John Ford (1894-1973)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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bruce randylan
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Re: John Ford (1894-1973)

Message par bruce randylan »

La Fille de Négofol (Kentucky pride - 1925)

Une pouliche raconte sa vie : sa naissance, ses rapports avec ses maîtres, ses premiers pas dans les courses hippiques, sa chute...

Avoir un cheval comme narrateur est plutôt un parti pris assez intrigant pour surprendre agréablement au début. Mais au final, c'est une fausse bonne idée. Ses commentaires (sous formes d'intertitres) cassent en fait totalement le rythme en paraphrasant constamment les images et en alourdissant la narration. Sans parler de la platitude des propos ("j'étais vraiment très tristes de voir mon enfant s'en aller". "Si seulement mes maîtres pouvaient savoir comme je suis fier d'eux". "Ma vie n'était vraiment pas très amusante avec ma patte cassée"...). Bref, l'intrigue est sans aucun intérêt même si ça reste dans l'univers "personnel" de Ford. Mais on sait que des thèmes personnels de Ford ne sont pas toujours bons signes. A part de jolis plans sur la canassons, quelques clins d'oeil (le cheval qui s'appelle "Confédération" :mrgreen: ) et autant de gags sympathiques (les enfants qui s'embrassent derrière une grosse dame), le film est vraiment plat et ennuyant.
On devine que le film s'adressait sans doute à des enfants bien moins exigeants que les adultes qui goberont mal les trop grandes facilités de l'histoire (hop, un cheval est retrouvé comme par magie sans aucune explication) et son absence totale de psychologie et d'enjeux dramatiques.

Le sentiment de se retrouver devant une intrigue mal ficelée et construite se confirme par les éléments brouillons qui semblent mal mixer les éléments qui annoncent the shamrcok handicap et Riley the cop.


The brat (1931)

Un écrivain ramène chez lui une fille paumée, récupérée dans un tribunal, pour s'en servir comme modèle à son prochain roman.

Plutôt pas mal cette petite comédie qui manque encore un peu de souplesse dans son interprétation et qui demeure trop prévisible. Mais on sent que Ford s'y épanouit dans la mise en scène avec un découpage assez dynamique, une mise en scène peu statique et plein d'idées de cadrages surprenant (la balançoire).
D'où plusieurs séquences vraiment réussies dont les meilleures se situent dans l'introduction prenant place au tribunal avec un juge qui anticipe les personnages de Will Rogers. On y croise plein de personnages touchants et/ou grotesques pour autant de morceaux de vies esquissées avec tendresse. C'est aussi dans ces 10 minutes que la mise est la plus élaborée et inventive. Peu surprenant qu'on y croise donc rapidement Ward Bond pour une de ses premières collaboration avec Ford.

La suite est moins atypique mais donne quelques bons moments grâce au charme ingénue de Sally O'Neal qui fait innocemment de la balançoire debout en exposant sa jupe (et ses dessous) à un évêque, déclare son amour à son protecteur de manière touchante, réconforte le frère de celui-ci ou se livre à un sacré crêpage de chignon avec une rivale.
Les autres personnages ne sont pas tous fouillés et l'écrivain manque de nuance mais la courte durée de The Brat permet de ne pas trop subir ces défauts de caractérisation d'autant que la sensibilité du cinéaste est bel et bien là. Celà dit, une ellipse était assez brutale et je me demande si plusieurs séquences ne seraient pas perdues.

Loin d'être parfait mais j'aime bien ce genre d'imperfection quand elles sont faîtes avec du cœur. :)
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bruce randylan
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Re: John Ford (1894-1973)

Message par bruce randylan »

C'est pas parce que le film est déprogrammé à la cinémathèque qu'on a pas le droit de le regarder 8)

Salute (Co-réalisé par David Butler - 1929)

Deux officiers issus de West Point, représentant l'armée et la Marine, décident de profiter du match de Football américain des jeunes recrues pour parier sur la suprématie de leur Corps..

Ce deuxième film parlant de Ford souffre encore de quelques défauts dû à la nouveauté du procédé à commencer par des acteurs souvent guindés qui manque de naturel avec une diction sans saveur. Sa mise en scène est en revanche moins figée, surtout dans quelques travellings en extérieur.
Celà dit, la technique n'est pas ce qui dessert le film... plutôt son manque d'inspiration qui repose généralement sur des gags éculées pas vraiment drôles et qui manquent surtout de dynamisme. La tarte à la crème n'avait nul besoin d'être si long comme la recrue chétive qui cherche un cavalier à sa soeur (la chute se voit venir de très loin).
On s'ennuie donc un petit peu entre les personnages pas très attachant, un scénario pour ainsi dire inexistant et son univers militaire, platement mis en valeur. Reste la rencontre sportive finale, honnête sans être aussi stimulante que celui de The freshboy avec Harold Lloyd par exemple.

Mais voilà, Salute a son importance historique pour tout amateur de Ford. C'est dans ce film qu'on trouve les premières vrais rôles de John Wayne, Ward Bond (et Stepin Fetchit aussi). Ils volent d'ailleurs souvent la vedette aux rôles principaux, surtout Ward Bond déjà très à l'aise tandis que Wayne manque encore d'assurance.

Voilà, fin de cette rétrospective pour moi. Il me reste quand même encore une dizaine de Ford à découvrir pour achever complètement sa filmographie mais je les possède tous en DVDs (les muets du coffret Ford at Fox, le mouchard, la taverne de l'irlandais, Dieu est mort, What price glory) et blu-ray (Qu'elle était verte ma vallée ; la conquête de l'ouest).
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Re: John Ford (1894-1973)

Message par Frank 'Spig' Wead »

Fordien monomaniaque je viens d'éditer un petit blog consacré à John Ford ici

Si vous le visitez, soyez indulgent, il n'a qu'un jour, il n'est pas encore très fourni et sa forme n'est pas encore définitive...
Dans un mois il devrait être plus intéressant :oops:
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John Holden
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Re: John Ford (1894-1973)

Message par John Holden »

Jolie présentation ! Et bon courage pour faire vivre ce blog singulier. :wink:
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Re: John Ford (1894-1973)

Message par Geoffrey Carter »

Frank 'Spig' Wead a écrit :Fordien monomaniaque je viens d'éditer un petit blog consacré à John Ford ici

Si vous le visitez, soyez indulgent, il n'a qu'un jour, il n'est pas encore très fourni et sa forme n'est pas encore définitive...
Dans un mois il devrait être plus intéressant :oops:
Très belle initiative en tout cas, je suivrais ça avec attention ;)
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Re: John Ford (1894-1973)

Message par Frank 'Spig' Wead »

Merci pour vos encouragements!
Je vais très vite rentrer dans le vif du sujet, et proposer des analyses de films ou de séquences...
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Re: John Ford (1894-1973)

Message par Strum »

Frank 'Spig' Wead a écrit :Fordien monomaniaque je viens d'éditer un petit blog consacré à John Ford ici

Si vous le visitez, soyez indulgent, il n'a qu'un jour, il n'est pas encore très fourni et sa forme n'est pas encore définitive...
Dans un mois il devrait être plus intéressant :oops:
Quelle bonne initiative, bravo ! J'aime bien ton approche, consistant à analyser des plans, pour les faire parler.
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Re: John Ford (1894-1973)

Message par Frank 'Spig' Wead »

Strum a écrit : Quelle bonne initiative, bravo ! J'aime bien ton approche, consistant à analyser des plans, pour les faire parler.
Merci pour tes encouragements ! :wink:
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Re: John Ford (1894-1973)

Message par Supfiction »

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Il prétendait avoir incarné l'un des membres du Ku Klux Klan : « J'étais celui qui avait des lunettes. Je tenais ma cagoule relevée d'une main parce que ce putain de truc n'arrêtait pas de glisser devant mes lunettes. »

Type cagoulé 1 : "Mais on n'y voit rien avec ces cagoules! Qui c'est qui nous a fait des merdes pareils ?"
Type cagoulé 2 : "Robert, t'y vois quelque-chose ?"
Type cagoulé 3 : "Faut vraiment qu'on porte ça à cheval ?"
Type cagoulé 4 : "Tout ce que vous savez faire c'est critiquer!"
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Re: John Ford (1894-1973)

Message par Zeldoune »

Type cagoulé 5 : "Je m'en grillerais bien une"
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Re: John Ford (1894-1973)

Message par Harkento »

Qu'elle était verte ma vallée (1941) : 6 / 10

Décidément, le cinéma de John Ford n'est vraiment pas fait pour moi ! J'ai beau sentir sa foi en l'être humaine, j'ai beau apprécier la beauté de ces plans (le film est d'ailleurs une succession de plan prodigieusement composé, et la lumière comme la profondeur de champ sont exploitées avec une maîtrise vraiment impressionnante), mais son idéalisation aveuglante de la famille ne me procure aucune émotion. De plus, on ne peut pas dire qu'il y ait vraiment un scénario d'une grande complexité, c'est une suite de scénette ou l'on voit les membres de la famille subir des injustices qui empêchent toute intensité dramatique de s'installer : de l'accident de la mère avec le petit garçon dans la mare gelée qui calmera les ardeurs politiques des travailleurs, du garçon qui entre à l'école et se fait martyriser par un élève puis par la prof (non mais sérieux quoi !) mais heureusement la FAMILLE et les AMIS sont là pour faire justice, de la grande soeur qui consent à un mariage voulu et décidé par la classe dirigeante et qui accepte avec abnégation son destin (sublime Maureen O'Hara, :oops: comme toujours), de la condition des travailleurs complètement évacué au profit de leur aveuglement sur le travail quel qu'il soit (même s'il faut remettre le film dans son contexte, je ne comprends pas pourquoi on dit au gamin de faire comme il le sent quand il a le choix entre faire des études - parce qu'il a de bonnes notes - et le travail à la mine, tout ça pour encore une fois imiter la si précieuse et belle famille) ... bref, rien ne me parle. On est dans de l'Americana pur et dur (j'avais d'ailleurs beaucoup tiqué sur le dernier quart d'heure de Stars in my crown de Tourneur pour cela, alors que j'avais apprécié le film jusqu'à son dénouement !), et cette présentation des choses me rebute et ne m'invite pas à réfléchir sur quoi que ce soit. Trop de pathos tue le pathos. Ceci dit, j'ai adoré le gamin Huw joué par Roddy McDowall qui est sobre et juste et ne cabotine jamais.

Mais bon, plastiquement, il est éblouissant ; en plus je l'ai découvert dans une très belle copie donc j'ai vraiment apprécié tout l'aspect visuel qui imprègne encore mes rétines ! Je ne sais pas encore vers quel film de Ford je vais me tourner pour continuer à découvrir sa grande filmographie ... certainement vers un western, car La prisonnière du désert et L'homme qui tua Liberty Valance sont les seuls bons souvenirs que j'ai du cinéaste.
Dernière modification par Harkento le 17 mars 15, 16:47, modifié 2 fois.
Jeff Bailey
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Re: John Ford (1894-1973)

Message par Jeff Bailey »

Harkento a écrit :Qu'elle était verte ma vallée (1941) : 6 / 10

Décidément, le cinéma de John Ford n'est vraiment pas fait pour moi ! J'ai beau sentir sa foi en l'être humaine, j'ai beau apprécier la beauté de ces plans (le film est d'ailleurs une succession de plan prodigieusement composé, et la lumière comme la profondeur de champ sont exploitées avec une maîtrise vraiment impressionnante), mais son idéalisation aveuglante de la famille ne me procure aucune émotion. De plus, on ne peut pas dire qu'il y ait vraiment un scénario d'une grande complexité, c'est une suite de scénette ou l'on voit les membre de la famille subir des injustice qui empêchent toute intensité dramatique de s'installer : de l'accident de la mère avec le petit garçon dans la mare gelée qui calmera les ardeurs politiques des travailleurs, du garçon qui entre à l'école et se fait martyriser par un élève puis par la prof (non mais sérieux quoi !) mais heureusement la FAMILLE et les AMIS sont là pour faire justice, de la grande soeur qui consent à un mariage voulu et décidé par la classe dirigeante et qui accepte avec abnégation son destin (sublime Maureen O'Hara, :oops: comme toujours), de la condition des travailleurs complètement évacué au profit de leur aveuglement sur le travail quel qu'il soit (même s'il faut remettre le film dans son contexte, je ne comprends pas pourquoi on dit au gamin de faire comme il le sent quand il a le choix entre faire des études - parce qu'il a de bonnes notes - et le travail à la mine, tout ça pour encore une fois imiter la si précieuse et belle famille) ... bref, rien ne me parle. On est dans de l'Americana pur et dur
Euh... Parler d'Americana, vu l'endroit où se déroule le film, ça me paraît très peu approprié, si je puis me permettre !
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Re: John Ford (1894-1973)

Message par Harkento »

Jeff Bailey a écrit :
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Harkento a écrit :Qu'elle était verte ma vallée (1941) : 6 / 10

Décidément, le cinéma de John Ford n'est vraiment pas fait pour moi ! J'ai beau sentir sa foi en l'être humaine, j'ai beau apprécier la beauté de ces plans (le film est d'ailleurs une succession de plan prodigieusement composé, et la lumière comme la profondeur de champ sont exploitées avec une maîtrise vraiment impressionnante), mais son idéalisation aveuglante de la famille ne me procure aucune émotion. De plus, on ne peut pas dire qu'il y ait vraiment un scénario d'une grande complexité, c'est une suite de scénette ou l'on voit les membre de la famille subir des injustice qui empêchent toute intensité dramatique de s'installer : de l'accident de la mère avec le petit garçon dans la mare gelée qui calmera les ardeurs politiques des travailleurs, du garçon qui entre à l'école et se fait martyriser par un élève puis par la prof (non mais sérieux quoi !) mais heureusement la FAMILLE et les AMIS sont là pour faire justice, de la grande soeur qui consent à un mariage voulu et décidé par la classe dirigeante et qui accepte avec abnégation son destin (sublime Maureen O'Hara, :oops: comme toujours), de la condition des travailleurs complètement évacué au profit de leur aveuglement sur le travail quel qu'il soit (même s'il faut remettre le film dans son contexte, je ne comprends pas pourquoi on dit au gamin de faire comme il le sent quand il a le choix entre faire des études - parce qu'il a de bonnes notes - et le travail à la mine, tout ça pour encore une fois imiter la si précieuse et belle famille) ... bref, rien ne me parle. On est dans de l'Americana pur et dur
Euh... Parler d'Americana, vu l'endroit où se déroule le film, ça me paraît très peu approprié, si je puis me permettre !
Ok pour le pays ou se situe l'action (quoique l'introduction du film est un départ pour ....), mais le discours, les éléments et le décor sont là il me semble : religion, communauté rurale, famille, travailleurs pauvres, nostalgie d'un temps passé (avec cette voix off et cette idéalisation de la nature), ... etc etc
Edit : faut vraiment que je me relise de dieu, je fais de ces fautes ...
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Re: John Ford (1894-1973)

Message par Strum »

Harkento a écrit :Qu'elle était verte ma vallée (1941) : 6 / 10

Décidément, le cinéma de John Ford n'est vraiment pas fait pour moi ! J'ai beau sentir sa foi en l'être humaine, j'ai beau apprécier la beauté de ces plans (le film est d'ailleurs une succession de plan prodigieusement composé, et la lumière comme la profondeur de champ sont exploitées avec une maîtrise vraiment impressionnante), mais son idéalisation aveuglante de la famille ne me procure aucune émotion. De plus, on ne peut pas dire qu'il y ait vraiment un scénario d'une grande complexité, c'est une suite de scénette ou l'on voit les membres de la famille subir des injustices qui empêchent toute intensité dramatique de s'installer : de l'accident de la mère avec le petit garçon dans la mare gelée qui calmera les ardeurs politiques des travailleurs, du garçon qui entre à l'école et se fait martyriser par un élève puis par la prof (non mais sérieux quoi !) mais heureusement la FAMILLE et les AMIS sont là pour faire justice, de la grande soeur qui consent à un mariage voulu et décidé par la classe dirigeante et qui accepte avec abnégation son destin (sublime Maureen O'Hara, :oops: comme toujours), de la condition des travailleurs complètement évacué au profit de leur aveuglement sur le travail quel qu'il soit (même s'il faut remettre le film dans son contexte, je ne comprends pas pourquoi on dit au gamin de faire comme il le sent quand il a le choix entre faire des études - parce qu'il a de bonnes notes - et le travail à la mine, tout ça pour encore une fois imiter la si précieuse et belle famille) ... bref, rien ne me parle. On est dans de l'Americana pur et dur (j'avais d'ailleurs beaucoup tiqué sur le dernier quart d'heure de Stars in my crown de Tourneur pour cela, alors que j'avais apprécié le film jusqu'à son dénouement !), et cette présentation des choses me rebute et ne m'invite pas à réfléchir sur quoi que ce soit. Trop de pathos tue le pathos. Ceci dit, j'ai adoré le gamin Huw joué par Roddy McDowall qui est sobre et juste et ne cabotine jamais.
On est surtout chez un cinéaste qui sait parfaitement que ce qu'il représente n'est pas la réalité et qui le fait savoir au spectateur. Ce n'est aucunement un film qui milite pour des valeurs ou une Americana quelconque. Le début du film, magnifique, nous donne la clé : au travers de la patine du souvenir, le passé devient une représentation de moments idéalisés. L'idéalisation est d'autant plus forte que ce passé est rêvé par Ford, car il ne l'a pas vécu. Le Pays de Galle est un pays de substitution pour l'Irlande, pour Ford qui est né aux Etats-Unis et n'est irlandais que par la pensée et le sang des ancètres. Il en va de même dans L'Homme Tranquille où le retour en Irlande est idéalisé. C'est toute la beauté du film que de nous faire comprendre que ces choses magnifiques qu'il montre, par la profondeur des sentiments et par la beauté des images, n'existent pas. C'est ce fossé qui existe entre le réel et sa représentation transcendée par le génie artistique de Ford, qui rend le film particulièrement émouvant. Ce que le film nous apprend sur Ford, sur un artiste, sur l'individu, le fait accéder à l'universel.
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Re: John Ford (1894-1973)

Message par Harkento »

Strum a écrit :
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Harkento a écrit :Qu'elle était verte ma vallée (1941) : 6 / 10

Décidément, le cinéma de John Ford n'est vraiment pas fait pour moi ! J'ai beau sentir sa foi en l'être humaine, j'ai beau apprécier la beauté de ces plans (le film est d'ailleurs une succession de plan prodigieusement composé, et la lumière comme la profondeur de champ sont exploitées avec une maîtrise vraiment impressionnante), mais son idéalisation aveuglante de la famille ne me procure aucune émotion. De plus, on ne peut pas dire qu'il y ait vraiment un scénario d'une grande complexité, c'est une suite de scénette ou l'on voit les membres de la famille subir des injustices qui empêchent toute intensité dramatique de s'installer : de l'accident de la mère avec le petit garçon dans la mare gelée qui calmera les ardeurs politiques des travailleurs, du garçon qui entre à l'école et se fait martyriser par un élève puis par la prof (non mais sérieux quoi !) mais heureusement la FAMILLE et les AMIS sont là pour faire justice, de la grande soeur qui consent à un mariage voulu et décidé par la classe dirigeante et qui accepte avec abnégation son destin (sublime Maureen O'Hara, :oops: comme toujours), de la condition des travailleurs complètement évacué au profit de leur aveuglement sur le travail quel qu'il soit (même s'il faut remettre le film dans son contexte, je ne comprends pas pourquoi on dit au gamin de faire comme il le sent quand il a le choix entre faire des études - parce qu'il a de bonnes notes - et le travail à la mine, tout ça pour encore une fois imiter la si précieuse et belle famille) ... bref, rien ne me parle. On est dans de l'Americana pur et dur (j'avais d'ailleurs beaucoup tiqué sur le dernier quart d'heure de Stars in my crown de Tourneur pour cela, alors que j'avais apprécié le film jusqu'à son dénouement !), et cette présentation des choses me rebute et ne m'invite pas à réfléchir sur quoi que ce soit. Trop de pathos tue le pathos. Ceci dit, j'ai adoré le gamin Huw joué par Roddy McDowall qui est sobre et juste et ne cabotine jamais.
On est surtout chez un cinéaste qui sait parfaitement que ce qu'il représente n'est pas la réalité et qui le fait savoir au spectateur. Ce n'est aucunement un film qui milite pour des valeurs ou une Americana quelconque. Le début du film, magnifique, nous donne la clé : au travers de la patine du souvenir, le passé devient une représentation de moments idéalisés. L'idéalisation est d'autant plus forte que ce passé est rêvé par Ford, car il ne l'a pas vécu. Le Pays de Galle est un pays de substitution pour l'Irlande, pour Ford qui est né aux Etats-Unis et n'est irlandais que par la pensée et le sang des ancètres. Il en va de même dans L'Homme Tranquille où le retour en Irlande est idéalisé. C'est toute la beauté du film que de nous faire comprendre que ces choses magnifiques qu'il montre, par la profondeur des sentiments et par la beauté des images, n'existent pas. C'est ce fossé qui existe entre le réel et sa représentation transcendée par le génie artistique de Ford, qui rend le film particulièrement émouvant. Ce que le film nous apprend sur Ford, sur un artiste, sur l'individu, le fait accéder à l'universel.
Ah oui, vu sous cet angle là, le film prend une toute autre saveur, en effet, car il est vrai que le film commence par un flashback du personnage de Huw adulte (qu'on ne voit même pas si mes souvenirs sont bons ...), ce qui explique aussi qu'il est le seul a ne pas théâtraliser son jeu, puisque l'histoire évoquée nous est présentée sous le prisme du souvenir ! Merci pour cette interprétation ... reste un processus qui ne me touche pas davantage, mais du coup je comprends un peu mieux le style de Ford. :wink:
Dernière modification par Harkento le 18 mars 15, 01:28, modifié 1 fois.
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