petite fille, ado lumineuse, apporte un peu de lumière mais sans perspective claire quand on apprend qu'elle a déjà vécu son premier chagrin d'amour et qu'elle parvient à peine, scène après scène, à rattraper son retard scolaire...
Quand on se souvient des années 80, du Moretti drôle et enragé et qu'on le découvre décidant de se retirer du monde, dans une scène ou il préfère démissionner de son travail en ricanant tristement quand l'employé lui annonce qu'à son age il ne retrouvera sans doute plus jamais d'emploi, on se sent terriblement mal à l'aise, à l'image du cinéma des années 2000 qui, s'il survit encore avec quelques pépites, est devenu aussi terriblement pale.
Grand film mais tellement désespéré qu'il n'est pas facile d'accès.
Dans une scène de tournage en voiture Moretti prouve qu'il n'a rien perdu de son talent comique et la vision du film n'en est que plus poignante et douloureuse car pour le reste le cinéaste refuse quasi tous les effets humoristiques qui font souvent le sel de son cinéma, même le plus politique.
Ici il renonce aussi à la forme mélodramatique dont il a montré avec "La chambre du fils" qu'il la possédait parfaitement, non cette fois le cadre reste sec (à l'exception des 2 derniers plans bouleversants) et l'interprétation de Margherita Buy, excellente mais qui dégage si peu d'empathie, ne permet pas au spectateur de trouver un peu de réconfort dans cette exploration de la perte de toute espérance pour la génération de Moretti, puisque ni l'amour, ni la famille, ni le travail, ni la société ne proposent plus d'échappatoire face à la mort inéluctable...
Seul le personnage de la petite fille, ado lumineuse, apporte un peu de lumière mais sans perspective claire quand on apprend qu'elle a déjà vécu son premier chagrin d'amour et qu'elle parvient à peine, scène après scène, à rattraper son retard scolaire...
Quand on se souvient des années 80, du Moretti drôle et enragé et qu'on le découvre décidant de se retirer du monde, dans une scène ou il préfère démissionner de son travail en ricanant tristement quand l'employé lui annonce qu'à son age il ne retrouvera sans doute plus jamais d'emploi, on se sent terriblement mal à l'aise, à l'image du cinéma des années 2000 qui, s'il survit encore avec quelques pépites, est devenu aussi terriblement pale.
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Re: Nanni Moretti
D'accord avec toi pour le coté planplan et convenu de l'ensemble, "la chambre du fils" m'avait paru plus profond, "vécu".G.T.O a écrit :Malheureusement pour moi, j'ai trouvé ce Mia Madre totalement quelconque, monotone et facile.
En premier lieu, le film m'a paru très scolaire, académique même, dans ses idées comme dans son traitement. Le film traite du thème de la disparition d'un parent. Mais sur un mode comico-tragique qui se révèle totalement foiré car trop attendu, stéréotypé, dans son humour ( ahh, la star cabot totalement nul) comme dans ses effets mélodramatiques ( la préparation à la perte et Arvo part ne ne suffisent pas à émouvoir). Et, qui, tente d'établir, de manière assez grossière, un parallèle entre l'agonie et le tournage ubuesque d'un film consacré à la fermeture mouvementée d'une usine, entre une mère et une autre, idée passionnante que le film fait semblant de traiter, se contentant plutôt d'enfiler mécaniquement des scènes de dignes d'un téléfilm - superficiel. Reste plus qu'à se rabattre, dans ce cas, sur les personnages et les acteurs. Et, là aussi catastrophe, la qualité d'écriture, la subtilité, complexité, ne sont pas au rendez-vous. John Turturro, faire-valoir d'un film, qui n'a, visiblement, pas besoin de lui, est embarrassant. Moretti est inexistant dans le rôle du frère pour ne pas dire transparent. Et, quant à l'héroïne du film, Margherita Buy, elle se démène comme elle peut pour faire vivre ce rôle de mère-fille-réalisatrice. Mais, ces nombreux efforts sont réduits à néant par un film cherchant moins la complexité que l'empathie facile, le personnage se rapetissant en silhouette éplorée. Il y avait longtemps que les ficelles de l'humour et du mélo ne m'avaient pas apparu aussi énormes, faciles, dénuées d'intensité. On est très, mais alors, très loin de l'incandescence de la Chambre du fils ou même de la legereté d'un Habemus Papam.
Là je suis moyennement convaincu par les scènes voulues dramatiques et humoristiques (Turturro...)...la bonne prestation de Margherita Buy sauve toutefois une partie des meubles.
- Jeremy Fox
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Re: Nanni Moretti
Lire que la mise en scène de Moretti est plan plan m'attriste quand même un peu.
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Re: Nanni Moretti
C'est étonnant, ça.mannhunter a écrit :D'accord avec toi pourG.T.O a écrit :Malheureusement pour moi, j'ai trouvé ce Mia Madre totalement quelconque, monotone et facile.
En premier lieu, le film m'a paru très scolaire, académique même, dans ses idées comme dans son traitement. Le film traite du thème de la disparition d'un parent. Mais sur un mode comico-tragique qui se révèle totalement foiré car trop attendu, stéréotypé, dans son humour ( ahh, la star cabot totalement nul) comme dans ses effets mélodramatiques ( la préparation à la perte et Arvo part ne ne suffisent pas à émouvoir). Et, qui, tente d'établir, de manière assez grossière, un parallèle entre l'agonie et le tournage ubuesque d'un film consacré à la fermeture mouvementée d'une usine, entre une mère et une autre, idée passionnante que le film fait semblant de traiter, se contentant plutôt d'enfiler mécaniquement des scènes de dignes d'un téléfilm - superficiel. Reste plus qu'à se rabattre, dans ce cas, sur les personnages et les acteurs. Et, là aussi catastrophe, la qualité d'écriture, la subtilité, complexité, ne sont pas au rendez-vous. John Turturro, faire-valoir d'un film, qui n'a, visiblement, pas besoin de lui, est embarrassant. Moretti est inexistant dans le rôle du frère pour ne pas dire transparent. Et, quant à l'héroïne du film, Margherita Buy, elle se démène comme elle peut pour faire vivre ce rôle de mère-fille-réalisatrice. Mais, ces nombreux efforts sont réduits à néant par un film cherchant moins la complexité que l'empathie facile, le personnage se rapetissant en silhouette éplorée. Il y avait longtemps que les ficelles de l'humour et du mélo ne m'avaient pas apparu aussi énormes, faciles, dénuées d'intensité. On est très, mais alors, très loin de l'incandescence de la Chambre du fils ou même de la legereté d'un Habemus Papam.