Claude Sautet (1924-2000)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Rick Blaine
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Re: Claude Sautet (1924-2000)

Message par Rick Blaine »

Federico a écrit :
Federico a écrit : Même si je l'avais plutôt trouvé sympa à sa sortie, c'est un Sautet mineur où, effectivement, il me semble que ça cabotine limite boulevard filmé. Non seulement Montand mais aussi Fresson en petit chef odieux qui se sert de Villeret comme tête de Turc, rejouant plus ou moins son numéro de beauf à carrure de rugbyman du Locataire de Polanski. Et c'est certainement plus la faute de Dabadie que de Sautet. En fait, je crois que la seule et unique raison qui me pousserait à le revoir... c'est la présence de l'irremplaçable Dominique Laffin. :oops:
Et j'en veux un peu à Philippe Paul de ne pas avoir cité la présence de cette adorable actrice... :oops:
Je m'en veux un peu à moi même pour tout dire... :oops:
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Supfiction
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Re: Claude Sautet (1924-2000)

Message par Supfiction »

Montand qui cabotine, c'est une joie, non une souffrance. C'est la même chose dans Tout feu tout flamme ou même 3 places pour le 26. Personnellement je me régale à le voir faire son numéro.
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Jeremy Fox
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Re: Claude Sautet (1924-2000)

Message par Jeremy Fox »

Supfiction a écrit :Montand qui cabotine, c'est une joie, non une souffrance. C'est la même chose dans Tout feu tout flamme ou même 3 places pour le 26. Personnellement je me régale à le voir faire son numéro.
Idem ; le cabotinage de Montand a toujours (ou tout du moins très souvent) été pour moi un véritable plaisir.
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El Dadal
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Re: Claude Sautet (1924-2000)

Message par El Dadal »

Supfiction a écrit :C'est la même chose dans Tout feu tout flamme
Pitié, ne me lancez pas sur ce film... :mrgreen:
Federico
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Re: Claude Sautet (1924-2000)

Message par Federico »

Supfiction a écrit :Montand qui cabotine, c'est une joie, non une souffrance. C'est la même chose dans Tout feu tout flamme ou même 3 places pour le 26. Personnellement je me régale à le voir faire son numéro.
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C'est un peu HS et ça fera peut-être hurler mais je trouve que celui qui aura le mieux su canaliser son naturel cabot... c'est Oury dans La folie des grandeurs.
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Re: Claude Sautet (1924-2000)

Message par Kevin95 »

Federico a écrit :
Supfiction a écrit :Montand qui cabotine, c'est une joie, non une souffrance. C'est la même chose dans Tout feu tout flamme ou même 3 places pour le 26. Personnellement je me régale à le voir faire son numéro.
Spoiler (cliquez pour afficher)
C'est un peu HS et ça fera peut-être hurler mais je trouve que celui qui aura le mieux su canaliser son naturel cabot... c'est Oury dans La folie des grandeurs.
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Re: Claude Sautet (1924-2000)

Message par Rick Blaine »

Jeremy Fox a écrit :
Supfiction a écrit :Montand qui cabotine, c'est une joie, non une souffrance. C'est la même chose dans Tout feu tout flamme ou même 3 places pour le 26. Personnellement je me régale à le voir faire son numéro.
Idem ; le cabotinage de Montand a toujours (ou tout du moins très souvent) été pour moi un véritable plaisir.
Pareil pour moi. Son numéro dans Garçon me met donc en joie. D'autant plus que cela sert très bien son personnage.
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Re: Claude Sautet (1924-2000)

Message par zeotrope »

Je me refais ces jours-ci tout ce qui est dispo en bluray de Claude Sautet. Mon message pour souligner l'importance de la technique dans une redécouverte. En vidéoprojection avec un piqué jusque là inconnu pour moi les corps des acteurs me parlent autrement. Des petites rides d'expression plus visibles, des défauts, des détails qui rendent l'époque, l'histoire et les personnages plus proches, moins idéalisés.
L'aspect artistique varie un petit peu mais cette petite différence suffit à changer l'approche d'un film. Je ne pense pas qu'on puisse aller au dela et le 4K, l'UHD achèveraient peut-être définitivement l'aspect cinéma. Là, comparé au DVD, un voile est levé. Juste ce qu'il faut pour enlever un peu de patine et reconsidérer cette bourgeoisie qui se cherche. La vie plus belle qu'elle ne l'était avec ces petits détails qui sont comme autant d'impressions de l'enfance qui reviennent. Se souvenir du pouvoir magique mais souvent trompeur de la nostalgie.
Bref le cinéma de Sautet ça reste formidable, comme celui de Rohmer, Rivette et tant d'autres qui nous replongent dans une époque révolue mais qui reste la période de référence pour beaucoup, y compris, pour ceux trop jeunes qui ne l'ont pas vécu.
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Thaddeus
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Re: Claude Sautet (1924-2000)

Message par Thaddeus »

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Classe tous risques
En ce temps-là, pour faire ses preuves, un jeune réalisateur devait souvent débuter par un polar ; et Sautet, déjà connu dans la profession, se plie à la règle. Mais si elle est logiquement moins personnelle que les films suivants, si elle retrouve sans peine le climat et les principes du genre (code d’honneur des mauvais garçons, embourgeoisement néfaste pouvant porter à la trahison…), cette solide série noire n’en porte pas moins la marque de son signataire, par des petites choses insolites qui surgissent comme des clignotants. Ici l’hommage discret au cinéma américain rendu à travers telle silhouette, ailleurs la riviera ligure et ses petits villages d’arrière-pays, mais surtout la sûreté d’une mise en scène qui maintient le suspense et l’efficacité tout en faisant la part belle à la dimension humaine du récit. 4/6

L’arme à gauche
Sautet estimait qu’un cinéaste devait fournir le plus rapidement possible les données d’une situation. Curieusement, il faut pourtant une bonne demi-heure au film pour trouver sa vitesse de croisière et faire briller l’absence de bavardage et d’effets factices qui contribue à la densité dramatique de ce huis-clos marin. Sèche, nette, efficace, la mise en scène entretient un suspense réaliste et concret à la Becker, une tension rendue par des dichotomies visuelles (l’immobilité forcée du bateau opposée à l’immuabilité de l’île) que renforce un noir et blanc ciselé. Pas de littérature, pas de théâtre, pas de psychologie ; bref, pas de "qualité française" mais un souci de l’action qui ne renie pas l’intelligence. Et, cerise sur le gâteau, la présence de Sylva Koscina, très jolie pépée brune toute en casque-brushing laqué. 4/6

Les choses de la vie
Le film qui impose Sautet comme un auteur essentiel dans le paysage cinématographique français, le grand chroniqueur des mœurs de son temps. S’y affirment une écriture subtile et infaillible, un regard très attaché à la vie intérieure des personnages, un don inné pour inscrire leurs trajectoires dans la réalité sociologique de l’époque. Comme Renoir, le cinéaste est pourtant moins ici psychologue que moraliste, et ne filme les êtres que parce qu’il les comprend, en les rattachant à l’environnement humain, dur et contradictoire, de leur existence. Au centre du drame, un accident que le montage réitère comme un tournant fatal, brisant les lignes que l’intrigue tisse autour de lui. Formidable, Michel Piccoli y est partagé entre la fraîcheur fragile de Romy Schneider et la maturité triste de Léa Massari. On le comprend. 5/6
Top 10 Année 1970

Max et les ferrailleurs
Sautet change de cadre mais ne perd rien de sa faculté à saisir la vérité d’un milieu, d’un lieu, d’une communauté. Il passe de la bourgeoisie provinciale au monde des marginaux de la limaille et de la petite délinquance, une fraternité de traîne-misère observée avec générosité et attention, et offre au flic, personnage-clé de la mythologie du cinéma français, le visage archétypique d’un ange noir butant contre les "choses de le vie". Le décor pittoresque de ce polar suburbain, la mise en place d’une machination où les sentiments, réels ou faussés, révèlent tragiquement le sens des destinées, concourent à l’épanouissement d’une sensibilité singulière, faite d’authenticité et de poésie du quotidien. Une fois de plus, Piccoli et Romy forment un duo fabuleux : lui opaque et ténébreux, elle rayonnante, fragile, merveilleusement belle. 5/6
Top 10 Année 1971

César et Rosalie
D’une intrigue relativement classique de triangle amoureux, le cinéaste tire une comédie sentimentale baignée de chaleur, de tendresse et de nostalgie, qui part de situations banales pour aller vers l’inattendu et le chaos des sentiments. Là encore, difficile de mettre des mots sur un cinéma dont la beauté tient d’un équilibre particulièrement fragile entre épanchement et retenue. Sa fluidité musicale unifie toutes les ruptures de ton (de la gaieté à la gravité, de la violence à la sérénité), et son mouvement incessant s’accorde à l’indécision des élans qu’il dépeint. Sautet filme des personnages qui s’empressent à essayer coûte que coûte de s’accepter ; à travers eux, il propose une pensée mi-optimiste mi-mélancolique sur l’engagement, la dépendance ou la liberté, l’immaturité de la passion. 5/6

Vincent, François, Paul et les autres
Encore un film admirable, que Sautet place sous le signe du déclin, celui de ses protagonistes confrontés au premier bilan de leur existence et contraints, à la croisée des chemins, d’assumer les choix qu’ils ont pris. On y suit plusieurs semaines du quotidien d’une bande d’amis quinquagénaires (sauf un), soudés, complices et heureux d’être ensemble malgré les épreuves traversées, les sacrifices et les abandons concédés. La sortie à la campagne, la maison, le bistrot de banlieue qui rassemble une communauté ou une collectivité fondé sur le travail forment autant de motifs inhérents au cinéma de l’auteur, que cette étude psychologique travaille par le prisme du temps qui passe, des vies qui s’abîment, des corps qui lâchent, des couples qui s’usent. Une superbe vue en coupe de l’identité masculine, en ce milieu des années 70. 5/6
Top 10 Année 1974

Mado
À travers la description minutieuse du milieu de l’immobilier et de ses implications avec la haute fonction publique, Sautet interroge la notion de liberté à une heure où la crise pétrolière frappait l’économie française. Il ne porte pas un regard distancié sur les difficultés conjoncturelles mais préfère les intégrer à la part intime des personnages. Film de l’échec, de la précarité, de la perte des illusions, qui se fonde comme toujours sur une écriture extrêmement précise, Mado poursuit la grande thématique de l’amour comme sentiment irréductible. On n’oubliera pas la liberté tranquille et le visage lumineux de l’héroïne-titre, la fermeté et l’ampleur chorale du récit, ses digressions aussi formidables que la longue séquence d’embourbement où soudain une fête chaleureuse est improvisée sous la pluie nocturne. 5/6
Top 10 Année 1976

Une histoire simple
Cela commence par un "non" très pudique (l’héroïne renonce à l’enfant qu’elle porte de son amant) et se termine par un "oui" serein (elle accepte de garder celui qu’elle attend de son ex-mari et décide de l’élever seule). Entre temps gravitent autour de Marie celles et ceux qui tissent la trame de ses jours, une mère, un fils, des copines, des naufrages, l’ombre du chômage et son corollaire (la dépression), dans les décors familiers – bureaux, bistrots, fermette du week-end – où rien n’échappe à l’œil de l’auteur. Pas même ces gestes incontrôlés que l’on enfouit sous le sable de nos fatigues et de nos indifférences. Visage nu, cheveux tirés, vulnérable et paisible, Romy Schneider est splendide. Ses partenaires se glissent avec le talent et l’homogénéité d’une troupe dans le pastel de ses égratignures. Magnifique, une fois de plus. 5/6
Top 10 Année 1978

Un mauvais fils
Si le portrait de groupe est la figure sociale la plus fréquente de l’œuvre de Sautet, alors ce film fait un peu figure d’exception. Le cinéaste penche cette fois du côté du populo, s’intéresse au milieu ouvrier des chantiers parisiens et des ateliers d’ébénisterie. Saisissant à nouveau espoirs timides et émois pudiques, il s’accroche à la solitude et au désarroi d’un homme qui cherche à renouer avec son père, miné par la dysharmonie d’une relation en rupture. L’approche concrète des personnages, tous atteints d’une détresse démunie mais toujours poussés par le besoin de rapprochement et la volonté de reconnaissance, apporte au film sa finesse de touche, ses accents de vérité, sa douleur sourde, sa tendresse également. Encore une œuvre juste et touchante. 4/6

Garçon
Parfois la vie est un spectacle : il suffit de regarder le monde avec un peu plus d’attention pour s’en apercevoir. Ainsi la brasserie parisienne où travaille Alex est-elle une scène où les garçons s’activent avec les gestes empruntés des danseurs, où le chant des commandes jaillit entre salle et cuisine, tel un trépidant concerto pour vaisselles, couverts et flûtes à champagne. C’est sur cette peinture chorégraphique que le film convainc le plus, quand il filme la vitesse des parcours et ne raconte rien d’autre. Il en va de même pour les sentiments, dont il n’y a à comprendre que ce qui est montré, en surface. Parce qu’il manque d’aspérités, parsème les petits riens de l’existence de signes de connivence censés susciter un désir d’uniformité, le film valide sa réputation : celle d’un Sautet mineur, presque pantouflard. 3/6

Quelques jours avec moi
Désarroi des cœurs, intermittences amoureuses et blessures intérieures : tout Sautet est là, encore une fois, avec un sens de la dérision, un certain goût du burlesque (à dose homéopathique) assez inédit chez lui. Car l’humour mordant du réalisateur fouille cette fois la bourgeoisie française au vitriol au lieu de l’encenser. Se penchant sur des personnages plus jeunes qu’à l’accoutumée, marquant son portrait de groupe d’une facture peut-être plus professionnelle, moins spontanée et intuitive qu’auparavant, il raconte le parcours d’un patron de supermarché qui voit sa vie personnelle et professionnelle prendre un nouveau départ, et dresse à travers lui la chronique chaleureuse d’une certaine vie de province, servi comme toujours par une excellente interprétation. 4/6

Un cœur en hiver
Peut-être le film le plus cruel et le plus mystérieux de son auteur. Sautet dissèque au scalpel un comportement qui ne parvient pas à s’extérioriser, semble se soustraire à la vie par peur de l’éprouver, par manque de confiance en lui, ou tout simplement par impuissance affective. Auteuil est ce cœur en hiver qui refuse de tomber amoureux et de s’engager, mais qui en séduisant une femme transforme le sien en champ de ruines. Tout réside dans son visage bouclé à triple tour, dans la peau diaphane et le regard d’hyperlumière d’Emmanuelle Béart, dans la solidité de caractère d’André Dussollier, comédiens superbes qui rendent frémissant ce film rigoureux et nécessaire comme la partition d’un concerto, où le silence même acquiert la puissance d’un hurlement de passion. Feutré et intense. 5/6
Top 10 Année 1992

Nelly et M. Arnaud
Le réalisateur poursuit la voie de l’épure et du retraitement qu’il a inauguré avec son précédent opus. Comme son personnage, qui se débarrasse de son passé en écrivant ses mémoires, il fait le vide : les cafés ne sont plus des cocons remplis de foule, les amis ne sont plus d’aucun secours. La beauté du film se situe dans sa retenue, ses non-dits, dans la mélodie secrète qui émane des voix et des gestes, dans la façon dont il filme l’amour comme une douleur, avec une extrême pudeur. La relation réservée mais profonde entre un sexagénaire solitaire et une jeune femme à la croisée des chemins y dessine une remise en question tardive, un bonheur possiblement manqué mais dont la mélancolie se nuance de sérénité. C’est comme de la musique de chambre, et c’est un très beau dernier film. 5/6


Mon top :

1. Les choses de la vie (1970)
2. Vincent, François, Paul et les autres (1974)
3. Max et les ferrailleurs (1971)
4. Une histoire simple (1978)
5. Un cœur en hiver (1992)

Difficile d’établir un top au vu de la constance remarquable de Claude Sautet, grand cinéaste français de ces cinquante dernières années. Son cinéma chaleureux, intime, profond, très attaché à ses personnages et d’une grande valeur sociologique, reste sans doute séminal pour beaucoup de réalisateurs ; en tout cas il est précieux pour moi.
Dernière modification par Thaddeus le 3 août 23, 14:08, modifié 12 fois.
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Jeremy Fox
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Re: Claude Sautet (1924-2000)

Message par Jeremy Fox »

Dommage le 4/6 pour un mauvais fils qui fut aussi un de ses films que je trouvais mineur et qu'aujourd'hui je place tout au sommet (aux côtés de Max) suite à sa redécouverte toute récente. De toute manière, j'aime (j'adore même) quasiment tous les films de Sautet depuis Classes tout risques.

Je constate aussi que tu n'as pas vu l'excellent Garçon :wink:
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Thaddeus
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Re: Claude Sautet (1924-2000)

Message par Thaddeus »

Jeremy Fox a écrit :Je constate aussi que tu n'as pas vu l'excellent Garçon :wink:
Non, pas (encore) vu ce film sur lequel tout le monde ne partage pas ton avis si j'en crois les messages de ce début de page. :wink:
Le prochain sur ma liste est Une Histoire Simple, que je vais découvrir très bientôt.
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Jeremy Fox
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Re: Claude Sautet (1924-2000)

Message par Jeremy Fox »

Ah oui exact. L'un des plus beaux rôles de Romy.
zeotrope
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Re: Claude Sautet (1924-2000)

Message par zeotrope »

Quelques jours avec moi s'il marque le renouveau de Sautet d'après des spécialistes, moi j'avais l'impression de regarder un film de Blier. Auteuil sauve un film qui, sans être désagréable, n'atteint plus aucun sommet. Casting très inégal, à la limite de la faute de goût (Castaldi en ersazt de Depardieu), Lindon joue comme un pied-bot.
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Thaddeus
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Re: Claude Sautet (1924-2000)

Message par Thaddeus »

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Concerto pour Romy


Une Histoire Simple, c'est d'abord la certitude de savoir que le grand cinéma français est là, devant soi, avec évidence et clarté. Débarrassé de l’esprit de chapelle, décanté de toute complaisance à la mode ou aux modes, sans pour autant paraître révolutionnaire. Quelques grosses gouttes de vie comme des gouttes d’orage. Et dans chacune, des molécules de peines et de joies, des particules d’espoir. Depuis Les Choses de la Vie on apprécie en Claude Sautet le narrateur buissonnier des élans du cœur. De Max et les Ferrailleurs en César et Rosalie ou Mado, lentement, il ébauchait, pressentait ce portrait d'une femme, la Marie du film. Mais, à la manière des grands timides perfectionnistes, il se réfugiait derrière la porte du romanesque ou noyait son secret dans des histoires d'hommes et de copains. Voici l'aboutissement d'un rêve de créateur jalousement couvé, et la rencontre exemplaire d'une héroïne et de son interprète. Romy Schneider est devenue une quadragénaire belle, épanouie, heureuse, qui exerce la profession de graphiste. Elle est divorcée, elle a un fils, un amant, des amis. Socialement, on pourrait la définir comme appartenant à la bourgeoisie moyenne. Ni privilégiée, ni opprimée, gagnant convenablement sa vie. Au début, elle quitte Serge, genre joyeux drille survolté, qui ne veut pas comprendre, ne peut pas admettre d'être ainsi éconduit. Autour d’elle s’anime une galaxie de personnages atteints, dans leur être et dans les relations qui les unissent, par les vices constitutifs de la société marchande. Sans jamais tomber dans les pièges d'un déterminisme réductionniste, Sautet associe la dissolution irrésistible et parfois tragique des hiérarchies sexuelles et conjugales traditionnelles à l'avènement d'un système où la personne humaine ne se mesure plus qu'à son utilité économique. Mais toujours il laisse percer la chaleur communautaire d'un monde où les hommes sont encore des hommes, et non plus les rouages indifférenciés d'une machinerie sociale anonyme.


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Comment raconter, résumer sans en détruire l'odeur et le parfum, les cent éléments anecdotiques qui s'organisent en un récit construit à la manière d'un concerto dont Romy serait la soliste ? À ses côtés, Bruno Cremer, Claude Brasseur, Eva Darlan, Arlette Bonnard, Francine Bergé, tous, jusqu’au plus petit rôle, constituent le plus merveilleux des orchestres, mais mieux vaut éviter d’exalter les qualités de chacun sous peine de tomber dans la répétition et l'inflation. Ce film pourrait s'intituler Marie, Gabrielle, Anna, Francine et les Autres, si vivante est l'individualité de chaque personnage et minutieux le souci d’en explorer la richesse en profondeur. Sautet met cette fois les femmes au premier plan. Il les montre comme il les voit : courageuses, solidaires, affrontant le sourire aux lèvres les aléas professionnels, familiaux, sentimentaux. Toujours prêtes à combattre et à consoler. Les hommes, eux, sont un peu dépassés, ils en ont assez d'être comptables de la peur de vieillir, de la maladie, du chômage, de la tentation du suicide. Le sens de la responsabilité a changé de camp. C'est sur cette façon de faire miroiter avec pudeur les mille facettes intimes d'un être qu'excelle le binôme Dabadie-Sautet : le premier par la vérité d'un dialogue qui sait éviter les pièges de la littérature ; le second par la qualité de sa direction d'acteurs et par la vigilance de sa caméra, tantôt épiant la mobilité des expressions sur un visage, tantôt suivant en longs travellings fluides tel ou tel à travers le mouvement et les bruits qui l'entourent et forment le cadre de l'existence qu'il ou elle mène ou subit. On discute, on se soutient, on parle, on écoute. Rencontres, séparations, habitudes, loisirs, week-ends dans la propriété rustique où il fait bon, chaud, l'après-midi à la baignade, le soir à l'apéritif, la nuit quand on soupe aux chandelles avant d'organiser un jeu de société. Et tout autour, la palpitation du monde extérieur : mille chose mêlées, chuchotées, suggérées, sans la moindre fausse note.

On connaît les reproches trop souvent formulés au cinéaste, qu’une certaine frange de la critique a toujours méprisé. Ils brocardent les prétendus stéréotypes de ce qui seraient de tièdes romans-photos, sans prise de risque, aptes à ne susciter qu’une adhésion pavlovienne de la part d’un public friand de chroniques lénifiantes. Or le talent de Sautet est d'exprimer en un même chant l'écorce et l'essence, la surface et l'abîme des choses humaines. Il n’aime pas l’extraordinaire, lui préfère le pain quotidien, la trame un peu grise sur laquelle sont brodés les fantasmes. À peu près aucun réalisateur français ne peut prétendre avoir été comme lui le grand peintre des tics sociaux, de la volonté de vaincre la solitude, l'égoïsme, le néant, les problèmes d'argent, de liberté, d'amour et d'amours. Signe de l’époque : le couple n'est pas une combinaison stable. Mais il faut, contre les intempéries, tenter de vivre. Entre la quarantaine et la cinquantaine, l'air se charge de douceur et d'amertume. C'est l'automne, les dernières vacances. La mélancolie peut-elle avoir bon goût ? Devant Une Histoire Simple, on ressent l'évidence de la fragilité des choses de notre vie que l’on croit les plus permanentes, les plus indestructibles. Ce qui tourmente si fort aujourd'hui, ce pour quoi l’on veut mourir peut-être sera certainement oublié demain. Ce n'est pas qu'il faille se lamenter de notre inconstance ni déplorer que le cœur humain soit futile, jouet dansant sur les vagues du temps. C’est qu'il faut, au contraire, se persuader qu'aucune de nos expériences ne se fait en vain, que rien ne nous est vraiment dérobé, que le tissu de notre existence s'enrichit de toutes les scories, de toutes les déchirures, et qu'il n'y a que le désespoir qui soit monstrueux. Par exemple, une phrase comme "Tu ne te rends pas compte comment il faut être avec toi", si elle éclaire la rupture entre Marie et Serge, dit aussi le pourquoi de leur liaison intrigante, cette fébrilité, cette nervosité inquiète, cette activité décousue dont fait preuve Serge quand il veut se dépasser, et qui était encore il y a quelques mois une force qui ne connaissait pas ses limites.


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Chez Sautet, le groupe est la cellule de base de ce qui, dans les dernières décennies du XXème siècle, a été appelé "la société civile". Ce film entérine l'intégration des femmes qui participent de sa cohésion et de ses scissions. En porte-à-faux ironique sur la revendication du partage des tâches, la scène de la cuisine pose un questionnement des mœurs qui reste actuel, résume des divisions internes (d'ordre affectif, moral, mais aussi professionnel ou syndical) et une camaraderie du "toutes ensemble" pour réparer la casse. S'y expriment les tensions entre ce qu'est chaque femme et ce que ses compagnes voudraient qu'elle fût (moins autonome ou davantage ; amoureuse mais pas comme ça, ou pas de celui-là ; dépendante mais pas médiocre ; malheureuse mais pas misérable). C’est ici que se rachète Francine, d’ordinaire si guindée dans son rôle institutionnalisé de déléguée du personnel, circonscrite aux limites qu'elle s'est choisies. L’entraide résulte de l'expérience du système économique et puise dans l'amitié sa capacité d'action. À côté des à-coups de la narration et des hommes apparaît ainsi une complicité sororale qui remodèle à son avantage un monde dont elle semble oublier les lois. Marie revoit Georges, son ancien mari (Cremer, doux, vulnérable, rassurant : immense acteur), pour qu'il intervienne en faveur de Jérôme. Ils s'aiment à nouveau, mais Georges s'éloigne. Seule, enceinte de lui, elle garde l'enfant, décision qui relève d'une liberté de choix féminine. En 1978, l'air du temps étant nataliste, le salut du cinéaste à une maternité solitaire et déjà mûre (un cas devenu, depuis, fait de société) avait gêné : autre preuve de l’extrême contemporanéité qui nourrit son regard. Sautet veut lier l’humiliation par le chômage à la recherche d’une solidarité nouvelle, d’un affranchissement de la tyrannie libérale par le sentiment privé. Le conflit reste bien sûr sans solution mais ébauche à côté de l’histoire d’une société, et comme la justifiant, l’ivresse passagère de ses utopies.

Aussi loin de la confiture romanesque que du vitriol militant, le film rappelle fugitivement certains récits bergmaniens. Sautet n’est toutefois pas né dans les brumes du Nord et les rigueurs d’une religion austère. Il n’a pas bu le lait aigre de Strindberg mais celui de Racine, de Musset, d’Apollinaire. Soleil de cette histoire simple, Marie pèse son poids de chair aux os légers dans l'équilibre des forces vitales. À travers elle, le cinéaste fait le portrait non pas de la femme idéale, mais de son idéal de femme (il disait Romy Schneider "mozartienne"), en même temps qu’il progresse vers ses derniers films, toujours plus épurés, toujours moins chorals, et notamment vers Emmanuelle Béart, violoniste aux prises avec un cœur hivernal ou Nelly chez monsieur Arnaud. Jérôme, par la façon dont la mise en scène l'isole dans un groupe, dans un dialogue même, ou bien encore par le décalage dans la campagne où sa présence projette une ombre glacée sur un après-midi ensoleillé, est l'envers de l’héroïne. La vie le quitte. Marie la reprend, l’assimile et la reproduit. Elle est un personnage absorbant, éclatant de santé physique et mentale, désireux de faire le bonheur de tous ceux qui l'entourent : on pourrait dire que sa volonté viscérale, subconsciente, représente la version totalement positive de ce qui chez Vincent (Yves Montand) n'était que de la bonne volonté. Elle vérifierait aussi l'adage, s’il existait, selon lequel la Vénus genitrix et la Vénus "qui éveille l'amour" ne coïncident pas nécessairement en la même femme. Elle en parle en souriant vers la fin du long-métrage, cette conclusion en crescendo secrètement sensible, où la coïncidence du temps et de l'espace se trouve plus harmonieusement assumée que partout ailleurs. Les autres femmes forment alors un chœur de drame antique, qui se pose même en prophétie. Le film s'achève littéralement sur les traits de Marie, ultime effort du cinéaste pour s'y identifier, issue presque impudique d'une suite de champs/contre-champs virtuels, d'une grande pudeur dans leur fluidité. Installée sur une chaise longue, elle s'offre au soleil, ferme les yeux, sereine, apaisée, mais aussi triste et oppressée. Demain, quoi ? Senteurs, couleurs, joies et terreurs du quotidien. Et au-delà du vrai, le beau : une symphonie inachevée comme la vie qui coule et qui n'en finit pas.


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Dernière modification par Thaddeus le 24 déc. 23, 11:04, modifié 5 fois.
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Re: Claude Sautet (1924-2000)

Message par Bogus »

Garçon!
Les premières minutes ne m'ont pas vraiment emballé hormis les scènes de brasserie mais petit à petit je me suit attaché à cette histoire légère et touchante.
Un beau petit film qui donne des ailes.
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