Stuart Heisler (1896-1979)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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kiemavel
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Stuart Heisler (1896-1979)

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Sur le plateau de La peur au ventre
Né à Los Angeles à la fin du 19ème siècle (certaines sources donnent 1894, d'autres 1896), Stuart Heisler est entré très tôt dans le milieu du cinéma. Il y a exercé un peu tous les métiers avant de se spécialiser dans le montage. Du début des années 20 à 1936, il va monter de nombreux films dont le Stella Dallas d'Henry King ou l'excellent Peter Ibbetson d'Henry Hathaway. Il poursuit son apprentissage en collaborant à la réalisation du Hurricane de John Ford (1937) dont il aurait tourné les extérieurs aux Iles Hawaï et à celui de Madame et son cow-boy (The Cowboy and the Lady) (1938). A partir de là, il signera seul un peu plus d'une vingtaine de films avant de se recycler comme beaucoup d'autres à la télévision à partir de la fin des années 50.

Il a touché à tous les genres. A ses débuts au film d'horreur : The Monster and the Girl (1941), puis au western, ou il donna : Le grand Bill (Along Came Jones) (1945), un western/comédie sympathique puis l'assez bon Dallas, ville frontière (1950) et le plus problématique Collines brulantes (The Burning Hills) (1956), un film que j'aime bien malgré de sérieux défauts. Il réalisa aussi la même année sa version du Justicier solitaire (The Lone Ranger) un film que je ne connais pas. Il s'illustra aussi à 4 reprises dans le film noir, donnant certains de ses meilleurs films : Among the Living (1941), La clé de verre (The Glass Key) (1942), Ku-Klux-Klan (Storm Warning) (1951) et La peur au ventre (I Dead a Thousand Times) (1955). Dans cette famille là, je signale aussi Tokyo Joe qui fait le lien avec Pilote du diable (Chain Lightning), un autre Bogart puis il signa son seul "vrai" film de guerre avec le très bon La patrouille infernale (Beachhead). Parmi ses autres films, je signale : Une vie perdue (Smash up : The story of a woman) (1946), un beau mélodrame qui fut un grand succès personnel pour Susan Hayward et The Star avec Bette Davis, Sterling Hayden et Natalie Wood, un des très bon film sur l'envers du décor de "l'usine à rêves". Enfin un mot sur les films pour certains très difficiles à voir et que je ne connais pas : Saturday Island avec Linda Darnell et Tab Hunter, Journey into Light avec Sterling Hayden, Viveca Lindfors et Thomas Mitchell ou sa seule comédie musicale, La mélodie du bonheur (Blue Skies) (1946), un film dont B. tavernier dit beaucoup de bien sur son blog.

Il devait créer des affinités assez fortes avec ses comédiens ou aimait travailler en confiance avec des comédiens a qui il avait déjà eu affaire car dans une filmographie plutôt courte il retrouva plusieurs fois certains d'entre eux dont 3 fois Susan Hayward. Il lui offrit d'ailleurs deux rôles forts et marquants (Smash up et Tulsa) et des rôles importants à d'autres actrices dont l'un des meilleurs rôles dramatiques de Ginger Rogers (et accessoirement de Doris Day) dans Storm Warning. Le critique Louis Skorecki qui l'avait rencontré dans les années 60 parle de Stuart Heisler d'ailleurs comme d'un homme à femmes sans que je sache si ça allait au delà de ce que lui-même a raconté de son unique entrevu avec le cinéaste dont il rend compte comme ceci : "J'étais passionné par son cinéma sensuel, presque lubrique : les corps qui se frôlent, le désir qui naît à la tombée de la nuit, il savait évoquer ces choses là mieux que personne …Dans la vraie vie d'ailleurs, tout au long du long entretien que j'eus avec lui, il était distant, nerveux ... j'ai mis une bonne demie-heure à comprendre que s'il n'écoutait mes questions que d'une oreille distraite, c'est qu'il était impatient ... impatient de rejoindre sa toute jeune femme (qu'il venait d'épouser, il était d'ailleurs très jaloux du regard des autres hommes sur elle) ... et qui l'attendait dans la chambre à coucher, juste à côté …"
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Avec Sterling Hayden////Avec Bing Crosby
Dernière modification par kiemavel le 19 oct. 14, 19:14, modifié 1 fois.
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Re: Stuart Heisler (1896-1979)

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Dans les années 20, à Tulsa dans l'Oklahoma, une ville alors en pleine expansion et en passe de devenir la capitale du pétrole, un éleveur tente de poursuivre son activité malgré l'avancée inexorable des derricks qui poussent comme des champignons à proximité de sa ferme. Un jour, en faisant une inspection sur ses terres avec sa fille et son contremaitre indien, il constate que des bêtes mortes gisent au bord la rivière, empoisonnées pour avoir bu l'eau souillée par du pétrole échappé des puits d'extraction exploités par Bruce Tanner, l'homme d'affaires le plus puissant de la ville. Il se précipite chez ses encombrants voisins pour avoir une explication mais il est tué accidentellement par la chute des débris d'un derrick emportés par le jaillissement soudain du pétrole. Sa fille, Cherokee Lansing, tentera en vain d'obtenir réparation ou au moins la garantie que ses terres resteront saines et exploitables. Elle va alors s'élever contre la toute puissance de Bruce Tanner…
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Au centre du film, il a la personnalité flamboyante de Cherokee Lansing dont le rôle a manifestement été construit sur mesure pour Susan Hayward (et elle y est excellente sans les excès que je lui reproche parfois). D'abord habitée par un sentiment de revanche, bien que ruinée elle va d'abord refuser de céder ses terres à Tanner avant de tenter de concurrencer le magnat du pétrole en tentant d'exploiter les hypothétiques gisements pétroliers dormant sous ses terres. C'est donc d'abord par défi qu'elle va abandonner le mode de vie qu'elle semblait prête à suivre, puis, en raison de sa réussite, le désir de vengeance va passer au second plan et c'est l'enrichissement sans limites et la volonté de puissance qui vont motiver Cherokee et la transformer progressivement la faisant ressembler de plus en plus à l'exploiteur sans scrupules des richesses naturelles qu'elle combattait jadis avec son père. Ce film qui se voulait une fable sur l'ambition n'évite pas les clichés mais c'est surtout ses préoccupations écologistes certes louables mais brouillées par des incohérences rendant pour cette raison le propos ambiguë qui limite la portée du message.

Ça commence dès le préambule. Assis devant les paysages verdoyants des environs de Tulsa, celui qui sera le narrateur de notre histoire, Pinky Jimpson (Chill Wills) gratouille sa guitare et interpelle directement le spectateur, expliquant que ces paysages que nous voyons étaient jadis bien jolis quand il n'y a pas si longtemps cette terre sauvage était occupée par différentes tribus indiennes qui vivaient de la chasse, de l'élevage ou de la culture de la terre mais qu'il a fallu l'arrivée de l'homme blanc pour qu'enfin l'or noir, source de progrès dormant dans le sol de l'Oklahoma, jaillisse enfin dans le ciel !…A écouter ce brave Chill Wills, enthousiaste devant les progrès accomplis, on pourrait penser que ces "paysages" industriels que nous voyons maintenant défiler en arrière plans sont tout aussi beaux que les étendues sauvages de jadis. C'est vrai, il faut l'admettre, une belle raffinerie, ça serait presque aussi beau que les chutes du Niagara (mais sans le petit zoziau mazouté au premier plan qui viendrait rompre l'harmonie)…On retrouvera le pendant de ce discours dans un épilogue ou Chill Wills nous expliquera que les affreuses pratiques que nous aurons vu, notamment celles de ces industriels qui polluent les territoires entourant les gisements de pétrole ou la sur-exploitation des ressources naturelles, c'est de l'histoire ancienne car on apprend un peu soulagé qu'aujourd'hui (l'aujourd'hui de 1949) l'industrie pétrolière respecte l'environnement !
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Entre ces deux interventions, on aura vu comment l'évolution personnelle de Cherokee va tout bouleverser autour d'elle. Le paysage d'abord. Les puits de pétrole vont pousser comme des champignons et pas seulement sur ses terres puisqu'elle va convertir (pervertir ?) ses voisins, acheter des concessions et des permis d'exploiter le pétrole dans tout le voisinage et au-delà. Elle va ainsi influencer la vie de la plupart des autres personnages gravissant autour d'elle, bouleversant le mode d'existence de tous les fermiers notamment indiens qui vont se laisser convaincre de la suivre. Idée intéressante, on verra même un chef indien tellement "converti" qu'il sera plus préoccupé de voir augmenter la production et ses profits que soucieux de préservation de l'environnement. Mais c'est surtout la vie de 3 hommes quelle va bouleverser. Ses trois hommes. Le premier c'est Jim Redbird, un indien qui était l'ancien contremaitre de son père. Secrètement amoureux de Cherokee, il va se laisser convertir bien qu'hostile à l'envahissement de ses terres par les derricks mais surtout on aura vu s'exprimer l'opposition entre d'un coté Bruce Tanner (interprété par Lloyd Gough), un magnat du pétrole sans scrupules dont la seule préoccupation est l'augmentation de ses profits et qui cherchera à s'accaparer les terres des éleveurs pour y faire pousser les derricks pour son propre compte. Sa seule faiblesse : Cherokee. De l'autre, Brad Brady (interprété par Robert Preston), un géologue venu en aide à Cherokee. Soucieux de préserver l'environnement en cherchant à exploiter de manière "raisonnée" les ressources pétrolières, il va progressivement s'éloigner de son insatiable petite amie qui va même se dérober à ses propositions de mariage supportant de moins en moins ses scrupules.

En caricaturant la situation, dans ce couple, celui qui fait bouillir la marmite, c'est la femme et c'est l'homme qui cueille les marguerites ! Tous ces personnages (même l'affreux Tanner :wink: ) vont pas mal bouger voir changer de camp, leur évolution dépendant moins de leurs états d'âme ou de leurs contradictions, pris qu'ils sont entre leurs aspirations écologistes sincères et la prospérité économique promise par la manne pétrolière, que de Cherokee. Elle agit et ils réagissent. L'un va la suivre aveuglément pour ne pas qu'elle s'échappe totalement, un autre va l'accompagner pour un temps mais pour la freiner, le dernier va la craindre mais l'admirer tout de même…et tous vont la désirer. Du coup, les questions sérieuses sont tout de même posées mais elles le sont dans un récit très Hollywoodien mêlant très étroitement affaires et affairs.
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Le final est grandiose…Le gigantesque incendie qui occupe la dernière partie du film durant 20 minutes est très spectaculaire (et a valu au film une nomination à l’Oscar des meilleurs effets spéciaux). La raison d'être de cette scène était sans aucun doute de faire de belles images mais c'était peut-être aussi une façon de mettre en garde le public contre les dangers de cette industrie. Mais après ça, le discours unanime de tous les protagonistes qui décident que "Plus jamais ça" et autre "On ne nous y reprendra plus" fait mal aux oreilles (et à la tête) d'autant plus qu'il est repris par Chill Wills dans l'épilogue. Ce dernier tient un multiple rôle assez important. En dehors du préambule et de l'épilogue, on le retrouve tout du long comme le témoin et le commentateur en voix off de l'ascension de Cherokee. Il est à la fois au plus près des événements puisqu'il est le cousin de Cherokeee et le propriétaire d'un bar populaire de Tulsa mais il a aussi trois numéros musicaux dont un plus particulièrement amusant lorsqu'il se tire la bourre avec une chanteuse d'opéra sur la chanson titre du film. La battle entre le folkeux à accent plouc et la Castafiore d'abord hautaine est assez plaisante. Autre prestation amusante, celle de Ed Begley dans un de ses premiers rôles non négligeable. Je signale aussi que l'on a droit aux quelques scènes attendues illustrant de manière amusante la camaraderie virile avec à la clé deux saines bagarres. La routine quoi…Le film avait été distribué par Eagle-Lyon mais il avait été produit par Walter Wanger et il avait du recevoir un budget confortable sans que l'on soit dans une production comparable à La fièvre du pétrole (Boom Town). vu en vost.
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Jeremy Fox
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Re: Stuart Heisler (1896-1979)

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Mes avis sur ses westerns

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Le grand Bill (Along Came Jones, 1945) de Stuart Heisler
INTERNATIONAL PICTURES


Sortie USA : 19 juillet 1945


L’année 1945 avait débuté par deux films considérés peut-être un peu rapidement comme faisant partie du genre qui nous préoccupe et qui durent sacrément décevoir les attentes des amateurs. Tout d’abord Universal nous conta Les Amours de Salomé (Salomé, where she Danced) ; ce film de Charles Lamont est devenu culte pour certains à cause de son scénario oh combien rocambolesque, ballotant le spectateur du Far-West à Vienne en passant par San Francisco et la Prusse, lui faisant assister à l’attaque d’une jonque chinoise, à un duel à l’épée ou à des danses lascives style mille et une nuits. Malheureusement la mise en scène et l’interprétation ne suivaient pas le mouvement et Miss De Carlo était une bien piètre danseuse, ce qui pour une Salomé ne faisait franchement pas très sérieux. Suite à ce semi-ratage, la compagnie Republic sortit à son tour dans les salles obscures l’un de ses films pour lequel elle dépensa le plus gros budget de son histoire et qui fut un phénoménal succès, le pourtant bien médiocre La Belle de San Francisco (The Flame of Barbary Coast) de Joseph Kane avec un John Wayne bien embarrassé au milieu de ce scénario insipide et de ce film sans rythme ; et puis hormis le fait que l’acteur interprète un personnage de cow-Boy, le film n’avait rien non plus d’un western.

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Il fallut attendre mi-juillet pour voir débouler sur les écrans ce qui semblait devoir être un véritable western ‘de prestige’ avec tous les ingrédients propre au genre (époque, lieux, costumes, décors, action). Ceux pour qui l’humour et la comédie ont toujours semblé ne pas faire bon ménage avec le western se sont probablement une nouvelle fois mordus les doigts de désappointement. Il y eut bien déjà précédemment l’excellent Femme ou Démon (Destry Rides Again) ou le désopilant Chercheurs d’or (Go West), ce dernier avec les Marx Brothers, mais, malgré son grand talent pour la comédie, on ne s’attendait pas à ce que Gary Cooper, pour sa première production, apparaisse dans la peau d’un ‘pied-tendre’ couard et nullissime au tir au pistolet ne sachant pas même dégainer correctement ! Le premier scénario d’Alan Le May avait été celui de Les Tuniques Ecarlates (North West Mounted Police) de Cecil B. DeMille ; c’est le scénariste qui, au vu des dons comiques de Gary Cooper en dehors de la pure comédie, lui écrira le divertissant Along Came Jones que voici, l’une des parodies de western les plus amusantes qui soit, une des rares incursions réussies de la comédie parodique légère dans le western. Cette réussite, on la doit autant à Nunnally Johnson, déjà auteur entre autres des scénarios de Jesse James de Henry King ou des Raisins de la Colère de John Ford, à l’efficacité du réalisateur Stuart Heisler qui venait tout juste de se faire remarquer avec son film noir La Clé de Verre (The Glass Key) mettant en scène le couple Alan Ladd/Veronica Lake ainsi qu’à l’interprétation d’ensemble. Car l’histoire en elle-même, certes assez cocasse, ne vient en rien bouleverser l’histoire du western.

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Paynesville, petite ville perdue au fin fond de l’Ouest américain et dans laquelle nos deux ‘héros’, les palefreniers Melody Jones (Gary Cooper) et George Fury (William Demarest), viennent d’atterrir par erreur après s’être rendus compte avoir pris la mauvaise direction quelques 800 kilomètres en arrière ! Une forte récompense de 1.000 dollars est offerte pour la capture de Monte Jarrad (Dan Duryea) qui vient d’attaquer une diligence et voler tout son contenu dont la paie de l’armée. La selle de Melody portant ses initiales en grosses lettres bien visibles, les habitants le prennent pour l’inquiétant hors-la-loi. Melody que l’on a toujours considéré comme un moins que rien s’en étonne puis finit par s’en amuser ; le tout est qu’il ne soit pas amené à montrer son inhabileté totale dans le maniement des armes à feu ou encore sa couardise légendaire. Son partenaire, qui n’a pas inventé la poudre, ressemble lui aussi étrangement à la description du complice de Monte Jarrad. Pour la prime, on tente de les abattre mais au moment où nos deux compères qui comprennent qu’être pris pour des ‘héros’ n’est pas sans danger décident de dévoiler la supercherie, Cherry de Longpre (Loretta Young) leur sauve la vie tout en continuant à faire croire à la populace qu’ils sont ceux que l’on soupçonne être ; tout cela pour protéger le véritable Monte qu’elle aime depuis l’enfance mais dont elle commence à se détacher trouvant son caractère avoir trop penché du mauvais côté. Elle lance donc tout le monde sur une fausse piste pour pouvoir soigner son amant blessé. Melody et George se voient donc poursuivis par non moins que cinq groupes : le Posse initié par le shérif, une armada familiale souhaitant venger le meurtre par Monte d’un de leur clan, le détective de la compagnie de diligence qui vient d’être dévalisé, les militaires voulant récupérer leurs salaires et non moins que Monte Jarrad jaloux d’avoir appris que Melody a dormi dans la chambre, voire même dans le lit, de sa petite amie. Autant dire qu’ils sont loin d’être sortis de l’auberge…

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On imagine la loufoquerie de la situation et effectivement on s’amuse beaucoup tout comme Gary Cooper qui semble avoir pris un plaisir fou à se ridiculiser par la seule force de sa démarche et de ses mimiques et expressions ; il faut avoir vu ce grand dadais naïf s’essuyer la bouche d’un grand revers de main avant de se jeter sur les lèvres de Loretta Young, se prendre la tête dans les sommets de portes, dégainer son revolver avec une maladresse jubilatoire, commencer à chanter une chanson au 180 couplets au grand désespoir de son compère qui lui, ne brille pas par son intelligence (grand numéro également de William Demarest, l’un des acteurs de prédilection du grand Preston Sturges)… On lui savait un talent de clown de par ses innombrables prestations précédentes y compris dans le western (ceux de DeMille ou The Westerner de William Wyler) mais on ne s’attendait certes pas à ce genre de personnage drôle et benêt ; la surprise est bougrement plaisante et le couple qu’il forme avec Loretta Young se révèle à la fois pittoresque et convainquant.


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Hormis les deux amis 'cow-boys', étonnement, tous les personnages qui gravitent autour sont joués avec un grand sérieux ce qui empêche le film de sombrer dans une trop grande lourdeur et ce qui permet de le suivre sans se lasser. Loretta Young est séduisante, parfois assez touchante (lorsqu’elle se rend compte que son amoureux de jeunesse ne lui plaît plus), possède des yeux superbes (on comprend que Gary Cooper tombe sous le charme dès la première seconde), s’en sort remarquablement bien et il est assez jouissif de la voir se servir d’une carabine ; quant à Dan Duryea, il interprète le premier d’une interminable galerie de Bad Guy menaçant comme s’il s’agissait d’un film très sérieux. Le contraste est assez étonnant et le duel final en devient tendu et plein de suspense alors qu’on aurait pensé le voir se transformer en ultime bouffonnerie.

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Alors certes, le rythme est parfois languissant surtout en sa partie centrale, l’histoire ne s’avère pas franchement originale et l'intérêt retombe à quelques reprises, les transparences lors des scènes à cheval sont parmi les plus ratées jamais vues au cinéma (mais finalement elles participent involontairement au climat décontracté du film) mais l’ensemble est fichtrement agréable d’autant que les dialogues ne manquent pas de piquant (le remerciement réciproque après le premier baiser est une idée de génie ; si non, en tout cas elle se révèle hilarante ! ). Et puis comment ne pas trouver sympathique un film qui dans son final fait voir Gary Cooper entonner la chanson ‘I’m a Poor Lonesome Cow-boy…’ rendue par la suite célèbre par la bande dessinée de Morris ; en y pensant, il y a effectivement un peu de Lucky Luke dans ce western humoristique du très bon réalisateur de série B que va devenir Stuart Heisler. Le sens de la mise en scène de ce dernier est d’ailleurs déjà visible dès la séquence initiale de l’attaque de la diligence très bien rythmée et montée. Il fera preuve à d’autres occasions en cours de film d’une belle efficacité pour les scènes d’actions nocturnes. Gary Cooper, Loretta Young, Nunnally Johnson, Stuart Heisler, un quarté gagnant à défaut d'être mémorable ! Quand les stars du western (après John Wayne et Randolph Scott) s'amusent de l'image stéréotypée qu'on leur donne, le spectateur en redemande.
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Dallas, Ville Frontière (Dallas, 1950) de Stuart Heisler
WARNER


Avec Gary Cooper, Ruth Roman, Steve Cochran, Raymond Massey, Reed Hadley, Barbara Payton, Leif Erickson
Scénario : John Twist
Musique : Max Steiner
Photographie : Ernest Haller
Une production Anthony Veiller pour la Warner


Sortie USA : 30 décembre 1950

Après John Wayne en 1949, c'est à Gary Cooper que revient l'honneur de clôturer cette copieuse année 1950 en matière de western. Si l’année westernienne fut riche qualitativement parlant, ce n’est par contre pas du fait de la Warner qui avait commencé par nous livrer en pâture l’insipide Montana et qui, après quatre ou cinq autres westerns guère plus réussis, à peine dignes de mauvaises séries B, nous balance en guise de cadeau de fin d'année le médiocre Dallas que voici. Warner est le studio nous ayant livré les plus mauvais westerns de ces derniers année alors que dans le même temps, la MGM, Universal, la 20th Century Fox et la Paramount continuaient à soigner les leurs afin qu’aussi bien les amateurs d’action que de bonnes intrigues et (ou) de ‘psychologie’ en aient pour leur argent, faisant attention à ce que les scénarios ne soient pas bourrés de clichés jusqu’à la gueule comme dans tous les plus récents produits par la Warner. Etonnant revirement de situation quand on sait que ce studio fut au contraire le plus ‘progressiste’ esthétiquement et surtout thématiquement parlant dès le début des années 30. Mais gageons qu’il ne s’agit que d’une mauvaise passe !


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La Guerre Civile vient de se terminer. A Dallas, en l’absence d’un homme de loi, les ranchers sont terrorisés par les frères Marlow, Will (Raymond Massey) et Bryant (Steve Cochran). Le propriétaire Felipe Robles (Antonio Moreno) les prévient qu’il vient de demander à ce qu’un nouveau shérif soit nommé et les informe que ce dernier est en route. Il s’agit de Martin Weatherby (Leif Erickson), un pied tendre venant du Nord, même pas capable de tirer au pistolet. Sur son chemin, il assiste au duel qui oppose Wild Bill Hickock (Reed Hadley) à Blayde Hollister (Gary Cooper) qui se termine par la mort de ce dernier, ancien colonel de l’armée sudiste recherché par la loi. Le futur Marshall se rend vite compte qu’il s’agissait d’une mascarade pour faire passer Hollister pour mort afin que cessent les poursuites lançées à son encontre. Il souhaite surtout que les frères Marlow qui, ne le connaissant pas de vue, le croient décédé pour mieux aller les prendre par surprise ; en effet, nous ne savons pas encore ce qu’ils lui ont fait mais Hollister semble n’avoir qu’une seule idée en tête, se venger d’eux. Pour se faire, ayant entendu dire que le shérif se rendait mettre de l’ordre à Dallas (là où se trouvent précisément ses ‘ennemis), il décide d’échanger son identité avec celle de l’homme de loi. Ce dernier avoue à Hollister qu’il avait accepté ce rôle dans le seul but d’impressionner sa fiancée, la fille de l'éleveur de bétail Felipe Robles, Tonia (Ruth Roman). Autant dire que, contre toute une bande de renégats prêts à tout, les deux hommes vont avoir fort à faire…


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Stuart Heisler à la baguette, Gary Copper de l’autre côté de la caméra ; certainement une soirée sympathique en perspective ! Avec en prime le Technicolor, il devrait au moins s’avérer aussi agréable que la précédente collaboration entre les deux hommes, le divertissant Le Grand Bill (Along Came Jones), une des rares incursions réussies de la comédie parodique légère dans le western. Mais voilà que le générique se lance sur une musique de Max Steiner qui ne rappelle en rien les grandes heures du fameux compositeur de King Kong, Autant en emporte le vent ou Casablanca. Mauvais signe ce manque d’inspiration du musicien, apparemment peu concerné par ce western de série ? Mais ne vendons pas la peau de l’ours… Dallas débute en effet plutôt bien nous plongeant directement dans le vif du sujet par une séquence d’action de vol de bétail assez bien enlevée. S’ensuit dans la foulée un duel au pistolet entre le célèbre Wild Bill Hicock et Reb Hollister, le personnage d’ancien officier Sudiste recherché pour cause de rébellion, joué par Gary Cooper. Tout ceci s’avère n’être qu’une mascarade destinée à simuler la mort de ce dernier afin qu’il soit tranquille pour régler une vengeance personnelle envers les frères Marlow, responsables du massacre de sa famille durant la Guerre de Sécession, désormais établis à Dallas pour essayer de s’y approprier toutes les terres et régner en maîtres sur la région. Mascarade encore lorsque Reb décide d’échanger son identité avec un Marshall ‘pied tendre’ venu au Texas dans le seul but d’impressionner sa fiancée ! Voici donc Gary Cooper (très à l'aise une fois de plus lorsqu'il s'agit de jouer les 'faux' benêts) en partance pour Dallas, affublé d’un costume de dandy qui le rend assez ridicule, pour y nettoyer la ville de ses mauvais éléments.


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Tout démarrait donc pour le mieux, sur une tonalité particulière, l’humour et la cocasserie étant parfaitement intégrés dans une intrigue à priori dramatique. Et puis patatras ! Le scénario de John Twist (pourtant collaborateur sur le superbe script de La Fille du désert - Colorado Territory de Raoul Walsh), certes toujours aussi rocambolesque, devient inutilement compliquée, harmonisant assez mal l’humour et le sérieux, l’action et les séquences bavardes et statiques. Tout ceci manque alors d’homogénéité et devient mal équilibré. A partir du moment où le sérieux prend le pas sur l’humour (qui se volatilise d'ailleurs sans crier gare), on commence sérieusement à se désintéresser de l’histoire, des personnages et de ce qui peut leur arriver d’autant plus que le pauvre Stuart Heisler n’arrive jamais à faire décoller ni à donner du souffle à sa mise en scène bien terne (tout comme l'interprétation d'ensemble à l'exception de Gary Cooper).


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Bref, ça bouge beaucoup, le Technicolor de Ernest Haller met magnifiquement en valeur les beaux costumes confectionnés pour Gary Cooper (le gilet vert à frange lui sied à ravir) et la charmante Ruth Roman ; nous avons même droit à quelques séquences agréables et détails pittoresques (la façon qu’à Steve Cochran de porter sa ceinture de revolvers) mais l’ennui vient s’installer assez rapidement pour ne plus nous quitter avant le final assez efficace se déroulant dans un saloon plongé dans le noir. Western de série assez laborieux réservé aux seuls aficionados du genre et (ou) de Gary Cooper. Dommage car nous trouvions au départ au sein du scénario et des dialogues pas mal d’éléments intéressants à nous mettre sous la dent concernant la situation de l’après Guerre de Sécession. Mais ce n'est pas bien grave car de nombreux films ont déjà abordés cette période historique avec force détails passionnants. Un coup pour rien concernant le dernier western de l'année. Mais 1951 va débuter sous les meilleurs augures !


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Collines brûlantes (The Burning Hills - 1956) de Stuart Heisler
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Avec Jeffrey Hunter, Natalie Wood, Skip Homeier, Eduard Franz, Earl Holliman, Claude Akins
Scénario : Irving Wallace
Musique : David Buttolph
Photographie : Ted D. McCord (Warnercolor 2.35)
Un film produit par Richard Whorf pour la Warner


Sortie USA : 23 août 1956


Après que le fermier Johnny Jordan se soit fait lâchement assassiner d’une balle dans le dos, son frère Trace (Tab Hunter) se lance sur la trace des meurtriers. Après avoir fait sa propre enquête, il découvre que sur les lieux du crime se trouvaient au moins trois hommes : un boiteux, un fumeur de cigarillo et un dernier portant des éperons mexicains. Son ami Miguel pense savoir de qui il s’agit ; ils se rendent donc sans tarder dans la ville d’Esperanza sur laquelle Joe Sutton (Ray Teal), un gros rancher, règne en maître. Et pour cause, il est de notoriété publique que depuis longtemps, Joe élimine sans scrupules tous les éleveurs et fermiers s’installant proches de ses terres. En arrivant dans cette petite cité sans shérif, Trace tombe sur des chevaux volés à son frère ; il est maintenant certain de l’identité des coupables et se rend directement chez Joe Sutton qui s’avère être le patron des tueurs. Trace le menace d’aller prévenir l’armée s’il ne livre pas ses hommes à la justice. Mais Trace blesse grièvement Joe après que celui-ci ait tenté de le tuer. C’est désormais au tour du jeune homme d’être traqué. En effet, Jack Sutton (Skip Homeier), le fils de Joe, se lance à sa poursuite avec sa bande constituée d’une dizaine d’hommes. Trace compte bien se rendre dans la garnison la plus proche afin d’informer les autorités des agissements malveillants de Sutton. Mais, blessé à l’épaule lors de son ‘évasion’, Trace s’écroule inconscient à l’entrée d’une mine abandonnée. Il est trouvé par la jeune Maria Colton (Natalie Wood) qui élève des moutons dans ce coin perdu avec l’aide de son frère et de son oncle. Son père fut autrefois tué par Joe Sutton ; une raison de plus pour assister Trace dans sa mission pour mettre fin au règne despotique de ce tyran local…

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De la part de Stuart Heisler, il y eut tout d’abord dans le domaine du western le divertissant Le Grand Bill (Along Came Jones) avec Gary Cooper et Loretta Young, une des rares incursions réussies de la comédie parodique légère dans le genre. Puis, toujours avec Gary Cooper, ce fut Dallas, ville frontière (Dallas) ; à son propos, j’écrivais qu’à partir du moment où le sérieux prenait le pas sur l’humour (qui se volatilisait d'ailleurs sans crier gare), on commençait sérieusement à se désintéresser de l’histoire, des personnages et de ce qui pouvait leur arriver, d’autant plus que le réalisateur n’arrivait jamais à faire décoller ni à donner du souffle à sa mise en scène bien terne. A croire que dans le western, Stuart Heisler ne s’épanouissait que dans l’humour ; ce que cet ‘on ne peut plus sérieux’ Collines brûlantes tendrait à nous confirmer, le film s’avérant cette fois laborieux de bout en bout ! En revanche, le cinéaste avait entre temps signé un film noir très sombre et très réussi, Storm Warning, qui fustigeait les actes odieux du Ku-Klux-Klan, avec pour têtes d’affiches les très convaincants Ronald Reagan, Ginger Rogers et Doris Day. Les intentions de The Burning Hills ne sont plus du tout pamphlétaires (ce qui n’est d’ailleurs pas forcément une tare surtout dans le genre qui nous concerne ici), les producteurs ayant surtout souhaités mettre en avant leurs récentes très jeunes recrues (Tab Hunter et Natalie Wood) et les auteurs ayant écrits une banale histoire de vengeance puis de chasse à l’homme avec, à la clé, une romance entre les deux 'héros' positifs de l'intrigue. Rien de bien neuf dans tous ceci si ce n’est l’âge des personnages principaux, plus proches de l’adolescence que de l’âge adulte !

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"… le film trouvant son originalité dans l'extrême jeunesse des deux protagonistes" écrivait d’ailleurs Jacques Lourcelles dans son dictionnaire du cinéma ; on aura beau chercher, il n'y a rien d’autre à trouver de ‘non conformiste’ dans ce western. Ce ne serait pas bien grave si par ailleurs le film s’avérait divertissant ; ce qui n’est pas le cas à mon humble avis, m'en étant très vite désintéressé, l'ennui étant apparu très rapidement. Cependant, il faut savoir que ce western compte néanmoins de nombreux admirateurs. En 1956, la Warner misa donc assez gros sur le potentiel financier qui pourrait résulter de films réunissant deux de leurs poulains les plus frais, Tab Hunter et Natalie Wood qu’ils firent non seulement tourner dans le western de Stuart Heisler mais également dans une comédie dramatique de David Butler, The Girl he Left Behind. Malheureusement pour le studio, aucun des deux films ne fit recette. Il faut dire que si Natalie Wood (alors âgée de 18 ans) avait fait forte impression juste avant dans les célèbres La Fureur de vivre (Rebel without a Cause) de Nicholas Ray La Prisonnière du désert (The Searchers), elle en fait ici des tonnes, affublée par-dessus le marché d’un accent mexicain à couper au couteau ; quant à Tab Hunter, s’il s’était révélé assez bon comédien dans l’étrange Track of the Cat de William Wellman, il manque ici singulièrement de charisme dans un rôle qui aurait nécessité un acteur plus chevronné ou tout du moins plus fougueux. L’une qui en fait trop, l’autre pas assez : résultat, aucune alchimie ne s’opère au sein du couple et au final une romance très peu convaincante et qui ne fait guère d’étincelles. Alors quand Bertrand Tavernier parle de ‘splendide ballade romantique’, je reste un peu perplexe. J’aurais évidemment aimé que ce western retrouve le ton par exemple de Les Amants de la nuit (They Live by Night) de Nicholas Ray ; j’aurais souhaité ressentir ce flamboyant romantisme annoncé. Mais non, le scénariste, les comédiens et le réalisateur ne font rien pour.

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Car on ne peut pas dire que la mise en scène de Stuart Heisler brille par son ingéniosité ou par son souffle ni que le scénario irradie d’originalité ou de finesse. A l’image de l’insupportable musique de David Buttolph qui nous casse les tympans à tout surligner avec ses gros sabots encore plus qu’à l’accoutumée (écoutez par exemple la cacophonie composée pour la scène du combat à poings nus dans la grange qui se termine par un mort ‘au crochet’), le plus gros défaut de Collines Brûlantes est qu’il manque singulièrement de subtilité : les personnages sont non seulement sans épaisseurs mais également caricaturaux au possible, que ce soient les 'Bad Guys' ou les ‘gentils’ (avec mention toute particulière à la famille mexicaine de Natalie Wood, son frère presque abruti et son oncle fainéant de naissance), alors que le scénario regorge de clichés et d’invraisemblances assez risibles. Le personnage joué par Tab Hunter se transforme en Sherlock Holmes du Far-West dès sa première apparition (en à peine une minute, il devine non seulement qu’il y eut trois hommes présents sur les lieux du crime mais découvre aussi leurs signes particuliers respectifs ; dès son arrivée en ville, il discerne immédiatement les marques trafiquées sur les chevaux…) avant de prendre la défroque de McGyver pour brouiller les pistes afin que ses poursuivants perdent sa trace. Entre temps, il se sera caché une bonne partie du film au sein d’une mine abandonnée en carton-pâte lors de séquences mises en scène par le producteur Richard Whorf guère plus inspiré que son réalisateur. L’intrigue mélangeant aventure (parfois ‘serialesque’ avec entre autre l’évasion totalement improbable de la mine), romance, histoire de vengeance puis de chasse à l’homme inversée (le traqueur devenant traqué) aurait pu donner un honnête divertissement car il partait aussi sur de bonnes bases avec cette entrée en matière assez sèche nous faisant assister à un meurtre de sang froid ; mais le scénario d’Irving Wallace manque totalement d’originalité ; c’était déjà le cas de son travail sur Gun Fury (Bataille sans merci) mais le métier de Raoul Walsh arrivait dans les grandes largeurs à transformer le plomb en ‘or’. Stuart Heisler est malheureusement loin de posséder son talent.

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Lui et son monteur ne semblent en effet pas avoir vraiment été enthousiastes, témoins les scènes d’action s’éternisant olus qu'elles ne devraient au point d'avoir hâte qu'elles se terminent ; c’est le cas notamment et surtout des quelques bagarres à poings nus parsemant le film dont la dernière (en surplomb d'une rivière tortueuse et fougueuse) ressemble beaucoup à la scène finale de The Naked Spur (L’âppat) d’Anthony Mann mais sans jamais lui arriver à la cheville. C’est aussi le cas de la bataille contre les indiens qui s’avère calamiteuse, les cascadeurs n’étant pas non plus au plus fort de leur forme. Alors que sauver de ce western manquant singulièrement de souffle, de vie, de relief et de tension ? Quelques beaux paysages ainsi que les 'Bad Guys', qui, quoique aussi caricaturaux et peu consistants que les héros, sont interprétés par des comédiens qui semblent avoir pris un plaisir fou à être aussi méchants que possible : outre Earl Holliman, c’est surtout Skip Homeier (rappelez-vous, celui qui tue Johnny Ringo dans le superbe La Cible humaine de Henry King) qui vole la vedette à ses partenaires dans le rôle du fils du despote, dangereux psychopathe qui n’hésite pas à tuer de sang froid, de tirer dans le dos de quiconque ne lui convient pas, y compris ses propres hommes : c’est l’assez bon Claude Rains qui en fera d'ailleurs les frais. Quant à Eduard Franz, on lui a attribué un rôle assez intéressant, celui d’un éclaireur indien dont on ne connaitra les motivations qu’en fin de film ; il est malheureusement aussi moyennement écrit que les autres personnages. Un bon potentiel de départ mais un western qui ne tient pas ses promesses : fade et sans la délicatesse ni le lyrisme tant attendus au vu de l’histoire.

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Jeremy Fox
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Re: Stuart Heisler (1896-1979)

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07
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STORM WARNING (Storm Warning)

Réalisation : Stuart Heisler
Avec Doris Day, Ronald Reagan, Ginger Rogers, Steve Cochran
Scénario : Daniel Fuchs & Richard Brooks
Photographie : Carl E. Guthrie (noir et blanc)
Musique : Daniele Amfitheatrof
Une production Warner Bros.
USA - 93 mn - 1951


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Marsha (Ginger Rogers) arrive de nuit à Riverport, petite ville du Sud, dans l’intention de rendre visite à sa sœur Lucy (Doris Day) qu’elle n’a pas revue depuis des années et qui, entretemps, s’est mariée. Dans la ville étrangement (volontairement ?) désertée, Marsha est témoin du passage à tabac et de l’assassinat d’un homme par un groupe cagoulé. Elle a pu aussi voir la figure de deux d’entre eux. Ayant enfin retrouvé sa sœur, elle lui raconte immédiatement ce qu’elle vient de vivre. Quand elle voit son beau-frère (Steve Cochran) pour la première fois, elle découvre stupéfaite qu’il s’agit d’un de deux meurtriers qu’elle a aperçus à visage découvert. Que va-t-elle devoir faire ? Le dénoncer au risque de compromettre le bonheur de sa sœur qui continue à aimer son époux malgré ses ‘frasques’ ? Tout avouer au procureur (Ronald Reagan), le seul homme de la ville à ne pas avoir peur de faire tomber le Ku Klux Klan qui régente la cité et qui pourrait bien être à l’origine du meurtre ?

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S’étant rendu compte que son beau-frère était un meurtrier, Marsha doit-elle ou non le dénoncer aux autorités au risque de compromettre le bonheur de sa sœur ? Le scénario de Richard Brooks va démarrer et se poursuivre sur ce postulat de dilemme pour son personnage principal et développer à la fois cet intéressant cas de conscience, la description (assez bien rendue) d’une ville sous la coupe d’une organisation qui la régente, une intrigue policière basée sur l’enquête du procureur seul et contre tous (aussi bien les coupables que ceux qui préfèrent se taire par lâcheté) ainsi qu'un drame psychologique opposant les deux sœurs et le meurtrier ; le tout débouchant au final sur un prenant climax de thriller. Cocasse et plutôt sympathique de voir la ‘cohabitation’ d’un des acteurs hollywoodiens les plus républicains qui soit (le ‘futur ex-président’ Ronald Reagan) dans un film écrit par un scénariste démocrate jusqu’au bout des ongles en la personne de Richard Brooks qui, dans le même temps, entamera sa belle carrière de cinéaste engagé et vigoureux. Il est d’ailleurs un peu regrettable que ce dernier n’ait pas filmé son histoire car si la mise en scène de Stuart Heisler s'avère très correcte, elle ne possède pas la puissance de celle des films de Brooks de cette époque.

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Cela dit, rien n’empêche ce ‘film noir pamphlétaire’ de se regarder avec un grand plaisir puisque remarquablement photographié par Carl Guthrie (le premier plan de l’arrivée nocturne du bus donne d’emblée le ton), doté d'une bande originale puissante signée par le trop peu connu Daniele Amfitheatrof, ainsi que d'une interprétation de tout premier ordre et dans l'ensemble d’une plutôt appréciable sobriété. On savait Ginger Rogers et Doris Day aussi à l’aise dans le drame que sur des planches ou derrière un micro : en voici de nouveau la preuve. Il s’agissait alors du premier rôle ‘non chantant’ de Doris Day qui a l’occasion pouvait accomplir l’un de ses rêves, tourner avec son idole de jeunesse qu’était Ginger Rogers ;
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ce sera également le seul film où son personnage mourra [Fin du spoiler]. Steve Cochran, qui a dû être marqué par l’interprétation de Marlon Brando dans Un Tramway nommé Désir cette même année, compose un personnage négatif assez angoissant (Storm Warning possède d’ailleurs quelques autres points communs avec le film d'Elia Kazan, que ce soit dans l’intrigue, les personnages et l’atmosphère) même s'il ne peut s'empêcher de rouler les yeux un peu trop souvent. Quant à Ronald Reagan, il est remarquablement à l’aise dans le seul rôle entièrement honnête et incorruptible du film ; les scénaristes ont d’ailleurs eu la bonne idée de ne pas le faire tomber amoureux du personnage interprété par Ginger Rogers (un rôle prévue au départ pour Lauren Bacall), une histoire d’amour inutile nous étant ainsi épargné. Il ne faudrait pas non plus oublier une belle brochette de seconds rôles dont les excellents Hugh Sanders, Lloyd Gough ou Ned Glass.

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Concis, d’une belle efficacité dramatique et optant de plus pour une approche assez réaliste, ce scénario courageux omet cependant de mentionner les idéologies racistes du KKK. En 1936, la Warner avait produit Black Legion d’Archie Mayo qui narrait l’histoire d’un ouvrier (Humphrey Bogart) devenant membre du Klan avant de le dénoncer. Quinze ans plus tard, le studio récidive avec Storm Warning qui, sans prêche inutile, stigmatise à nouveau les méfaits du groupe sans malheureusement jamais parler de ses idées, faisant du Klan une vulgaire organisation mafieuse bigote et haineuse : la dénonciation sociale perd ainsi un peu de sa vigueur. Mais le final reste toujours aussi impressionnant avec cette montée dramatique qui culmine dans une séquence nocturne utilisant une importante figuration de non professionnels, des contre-plongées sur la croix en feu du Ku Klux Klan, le tout nous mettant sous le nez la xénophobie galopante qui gangrène une ville et des gens à priori comme vous et moi. Manquant d’un véritable auteur derrière la caméra mais courageux et rondement mené. Une réussite !

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Re: Stuart Heisler (1896-1979)

Message par kiemavel »

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Le remarquable Andrew Long (William Holden) est un jeune homme parfait. Il est sage, bien élevé, sportif, sobre, honnête, travailleur, ponctuel ! Il est très populaire au sein de sa communauté et est d'ailleurs immanquablement salué par tous les habitants qu'il croise. Mais un jour tout s'écroule. Alors que depuis des années, le fonctionnaire exemplaire, jeune aide comptable employé par sa petite ville du Colorado parvient à boucler le bilan comptable de la ville avec une habilité et une vitesse qui fait l'admiration de ses collègues, cette fois il trouve un déséquilibre dans les comptes et ne se satisfait pas des explications que lui fournit son supérieur hiérarchique, puis il refuse d'employer le stratagème proposé par le trésorier de la ville pour dissimuler les sommes introuvables si bien que lorsque Andrew s'entête et menace d'en référer au conseil municipal il est mis à pied. Abattu moralement, il se rend tout de même chez sa petite amie Peggy (Ellen Drew) avec laquelle il est sur le point de se marier. Rentré chez lui, il porte à nouveau son regard en direction du tableau représentant le général Andrew Jackson (Brian Donlevy), le 7ème président des États-Unis, son modèle en qui il cherche un appui. Puis, ressentant soudain une drôle d'impression, il ouvre la porte de son appartement et voit monter un homme en qui il croit reconnaitre son héros qui effectivement se présente à lui et l'informe que les élus de la ville sont tous impliqués dans des opérations frauduleuses et qu'Andrew a mis au jour un système mis en place pour permettre de dissimuler les plus values substantielles qu'ils ont perçu sur des transactions immobilières. Bientôt, Andrew se retrouve accusé d'extorsion de fonds par l'ensemble des notables de la ville et est emprisonné en attendant son procès…
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Le remarquable Andrew, tiré d'un scénario de Dalton Trumbo adapté de son propre roman, est un film qui aurait pu être un projet initié par Frank Capra…qui aurait été repris en cours de route par Preston Sturges mais qui malheureusement a été réalisé par Stuart Heisler car ce film plus que sympathique aurait peut-être pu devenir un grand classique de la comédie américaine s'il avait été dirigé par un grand metteur en scène mais tel qu'il est, il mérite bien plus de considération que celle qui est la sienne à ce jour car ce film a été très peu montré y compris semble t'il aux USA. Le très jeune William Holden est dans un des rôles typique du James Stewart des années 30. Ici le jeune boy-scout est tombé sur des notables particulièrement ripoux car au delà du chef comptable (Porter Hall), du trésorier de la ville et du maire dont on comprend rapidement l'implication dans les malversations financières, ce sont tous les notables, les promoteurs immobiliers, les entrepreneurs et jusqu'aux représentants de la justice, du procureur au juge, qui sont impliqués dans les malversations ou qui en sont complices. Heureusement pour lui, face à cette bande de fripouilles chevronnées, le jeune Andrew pourra compter non seulement sur Jackson mais sur rien de moins que quelques unes de plus grandes figures de l'histoire américaine ! car à la suite de son premier visiteur, ce sont les fantômes de George Washington, Thomas Jefferson, Benjamin Franklin (passionné par les ampoules électriques et les innovations technologiques du 20ème s), le grand juriste John Marshall…mais aussi Jesse James (Rod Cameron) !! et un inconnu, le vieux soldat Henry Smith, qui vont lui venir en aide !!!
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Le plus spectaculaire reste Jackson car c'est celui qui est le plus maltraité par le scénariste. A la moindre alerte, il veut en découdre et porte la main sur le fourreau de son épée, menaçant ses contradicteurs de leurs raccourcir les oreilles ou de les tisonner. Il faut dire qu'il est en permanence dans un état second en raison de son régime "alimentaire" constitué uniquement de sa bouteille de whisky quotidienne. Tout le monde pense d'ailleurs que c'est le sobre Andrew qui s'est mis à boire depuis ses ennuis judiciaires car bien évidemment personne en dehors du jeune homme (et du chien de sa propriétaire) n'est en mesure de voir le fantôme du général. Les autres personnages historiques sont tout de même un peu moins loufoques bien que pas toujours regardant sur les procédés à employer pour obtenir l'acquittement d'Andrew. En dehors de ces grandes figures dont le savoir faire est indéniable pour construire la défense d'Andrew, il pourra aussi un peu compter sur Jesse James dont on se demande bien ce qu'il fait au milieu de ce beau monde. Il voudra se rendre toutefois utile en sortant son flingue ou en proposant au jeune homme de le faire évader…En vain. Le dernier revenant, le "Private" Henry Smith ( interprété par Jimmy Conlin qui était de tous les films de Preston Sturges), est un froussard mais il se rend utile en amusant tout le monde, c'est déjà ça. On s'amuse constamment mais au delà du climat qui aurait mérité d'être un peu plus survolté, le scénario est un peu paresseux et il ne tire pas pleinement partie de toute le potentiel de cette histoire car il ne renouvelle pas assez les ressorts du comique sur la durée du métrage. En revanche tous les comédiens, y compris Brian Donlevy qui a été assez peu employé dans la comédie, sont excellents. Bonne comédie bien qu'un peu frustrante. vu en vost.
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Jeremy Fox
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Re: Stuart Heisler (1896-1979)

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La Mélodie du Bonheur de Stuart Heisler (Blue Skies)


Milieu des années 40. Jed Potters (Fred Astaire), ancien danseur devenu journaliste radiophonique, rend hommage dans son émission de ce jour à Irving Berlin au travers sa propre histoire influencée à plusieurs reprises par les chansons du grand compositeur. Retour en 1919 où Jed tomba amoureux de la chorus Girl Mary (Joan Caulfield) rencontré lors d’un numéro sur la chanson ‘A Pretty Girl Is Like a Melody’. Jed invite à diner la charmante jeune femme dans le Night Club tenu par son ex-compagnon d’armes, Johnny (Bing Crosby). Ce sera le début d’un triangle amoureux qui va se décliner sous différentes formes en une vingtaine d’années, Mary s’éprenant de Johnny qui ne partage pas cet amour, s’estimant bien trop instable, volage et égoïste pour se marier avec elle. C’est pourtant ce qui va arriver avec une petite fille à la clé. Mais Jed cherche toujours à la récupérer…

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La Paramount ne s’était pas fait une spécialité de la comédie musicale, et en voyant Blue Skies on comprend pourquoi, se rendant compte du gouffre qui sépare ce ‘Musical’ de ceux que Fred Astaire tourna à la Metro Goldwin Mayer ou même simplement comparativement à ceux bariolés de la Fox de la même époque avec pour têtes d'affiches Alice Faye, Carmen Miranda, Betty Grable, Cesar Romero, Don Ameche ou John Payne. Fred Astaire pensait terminer sa carrière sur ce film et offrir ‘Puttin on the Ritz’ à ses fans comme cadeau d’adieux. Voir dix Fred Astaire danser sur la même scène de Music Hall était une gageure, l’idée était vraiment bonne mais sa mise en scène reflétait déjà une mollesse qui allait d’ailleurs phagocyter tout le reste du film. On rêve de ce qu’en aurait fait Busby Berkeley, Stanley Donen ou Vincente Minnelli. La Mélodie du bonheur -à ne pas confondre avec le chef-d’œuvre de Robert Wise- sera le seul apport de Stuart Heisler au genre, bien plus inspiré lorsqu’il tâtera du film noir (La Clé de verre - Glass Key ; Storm Warning) ou lorsqu’il décidera de signer l’une des parodies de western les plus amusantes qui soit (Le Grand Bill - Along Came Jones).

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Quant à Fred Astaire on se félicitera qu’il n’ait pas tenu parole et qu’il ait encore joué, chanté et dansé dans une vingtaine de films dont, immédiatement après, le délicieux Parade printemps (Easter Parade) de Charles Walters, puis durant les années 50 les tout aussi réjouissants Trois petits mots (Three Little Words) de Richard Thorpe, Tous en scène (The Band Wagon) de Vincente Minnelli ou Papa longues jambes (Daddy Long Legs) de Jean Negulesco… pour n’en citer que quelques uns. Pour en revenir à Blue Skies qui était conçu pour mettre en avant les chansons de Irving Berlin, ce fut le plus gros succès de la Paramount en 1946, le film ayant récolté des recettes égales à trois fois son coût ; l’annonce par Fred Astaire que ce serait à 47 ans son chant du cygne et sa dernière apparition à l’écran a peut-être énormément contribué à ce triomphe public ainsi que la réunion de deux des plus grosses stars de l’époque dans le domaine, Bing Crosby et Fred Astaire étant à nouveau tous deux en têtes d’affiche de ce film après Holiday Inn (L’amour chante et danse) de Mark Sandrich, le Technicolor en plus. Lorsque sur son blog Bertrand Tavernier parlait à son propos d’originalité, de noirceur et d’une Joan Caulfield bien choisie, on se demande s’il n’était pas à ce moment là en manque de comédies musicales ; c'est difficilement compréhensible autrement car le scénario s'avère au contraire d’une indigence totale tout comme l’actrice principale –même si très charmante- se révèle d’une rare fadeur, rendant du coup le triangle amoureux totalement inconsistant, aucune alchimie n’étant parvenu à se créer entre elle et ses deux partenaires qui auront tous deux tournés dans de nombreuses bien meilleures comédies musicales. Quant à la noirceur, ce serait comme chercher une aiguille dans une meule de foin pour la trouver !

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Pour en revenir à l'actrice principale, peut-être qu’en parlant de Joan Caulfield Bertrand Tavernier pensait à Olga San Juan qui en revanche est peut-être effectivement l’une des rares raisons de prendre plaisir à ce film, pétulante et extrêmement sympathique en plus de se révéler très bonne chanteuse. Les autres raisons sont bien évidemment en toute logique quelques numéros musicaux parmi les vingt chansons présentes dans le film dont quatre spécialement écrites pour cette occasion. Même si aucun n’est franchement inoubliable, on notera quand même parmi les relatives réussites et par ordre d’apparitions à l’écran 'A Pretty Girl Is Like a Melody', hommage au Ziegfeld Folies dansé par Fred Astaire, 'You'd Be Surprised' grâce à l’enthousiasme de Olga San Juan, 'I'll See You In Cuba' au cours duquel la jolie chanteuse 'officie' à nouveau mais plus en solo, entamant au contraire un duo avec Bing Crosby, 'A Couple Of Song And Dance Men', la meilleures séquence du film, seul moment ou Astaire et Crosby sont réunis pour un numéro qui plus est s'avère très amusant, le fameux 'Puttin' on the Ritz' déjà décrit plus haut et enfin la berceuse '(Running Around In Circles) Getting Nowhere', chanson composée spécialement pour le film et interprétée par Bing Crosby à une petite fille. En revanche la chanson titre est filmée d’une façon totalement mollassonne tout comme ce qui semblait devoir être l’apothéose du film, 'Heat Wave' mis en place dans un fastueux décor sud américain qui fait à postériori pale figure en comparaison de ceux similaires des géniaux Le Pirate ainsi que Yolanda et le voleur, tous deux signés Vincente Minnelli. Quant au sketch d'un Billy de Wolfe en roue libre, ‘Mrs. Murgatroyd’, il est aussi interminable qu’éprouvant et laborieux à tel point que nous préfèrerons jeter dessus un voile pudique.

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Malgré un ensemble aussi peu captivant que terne, une comédie musicale très moyenne, sans ampleur ni charme mais qui devrait quand même pouvoir combler beaucoup d’amateurs du genre par la réunion de deux de ses plus grandes célébrités ainsi que pour quelques numéros musicaux certes réalisés sans grande idée mais portés par le talent des deux acteurs principaux, du chorégraphe Hermes Pan, du compositeur Irving Berlin ainsi que des chefs opérateurs Charles Lang et William E. Snyder qui nous offrent un bel écrin 'technicolorisé'.
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Jeremy Fox
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Re: Stuart Heisler (1896-1979)

Message par Jeremy Fox »

kiemavel a écrit : sa seule comédie musicale, La mélodie du bonheur (Blue Skies) (1946), un film dont B. tavernier dit beaucoup de bien sur son blog.
:o Ah oui, je suis curieux de lire ce qu'il trouve à cette comédie musicale totalement fadasse. Je vais chercher.

EDIT :

Trouvé :
Le film est extrêmement curieux et original.
:shock:
L’intrigue filiforme jusqu’à en devenir une sorte d’apologue se révèle d’une noirceur.


:shock: :shock:
Joan Caulfield qui est très bien choisie
:shock: :shock: :shock:

Bon et bien je vais quand même le revoir au cas où je me sois trompé de DVD !
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Profondo Rosso
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Re: Stuart Heisler (1896-1979)

Message par Profondo Rosso »

Tokyo Joe (1949)

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Joe Barrett revient à Tokyo après la guerre et retrouve la femme qu'il aimait et qu'il croyait morte. Pour donner un nom à l'enfant qu'elle attendait, Trina s'est mariée avec Mark Landis. Joe souhaite récupérer Trina. Celle-ci lui révèle que sa fille Anya est sa propre fille. Joe va alors accepter de travailler pour le compte du baron Kimura, un baron de la pègre locale...

Tokyo Joe est un projet initié par Humphrey Bogart afin d'asseoir l'image romantique gagnée avec Casablanca (1942) et définitivement l'éloigner de la seule perception de dur à cuire qui lui colla longtemps à la peau. Une volonté noble mais qui constitue un vrai fardeau pour le film qui dans l'ensemble ne semble qu'une réminiscence nippone de Casablanca. Humphrey Bogart y incarne Joe, de retour à Tokyo après la guerre où il va retrouver Trina (Florence Marly) un ancien amour rencontrée alors qu'elle était chanteuse dans le club qu'il gérait. Elle est désormais mariée à Landis (Alexander Knox) un avocat notable de la société américaine installée à Tokyo. Immédiatement les connexion de ce nouveau triangle amoureux se font avec celui de Casablanca sans en soutenir la comparaison (même si Alexander Knox livre une interprétation subtile) notamment avec une Florence Marly pâle succédané d'Ingrid Bergman. La trame policière est assez laborieuse à se mettre en place et assez discutable sur le plan moral (Joe prêt à reprendre Trina sans même se demander si elle souhaite repartir avec lui) et politique puisque l'argument sert l'occupation américaine du Japon en les empêchant de retomber dans ses travers belliqueux extrémistes. C'est en tout cas présenté de manière trop manichéenne et simpliste pour convaincre malgré le charisme du méchant incarné par Sessue Hayakawa.

On ne savourera pas non plus la vision d'un Japon d'après-guerre puisque l'essentiel du film fut tourné en studio et seuls quelques plan seront filmé sur place par la seconde équipe. Si l'on parvient par intermittence à faire abstraction de l'ombre de Casablanca, Tokyo Joe reste néanmoins un film noir agréable. Cela est notamment dû à la tension que parvient à instaurer Stuart Heisler dans une dernier partie plus nerveuse avec quelques sursauts de violence sèche où le réalisateur excelle. Le jeu de piste, la confrontation finale et la mélancolie de la conclusion amène enfin une tonalité plus singulière dont le reste du film est dépourvu. 3,5/6
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