Top Brian De Palma

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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AtCloseRange
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Re: Top Brian De Palma

Message par AtCloseRange »

à côté du Bucher des Vanités, c'est de la gnognotte!
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Flol
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Re: Top Brian De Palma

Message par Flol »

Et heureusement qu'il n'a pas vu Mafia Salad, il l'aurait placé dans son top 3.
(on taquine, hein)
Mr-Orange
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Re: Top Brian De Palma

Message par Mr-Orange »

Ça veut donc dire que tu trouves Carrie pas bon ? :|
Non mais je n'ai aucun argument pertinent, je n'ai pas accroché, je n'ai eu aucune émotion particulière devant le film, ni de l'empathie, ni de l'effroi...rien.
Et heureusement qu'il n'a pas vu Mafia Salad, il l'aurait placé dans son top 3.
Ça veut dire quoi, ça ? :roll:
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Flol
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Re: Top Brian De Palma

Message par Flol »

Mr-Orange a écrit :
Ça veut donc dire que tu trouves Carrie pas bon ? :|
Non mais je n'ai aucun argument pertinent, je n'ai pas accroché, je n'ai eu aucune émotion particulière devant le film, ni de l'empathie, ni de l'effroi...rien.
Bon. Tant pis. Pour moi, c'est un chef-d'oeuvre quasiment parfait à tous points de vue (mise en scène, musique, interprétations).
Mr-Orange a écrit :
Et heureusement qu'il n'a pas vu Mafia Salad, il l'aurait placé dans son top 3.
Ça veut dire quoi, ça ? :roll:
Ça veut dire que c'est une blague. Parce que Mafia Salad (titre français qui a LARGEMENT plus de gueule que le Wise Guys original, quand même) est le pire De Palma qui existe. Même De Palma est d'accord, c'est dire.
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Jeremy Fox
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Re: Top Brian De Palma

Message par Jeremy Fox »

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Thaddeus
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Re: Top Brian De Palma

Message par Thaddeus »

Je trouve décidément que Mission : impossible et Snake Eyes (qui forment presque un diptyque) sont sous-estimés.

Mais bon, le gars a une filmo tellement exceptionnelle...
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AtCloseRange
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Re: Top Brian De Palma

Message par AtCloseRange »

ça m'aurait fait mal au fondement de les y voir...

Content pour Outrages et un peu surpris de la présence des Incorruptibles. J'aimais bien à l'époque mais ce de Palma dilué me semble loin de d'être un de ses sommets (enfin, ça reste un de ses derniers bons films...).
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Roy Neary
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Re: Top Brian De Palma

Message par Roy Neary »

Thaddeus a écrit :Je trouve décidément que Mission : impossible et Snake Eyes (qui forment presque un diptyque) sont sous-estimés.
Pas par moi. :lol:
Enfin, Snake Eyes, vu les nombreux grands films de De Palma en concurrence, je ne pouvais décemment pas le placer dans mon top malgré ma sympathie.
Mission : Impossible, en revanche, oui, même si ça manque d'incarnation je le vois quand même comme un sommet "depalmien" dans ses ambitions intellectuelles et formelles. Et c'est un film qui pourrait très bien illustrer l'évolution des thèmes du regard et de l’interprétation des images dans les années 2000 à venir.
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Re: Top Brian De Palma

Message par ed »

J'aime bien les deux films aussi (même si je n'en ai cité aucun des deux), surtout Snake Eyes d'ailleurs, mais j'ai de plus en plus tendance à apprécier les essais (quitte à ce qu'ils soient ratés) ou les excès du cinéaste.
La revision de L'Esprit de Caïn, il y a pas si longtemps, m'a confirmé que si y'avait beaucoup à jeter dedans, il y a un certain nombre de flamboyances qui me comblent comme peu. C'est aussi ce qui fait que j'ai de l'indulgence pour Passion, malgré un certain nombre de motifs de consternation.
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Thaddeus
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Re: Top Brian De Palma

Message par Thaddeus »

Mais ce que tu dis de Mission : Impossible (et sur quoi je suis évidemment d'accord) s'applique également à Snake Eyes ! C'est l'un des films les plus vertigineux qui soient sur les notions de regard et de vérité, un condensé de toute la rhétorique de son auteur sous forme de thriller virtuose. J'adore ce film.

(je m'adressais à Roy - ma manie de ne jamais quoter...)
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Roy Neary
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Re: Top Brian De Palma

Message par Roy Neary »

Thaddeus a écrit :Mais ce que tu dis de Mission : Impossible (et sur quoi je suis évidemment d'accord) s'applique également à Snake Eyes ! C'est l'un des films les plus vertigineux qui soient sur les notions de regard et de vérité, un condensé de toute la rhétorique de son auteur sous forme de thriller virtuose. J'adore ce film.
Je suis d'accord mais je ne pouvais pas citer les deux et je trouve le premier plus brillamment exécuté sur la longueur. Et surtout adapter et trahir avec brio une série culte et "respectable" dans le même mouvement, je trouve ça très classe ! :lol:
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cinephage
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Re: Top Brian De Palma

Message par cinephage »

Le De Palma tardif fédère manifestement peu. Pour moi, pourtant, Redacted reste une version améliorée et plus forte qu'outrages.
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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Thaddeus
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Re: Top Brian De Palma

Message par Thaddeus »

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Greetings
À la fin des années soixante, le puritanisme religieux de la société américaine a troqué ses privations pour la consommation tous azimuts. La frustration n’est plus punitive mais jouissive. Voilà pourquoi ce trio de jeunes appelés au Vietman essayant d’échapper au service militaire contourne gaiement les interdits par la satisfaction du regard (le voyeurisme) ou l’obsession du complot (l’assassinat de Kennedy). Avec cette comédie underground et godardienne, tournée en quatrième vitesse, De Palma se livre donc à une ironique radiographie des états d’âme de la contre-culture new-yorkaise. Fauché, brouillon, bavard à l’excès, le film ressemble à un catalogue invertébré d’astuces scénaristiques et de trouvailles visuelles auquel manquent l’unité et la rigueur qu’induit toute entreprise achevée. Cela viendra. 3/6

Sœurs de sang
D’emblée, De Palma s’inscrit de façon dans la filiation d’Hitchcock – ascendant Polanski. Baroque et ludique, affirmant des choix formels qui portent déjà pleinement la marque de l’auteur, développant une intrigue invraisemblable avec une créativité un peu adolescente, presque gloutonne, cette œuvre de jeunesse se permet des décrochages assez réjouissants : la vraie héroïne n’est identifiée qu’au bout d’une demi-heure, le thriller déraille vers l’épouvante psychique, le long d’un récit qui fait la part belle à la surprise, au grand-guignol, à l’humour pervers. Si tout ne fonctionne pas, on y décèle sans peine les manifestations déjà très sûres d’un talent génial qui consomme la bascule du scopique dans le pathologique et fait de l’œil moins l’outil du voir que la zone d’accès à une psyché malade. 4/6

Phantom of the paradise
Une immense orgie visuelle et musicale, un oasis d’inventivité qui fouette l'adrénaline et dérègle les sens, un foisonnement esthétique et sonore où l'on ne sait plus où donner la tête, un grand bazar jouissif qui mitraille quatre idées à la seconde et affole l'aiguille du plaisiromètre. On peut toujours saisir au vol les perches que tend le cinéaste – sur la dépossession artistique, la corruption de la société du spectacle, la décadence des puissants… Mais cela ne peut se faire que rétrospectivement tant cette relecture baroque de Faust à l’ère du règne nouveau de l’image enflamme la pure jubilation de l’instant, tant il sidère par sa liberté folle, l’audace de ses visions, son lyrisme incandescent. Un film cultissime, tonitruant, paroxystique, provocateur, déconcertant, fantasmagorique, que je pourrais revoir en boucle sans me lasser un seul moment. 6/6
Top 10 Année 1974

Obsession
La revisitation d’Hitchcock n’a jamais été aussi limpide qu’à travers cette relecture explicite de Vertigo, dont il se démarque toutefois par un mode moins mythologique. Le héros, par deux fois et à quinze ans d’intervalle en butte aux machinations ourdies de son associé, est à l’image de La Nouvelle Orléans ou de Florence, ces villes duelles où le passé et le présent cohabitent sans jamais se fondre. On peut estimer que De Palma est encore un peu trop appliqué, que l’exercice ne transcende jamais le brio de son exécution, mais le film est intelligent dans ses idées comme dans leur formalisation, particulièrement lorsque le cinéaste s’autorise des morceaux de virtuosité pure (la mise en place du rapt et le paiement de la rançon) ou ose d’audacieux coups de poker narratifs (la révélation finale). 4/6

Carrie au bal du diable
L’outrance et la démesure de l’auteur, déjà bien à l’œuvre dans le Phantom, s’épanchent clairement dans cette adaptation grandguignolesque de Stephen King, aussi furieuse et excessive que l’âge qu’il dépeint. De Palma ne fait certes pas dans la subtilité mais la force du film est à ce prix, qui décrit la réalisation d’un piège et, en parallèle, la croissance de la violence qui y répondra, s’acheminant vers une apogée sanglante et flamboyante. On est rivé aux tourments d’une jeune adolescente qui expérimente les pires brimades et les purge en un déchaînement cathartique : le lycée américain est une fosse aux serpents où règnent la vanité, la cruauté, l’envie et la peur, et le cinéaste en dépeint l’horreur domestique avec un air de trivialité étudiée, un plaisir sadique qui mettent les nerfs en pelote. 5/6

Furie
Prolongement thématique de Carrie, le film est comme un volcan en ébullition, sans véritable unité mais zébré d’irruptions soudaines et de décharges destructrices. Si son écriture désinvolte génère un mélange des genres assez hasardeux (l’humour grinçant tournant son personnage en dérision est plutôt mal venu dans le contexte dramatique), il produit un impact redoutable lorsque l’auteur lâche les chiens et pousse jusqu’au bout ses principes inflationnistes. Le crescendo grandiloquent du récit, le déchaînement des phénomènes parapsychiques, la dialectique du sang, de la violence et de l’énergie excédentaire effleurent alors la terreur incontrôlable d’une "surhumanité" innocente mais devenue monstrueuse malgré elle. Question subsidiaire : qui, d’Amy Irving et Fiona Lewis, est la plus jolie ? 4/6

Pulsions
Vingt ans après. Tel pourrait être le sous-titre du psychothriller maniériste de De Palma, qui sait bien que les cabines de douche sont des lieux de plaisir dangereux. Il stylise jusqu’au vertige son expression jusqu’à susciter atteindre une irrépressible fascination, que traverse pourtant une ironie très ludique. Il y a quelque chose d’éminemment pulsionnel (les motifs obsessionnellement creusés du double, du cauchemar, du fantasme, du travestissement, de la psychanalyse) dans ces images au rasoir, ces mystifications sophistiquées, cet érotisme hardi, ce fétichisme travaillé, ce jeu terminal avec les formes, les réminiscences et les citations qui aboutit à une certaine idée de l’art abstrait. Le film est comme un cercle vicieux qui tourne délicieusement rond : il trouve ici ses limites, mais quel brio ! 5/6

Blow out
Gravissant d’un coup plusieurs échelons, De Palma signe ici le sommet absolu de cette mouvance filmographique, faisant palpiter un cœur extrêmement sensible, tragiquement désespéré, qui traduit une inspiration romantique nouvelle. Si la caméra de Brian s’avère ahurissante de brio, configurant l’espace en une perception subjective de la réalité (celle d’un homme pris dans le régime de la fiction, impuissant à transformer au sein du concret les intuitions que lui souffle son obsession paranoïaque), et si ces perspectives se doublent d’une critique copieuse du cynisme des médias et de ses stratégies, elle se mettent au service d’une histoire particulièrement poignante, qui culmine dans un climax lyrique et bouleversant : à la recherche du cri de terreur parfait, Jack/Travolta finit hanté par celui de la princesse qu’il n’a pas su sauver. 6/6
Top 10 Année 1981

Scarface
Le classique de Hawks revisité dans cette pompe à fric, à dope et à vulgarité qu’est Miami, Babylone dévoyée d’une époque (le début des années 80) que De Palma expose dans toute sa trivialité criarde. S’il a été pris comme modèle par un certain public friand de réussite facile et plastronnante, c’est parce que son ironie féroce a été incomprise. Ce n’est pas une œuvre complaisante mais une fresque fracassante, sale, déglinguée, qui suit l’ascension et la chute d’un arriviste teigneux et mégalo, produit dégénéré du rêve américain, et en qui le réalisateur trouve le mobile pour filmer des situations extrêmes. Al Pacino est un complice rêvé pour un tel parti pris : coulé dans le mental de son héros halluciné, il serre les dents jusqu’aux spasmes de la mort où il donne l’impression d’avoir enfin peur de lui-même. 5/6

Body double
C’est un peu le point de non-retour du versant ultra-formaliste et théorique de De Palma, qui prend le septième art lui-même comme toile de fond, fabrique un labyrinthe de miroirs où il ne s’agit que de regards, de jeux entre la vérité et le trucage, le fantasme et le réel, et applique le propos rageur et iconoclaste de Scarface (un vrai Fuck ! lancé en contrebande au cœur du système hollywoodien) à la relecture méta-textuelle de l’héritage hitchcockien (et même, vertige ultime, de son propre cinéma). La virtuosité éblouissante du style y fouette un instinct de jeu qui entretient une pure connivence avec le spectateur, renvoyé à la notion même de fiction, d’artificialité, d’empathie avec une forme (voyeurisme, duplicité, manipulation), une intrigue, un personnage qui est le double de lui-même. 5/6
Top 10 Année 1984

Les incorruptibles
On peut estimer qu’il s’agit d’un film mineur dans la carrière du cinéaste. Mais on peut aussi trouver que peu de réalisateurs excellent comme lui à imposer une telle élégance racée dans un gros film de studio, et à y greffer ainsi la brillance de sa technique. Laissant de côté les flots d’hémoglobine, il préfère le grand vent de l’histoire populaire, le fonds mythologique du gangstérisme pendant la prohibition à Chicago, et règle un face-à-face fastueux entre les forces de la loi et le prince noir des truands. Tout délire en liberté, De Niro cabotine en Capone napolitain, Connery impose sa malice désinvolte, le scénario de Mamet orchestre un fascinant bras de fer entre l’ordre et la corruption, la morale et ses limites, et la caméra enchaîne les morceaux de bravoure avec un aplomb goguenard. Gros plaisir. 5/6
Top 10 Année 1987

Outrages
Moins qu’un film sur le Vietnam, Outrages ressemble à sujet de philo. Dénonce-t-on ses camarades coupables d’un viol collectif alors que règnent l’horreur, les massacres, le chaos ? En d’autres termes, la responsabilité individuelle joue-t-elle alors même que la justice sociale n’existe plus ? Avec fougue, le réalisateur place ses pions, exprime sa colère, son dégoût et son indignation – c’est le De Palma énervé de gauche, tel qu’il surgit de temps à autre. Il ne fait certes pas dans la dentelle, accusant à charge des dérives comportementales indéfendables, mais il montre des situations très particulières où chacun est amené à se débattre avec sa morale et ses pulsions, sa lâcheté ou son courage. Le pamphlet est féroce, éprouvant, peut-être un peu boursouflé dans ses intentions, mais très efficace. 4/6

Le bûcher des vanités
Pur produit de l’Amérique cynique des années 80, où la richesse insolente des uns affûtait le réflexe communautaire de tous les autres, la citadelle new-yorkaise de l’argent et des apparences est joyeusement torpillée dans cette satire luxueuse et corrosive qui force le trait sans s’effrayer de la démesure des interprétations ni des focales déformantes. Trente ou quarante ans auparavant, un Mankiewicz ou un Lang aurait probablement tiré un grand film d’un tel sujet. Mais De Palma reste assez absent de ce qui n’est qu’une réduction du roman de Wolfe, dont l’accumulation de détails transformait un fait divers en fresque épique à l’ambition balzacienne. Si l’on en accepte l’outrance, le pamphlet n’en divertit pas moins par ses jeux de décalage et de détournement et son allègre pastiche des clichés hollywoodiens. 3/6

L’esprit de Caïn
On peut estimer que le film cumule les handicaps, illustre à coups de pinceau poussifs, verbeux et grand-guignolesques un cas de psychose qui a tout du fantasme délirant de thriller freak (une abracadabrante histoire de psychiatre schizophrène, cocu et accessoirement passionné d’expériences pédagogiques). On peut se réjouir de ces excès assumés, de la connivence tacite avec le spectateur, de ces envolées baroques réglées comme des coups de rasoir et flirtant parfois avec l’expérimentation pure. On peut enfin adhérer à chacune des hypothèses et considérer cette série B barbouillée d’ironie et de grotesque comme l’un des mises au point auto-citatives auxquelles De Palma se livre régulièrement, avec la sagacité d’un auteur conscient d’être bien plus intelligent que son matériau. 4/6

L’impasse
S’il retrouve Al Pacino dix ans après Scarface, on peut dire que De Palma ne fait pas le même film, ou alors qu’il en réalise le pendant tragique, élégiaque, nourri d’une poignante mélancolie. Ici le regard est amplifié, et le thriller lui sert à représenter l’univers en creux, démesure sans espoir où agonise un romantisme nécessaire pour conjurer l’inhumaine comédie des trahisons, l’injuste fatalité du destin. Le temps est au crépuscule des idoles, et Carlito en fait l’amère expérience. Son parcours est une fuite en avant, condamnée d’avance, vers une lumière et un bonheur que son passé lui refuse. Sous les yeux impuissants de la femme qu’il aime, notre héros suit une marche funèbre que la mise en scène, ponctuée de grandioses moments d’anthologie (la dernière demi-heure, pure leçon de cinéma), habille d’une gravité sublime et désespérée. 6/6
Top 10 Année 1993

Mission : impossible
Comment faire d’un blockbuster de commande un pur film d’auteur, et intégrer un projet impersonnel à son univers, son style, ses obsessions ? De Palma en offre ici la démonstration, en témoignant d’une suprême élégance formelle, et en inventant des scènes folles (tel le casse de Langley qui nous fait vivre, trente ans après Kubrick, la suspension au silence absolu). Le montage sophistiqué, la partition exaltée de Danny Elfman, la précision baroque des cadrages tissent une toile abstraite, labyrinthe d’images faussées et de manipulations mentales, métaphore vertigineuse d’un monde d’apparences qui se substitue à la réalité, où toute relation est conditionnée par le trompe-l’œil, et dans lequel Ethan/Cruise se débat pour débusquer le père spirituel qui l’a trahi. Mon excitation est telle que j’en sors à chaque fois au bort de la syncope. 6/6
Top 10 Année 1996

Snake eyes
C’est le frère jumeau de l’opus précédent, dont il prolonge la construction technologique, le règne du complot et de la surveillance, le jeu des croisements panoptiques, la tentation pour l’humanité d’un désir prométhéen de contrôle absolu. De Palma plonge au cœur de l’univers factice et excessif d’Atlantic City pour superposer tous les régimes de captation du réel, les agencer de façon contradictoire, y dénicher l’image-preuve, objective et indiscutable, qui a échappé au regard. Filmer un événement (le plan-séquence inaugural), puis le disséquer sous tous les angles, opposer la faillibilité de l’œil à la toute-puissance de la caméra, et suivre dans cette traque de vérité le parcours d’un flic pourri vers l’honnêteté, refusant pour la première fois la corruption du monde qui l’entoure. Passionnant et jubilatoire. 5/6
Top 10 Année 1998

Mission to Mars
Le réalisateur n’avait jamais tâté de science-fiction. Il s’en acquitte avec une application assez besogneuse et tente de colmater les brèches d’une entreprise d’où l’incohérence dramatique, comme le vaisseau dépressurisé, fuit de toutes parts. Cette odyssée de l’espace s’engageait pourtant sur de bons auspices, envoyant paître les clichés et la quincaillerie du genre, tenant son imaginaire sous la haute surveillance du réalisme scientifique, s’offrant même un intense climax lors d’une mort sacrificielle sur laquelle pèse tout le poids de l’irrémédiable. Mais c’est pour patiner ensuite dans la choucroute et glisser, lors d’un dénouement sidérant de niaiserie, sur la peau de banane du mystère de la création – quelque part entre la parodie stoïque de 2001 et un épisode kitsch des aventures de M. Spock. 3/6

Femme fatale
Le double, la manipulation sentimentale, la caméra traqueuse et dragueuse, le jeu de dupes enroulé dans un kaléidoscope éminemment trompeur : De Palma brode explicitement sur des clichés, mais à l’image de sa femme fatale, garce unidimensionnelle réduite à n’être qu’un pion privé d’âme et d’ambigüité sur l’échiquier, sa mécanique impeccable ne comble que partiellement les faiblesses d’un scénario erratique. Son film est un dispositif formel purement abstrait, une fantaisie théorique qui agence une série de péripéties d’un regard, une rêverie alambiquée autour du film noir, dont la narration extrêmement libre joue avec le temps et les fictions, revisite le DePalmaland jusqu’à l’assèchement conceptuel, et flirte dangereusement avec le ressassement stérile de motifs fétichisés. 3/6

Le dahlia noir
De Palma était sans doute le plus à même d’adapter la prose fiévreuse et torturée d’Ellroy mais cette transposition s’avère curieusement lisse et expurgée, étriquée dans le moule des figures de style, comme si le cinéaste appliquait une couche de laque artificielle à un matériau incandescent, comme s’il cherchait à se l’approprier en se glissant dans les interstices mais sans y parvenir réellement. Un peu en pilotage automatique, la mise en scène exécute quelques pics virtuoses mais assez vains puis retombe comme un soufflé, loin des nœuds complexes du bouquin : si les trompe-l’œil de l’imagerie sont séduisants (lignes lourdes du décor, vaste gamme d’ocres, légèreté linéaire de l’Art déco), tout le propos sur l’obsession, le viol du regard, l’envers du glamour semblent plutôt mou et vaguement désincarné. 3/6

Redacted
Le réalisateur reprend dans le cadre irakien, et sous la forme d’un pseudo-reportage éclaté, la relation d’un de ces faits divers (viol et massacre) inhérents à toute soldatesque, qui constituaient déjà le sujet d’Outrages. Il poursuit ainsi sa dissection du point de vue en inversant en quelque sorte le processus par la nature quasi-macluhanesque de sa démonstration : le média est le message car il conditionne notre réaction à ce qui est montré. Nulle volonté de tromper le spectateur ici, mais au contraire le désir de le détromper, de lui faire prendre conscience que la manipulation est inhérente à la diffusion des images. Si le geste est intéressant dans sa démarche, il demeure hélas étonnamment plat, sans portée particulière, ses intentions n’étant jamais transcendées par leur mise en forme. 3/6

Passion
C’est désormais une affaire à peu près réglée : le cinéaste n’est plus que l’ombre de lui-même. L’amour que j’éprouve pour l’œuvre passée incite à une certaine indulgence, et il en faut face à ce thriller souffreteux au titre franchement trompeur qui grille ses quelques rustines (sur le monde concurrentiel de l’entreprise, la rivalité économique, la vampirisation mutuelle des individualités) avant de s’essouffler en enquête teutonne aux mécanismes ronflants. La chair est triste, l’interprétation terne, l’incarnation du désir aux abonnés absents, les procédés formels ô combien prévisibles, et l’ensemble régulièrement indigent, avant qu’une certaine folie ne dérègle le programme durant le dernier quart d’heure. On ne s’ennuie jamais, mais ça fait vraiment film de vieux maître au bout du rouleau. 3/6


Mon top :

1. Phantom of the paradise (1974)
2. L’impasse (1993)
3. Blow out (1981)
4. Mission : impossible (1996)
5. Snake eyes (1998)

Il est probablement l’un de mes réalisateurs favoris, l’auteur de certains films que je chéris tout particulièrement, et à l’origine d’une carrière parmi les plus cohérentes du cinéma américain contemporain. Je ressens énormément de jubilation et d’émotion à la vision de son œuvre, mais hélas j’ai bien peur que son inspiration ne soit désormais tarie.
Dernière modification par Thaddeus le 11 déc. 23, 22:13, modifié 17 fois.
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Roy Neary
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Re: Top Brian De Palma

Message par Roy Neary »

J'aime braucoup tes tops argumentés avec concision. :wink:
Je tique seulement sur "une inspiration romantique nouvelle" dans le texte sur Blow Out, puisque le romantisme chez De Palma se construit progressivement dans les années 70 et était déjà très prégnant dans Obsession.
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Jeremy Fox
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Re: Top Brian De Palma

Message par Jeremy Fox »

cinephage a écrit :Le De Palma tardif fédère manifestement peu. Pour moi, pourtant, Redacted reste une version améliorée et plus forte qu'outrages.
Me concernant, c'est parce que je n'ai pas vu la plupart de ses derniers films à l'exception du très ennuyeux Le Dahlia Noir. Ce que tu dis de Redacted me rend bien curieux, Outrages ayant failli de très peu être au sommet de mon top
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