Sono Sion

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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bruce randylan
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Sono Sion

Message par bruce randylan »

Je n'ai vu que 4 films du poète, écrivain et cinéaste punk, iconoclaste, anarchiste Sono Sion. Suffisant pour le placer parmi les meilleurs cinéastes en activité. :D

Tag (Sono Sion – 2015)
Image

Encore un sacré uppercut délivré par le cinéaste frappadingue qui même au sein d'une plus grosse production réalisée avec deux majors (Universal et Shochiku) se permet de livrer une œuvre personnelle même si elle demeure moins ambitieuse que ses films plus indépendants.
Il détourne ainsi rapidement un scénario vaguement inspiré d'un roman à succès pour dépasser allégrement le simple divertissement. Ca commence pourtant comme un thriller horrifique par une séquence choc mémorable avant de virer dans un épisode de la 4ème dimension entre poésie adolescente et comédie transgressive avant de conclure dans une métaphore qui questionne la place de la femme dans la société japonaise. Le tout en moins de 90 minutes, sans longueur, sans répétition et avec une fluidité et une aisance qui laissent pantois quand on sait que Tag n'est qu'un des 5-6 films réalisés par Sono Sion en un an !
On pourra tout de même regretter que le cinéaste doive passer par une maladroite pirouette emberlificotée et un peu lourdingue pour justifier son univers.
Spoiler (cliquez pour afficher)
Ca donne 5 minutes qui alourdisse une parabole jusqu'à alors plus « subtile » que ces images grotesques d'un vieux geek s'acharnant sur un jeu vidéo avant de faire venir un avatar libidineux. Ca clarifie sans doute le portrait qu'il fait du Japon mais je préfère les images muettes de l'héroïne évoluant devant des « poupées » figées en taille réelle ainsi que le dernier plan magnifique où elle peut enfin s'affranchir de son moule et s’émanciper.
Cette dimension onirique qui traite du passage à l'âge adulte chez une adolescente m'a un peu fait penser à Valérie aux pays des merveilles dans cette volonté de traiter des changements corporelles et ses troubles identitaires sous une forme un peu abstraite et fantasma-gore-ique (les doubles de l'héroïnes peuvent autant être des projections que des craintes matérialisant la société de compétition et la pression sociale).
C'est vraiment audacieux et d'une liberté absolue qui possède un côté grisant qui m'enthousiasme au plus haut point.
Si la photographie n'est pas aussi soignée que Why don't you play in hell et Tokyo Tribe, la réalisation est vraiment originale avec une utilisation pertinente des drones. Celà lui permet autant de personnifier le vent (caractère primordiale de la première partie) comme elle confère cette absence de gravité, cette grâce aérienne aux séquences merveilleuses où les 4 amies s'enfuient du lycée.
Très grande réussite pour ma part pour une œuvre d'une grande richesse qu'il ne vaut surtout pas réduire à sa séquence d'ouverture.
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Carlito Brigante
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Re: Sono Sion

Message par Carlito Brigante »

Un cinéaste incroyable, dont aucun film ne m'a jamais déçu (et certainement pas Tag - même si à l’Étrange Festival cette année je lui ai préféré Love & Peace). Il faut dire aussi que je n'ai pas tout vu, l'auteur étant très mal distribué en France (aucune édition blu-ray et des éditions DVD qui se comptent sur les doigts d'une main) et qu'il tourne beaucoup, beaucoup. En effet cette année il semble avoir battu son record avec pas moins de 7 films écrits et réalisés (et quelques livres aussi je crois, et des projets musicaux...) !!!

Je l'avais découvert lors d'une mini-rétrospective de son œuvre (en sa présence) lors de l’Étrange Festival en 2006 (cette année chaotique où la manifestation avait lieue à la salle 2 du Rex et au feu Cinéma du Monde) avec Strange Circus, Comme dans un Rêve, Suicide Club et Requiem pour Noriko qui furent une introduction extraordinaire à une œuvre qui ne l'est pas moins.

Je recommande Cold Fish ou Why don't you play in Hell si vous voulez une très belle entrée en matière.

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reuno
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Re: Sono Sion

Message par reuno »

Il faudrait qu'ils nous sortent à nouveau ces films, parce que là, en France, je crois qu'on commence à avoir trois ou quatre films de retard. :|
Bon après c'est vrai qu'il est particulièrement prolifique. Encore plus en ce moment...
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Re: Sono Sion

Message par Harkento »

J'avais aussi beaucoup aimé Tokyo Tribe : bien décalé, drôle, clinquant, stylisé et toujours très jubilatoire. Ce nippon ne manque pas de panache, j'adhère vraiment à son cinéma !
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Colqhoun
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Re: Sono Sion

Message par Colqhoun »

Suicide Club m'avait énormément impressionné. Je garde le souvenir d'un film vénéneux, étouffant, très sombre et violent.
Plus tard, j'ai vu Why don't you play in hell et là j'ai sérieusement déchanté. Le film n'a rien été d'autre qu'une séance trop longue, pénible et hystérique.
La folie de la scène finale ne justifiant en rien les 2h de vide absolu qui précèdent. Je ne sais pas si j'ai envie de voir d'autres films du même réalisateur pour le coup.
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reuno
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Re: Sono Sion

Message par reuno »

Et ben du coup Noriko's Dinner Table, prequelle de Suicide Club, pourrait te plaire.
Strange Circus aussi...

Land of Hope, moins fou que ses autres films. Mais personnellement j'ai beaucoup moins aimé.

Après le top pour moi c'est Love Exposure, mais je trouve que Why don't you play in hell y fait penser par certains aspects, donc...
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Re: Sono Sion

Message par Amarcord »

Carlito Brigante a écrit :(aucune édition blu-ray )
Il y a Love Exposure en Blu-ray, chez nous.
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Re: Sono Sion

Message par LedBird »

J'aime plutôt bien Sion Sono mais je ne sais pas vraiment pourquoi, son cinéma, son côté outrancier, provocateur, exagéré voire racoleur devrait m'agacer mais il a réussi à me toucher plus d'une fois, c'est peut être du à l'énergie de l'ensemble ou au côté japonais, je n'en sais rien.

Ses deux meilleurs films sont pour moi Love Exposure et Himizu, le premier est assez fascinant dans sa façon de mélanger les tons, les genres tout en brassant énormément de thèmes, le second c'est un véritable tourbillon de désespoir, là encore c'est exagéré et hystérique mais ça m'a vraiment secoué.

Je suis moins convaincu par le reste de sa filmo, je trouve Cold Fish, Guilty of Romance et Why Don't You Play in Hell symathiques bien que vraiment facile et grossier, et je déteste Suicide Club, Strange Circus et Tokyo Tribe.

Le reste de sa filmographique ne m'intéresse pas vraiment, je me laisserais peut être tenter par Requiem pour Noriko mais c'est bien le seul qui me fait de l'oeil je pense.
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Addis-Abeba
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Re: Sono Sion

Message par Addis-Abeba »

Amarcord a écrit :
Carlito Brigante a écrit :(aucune édition blu-ray )
Il y a Love Exposure en Blu-ray, chez nous.
The land of hope aussi, chez HK il me semble.
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Carlito Brigante
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Re: Sono Sion

Message par Carlito Brigante »

Addis-Abeba a écrit :
Amarcord a écrit : Il y a Love Exposure en Blu-ray, chez nous.
The land of hope aussi, chez HK il me semble.
Merci, je ne savais pas, ce sont de très bonnes nouvelles !
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Shin Cyberlapinou
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Re: Sono Sion

Message par Shin Cyberlapinou »

http://eigagogo.free.fr/Personnes/Sion_ ... Sono_1.htm

Dossier plus trop à jour mais qui aborde quelques films méconnus du bonhomme. Il y a aussi une interview absolument brillante, et je ne dis pas ça parce que j'en suis l'auteur. A noter que Requiem pour Noriko est pour moi le meilleur de Sion d'une bonne longueur (j'ai cela dit beaucoup de sympathie pour Strange Circus et et Tokyo tribe. D'autres m'attendent sur l'étagère).
bruce randylan
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Re: Sono Sion

Message par bruce randylan »

Love and Peace (2015)

Salary man timide et asociale, Ryoichi est la risé de ses collègues. Un jour il achète une petite tortue avec qui il partage ses rêves : devenir chanteur et épouser une collègue, elle aussi méprisée dans l’entreprise.

Petite déception pour celui-ci à cause d’une durée excessive de 2 heures qui mériteraient clairement une bonne demi-heure en moins pour supprimer des scènes répétitives qui finissent régulièrement par amoindrir le charme de cette comédie familiale qui vise un public plus jeune. Aucune effluve sanguinolent ici mais un univers attachant et poétique, tout en possédant un arrière fond plus amer et mélancolique sur le bonheur éphémère, la société de consommation ou la place des marginaux/laissés pour compte.
Babe 2, qui est le film préféré du cinéaste, est clairement la source d’influence pour l’atmosphère de ce Love and Peace (avec aussi certains thèmes de Toy Story sur la perte de l’innocence et de l’âme d’enfants). On y retrouve notamment ce bas-fond sordide où vivent reclus des animaux abandonnés.

Il y a une chose que j’ai adoré dans ces séquences, c’est la simplicité dans la représentation des « habitants », on y croise de vrais animaux (chiens, canards, chats…) mais aussi des animaux en peluches, animées à l’ancienne avec une main à l’intérieur qui fait bougés la bouche ou des marionnettes (dont on aurait seulement gommé les ficelles). Dans ce refus des trucages modernes, il y a une poésie magnifique que je croyais disparu (et qui recoupent les thèmes du film) et qui m’a beaucoup ému et émerveillé.
Il sort de ce film une candeur et une tendresse que je ne connaissais pas chez le cinéaste. Dans les meilleurs moments, il y a un humour irrésistible avec les délires de son freak central qui s’enflamme sur son « Pikadon » (le surnom de sa tortue) et lui inspire quelques chansons mémorables, également très naïves.
Mais dans cette légèreté et dans l’univers adressé aux enfants, il y a du coup aussi une absence de prise de risque, de folie, de ruptures de tons qui faisait la qualité des films que j’avais apprécié jusque-là du cinéaste. Ici, ça reste assez sage et linéaire et donc moins surprenant et atypique (pour du Sono Sion évidement).

Il manquait pas grand chose au final pour en faire une œuvre culte. Mais bon, je suis déjà ravi par ce film imparfait mais profondément attachant, drôle, touchant et incroyablement riche dans tout ce qu'il aborde.
Et puis la petite tortue est vraiment trop craquante (et expressive) dans la première partie. :D

Dernière modification par bruce randylan le 9 juil. 17, 14:07, modifié 1 fois.
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Shin Cyberlapinou
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Re: Sono Sion

Message par Shin Cyberlapinou »

Quelle que soit leur durée j'ai l'impression que les films de Sion sont toujours trop longs de 20 bonnes minutes, du haut de ses 2H30 Requiem pour Noriko est contre toute attente celui qui s'en sort le mieux, en attendant de voir Love exposure. Intérêt piqué cela dit pour ce Love and peace, on dira ce qu'on voudra de Sion, mais il ne s'enferre pas dans un style...
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Re: Sono Sion

Message par bruce randylan »

C'est assez impressionnant en effet ce changement de genre et de forme. Un de ses prochains films , the whispering star a l'air radicalement différent avec sa science-fiction en noir et blanc ! Avec de la chance, on l'aura au PIFFF :D



Mais c'est vrai que Why don't you play in hell (que j'adore) et Tokyo Tribe (que j'aime beaucoup) possèdent eux-aussi 20-30 minutes de gras. Avec ses 85 minutes, c'est le gros avantage de Tag, y-a quasi aucun surplus :)
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Re: Sono Sion

Message par bruce randylan »

The virgin psychics (2015)

Alors, le plus simple, c'est de regarder la bande-annonce ! :uhuh:


Vous n'avez pas tout tout compris ?
Donc The virgin psychics, c'est l'histoire de lycéen(ne)s encore vierges qui se voient attribuer des pouvoir après le passage d'une comète : télékinésie, se téléporter, vision infra-rouge, voir l'avenir etc...
Ces pouvoirs vont-ils leur permettre de sauver le monde face à d'autres lycéens qui veulent corrompre la planète à base de perversion sexuelle ?

Vous n'avez pas mieux compris ? Normal, le film est produit par une société de sextoys pour hommes qui en profite pour s'offrir une pub géante réalisée par Sono Sion en mode mercenaire !
Précisons que le film est lui-même tiré d'une série télé d'une douzaine d'épisodes écrits par Sono Sion (qui en réalisa la moitié).
The virgin psychics est donc un pur produit de commande mais avec ce cinéaste au commande, on pouvait s'attendre à quelque chose de plus barrée qu'une simple pub.
Et en effet, ce titre est une comédie délirante et sexy mais jamais vulgaire ou de mauvaise goût (enfin, un minimum). C'est au contraire un film lumineux frais et délicieusement surréaliste et absurde. Les 45-50 premières minutes sont hilarantes. Les situations sont impayables, la mise en scène est bourrée d'idées très drôles, les acteurs ont le physique de l'emploi (les nombreuses actrices aussi :D ) et Sono se permet même le luxe de glisser quelques touches poétiques (les rêves du héros sur sa promise, la conversation des foetus) ou des passages musicaux entraînants.

Après, comme souvent chez le cinéaste, la machine se grippe un peu et tourne un moment lourdement en rond : ça n'avance plus, la vision prémonitoire est répétée jusqu'à 4-5 fois et l'histoire ne sait plus à quel sein se vouer. On dirait que Sono Sion n'arrive plus à prendre à contre-pied sa commande qui parodiait jusque là malicieusement son public cible plus qu'il ne le flattait. Le film se contredit alors d'une séquence à l'autre et on demande bien quel est la "morale" et comment il va se dépêtrer de cette affaire. Il ne s'en sort pas vraiment et seulement par une pirouette forcément maladroite mais dont le message finale mérite quand même d'être soulignée : "En attendant d'être sûr de trouver l'amour, rien ne t'empêche de profiter de la masturbation" :mrgreen:

Il va sans dire que ce joyeux bordel est un film mineur pour le cinéaste qui parvient tout de même à injecter du caractère et un peu de personnalité à cette histoire improbable. Et puis malgré mes réserves sur la seconde moitié, je m'y suis vraiment amusé et je reste toujours ébahi par la vitalité de son cinéma (rappelons qu'il s'agit d'un des 5 films qu'il a tourné en moins d'un an et que sa réalisation est constamment dynamique).
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