Un jour à New York
Le jour se lève sur la Grosse Pomme, un docker sifflote sur les quais, trois marins déboulent avec la ferme intention de conquérir la ville et de se lever des mignonnes. Et la dynamique endiablée de l’aventure annihile vite toute résistance. D’un délirant numéro de danse cromagnonique devant un squelette de dinosaure à une réunion étoilée au sommet de l’Empire State, d’une poursuite en taxi cartoonesque à la résolution finale, poudrée d’embrassades et de magie, le charme opère. Voir un tel film c’est respirer le parfum d’une époque révolue : l’Amérique et le cinéma ont changé, la perm’ est finie, il est à nouveau six heures du matin à Brooklyn, mais cette fois où sont les marins qui prennent la relève ? Dix-sept ans plus tard, les joyeuses
Demoiselles de Rochefort paieront leur tribut à cet archétype du genre.
4/6
Mariage royal
Pitch plus simple, tu meurs : un frère et une sœur qui se produisent ensemble dans une revue découvrent chacun l’amour pendant un voyage à Londres, effectué à l’occasion du mariage de la future Elisabeth II. Là-dessus, ne reste à Donen qu’à prouver la justesse infaillible de son doigté, à Fred Astaire qu’à déployer son invention autour d’une simple idée de pantomime ou d’un seul accessoire, et à Jane Powell qu’à affirmer l’énergie de sa personnalité comique. Le scénario a beau tenir de la carte postale et son développement du déroulé narratif le plus convenu, il y a de quoi se laisser divertir par la gaieté de l’ensemble, le jeu saturé des couleurs et l’originalité de certains numéros dont au moins un (la danse du héros sur les murs et les plafonds) relève de l’étonnant tour du force.
4/6
Chantons sous la pluie
Mêmes ingrédients, mêmes procédés, une trame à peine plus consistante, et cette fois l’état de grâce absolu. Difficile de parler de l’un des films les plus célèbres du monde sans aligner les lieux communs. Aspirée par le tourbillon de folie qui souffla sur Hollywood lors de l’arrivée du parlant, l’œuvre se retourne sur le passé du cinéma en riant, magnifie un goût du théâtre, un esprit mousseux, des préciosités décoratives, une inclination euphorique à la fête, une bondissante et communicative joie de filmer, une explosion de couleurs, de gags et d’acrobaties tout en évitant le luxe ostentatoire et les ballets pharaoniques. Donald O’Connor fait littéralement les pieds au mur, Cyd Charisse glisse sur le sol, robe verte haut fendue sur des jambes admirables, Gene Kelly patauge dans les flaques d’eau… L’enchantement.
5/6
Top 10 Année 1952
Les sept femmes de Barberousse
Devant cette impétueuse ménagère de la ville venant mettre de l’ordre dans la vie rustre de sept gaillards au fond des bois, on se croit d’abord dans une relecture de
Blanche-Neige à la sauce western chanté et dansé. La suite revisitera le légendaire enlèvement des Sabines dans un florilège de couleurs pétantes (robes et chemises arc-en-ciel) et d’acrobaties spectaculaires. On mesure souvent (uniquement ?) la réussite d’une comédie musicale à l’impact de ses agencements et de son dynamisme visuel. De ce point de vue ce projet personnel de Stanley Donen remplit son office, culminant dans une réunion villageoise virant à la destruction de masse. Mais l’opérette sylvestre souffre aussi d’une mièvrerie indécrottable (l’éternelle tare du genre) qui amoindrit régulièrement son charme.
3/6
Beau fixe sur New York
Retour des trois soldats d’
Un Jour à New York, pour une suite dont le ton amer et sarcastique tranche sur son époque. Sur le plan de la production six ans ont passé – le temps est long pour un genre qui amorce déjà son déclin. Le postulat est assez grinçant, donc original, qui fait des retrouvailles entre camarades après dix ans de séparation l’objet d’une sévère désillusion, de macérations moroses, d’allégations cafardeuses et mesquines, complètement à rebours de l’ode attendue à l’amitié (avant que la pirouette finale ne remette les choses dans le droit chemin). Si l’on ajoute à cela que la télévision-spectacle a prend savoureusement pour son grade et que la drôlerie tient du décalage entre les conventions et leur traitement, cette comédie musicale affiche suffisamment d’atouts pour emporter l’adhésion.
4/6
Drôle de frimousse
Difficile de résister aux attraits scintillants de ce
musical conçu exactement en fonction du cinéma et de son langage, de la caméra et de ses possibilités. Les ballots d’étoffe bigarrés signés Givenchy, les danses de couleurs saturées, les agencements guillerets de formes s’inspirant du photographe Richard Avedon, les images gelées magnifiant Jo en maints endroits de la région parisienne (séquence sublime) imposent une richesse d’invention constante. Mais à la fin, tandis que la palette chromatique se synthétise en un blanc neutre d’une harmonie parfaite, une interrogation survient : l’histoire de cette petite libraire moderne et philosophe qui oublie son indépendance intellectuelle et devient cover-girl de conte de fées, en quête du prince charmant, ne serait-elle pas d’un conservatisme un tantinet réac ?
4/6
Charade
Roger Thornill s’est égaré. À peine sorti de l’échafaudage en trompe-l’œil créé autour de lui par Hitchcock qu’il se découvre empêtré dans de nouveaux embrouillaminis policiers, cette fois baignés par le climat pétillant et charmeur d’une comédie gracieuse, aussi élégante qu’un film de Blake Edwards. D’ailleurs Roger tombe sur Audrey Hepburn qui, ne sachant pas où donner du cœur, ne recherche plus ses diamants sur le canapé mais est pourchassée par trois hommes qui essaient de mettre la main sur 250.000 dollars. S’engage une course-poursuite haletante et romantique, feignant d’endosser les habits du suspense pour mieux le désamorcer par le quiproquo et rayonner de drôlerie (à moins que ce ne soit l’inverse). Brillant, sophistiqué, cinégénique, le marivaudage est pour le moins délectable.
5/6
Arabesque
Dès les spirales monochromes et les dessins géométriques du générique de Maurice Binder, on comprend que le couvert de
Charade est remis, avec au menu pastiche d’espionnage, duo de charme lancé dans une rocambolesque aventure, intrigue aux petits oignons accumulant chausse-trappes, faux-semblants et coups de théâtre. La cuisine est aussi relevée, son dosage peut-être plus savoureux encore. Sur un rythme trépidant, le divertissement s’offre un exercice de haute virtuosité qui multiplie optiques extravagantes et perspectives déformées, surimpressions et images floues, jeux de reflets et lumières irisées à la croisée des
swinging sixties et des débuts du psychédélisme, qui nous balade entre les apparences et les identités et affole les curseurs d’élégance, de malice et de glamour. Un régal.
5/6
Top 10 Année 1966
Voyage à deux
Une certaine définition du bonheur. Donen perpétue un plaisir du mouvement quasi abstrait, un instinct enivrant des rimes et des enchaînements, des éléments d’un lyrisme improbable qui ne forment pas la trame d’un jeu gratuit ou d’une intrigue prétexte mais participent au contraire d’une vision enchantée du monde (et donc empreinte de nostalgie), à la mesure exacte des sentiments des deux héros. Avec cet éblouissant puzzle conjugal, cette évocation kaléidoscopique d’une aventure amoureuse (flirt, idylle, maturité égoïste, solitude, adultère, retour vers l’autre), il transfigure la comédie romantique et jugule l’extrême séduction par une acuité, une amertume et une gravité dignes des plus grands chroniqueurs du couple. Quant à Audrey Hepburn et Albert Finney, merveilleux d’alchimie, ils brillent de tout leur immense talent.
5/6
Top 10 Année 1967
Mon top :
1.
Voyage à deux (1967)
2.
Chantons sous la pluie (1952)
3.
Arabesque (1966)
4.
Charade (1963)
5.
Drôle de frimousse (1957)
Célèbre pour sa collaboration avec Gene Kelly, ce maître de la comédie (musicale, mais pas que) est un technicien virtuose doublé d’un remarquable conteur, dont les talents de magicien, l’humour piquant, le romantisme moelleux ont durablement marqué le cinéma américain de son époque.