Lesley Selander (1900-1979)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jeremy Fox
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Lesley Selander (1900-1979)

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Histoire d'essayer de réhabiliter ce cinéaste trop souvent réputé pour avoir été un tâcheron, je répertorie tous mes avis sur ces films ici même. Des avis sur d'autres de ses films parmi la centaine tournée seront les bienvenues :)
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Le Justicier de la Sierra (Panhandle, 1948) de Lesley Selander
ALLIED ARTISTS


Avec Rory Calhoun, Cathy Downs, Reed Hadley, Anne Gwynne, Blake Edwards
Scénario : Blake Edwards & John C. Champion
Musique : Rex Dunn
Photographie : Harry Neumann (noir et blanc)
Un film produit par Blake Edwards & John C. Champion pour la Allied Artists


Sortie USA : 22 février 1948

Lesley Selander avait déjà plus d'une vingtaine de westerns de série à son actif quant il tourna Le Justicier de la Sierra, un de ceux (à priori à juste titre) les plus appréciés du cinéaste par les aficionados du genre. Habitué à filmer à toute vitesse des bandes avec les héros de ‘Serials’ qu’étaient Hopalong Cassidy, Lone Ranger ou Kit Carson, Selander (encore prénommé Leslie en 1948) s'est parfois permis à côté de ça de réaliser des films un peu plus ambitieux. Quelques jolies réussites en résulteront comme ce Panhandle, terme géographique qui évoque la partie Nord du Texas au sein de laquelle évoluent les personnages de ce western tout à fait plaisant qui pourrait s'apparenter à une version réussie de L'Amazone aux yeux verts (Tall in the Saddle) de Edwin L. Marin avec John Wayne et Ella Raines. Comme pour ce dernier, nous nous trouvons face à une intrigue de film noir sous couvert de western avec ‘enquête policière’ et femmes fortes sur le devant de la scène. Un film tourné en ‘Glorious Sepiatone’ mais que nous ne verrons qu’en noir et blanc en France, la copie US existante avec ces tons sépias étant parait-il dans un état déplorable, néanmoins disponible en DVD chez VCI.

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Dans une petite ville sur la frontière américano-mexicaine, John Sands (Rod Cameron) tient un petit commerce. C’est un ancien ‘gunfighter’ reconverti, célèbre entre autre pour s’être un jour confronté à Billy the Kid. Le jour où il apprend de la bouche de la jolie Jean ‘Dusty’ Stewart (Cathy Downs), une vendeuse de selles, l’assassinat de son frère, il reprend les armes et se rend aux USA dans la ville de Sentinel où a eu lieu le drame, tout en sachant pertinemment qu’il risque de se faire appréhender par les hommes de loi qui ont toujours un mandat d’arrêt à son encontre. John sait que son journaliste de frère avait, peu de temps avant sa mort, dénoncé au travers de son organe de presse les agissements crapuleux de Matt Garson (Reed Hadley), le patron du saloon mais également l’homme qui tient la ville et ses environs sous sa coupe. 'Le Justicier de la Sierra' entreprend de trouver des preuves contre lui, persuadé de sa culpabilité. Il sera secondé dans son enquête par June O’Carroll (Anne Gwynne), la secrétaire de Garson qui est tombé sous son charme, ainsi que par ‘Dusty’ dont le père avait été tué peu de temps auparavant dans la même ville et dont il apprend qu’elle a été fiancée à son défunt frère. Garson, un peu inquiet, envoie ses trois tueurs, commandés par l’inquiétant Floyd (Bkale Edwards), empêcher John de s’immiscer dans ses affaires louches destinées à le faire devenir le ‘Boss’ de tout le Texas Panhandle…

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A la lecture du sujet, on se doute bien que le squelette de l’intrigue est tout à fait conventionnel ; mais ce sont les détails qui sont originaux et font toute la différence avec le tout venant du western de série routinier. Même si l’ensemble est loin d’être inoubliable, le scénario regorge d’assez de séquences insolites, cocasses ou inédites pour nous tenir en éveil tout du long. Le ton du film s’avère lui aussi assez inhabituel déjà par le fait de son arrière fond musical signé par Rex Dunn, compositeur qui nous donne ici son unique musique pour un long métrage de fiction. Très éloignée des canons coutumiers du genre, sa partition n’en est pas moins très réussie, tour à tour légère ou mélodramatique, non dénuée de romantisme, faisant même à quelques reprises penser à celles écrites pour les films de Yasujiro Ozu à la même époque ! C’est dire le sentiment d’anachronisme et ‘d’exotisme’ qu’elle apporte à ce western ; pour le meilleur, car malgré le fait qu'elle puisse paraître incongrue, elle s'avère finalement tout à fait bien adaptée au ton et aux images ! Selander et son scénariste Blake Edwards prennent leur temps et semblent avoir voulu donner une douce et nonchalante patine à leur premier travail en commun ; le deuxième scénario du futur réalisateur de La Panthère rose et de The Party sera à nouveau destiné à un western de Lesley Selander, celui qu’il a fourni ici pour Panhandle ayant été son premier travail d’écriture pour le cinéma. Non content d’avoir scénarisé le film, Blake Edwards le coproduira et tiendra un des rôles principaux en la personne de l’inquiétant bras droit du ‘chef des méchants’. Et il faut se rendre à l’évidence : Edwards a aussi bien réussi son scénario (en collaboration avec John C. Champion) que son interprétation et il gardera tout le temps une belle estime pour ce Justicier de la Sierra.

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Parmi les multiples idées ou situations réjouissantes ou peu banales que l'on rencontre tout au long du film (toutes dues probablement en grande partie à Blake Edwards) : la façon qu’à Rod Cameron de manger au comptoir du saloon, celle qu’il a de chantonner alors qu’il est à cheval, son dialogue presque surréaliste avec Reed Hadley lors de leur première rencontre, la façon ‘folklorique’ de se vêtir des 'Bad Guy' et notamment Blake Edwards, ses bottes fantaisistes et ses gants noirs… Pas mal de ruptures de ton (la longue scène au cours de laquelle Rod Cameron raconte à Blake Edwards sa rencontre avec Billy le Kid ; histoire dont la chute est tout aussi inénarrable que la réaction du personnage de Blake Edwards), une certaine sensibilité (les relations amicales entre John et le shérif qu’il est néanmoins obligé de blesser afin de pouvoir s’enfuir) et quelques séquences qui semblent être passées comme une lettre à la poste sous le nez de la censure : il n’était effectivement pas très courant à l’époque de voir un couple se jeter à terre pour se prendre dans les bras et s’embrasser. On trouve également un gunfight nocturne superbement bien éclairé, un splendide final sous la pluie avec l’évanouissement fantomatique du personnage principal en fond de plan à la dernière seconde, un combat à poings nus très bien rythmé d’une longueur et d’une sauvagerie assez étonnante sans oublier une efficace course-poursuite à cheval au milieu des rochers de Lone Pine. Bref, il y en a pour tous les goûts, aussi bien pour les amateurs d’action que de bons dialogues.

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Le casting s’avère de bonne tenue lui aussi ; outre Blake Edwards qui nous surprend agréablement , Rod Cameron, dans la même lignée de jeu que Randolph Scott, s’en sort pas mal du tout, très bien entouré qu’il est par deux charmantes actrices, Anne Gwynne et surtout la splendide Clementine de John Ford dans La poursuite infernale (My Darling Clementine), Cathy Downs ainsi que par un Reed Hadley vicieux à souhait. Un polar-western sans prétention mais très plaisant, filmé dans des extérieurs bien choisis, mélange assez homogène d’action, de romance et d’humour. John C. Champion et Blake Edwards avaient eu l’intention de produire ce western en 16 mm ; mais après avoir soumis leur projet à deux studios, ils se rendirent compte que leur histoire avait plus de potentiel qu'ils avaient imaginé. Un deal fut donc arrangé avec la Monogram qui aida au financement et aida les producteurs à se faire distribuer. En 1966, Lesley Selander réalisera un remake de son propre film : The Texican avec Audie Murphy et Broderick Crawford. L'original est en tout cas bien sympathique !
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Jeremy Fox
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Une équipe d’astronautes accompagnés d’un journaliste entreprend une expédition vers Mars à bord d’un nouveau type de fusée nucléaire. Après avoir été bien secoué par une pluie de météorites, l’équipage finit par s’écraser à la surface de la planète rouge. Si la fusée aura besoin de réparations, les membres sont tous sains et saufs. Ils sont accueillis par une délégation de Martiens (en tout points conformes aux Terriens) qui leur font visiter leur cité souterraine. Si leur technologie semble très avancée, ils paraissent grandement intéressés par l’énergie atomique qu’utilise la fusée. Les Martiens offrent leur aide pour réparer le vaisseau spatial mais dans un but dont les Terriens ne se doutent pas : voler les plans de l’engin pour pouvoir en construire d’identiques à l’aide desquels ils pourront aller envahir la Terre...
Analyse et critique

Dans la foulée de la sortie de Rocketship X-M et Destination Moon, Flight to Mars s’avère le troisième voyage intersidéral cinématographique de ce début de décennie. Plutôt que d’inventer décors et costumes, la production va aller piocher des maquettes et divers accessoires qui avaient déjà servi pour ses deux prédécesseurs. Il s'opère donc une économie substantielle pour un film qui cherche à suivre les pas de ses deux aînés, à tel point que durant toute la première demi-heure on croit se trouver devant un remake de Rocketship X-M, la seule différence étant le but de l’expédition qui vise directement Mars et non plus la lune. Ce sera l'unique incursion du réalisateur Lesley Selander dans la science-fiction et le moins que l’on puisse dire, au vu du résultat calamiteux, est que nous ne sommes pas déçus qu’il n’ait pas persévéré... Le film a été tourné en cinq jours dans les studios de la Monogram pour un budget ridicule ; malheureusement ni le scénariste ni le cinéaste n’ont fait preuve de la moindre inventivité pour pallier les négligeables moyens octroyés. Le film s’avère au final bien plus ridicule et ennuyeux que charmant et sympathique. Même ceux que le kitsch ne dérange pas risquent de trouver le temps fort long. A moins de se retrouver entre copains pour rire de l’abyssale bêtise du scénario et des situations, on imagine mal qu’on puisse prendre du plaisir devant un tel navet.

Car si l’intrigue, dans sa seconde partie sur la planète Mars, ressemble à celle d’un serial (ce qui aurait pu être agréable), le film n’en a ni le rythme ni la fantaisie. Il s’agit au contraire d’une suite ininterrompue de séquences statiques et bavardes. Si les théories sur l’infiniment petit (nous contiendrions chacun un univers en nous, en même temps que notre univers tiendrait dans une seule autre entité humaine gigantesque - Jimmy Guieu et Richard Bessières en ont fait le sujet de nombreux de leurs romans d’anticipation) discutées en cours de film ont pu fasciner à l’époque, elles sont devenues entretemps totalement obsolètes tout comme tout ce qui touche à l’aspect scientifique. Il en était de même pour Rocketship X-M mais le scénariste avait pris son travail un peu plus au sérieux. Ici, à tous les niveaux, on rencontre le minimum syndical voire même l’abdication de tout talent aussi minime soit-il. Le cinéaste filme le tout le plus platement possible, les responsables des effets spéciaux auraient mérité de se faire virer, les acteurs semblent se demander ce qu’ils font sur le plateau et les scénaristes paraissent avoir écrit le script au fur et à mesure du tournage en ayant décidé de créer le scénario plus idiot possible. A peine arrivé sur la planète rouge, l’équipage a pour première préoccupation de vouloir rebrousser chemin malgré l’accueil favorable qui leur est réservé et malgré le fait que les Martiennes se baladent toutes en mini-jupes ultra-courtes et talons aiguilles, dévoilant ainsi leurs charmes sans pudeur. Quant à la première obsession du seul élément féminin de l’équipe, c’est de savoir où se trouve la cuisine ; malheureusement, pas de femmes aux fourneaux chez les martiennes ! Pas de joueurs de bridge non plus d'ailleurs ; mais pas de souci, nos braves Terriens vont leur apprendre à taper le carton !

S’il n’était que routinier (comme le film de Kurt Neumann), passe encore, mais Flight to Mars s’avère un film insipide et crétin, à l'image des deux romances qu’il contient. Quant au Cinecolor (version économique et non Deluxe), il est difficile de porter un quelconque jugement à son égard au vu de l’état de la copie proposée. Bref, hormis le fait pouvoir admirer le beau visage de Marguerite Chapman, de succomber au charme de la Martienne Alita (clin d’œil à Aelita de Yakov Protazanov ou simple hasard ?) ou de découvrir pour la première fois des Martiens ayant des velléités d’envahir la Terre, circulez, il n’y a rien à voir !
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Fort Osage (1952) de Lesley Selander
MONOGRAM


Avec Rod Cameron , Morris Ankrum , Jane Nigh , Douglas Kennedy , John Ridgely , William Phipps , Iron Eyes Cody…
Scénario : Daniel B. Ullman
Musique : Marlin Skiles
Photographie : Harry Neumann (Cinecolor)
Une production de Walter Mirisch pour la Monogram Pictures


Sortie USA : 10 Février 1952



Un film produit par la Monogram, réalisé par Lesley Selander avec Rod Cameron en tête d’affiche : je n'aurais rien parié sur ce trio improbable ne me paraissant pas de prime abord spécialement alléchant. Des à priori négatifs qui n’avaient absolument pas lieu d’être puisque ce western de série à très petit budget s’avère être une excellente surprise, de celles qui mettent le ‘spécialiste’ en joie, croyant connaître déjà tout ce qui s’est fait d’intéressant dans le domaine qui le passionne sans penser qu’il y aura toujours, heureusement, d’obscures pépites à découvrir (‘obscures’ étant à prendre ici dans le sens ‘d’inconnues au bataillon’). L’ayant revu deux fois de suite pour bien me persuader qu’il ne s’agissait pas d’une lubie soudaine (celle de vouloir faire sortir coûte que coûte de l’oubli un film injustement oublié), l’ayant même fait découvrir à une tierce personne pas spécialement friande de western de série (tout au contraire, supportant assez mal) mais qui m’a confirmé tout le bien qu’elle en avait pensé, je peux décréter avec un tout petit peu plus d’aplomb que ce Fort Osage ne pourrait se voir être mêlé aux innombrables films de série sans intérêts qui pullulaient à l’époque (et pas seulement produits par les studios de la Poverty Row comme la Monogram mais aussi, avec très nombreux exemples à la clé, par les plus grandes Majors dont en premier lieu… la Warner). Ce western signé Lesley Selander (qui en avait déjà avant ça mis en scène une bonne cinquantaine !!), s’avère être au contraire un film très intéressant qui, s’il avait été réalisé par un grand cinéaste, aurait peut-être pu s’approcher du chef-d’œuvre au vu de son scénario superbement bien écrit et d’une belle fluidité.

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Fort Osage est une petite ville du Missouri située non loin du territoire des Indiens Osage. C’est la dernière halte pour les caravanes de pionniers avant qu’elles ne traversent les plaines de l’Ouest menant en Californie. Depuis quelques semaines, de nombreux émigrants sont bloqués dans cette bourgade, attendant l’arrivée de leur prochain guide, Tom Clay (Rod Cameron). Mais ce n’est qu’un prétexte car il pourrait facilement être remplacé. En effet, l’homme d’affaire Arthur Pickett (Morris Ankrum) et son partenaire George Keane (Douglas Kennedy), d’accointance avec les commerçants, perçoivent un pourcentage sur le chiffre d’affaire de ces derniers en échange de quoi ils retardent expressément le départ de la caravane. Les pionniers sont désormais à court d’argent ayant de plus été dans l’obligation de débourser des sommes faramineuses à Pickett pour payer le convoyage. Lorsque Tom Clay finit par arriver, il leur annonce qu’il refuse de prendre en charge le convoi. En effet, il vient d’assister au massacre par les indiens des passagers d’un chariot ayant voulu commencer le voyage seul. Avant de faire prendre le risque à d’autres, il souhaite éclaircir ce mystère des indiens repartis sur le sentier de la guerre alors qu’un traité de paix venait d’être signé peu de temps auparavant. Même si les fermiers insistent pour partir le plus rapidement possible, il décide avant ça d’aller parlementer avec la tribu Osage pour savoir ce qu’il en est. Leurs manœuvres frauduleuses sur le point d’être démasquées, Keane et ses hommes vont tenter d’assassiner Tom

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La compagnie Monogram était le studio le plus réputé de ceux communément appelés Poverty Row dont faisait aussi partie la Columbia encore peu de temps avant ; des studios tournant à l’économie, sans véritables stars ni grands moyens à leur disposition. Produisant à tout va des séries Z parmi lesquelles les plus célèbres sont les Charlie Chan, Cisco Kid, voire même les premiers westerns avec John Wayne, elle ne réussira jamais à devenir ‘respectable’ aux yeux des professionnels. Même si elle en aura l’occasion grâce à Dillinger de Max Noseck qui fut nominé pour l’Oscar du meilleur scénario en 1945, elle ne renouvellera plus jamais ‘l’exploit’. Après la Seconde Guerre Mondiale, Walter Mirisch atterrit dans le studio en tant qu’assistant du directeur ; il créé une nouvelle branche baptisée Allied Artists qui chapeautera les films qu’il surnomme ‘B-plus’, à budgets un peu plus conséquents. L’arrivée de la télévision sonnant le glas des œuvres les plus ‘cheap’, Monogram annonce en septembre 1952 qu’elle ne produira plus désormais que sous le nom Allied Artists Pictures Corporation. Mirisch amène enfin dans son giron quelques grands noms tels William Wyler, John Huston, Billy Wilder et Gary Cooper mais les flops que sont La Loi du Seigneur (Friendly Persuasion) de Wyler et Ariane (Love in the Afternoon) de Wilder font que la compagnie opère un retour arrière. Mirisch ne se laisse pas démonter pour autant ; bien lui en a pris puisque sa compagnie Mirisch Company glanera quelques beaux succès. Pour garder un peu de son identité, la Monogram avait néanmoins continué à produire des westerns jusqu’en 1954 ; grâce à ça, nous avons pu avoir ce Fort Osage, bien meilleur que nombre de productions A de l’époque. Un hommage très célèbre a été rendu à cette compagnie aujourd’hui totalement oubliée, celui de Jean-Luc Godard qui lui dédie A bout de souffle, les films du studio semblant avoir été pour lui une influence majeure.

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Mais venons-en à ce film qui prouve que si Lesley Selander était souvent capable du pire (Flight to Mars), il pouvait parfois s’approcher du meilleur (d’ailleurs, je viens de lire le même constat fait par Bertrand Tavernier concernant d’autres titres ; au sein de cette prolifique filmographie, il doit très certainement y avoir d’autres petits bijoux à dénicher). Nombreuses sont les raisons qui font de ce petit western Monogram une œuvre originale. Déjà le postulat de départ ! Alors que les films de convois (ce dont le spectateur pense voir), en quelque sorte les ancêtres des ‘Road Movie’, nous font voyager par monts et par vaux, ici, la caravane stagne et ne se mettra en marche qu’à la toute dernière séquence. Le pourquoi de cette situation est clairement exposée et explicitée dès le départ et, même si nous en doutions, nous apprenons pour la première fois au sein d’un western que les voyages au sein d’un convoi encadré coûtaient cher pour les émigrants (vivres, fournitures, prix à payer pour les guides, les hommes chargés de la défense, les éclaireurs…). Intéressante description du coup de la situation financière des pionniers/fermiers n’ayant quasiment plus d’argent, lessivés par les commerçants et hommes d’affaires de la ville retardant expressément le départ du convoi pour les pressurer encore plus. Outre des situations assez neuves, le scénariste Daniel B. Ullman (plus tard auteur du splendide Wichita de Jacques Tourneur) brosse quelques jolis portraits de personnages secondaires (dont ceux des fermiers danois dont on est agréablement surpris à l’instar de notre ‘héros’ de constater qu’ils ne sont pas du tout attirés par l’or de Californie mais par ses terres vierges et fertiles) et enfin s’attache avec une minutieuse attention à toute une foule de petits détails qui renforcent le vérisme du film : par exemple le fusil posé sur un rocher au soleil et qui brûle les mains lorsqu’on le reprend (sans que ce ne soit aucunement destiné à faire de l’humour mais bien à vocation de réalisme).

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Vérisme mais aussi très grande vraisemblance au travers notamment des réactions du personnage principal interprété par le colossal Rod Cameron qui d’emblée ne se présente justement pas comme un héros : il assiste impuissant au massacre d’un chariot d’émigrants (sans aller fanfaronner en tentant de les sauver, sachant pertinemment qu'il ne sera pas de taille), il avoue ne pas vouloir prendre les rênes du convoi par peur des indiens sur le sentier de la guerre… Mais décrivons une brève séquence à priori totalement anodine mais qui explicite assez bien ce que je veux faire comprendre par vraisemblance et crédibilité. Les spectateurs savent que Keane et ses homme s’en vont à cheval pour une expédition punitive ; Tom Clay (notre ‘héros’) dort à la belle étoile dans un coin pas très éloigné du chemin que la bande va emprunter. Il est réveillé par le galop des chevaux du groupe emmené par Keane ; il les voit passer au loin mais se retourne, se pelotonne dans son sac de couchage et se rendort. C'est tout ! Alors que dans 95% des autres productions, ce même homme se serait très probablement étonné, inquiété et se serait empressé de suivre le groupe. Le scénariste Daniel B. Ullman a pris le contre-pied de cette attitude héroïque en faisant se poser la question au spectateur : mais pour quelle raison Tom aurait-il pensé qu’il s’agissait de cavaliers allant massacrer ses amis indiens ? Ça parait banal mais ce bon sens permet aux personnages d’être plus humains, aux situations d’être plus crédibles. Et des exemples comme celui-ci, il en fourmille tout au long du film ; ce n’est pas que nous soyons à la recherche de la vraisemblance à tout prix (sinon nous aurions arrêté depuis longtemps de nous pâmer devant le cinéma hollywoodien) mais il est tellement rare de s'étonner d'en trouver un tel échantillon, qui plus est au sein d'un film de série qui habituellement ne s'en soucient guère, que Fort Osage me semble sortir des entiers battus déjà rien que pour ça.

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Dommage que Lesley Selander ne possède pas de talent particulier pour la mise en scène ! Ceci dit, en plus d’aller dramatiquement à l’essentiel avec une fluidité jamais démentie, son film s’avère également d’une belle efficacité ; il suffit de voir ses gunfights parmi les plus nerveux et violents vus jusqu’ici, au cours desquels les acteurs et cascadeurs semblent ne pas y aller de main morte. Et je ne parle même pas des deux plans qui voient Douglas Kennedy assommer Jane Nigh avec la crosse de son revolver. Habituellement, nous aurions eu un premier plan américain de l’acteur prenant le revolver par le canon, levant le bras et le baissant avec force suivi d’un second voyant la femme s’écrouler par terre. Ici, le même premier plan sauf qu’avant que le bras ne se baisse, le second est un plan d’ensemble qui nous fait assister en direct à l’action de la crosse allant se fracasser sur le crane de l’actrice ; et viscéralement, je peux vous dire que ça fait son effet (surtout pour l’époque) ! Toujours concernant l'action, une fois encore, remercions les petites compagnies de ne pas utiliser à outrances stocks shots et transparences quasiment absents durant Fort Osage, western qui nous montre du coup de véritables chevauchées filmées avec vigueur. Le massacre du camp indien est également un moment assez fort d’autant que ce pourrait être aussi une première : dans Tomahawk de George Sherman, la tuerie n’était évoquée que rétrospectivement par l’intermédiaire d'un monologue dit par Van Heflin ; ici, c'est en images. Enfin, autre motif de relatif étonnement, le tableau que brosse Clay de l’Ouest américain se révèle très sombre, le chef de convoi déplorant l’absence de loi et de justice, essayant de démotiver les émigrants de s'y rendre.

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Supporté par un excellent score de Marlin Skiles, photographié avec goût en cinecolor, comportant de nombreuses et généreuses séquences d’action, une superbe scène de bal, de riches personnages (outre ceux déjà évoqués, celui joué par John Ridgely, un homme mandé par le gouvernement pour se rendre en Californie y établir un rapport sur la situation de cet Etat destiné au congrès) et de très bons dialogues, Fort Osage mérite rapidement d’être sorti des oubliettes. On n’en voudra pas à Lesley Selander d’avoir expédié son final un peu trop rapidement puisque juste auparavant, il nous aura plus qu’agréablement charmé avec son film qui de plus prenait une nouvelle fois avec intelligence la défense des indiens (qui d’ailleurs ne hurlent pas à tout va lors de leurs attaques). Une bonne surprise totalement inattendue.
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Le Défi des fleches – Emboscado (Arrow in the Dust, 1954) de Lesley Selander
ALLIED ARTISTS


Avec Sterling Hayden, Coleen Gray, Keith Larsen, Tudor Owen, Lee Van Cleef, Jimmy Wakely
Scénario : Don Martin d’après une histoire de L.L. Foreman
Musique : Marlin Skiles
Photographie : Ellis W. Carter (Technicolor 1.37)
Un film produit par Hayes Goetz pour la Allied Artists


Sortie USA : 25 avril 1954

Après la découverte du sympathique Le Justicier de la Sierra (Panhandle) et de l’excellent Fort Osage, je fondais de beaux espoirs sur la possibilité de faire encore de jolies découvertes avec Lesley Selander. Mais à la vision de Arrow in the Dust, il se confirme que les scénaristes Blake Edwards (oui, le fameux réalisateur de La Panthère rose) et Daniel B. Ullman devaient être les principaux instigateurs de la qualité de ces deux précédents films. Malgré le fait d’avoir loupé d'innombrables westerns de Selander, ce 56ème ne me fait plus trop regretter (probablement à tort) de n’avoir pas eu l’occasion d’en voir plus car Le Défi des flèches s’avère être un navet de première catégorie, aussi mauvais qu’inconsistant, aussi bâclé qu’ennuyeux, aussi laid que léthargique. Quant une équipe entière (aussi bien technique qu’artistique) se fiche à ce point de son travail, pas besoin d'aller cautionner longtemps le résultat !

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Bart Laish (Sterling Hayden), un déserteur en route pour l’Oregon, tombe sur un convoi de pionniers massacré par les indiens. Le seul survivant appartient à l’escorte militaire qui était chargée de le protéger, le Major Andy Pepperis, un cousin éloigné ayant fait ses classes avec lui à West Point. Mourant, faisant appel à son sens de l’honneur, il fait promettre à Laish d’aller rejoindre l’avant du convoi, parti un peu avant l’attaque, pour les conduire jusqu’au Fort Laramie. Il refuse tout d’abord mais tombant une seconde fois sur une caravane décimée, il décide de prendre l’uniforme de l’officier décédé et de s’octroyer son identité. Ayant rejoint le convoi, il prend la tête des opérations ; il doit se défendre contre les assauts incessants des Apaches et des Pawnees, les deux tribus s’étant réunies, semblant vouloir s’emparer de marchandises cachées dans le chariot du chef de convoi, un homme à priori peu recommandable ; des armes et munitions sans doute ?! Ignorant tout de sa véritable identité, tout le monde obéit sans discuter aux ordres de Bart. L’éclaireur Crowshaw (Tom Tully) l’a en revanche reconnu mais décide de faire comme si de rien n’était, ayant plus confiance au déserteur qu’au précédent commandant, trouvant que ce dernier manquait par trop de poigne et d’initiative…

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Premier film en Technicolor du studio de la Poverty Row, Allied Artists, Le Défi des flèches était également sorti en France sous le titre Emboscado, tactique mexicaine utilisée par le personnage de Sterling Hayden et qui consiste "à persuader l’ennemi qu’il vous a mis en fuite pour pouvoir ensuite contre-attaquer avec un plus grand effet de surprise". Qu’importe le titre mais avec ce film de Lesley Selander, on ne compte plus le nombre de mauvais westerns avec Sterling Hayden en tête d’affiche. Son talent de comédien n’était d’ailleurs pas inné car lorsqu’il n’eut pas de grands réalisateurs pour le diriger, il s’avérait médiocre ; pour sa défense, il faut dire que l’idiotie des scripts des westerns dans lesquels il eut à tourner ne risquait pas de l’aider à faire des efforts. Ici, il interprète un déserteur qui se retrouve du jour au lendemain à la tête d’un détachement de cavalerie sous une fausse identité sans que personne ne s’aperçoive qu’il n’a jamais eu à commander jusqu’à présent ; auparavant, il était tombé sur un convoi décimé dont le seul survivant était… un cousin à lui. Une fois sa mission accompli, on lui avoue qu’on savait qui il était et on lui laisse réintégrer l’armée sans rechigner ! Entre temps, il aura eu à combattre toujours de la même façon des indiens aussi idiots que mollassons, se laissant tirer comme des lapins, n’ayant pas compris la tactique de leur ennemi après pourtant des vingtaines d’attaques répétées. Le ridicule des situations n’a d’égal que le bâclage de la mise en scène ou encore la laideur plastique de l’ensemble (avec stock-shots en pagaille), les plans se suivant sans continuité dans l’éclairage voire même des décors, les cavaliers passant d’un paysage montagneux à un paysage de plaine en deux temps trois mouvements, le tout sans non plus aucun sens du rythme de la part du monteur.

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Un exemple pour mieux appréhender le 'j’menfoutisme' de l’ensemble de ce petit western militaire de série dont même l’intrigue sentimentale vient là comme un cheveu sur la soupe (pauvre Coleen Gray, totalement sacrifiée) ! Sterling Hayden propose à ce que le convoi parte de nuit, les indiens n’étant pas censé attaquer en nocturne. Quelques séquences plus loin, les chariots avancent en pleine lumière ; pas très grave car une ellipse aurait très bien pu nous transporter plusieurs heures plus tard. Mais voilà qu’un protagoniste vient nous le rappeler en nous disant bien clairement et bien fort qu’il est minuit, les soldats transpirant et plissant leurs yeux gênés par le soleil !!!! Pas même une nuit américaine, aussi laide soit-elle ; Selander préfère filmer une pleine nuit dans une lumière radieuse. Comme si ça ne suffisait pas, le film est intempestivement bavard sur des dialogues inintéressants au possible, les cascadeurs et les figurants ne semblent pas très vifs ni convaincants, mal grimés en indiens ; bref, c’est mal joué, mal filmé, mal monté, mal photographié, mal dialogué, mou comme ce n’est pas permis, répétitif et ennuyeux. Esthétiquement, pas un plan pour rattraper l’autre : un résultat calamiteux pour un film à fuir. La seule chose qui aurait pu retenir notre attention était l’agréable chanson ‘I’m no longer a stranger’ si elle n’était pas chantée à plus de cinq reprises. Sachant un peu à l’avance les plats de résistance qui suivent, nous n’allons pas nous attarder plus avant sur ce mets peu ragoutant.
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Re: Lesley Selander (1900-1979)

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Amour, Fleur Sauvage (Shotgun - 1955) de Lesley Selander
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Avec Sterling Hayden, Yvonne De Carlo, Zachary Scott, Guy Prescott, Robert J. Wilke
Scénario : Rory Calhoun & Clarke Reynolds
Musique : Carl Brandt
Photographie : Ellsworth Fredericks (Technicolor 1.85)
Un film produit par John C. Champion pour la Allied Artists


Sortie USA : 24 avril 1955

Après Roger Corman et son premier film (Five Guns West), c’est au tour de Lesley Selander de nous offrir l’une des plus réjouissantes petites surprises de ce premier semestre 1955 ; autant dire qu’en ce qui concerne cette mi-cuvée assez moyenne, à l’exception de quelques classiques immédiats signés Anthony Mann (Je suis un Aventurier – The Far Country) ou King Vidor (L’Homme qui n’a pas d’étoiles – Man without a Star), tous deux tournés pour la Universal (qui continue à me donner raison en dominant encore et toujours les autres Majors dans ce domaine malgré une baisse qualitative d’ensemble de sa production), il fallait paradoxalement aller chercher les pépites westerniennes plutôt au sein des compagnies de la Poverty Row que du côté des grands studios. Ici la Allied Artists pour un film produit par John C. Champion, déjà aux manettes budgétaires d’un précédent western-policier tout à fait plaisant de Selander, Le Justicier de la Sierra (Panhandle), dont le scénario était signé Blake Edwards. Avec une centaine de westerns à son actif dont beaucoup de ‘bandes’ tournées à toute vitesse avec les héros de ‘serials’ qu’étaient Hopalong Cassidy, Lone Ranger ou Kit Carson, le prolifique cinéaste en a certes réalisé un grand nombre de très mauvais ; c’était le cas pas plus tard que l’année précédente avec Arrow in the Dust (Le Défi des Flèches), Sterling Hayden déjà en tête d'affiche. Shotgun est donc d’une toute autre trempe, de la même qui faisait de Fort Osage une très belle réussite, notamment scénaristique !

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Ben Thompson (Guy Prescott) vient de passer six années en prison à cause du shérif Fletcher (Lane Chandler) et de son adjoint Clay Hardin (Sterling Hayden). Accompagné de quatre complices, il revient en ville se venger de ces deux hommes. Fletcher est traîtreusement tué à bout portant au moyen d’un fusil à canons sciés (le Shotgun du titre) qui le coupe presque en deux. Hardin, qui a réussi à échapper au piège qui lui était tendu, fait à son tour serment de venger Fletcher. Malgré les réticences de sa fiancée qui lui dit qu’elle le quittera s’il s’exécute, il part néanmoins à la poursuite des meurtriers. En route il tombe sur Bentley (Robert J. Wilke), un des membres de la bande de Thompson, attaché à des pieux par les Apaches (sur les ordres de Ben qui traite avec eux en leur vendant des Winchesters de contrebande et qui n’a pas supporté que Ben décide de quitter le gang). A ses côtés, ligotée elle aussi à un arbre pour être le témoin de la lente agonie de son ‘partenaire’, une saloon Gal, Abbey (Yvonne de Carlo). Hardin les délivre tous deux mais se voit vite contraint d’abattre le bandit qui avait tenté de lui subtiliser son arme et de fuir. Le couple de fortune poursuit sa route ; bientôt, ils font une nouvelle rencontre, celle de Reb Carlton (Zachary Scott), un chasseur de primes également sur les traces de Thompson. Hardin connait bien Reb qu’il a côtoyé dans sa jeunesse avant de passer du bon côté de la loi. Malgré sa méfiance, il accepte que Reb se joigne à eux et le trio ainsi formé continue la traque des Outlaws désormais réfugiés chez les Indiens…

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Le sujet principal de Shotgun n’est rien d’autre qu’une basique histoire de vengeance mais le scénario est assez malin pour rendre le tout assez curieux et novateur, assez bien écrit pour ne jamais faire retomber la tension et faire conserver son efficacité au film tout du long. Il est d’ailleurs amusant de constater qu’il a été coécrit par un homme qui n’avait pas du tout l’habitude de ce genre de travail, l’acteur Rory Calhoun ; bien lui en a pris de tenter autre chose que le métier de comédien puisque c’est une réussite qu’il partage en commun avec le futur scénariste de Shalako. Le Shotgun du titre est une arme, un fusil à canon scié qui sera rendu célèbre par le Joss Randall de Steve McQueen dans la série Au Nom de la loi. Ici, c’est l’arme qui tuera le Marshall en tout début de film et celle que posséderont aussi d’ailleurs les deux principaux ennemis, Ben Thompson et Clay Hardin ; le film se clôturera d’ailleurs par un duel à cheval au Shotgun, surveillé par les Apaches. Une idée encore jamais vu au sein du western et que nous n’aurons pas l’occasion de revoir à mon avis. C’est d’ailleurs l’un des principaux points communs des bonnes cuvées de Lesley Selander que la multitude de petits détails cocasses, inhabituels ou (et) jamais vus, qu’ils soient scénaristiques ou purement iconographiques. Ici le Shotgun a une certaine signification puisqu’il s’agit d’une arme lourde et peu précise qui n’est efficace que de très près, produisant de gros dégâts quasiment irréversible ; l’on dit dès le départ que le shérif a non seulement été tué mais a été quasiment déchiqueté et coupé en deux par l’arme. Le film sera donc un peu plus brutal et violent qu’à l’accoutumé à l’image de celle que nous renvoie le titre original. Quant au titre français, on peut tabler soit sur l’amour fou du distributeur pour Yvonne De Carlo à laquelle il aurait ainsi rendu hommage, soit sur une cuite monumentale la veille de se décider à en choisir un ! Aucune autre explication possible si ce n’est peut-être en repensant à ces quelques curieux avant-plans sur des branches ou fleurs qui procèdent de ce ton assez original du film.

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Parmi les autres situations assez nouvelles en plus du duel final, citons aussi cette séquence assez sadique au cours de laquelle Sterling Hayden tarde à délivrer Robert J. Wilke de la mauvaise posture dans laquelle il se trouve, à savoir attaché par des liens en cuir à un pieu près d’un serpent à sonnettes qui est sur le point de fondre sur lui. La résolution de cette scène est un coup de Shotgun dans la tête du serpent qui explose littéralement. Outre des situations assez neuves, une minutieuse attention portée à toute une foule de petits détails qui renforcent le vérisme du film, une violence accrue (les combats à poings nus et les gunfights sont, comme dans Fort Osage, parmi les plus nerveux et violents vus jusqu’ici, au cours desquels les acteurs et cascadeurs semblent ne pas y aller de main morte), Selander et ses scénaristes brossent le portrait d’un Ouest assez sombre au sein duquel se meuvent des hommes et femmes peu fréquentables, fortement caractérisés mais néanmoins attachants par le fait justement de n’être pas parfaits, loin de là ! A commencer par le personnage interprété par un Sterling Hayden qui trouve enfin un western à la hauteur de sa forte stature et de son puissant charisme après une dizaine de navets (et sans évidemment compter le sublime Johnny Guitar). Il en impose ici dans le rôle du vengeur opiniâtre et impitoyable qui n'a qu'une idée en tête : poursuivre un bandit pour l’achever avec la même arme que celle qui a abattu son collègue même si ça lui coûte son mariage. Un brin macho, pas forcément sympathique, il n’hésite pas à brutaliser la femme qui l’accompagne, à lui parler mal, à la rudoyer, à lui arracher de force un baiser, …, bref, à la traiter comme il estime juste de traiter une femme, de mauvaise vie qui plus est ! Leur attachement sera d’autant plus captivant que la romance qui se créera entre eux deux sera loin d’être mièvre. En effet, Yvonne De Carlo incarne une femme de tête, ex-chanteuse de cabaret, lasse de ce travail qu'elle a due endurer et surtout fatiguée de devoir supporter les incessantes mains aux fesses, peu pudique au point de se baigner nue dans la rivière sans s’offusquer de ce qu’on la regarde avec concupiscence. Lui ayant ôté tout son glamour, l’ayant vêtu de vêtements masculins peu conformes à sa silhouette, l’ayant accoutré d’une coiffure peu flatteuse (ce qui décontenance obligatoirement au début, nous rappelant d’elle comme d’une des plus belles actrices de la fin des années 40), elle peut alors prouver sans fards son talent d’actrice dramatique en étonnant ses plus fervents admirateurs.

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Le troisième larron n'est autre que le moustachu Zachary Scott, très à l'aise dans la peau de ce 'Bounty Hunter' cynique et suave qui préfigure ceux plus célèbres et encore plus ambigus de Budd Boetticher ou Sergio Leone. Les trois comédiens bénéficient de punchlines bien senties et semblent s'en amuser avec délectation sans que celà fasse à aucun moment factice ; au contraire, au meilleur de sa forme, Selander a toujours recherché le vérisme et la vraisemblance à travers les réactions de ses personnages (qui sont loin d'être des héros traditionnels comme c'était déjà le cas dans Fort Osage). Les relations entre les trois principaux protagonistes, faites de tension, de jalousie, de méfiance ou parfois de compréhension, sont au final loin d'être inintéressantes. Chacun des membres de ce trio de fortune nous révèlera même in fine une facette innatendue de sa personnalité, l'humanité venant surgir là où on ne l'attendait plus, le nihilisme de l'ensemble étant in extremis battu en brêche (ce qui réjouira les amateurs de happy end). Les autres protagonistes ne sont quasiment constitués que par les 'Bad Guys' efficacement incarnés par des 'trognes' que l'on a l'habitude de voir dans ce type de rôles tel Robert J. Wilke. Quant aux figurants indiens, ils sont assez crédibles pour une fois. Belle distribution, rigoureuse écriture du scénario auxquels on peut rajouter un score bien efficace de Carl Brandt et surtout un Lesley Selander qui semble s'être régalé des paysages désertiques de Sedona (Arizona), prenant son temps de penser ses cadres et ses mouvements de caméra en fonction, les utilisant superbement au sein de belles compositions picturales. Que ce soient les magnifiques plan d'ensemble destinés à magnifier les grandioses montagnes ou les plans plus rapprochés sur les acteurs, ils paraissent tous avoir été réfléchis. La très belle photographie du futur oscarisé Ellsworth Fredericks semble avoir sacrément motivé le réalisateur dont la mise en scène s'avère très correcte elle aussi.

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Malgré toutes ces qualités, Shotgun n'atteint évidemment jamais des sommets car le faible budget se fait parfois ressentir, la psychologie des personnages reste assez sommaire et la mise en scène, même si correcte, ne saurait être comparée à celle des plus grands. Mais, allant dramatiquement à l'essentiel sans précipitation excessive et avec une fluidité jamais démentie, ce western est d'une belle efficacité, d'une brutalité et d'une violence assez innacoutumée pour le milieu des années 50 (il n'y a qu'à voir les combats à poings nus, comme dans Fort Osage, bougrement teigneux). Il n'est cependant pas dénué d'humour à l'image de cette séquence très cocasse au cours de laquelle Hardin rencontre un chariot conduit par un homme à la mémoire plus que fragile, d'une innatention telle qu'il fait se terminer la séquence sur une note très amusante, la moue dépitée de Sterling Hayden ne pouvant que provoquer le sourire. L'humour (noir), on le trouve aussi dans les dialogues à l'image de cette répartie du chef des bandits lorsqu'un de ses hommes s'étonne qu'il ait pu être aussi poli avec le membre de l'équipe qui souhaite les abandonner : “When you know you're goin' to have to kill a man, Perez, it costs nothing to be polite”.

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Tout film devrait être présumé innocent” avoue justement Bertrand Tavernier dans sa présentation du film qu'il avait qualifié de bâclé dans sa première édition de 30 ans de cinéma américain. Car n'importe quel tâcheron peut parfois avoir un sursaut d'orgeuil et vouloir nous livrer de la belle ouvrage : ce qui fut le cas à plusieurs reprises pour Lesley Selander et Shotgun pourrait bien être l'un de ses meilleurs films, faisant l'objet d'un culte chez certains.

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Mauvais point pour le DVD Sidonis mal encodé, Présence de VF et de VOST

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Jeremy Fox
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Re: Lesley Selander (1900-1979)

Message par Jeremy Fox »

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Fort Yuma (1955) de Lesley Selander
BEL-AIR PRODUCTIONS


Avec Peter Graves, Joan Vohs, John Hudson, Joan Taylor, Abel Fernandez
Scénario : Danny Arnold
Musique : Paul Dunlap
Photographie : Gordon Avil (Technicolor 1.33)
Un film produit par Howard W. Koch pour la Bel-Air Productions


Sortie USA : 04 octobre 1955

Après Shotgun (Amour Fleur Sauvage) et Tall Man Riding (La Furieuse Chevauchée), Fort Yuma est le troisième film (et troisième western) que Lesley Selander réalise durant l’année 1955. Avoir pu visionner ces trois titres à quelques semaines d’intervalle me fait conclure que la qualité est allée en décroissant, le prolifique cinéaste (jusqu’à une quinzaine de films par an durant les années 40) semblant même s’être cruellement désintéressé de sa mise en scène, bien trop approximative ici, tout comme le montage d’ailleurs. On trouve néanmoins, comme dans de nombreux de ses westerns, pas mal de petits détails insolites, un tournage en extérieurs, quelques réflexions intéressantes et une violence assez inaccoutumée pour l’époque, celle-ci ayant d’ailleurs fait réagir la censure dont l’intervention a abouti à de sacrés coupes et fait par exemple descendre le nombre de soldats du convoi tués de vingt-quatre à une dizaine seulement. Quelques séquences sont néanmoins passées au travers telles celle de la pendaison de l’indien, du meurtre du messager ou de la lance venant se ficher dans le dos d’un des soldats. Bien évidemment, aujourd’hui tout ceci paraitra anodin mais les films de Selander étaient vraiment plus crus que la moyenne en ces années là, témoin aussi des personnages principaux souvent assez durs. Après celui interprété par Sterling Hayden dans Shotgun, le soldat joué par Peter Graves s’avère lui aussi loin d’être un tendre.

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Dans les années 1860, alors qu’un traité de paix est en train d’aboutir avec les Apaches Mimbreno, leur chef est assassiné dans l’enceinte de Fort Yuma par un pionnier pris d’un coup de folie. Manga Colorado (Abel Fernandez), son fils, décide donc de repartir en guerre pour anéantir la forteresse. Le commandant envoie un messager à Fort Apache expliquer la nouvelle situation et demander des compagnies en renfort ; en cours de route il se fait appréhender par Manga Colorado qui le transperce de flèches. A Fort Apache, un convoi militaire s’apprête à partir vers Fort Yuma, l'habituel ravitaillement en vivres et munitions. Le détachement sera dirigé par le lieutenant Ben Keegan (Peter Graves), un officier dont la haine qu’il voue aux indiens lui fait contester dans un premier temps être accompagné par un éclaireur Apache, le Sergent Jonas (John Hudson). La raison cachée de ce refus est qu’il ne veut pas que Jonas découvre qu’il est en fait amoureux de sa sœur Francesca (Joan Taylor) qui doit les accompagner avec pour mission de veiller sur une jolie institutrice, Melanie Crowne (Joan Vohs), qui fait également partie du voyage. Des relations vont se nouer entre la jeune femme et l’éclaireur indien malgré le fait que ce dernier ait du mal à concevoir et à approuver des rapports interraciaux. Les Indiens ne vont pas tarder à les harceler, décimant le convoi au fur et à mesure de son avancée, récupérant les uniformes pour pouvoir attaquer sous couvert Fort Yuma...

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Un western assez curieux malgré le fil directeur de l'intrigue d’une grande simplicité : le voyage à haut risque d’une colonne de la cavalerie américaine (accompagnée par deux femmes) d’un fort à l’autre à travers les territoires de tribus indiennes parties sur le sentier de la guerre sans que les soldats du détachement en aient été informés. Du même réalisateur, Fort Osage était déjà un film pro-indien assez original, aucunement paternaliste ni manichéen. On peut en dire autant de Fort Yuma sauf que le bâclage de l’ensemble le rend bien moins réussi que son prédécesseur, bien moins puissant et attachant, quasiment anodin. Au final, il s’agit d’une série B pas spécialement ennuyeuse mais, à l’image de sa première séquence, celle de l’assassinat du chef indien, sans grande intensité dramatique, le figurant étant chargé de personnifier le colon qui tire sur l’indien, grimaçant d’une manière clownesque, rendant la scène guère convaincante voire presque risible. Il y avait pourtant un postulat de départ assez intéressant avec aussi une double romance interraciale, le tout gâché par un trop grand laisser-aller à tous les niveaux, que ce soit dans la réalisation, le scénario et même l’interprétation dans l’ensemble assez terne à l’exception de Joan Taylor dont le personnage d’indienne est peut-être le mieux écrit. Francesca est une squaw persuadée être plus heureuse auprès d’un homme blanc que d’un guerrier de son peuple auprès duquel elle pense ne pas trouver sa place, voire même être rabaissée. Malgré tout, sa fierté fait qu’elle ne supporte pas la pitié de la jeune missionnaire, son maladroit paternalisme et sa volonté farouche de se lier d’amitié avec elle. Une femme forte et butée qui se heurte non seulement à la respectable institutrice mais également à son frère qui voit d’un mauvais œil sa relation avec un homme blanc.

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Les trois autres principaux protagonistes ne sont pas inintéressants eux non plus, tout du moins sur le papier. Peter Graves (le chef de groupe dans la série Mission Impossible) interprète un officier xénophobe et cruel qui, paradoxalement, dit détester les indiens tout en s’étant épris de l’une d’entre elle. Il ne voudra cependant pas que sa relation soit connue, trop honteux de pouvoir éprouver des sentiments pour une indienne et il n’hésitera pas à lyncher un ‘peau-rouge’ sans autre forme de procès et malgré le fait que l'institutrice le lui ait fortement déconseillé, trouvant cet acte barbare et inhumain. Le personnage de la missionnaire était également assez bien vu ; bien que très respectable et éminemment charmante, le scénariste la rend agaçante à force de vouloir bien faire, symbole d’une Amérique paternaliste et bien pensante. A leurs côtés encore un individu aussi cocasse qu’attachant, celui du sergent vieillissant voulant à tout prix devenir lieutenant et gentleman malgré son analphabétisme, sincèrement frustré de ne pas pouvoir récolter des galons à cause de son illettrisme. Dommage que tous ces portraits bien croqués soient aussi ‘tiédassement’ personnifiés par des comédiens peu connus mais décidément assez peu inspirés ou alors qui se croient d’un seul coup sur une scène de théâtre, cabotinant sans raison, notamment au moment de rendre l’âme.

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Le minuscule budget n’excuse pas toutes ces approximations, ce bavardage intempestif et le manque cruel d’intensité malgré de forts enjeux dramatiques. Si les intentions étaient éminemment louables et les paysages de Kanab (dans l’Utah) plutôt bien utilisés, l’ensemble du film échoue à nous donner autre chose qu’un western agréable pour dimanche après midi pluvieux. C’est mieux que rien et ce n’est pas mauvais mais on pouvait raisonnablement s’attendre à mieux de la part de Lesley Selander dont la filmographie recèle quelques bonnes surprises. Il est donc néanmoins possible de retirer du plaisir de ce western qui respecte les indiens (les figurants sont d’ailleurs très crédibles) et qui nous délivre quelques scènes d’action assez nerveuses et notamment celle où les soldats sont acculés par les indiens dans un endroit rocheux et où ils se font descendre un par un. Quelques images rarement vues (sauf dans Ambush (Embuscade) de Sam Wood) comme celle des indiens creusant la terre pour se cacher dessous et attaquer les soldats par surprise et par l’arrière. Le tout en Technicolor, ce qui n’est pas déplaisant ! Seulement, il faut bien prévenir à nouveau : pour aficionados seulement.

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Le film est sorti chez Sidonis au sein d’une copie plutôt correcte au vu de sa rareté. VOST et VF incluses.

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Fort Courage (Fort Courageous - 1965) de Lesley Selander
20TH CENTURY FOX


Avec Fred Beir, Don ‘Red’ Barry, Hanna Hertelendy, Harry Lauter
Scénario : Richard H. Landau
Musique : Richard LaSalle
Photographie : Gordon Avil (1.77 Noir et blanc)
Un film produit par Hal Klein pour la 20th Century Fox


Sortie USA : 01 mai 1965


Une violente attaque Apache sur Fort Courageous décime tous ses occupants alors que pendant ce temps-là, une patrouille se dirige vers cette garnison afin d’y amener son nouveau commandant. Le groupe de soldats est entre autre composé par un docteur qui ne lésine pas sur la bouteille (Walter Reed), un Sergent menotté (Fred Beir) qui doit passer en cour martiale pour un viol qu’il n’a pas commis et un éclaireur (Harry Lauter) qui a pitié de lui et qui, pour lui éviter la prison, est prêt à l’aider à se sauver. Sur leur chemin, ils viennent au secours de deux émigrantes -une mère et sa fille- dont la plus jeune vient d’être violée par une bande d’indiens renégats à qui ils ne font pas de cadeau, gardant néanmoins un otage au cas où ils feraient une autre mauvaise rencontre. Durant l’escarmouche le capitaine est grièvement blessé et les montures de ses hommes se sont toutes enfuies. Le prisonnier se voit promu commandant le temps d’atteindre à pied leur destination. Ils y parviennent avec grandes difficultés et quelle n’est pas leur surprise lorsqu’ils constatent qu’il n’y a aucun survivant à l’exception du Major qui était sur le point de prendre sa retraite. Les voilà bloqués dans le fort, les Indiens prêts à les massacrer…

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Avec une centaine de westerns à son actif dont beaucoup de 'bandes' tournées à toute vitesse avec les héros de serials qu’étaient Hopalong Cassidy, Lone Ranger ou Kit Carson, le prolifique Lesley Selander - réalisateur que l’on a un peu trop vite eu tendance à classer parmi les tâcherons- en a certes réalisé un grand nombre de très mauvais parmi lesquels Arrow in the Dust (Le Défi des flèches) avec Sterling Hayden en tête d'affiche, The Texican avec Audie Murphy… mais il signa également quelques petites pépites méconnues telles l'étonnant Shotgun (Amour, fleur sauvage), l'amusant Panhandle ou encore le très sombre Fort Osage, une très belle réussite bénéficiant d'un superbe scénario. Alors qu’il aura surtout œuvré pour des studios de la Poverty Row, Selander eut parfois l’occasion de tourner pour des compagnies plus prestigieuses telles la Universal (le plaisant The Raiders - L'heure de la vengeance) ou la Warner (le sympathique Tall Man Riding - La Furieuse chevauchée) même si ce fut pour des budgets également assez limités. Bref, un réalisateur à ne pas négliger même si nombre de ses films peuvent être aisément oubliés ; et c’est le cas de Fort Courageous néanmoins pas déshonorant.

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Le postulat de départ est sans surprises : une troupe de soldats ayant perdus leurs montures lors d’une échauffourée avec des Apaches doit rejoindre à pied et dans des paysages désertiques un fort assez éloigné, le danger guettant sans cesse avec d’autres indiens belliqueux violant, pillant et tuant alentour. Une fois arrivés à bon port et trouvant le lieu dévasté et vidé de ses habitants -et pour cause, ils ont tous été massacrés-, les tuniques bleues se retrouveront encerclés, devant encore se protéger des attaques des Apaches qui organisent un blocus. On a vu ça des dizaines de fois, parfois moins bien mais souvent mieux. Le film démarrait pourtant par une séquence pré-générique d’attaque de fort superbement réalisée ; on pourra donc certes s’en délecter mais en sachant que ce n’est pas Lesley Selander qui en est ‘responsable’, la scène complète étant en fait la séquence finale d’un western de 1958 signé Howard C. Koch, Fort Bowie. Ce qui explique après coups les questionnements quant à l'énorme différence qualitative entre les séquences d’action, celles tournées pour le film qui nous concerne s’avérant au contraire dans l'ensemble assez amorphes avec notamment des cascadeurs ne faisant pas le moindre effort. Par contre le décor choisi pour le fort est plutôt réaliste -en tout cas un peu éloigné des canons traditionnels- et la musique de Richard LaSalle -pompée sur celle d'un western connu des 60's dont je n'arrive pas à me souvenir du titre au moment où j'écris ce texte- assez entêtante.

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Les minuscules moyens alloués font que la figuration est minimale et qu’il ne faut pas compter sur une quelconque ampleur de la mise en scène. Cependant il faut bien reconnaitre un certain talent à Lesley Selander pour s’approprier de majestueux paysages, ses plans et cadrages étant souvent très beaux à voir surtout qu’ils sont rehaussés par une jolie photographie en noir blanc d’un certain Gordon Avil. Si la plupart des personnages sont sacrifiés par le médiocre scénariste Richard H. Landau, les deux principaux protagonistes n’en demeurent pas moins intéressants même si leur description aurait également mérité d’être plus fouillée. De plus, que ce soit l’éclaireur ou l’officier condamné à aller passer 10 ans à Alcatraz pour un viol qu'il n'a soi disant pas commis, ils sont ma foi plutôt bien interprétés par des comédiens très peu connus, Harry Lauter dans la peau du scout et Fred Bier dans celle du futur prisonnier. La complicité entre les deux hommes s’avère être ce qu’il y a de plus 'captivant' dans ce western par ailleurs médiocre surtout faute à un scénario assez creux, écrit "à l’arrache" et pas toujours cohérent dans les situations mises en place : comment par exemple croire que deux femmes seules puissent se 'promener' dans des contrés aussi hostiles ? A ce propos nous passerons sous silence les deux personnages féminins non seulement totalement 'bradés' mais également pas crédibles un seul instant.

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Grâce au talent de certains acteurs principaux, à la beauté de la photographie et à un Lesley Selander chevronné, on ne peut pas vraiment dire que le film procure de l’ennui mais par contre un certain détachement qui fait que nous l’oublierons immédiatement après l’avoir visionné même si la séquence finale est assez curieuse et plutôt réussie, peut-être choisie par manque de budget mais en tout cas assez satisfaisante malgré le fait qu’elle ait au contraire déplut à beaucoup. Que les Indiens soient enfin montrés avec respect et dignité après avoir durant tout le film été décrits comme de sanguinaires sauvages n’a pas été pour me déplaire. Pour l’anecdote, il s’agit d’une sorte de remake d’un des propres films de Selander datant de 1957, Le Sentier de la guerre (Tomahawk Trail). Routinier, classique, sans grandes surprises et assez mou, un western militaire loin d’être inoubliable mais un film de fin de carrière pas trop honteux pour autant. Disons que nous avons souvent vu bien pire dans le genre.
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Re: Lesley Selander (1900-1979)

Message par feb »

Jeremy Fox a écrit :Des avis sur d'autres de ses films parmi la centaine tournée seront les bienvenues :)
T'es tellement bien parti qu'on va te laisser faire pour le moment :mrgreen:
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Jeremy Fox
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Re: Lesley Selander (1900-1979)

Message par Jeremy Fox »

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La Furieuse Chevauchée (Tall Man Riding - 1955) de Lesley Selander
WARNER


Avec Randolph Scott, Peggy Castle, Dorothy Malone, William Ching, John Baragrey, Robert Barret, John Dehner
Scénario : Joseph Hoffman
Musique : Paul Sawtell
Photographie : Wilfrid M. Cline (Technicolor 1.37)
Un film produit par David Weisbart pour la Warner


Sortie USA : 18 juin 1955

A peine quelques semaines après le très bon Shotgun (Amour, Fleur Sauvage), arrivait sur les écrans américains un autre film signé par le prolifique Lesley Selander, auteur que l’on a un peu trop vite eu tendance à classer parmi les tâcherons. Sur plus de cent films, il y eut vraisemblablement pas mal de déchets mais finalement le cinéaste aura aussi eu quelques très sympathiques réussites à son actif (Panhandle, Fort Osage…). Alors que jusqu’à présent, il avait œuvré la plupart du temps pour des studios de la Poverty Row (la Allied Artists tout récemment), il put à l’occasion de Tall Man Riding tourner pour la prestigieuse Warner même si ce fut une nouvelle fois avec un budget assez limité. Relatant une vengeance ainsi qu’une traditionnelle lutte entre pionniers et ranchers, La Furieuse Chevauchée (nommée ainsi en français pour sa séquence finale) est un film de série B assez conventionnel même si le scénario est plus complexe qu’on pouvait s’y attendre au départ. Un peu inutilement complexe même, l’efficace scénariste Joseph Hoffman (Duel at Siver Creek de Don Siegel) n’ayant pas bénéficié d’assez de temps pour pouvoir développer tous les fils qu’il avait mis en place, pour pouvoir exploiter à fond toutes les situations exposées ; il s’en trouve que l’intrigue s’avère parfois un peu confuse, faussement alambiquée et par là même manquant de fluidité. Ce n’en est pas moins un honnête western que les aficionados prendront plaisir à regarder.

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1892 dans le Montana. Cinq ans après en avoir été chassé, Larry Madden (Randolph Scott) revient à Little River pour se venger du grand propriétaire du Warbonnet Ranch, Tucker Ordway (Robert Barratt), qui l’avait humilié par le fouet en pleine rue pour avoir courtisé sans sa permission sa fille Corinna (Dorothy Malone). Sa fierté en ayant pris un coup, il avait alors fui la région après avoir brûlé de rage son propre domaine. Sur le point d’arriver à destination, Larry prend la défense d’un homme attaqué par trois autres. Un des assaillants est tué et il apprend que celui dont il vient de sauver la vie n’est autre que Rex Willard (Bill Ching), l’actuel époux de Corinna. Il le reconduit néanmoins au ranch de son ennemi mortel et lui demande de prévenir ce dernier de son arrivée afin de lui mettre la pression. En ville, il retrouve l’avocat Ames Luddington (John Dehner) qui, à sa demande, a mené en secret une enquête de laquelle en ressort que Tucker n’est pas légalement propriétaire de son domaine et qu’il sera ainsi facile de l’en déloger. Larry jubile jusqu’à ce qu’il s’aperçoive que d’autres que lui souhaitent s’accaparer le ranch Warbonnet et notamment une de ses vieilles connaissances, Cibo Pearlo (John Baragrey), le patron du saloon qui semble avoir la ville sous sa coupe, un shérif corrompu à sa botte. Cibo tente de mettre Larry de son côté mais ce dernier, le haïssant autant qu’il déteste Tucker, décide de faire cavalier seul aidé en cela par la maîtresse de Cibo, la chanteuse Reva (Peggie Castle). C’était en fait Cibo qui avait envoyé ses tueurs se débarrasser du gendre de Tucker et c’est encore lui qui demande au Marshall d’aller arrêter Rex pour l’accuser du meurtre d’un de ses hommes et ainsi discréditer le gros rancher aux yeux de la communauté. Corinna vient demander de l’aide à son ex-amant pour l’aider à sauver une seconde fois son mari en témoignant la légitime défense. Il accepte mais l’inquiétant Peso Kid (Paul Richards) va tenter de l’en empêcher…

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Si vous avez pu lire l’histoire du film que j’ai vainement tenté d’écrire avec le plus de clarté possible, vous avez certainement deviné la complexité de ce scénario où les alliances se font et défont, les trahisons et magouilles vont bon train, les relations entre les différents protagonistes ne restent jamais figées. Les quelques originalités de l’intrigue viennent aussi d’une part du fait que Larry (joué par Randolph Scott) soit un vengeur au départ pas forcément sympathique, surtout sachant que le personnage qu’il souhaite châtier est un vieil homme ; d’autre part du fait que le même Larry ne prenne fait et cause ni pour un camp ni pour l’autre dans le conflit que se livrent ranchers et habitants de la ville, finissant même par trouver son ennemi juré bien plus fréquentable que la plupart des citoyens corrompus ou lâches qu’il côtoie lors de la mise en place de son plan de vengeance. Autre détail scénaristique qui rend ce petit western encore plus attachant, l’idée de faire des deux personnages féminins presque les plus intéressants de l’intrigue. Elles sont ici loin d’être des potiches et, contrairement à ce que l’on aurait pu penser au vu de l’affiche, bien plus encore la ravissante Peggie Castle que la plus célèbre Dorothy Malone. Tall Man Riding nous permet ainsi peut-être pour la première fois de voir enfin une Saloon Gal de temps en temps ‘hors contexte’, en dehors de son lieu de travail. C’est un petit détail mais de voir Reva en pantalon en train de chevaucher cheveux au vent, fini de rendre ce personnage stéréotypé de courtisane au grand cœur un peu plus réel qu’à l’accoutumé. Les relations qui se tissent entre les deux femmes sont également assez biens vues ; une amitié qui se noue alors même qu’elles éprouvent des sentiments pour le même homme : une estime entre rivales en somme ! Et, même si Reva aide Larry qu’elle pense être dans son droit, elle ne souhaite cependant pas trahir son employeur/amant auquel elle est néanmoins attachée :

Larry Madden : - “What's a girl like you doin' tied in with a dog like Pearlo?
Reva : - “Sometimes you can get sort of attached to a dog.”

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Ce qui me permet de rebondir sur l’efficacité des dialogues ainsi que sur la qualité d’ensemble de l’interprétation. Si Randolph Scott ne nous étonne guère, égal à lui-même, si les deux actrices s’en sortent relativement bien grâce aussi à des personnages bien écrits (Peggie Castle se révélant être également une bonne chanteuse, entonnant avec entrain ‘A Big Night Tonight') il ne faut pas oublier des ‘Bad Guy’ plutôt inhabituels de par les comédiens choisis pour les interpréter qui n’avaient pas forcément au départ ‘la gueule de l’emploi' : d’un côté John Baragrey dans le rôle du chef de gang qui a tout d’un dandy, de l’autre Paul Richards, son acolyte-tueur à gages, inquiétant et efféminé. Deux acteurs qui n’ont pas fait une grande carrière au cinéma, s’étant très vite tournés vers la télévision, deux visages assez marquants, tout du moins dans ce western. Et nous ne passerons pas sous silence le toujours excellent John Dehner dans la peau de l’avocat qui change de camp en cours de route. Le Larry de Randolph Scott est constamment pris entre plusieurs feux tout au long du film, les morts tombant comme des mouches autour de lui. Il se retrouve à devoir se battre violemment à mains nues, à devoir participer à un duel dans le noir complet à l’intérieur d’une grange dont on a fermé toutes les ouvertures, à prendre part à une ‘furieuse chevauchée lors d’une course à la terre…

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Toutes ces nombreuses scènes d’action sont mises en scène avec les faibles moyens du bord mais plutôt efficacement menées, Selander ayant eu la très bonne idée de laisser tomber les deux plus gros points faibles des westerns Warner tournés jusqu’à présent : l’humour lourdingue et malvenu ainsi que les transparences. Ici point de clownerie de la part de quiconque, pas de thèmes musicaux prétendument 'rigolos' à la David Buttolph et surtout pas de gros plans tournés en studio lors des chevauchées ou autre séquences mouvementées. On peut en féliciter les auteurs de ce film, Selander prouvant à l’occasion que ses scènes d’action faisaient alors souvent partie des plus teigneuses du genre pour l'époque. Dommage que par ailleurs, le cinéaste ne fasse sinon guère d’étincelles car il avait aussi à sa disposition de beaux décors extérieurs qui, sils avaient été utilisés comme dans Shotgun auraient rendus le film encore meilleur. Tel quel il s’agit d’une honnête série B, bizarrement le seul film que tourneront ensemble l’acteur et le réalisateur respectivement les plus féconds du genre. Du coup, on pouvait quand même s’attendre à beaucoup mieux mais nous nous contenterons du fait qu'il soit plaisant. On remarquera cependant que Randolph Scott commençait à se voir attribuer des personnages un peu plus sombres qu’auparavant ; ce qui allait aboutir l’année suivante à sa sublime collaboration avec Budd Boetticher !

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Le film existe en DVD ALL zone dans un pack de trois films mais uniquement en VO sans sous titres. En close captionned quand même. Qualité correcte.

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Jeremy Fox
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Re: Lesley Selander (1900-1979)

Message par Jeremy Fox »

La Loi du Scalp (War Paint – 1953) de Lesley Selander
UNITED ARTISTS


Avec Robert Stack, Peter Graves, Charles McGraw, Joan Taylor
Scénario : Richard Alan Simmons & Martin Berkeley
Musique : Arthur Lange & Emil Newman
Photographie : Gordon Avil (Pathécolor 1.37)
Un film produit par Howard W. Koch pour la United Artists


Sortie USA : 28 Août 1953


Alors que la troupe de cavaliers harassés qu’il commande rejoint son fort d’attache, le lieutenant Billings (Robert Stack) reçoit l’ordre de porter dans les plus brefs délais au commissaire aux affaires indiennes, Kirby, un traité de paix avec les Indiens qu’il devra à son tour remettre au chef Grey Cloud sans quoi les attaques risquent de recommencer. Ce n’est pas sans rechigner que les hommes repartent d’autant qu’en arrivant au comptoir où ils devaient retrouver Kirby ils apprennent que ce dernier n’a pas été revu depuis bien longtemps. Voilà donc la patrouille repartie à sa rencontre au milieu de paysages hostiles et désertiques, Billings décidé à porter le traité lui-même si jamais ils ne le croisent pas en route. Le détachement est accompagné dans sa mission par Taslik (Keith Larsen), le fils du chef indien qui a accepté de les guider jusqu’au campement de son père. Mais les spectateurs que nous sommes savons déjà dès la séquence pré-générique du film que Kirby a été scalpé par Taslik. Ce dernier semble vouloir conduire les Tuniques Bleues dans un piège, ce qui parait se confirmer par la présence cachée de sa sœur (Joan Taylor) aux alentours, sa complice des exactions commises au tout début de cette histoire…

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Un western militaire ‘survival’ comme on en a connu quelques-uns à cette époque, tous en quelque sorte calqués sur le modèle du film de John Ford du début des années 30, La Patrouille perdue (The Lost Patrol) dans lequel on suivait un groupe se faisant décimer au fur et à mesure de son avancée au sein d’une contrée rude et hostile, les dures conditions mettant à mal les nerfs et la santé physique et mentale des membres du détachement. Un sous-genre peu gratifiant par le fait de devoir maintenir une tension tout du long malgré la lenteur de la progression, la monotonie des arides paysages traversés ainsi qu'une sorte de systématisme vite ennuyeux consistant à faire disparaître un à un les membres du groupe par des manières différentes. D'ailleurs le film de John Ford tombait aussi à mon humble avis dans ces travers sans parvenir à captiver jusqu’au bout. La réussite du film de Selander est d’autant plus remarquable qu’il parvient au contraire 85 minutes durant à nous tenir en haleine malgré son budget très restreint et une mise en scène manquant quelque peu d’ampleur (il faut dire que le film a été tourné en seulement 10 jours).

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Malgré les apparences, aucuns spoilers dans le pitch qui précède cette critique car la séquence pré-générique qui nous plonge directement au cœur de l’action (au propre comme au figuré) place les spectateurs en avance sur les membres de la patrouille commandée par Robert "Elliot Ness" Stack en nous montrant d’emblée l’homme qu’ils recherchent se faire tuer par l’indien qui va se proposer d’aider les soldats à les conduire jusqu’à lui. Il nous est donc clairement indiqué dès le départ que notre groupe de soldats fonce sans ambages dans la gueule du loup puisque convoyé par leur pire ennemi sans qu’ils le sachent, un guerrier indien nihiliste qui ne croit plus ni à la parole des blancs ni à aucuns traités de paix. Un film qui débutait par une séquence pré-générique ce n’était déjà pas banal pour l’époque ; et lorsque celle-ci entre directement dans le vif du sujet, sans paroles mais uniquement en actions d’une rare brutalité, en ce début des 50’s ce fut sûrement encore plus surprenant qu’à tomber dessus aujourd’hui. Une scène que n’aurait certainement pas renié un Samuel Fuller ou un Robert Aldrich.

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Le film démarre donc en trombe par cette séquence mouvementée toute en tension, le sauvage conflit qui oppose en plein désert deux indiens (dont une femme) et deux hommes blancs qui se terminera par la mort des blancs, l’indien venant prendre le scalp d’un des deux cadavres alors qu’apparaît à l’écran en grosses lettres rouges sanglantes War Paint, le titre du film original que nous préférerons une fois encore au titre français peu en accord avec le récit. A une question d’un des soldats à l’indien lui demandant si ce ne seraient pas des peintures de guerre qu’il arbore sur son visage, celui-ci lui rétorque que oui mais lui fait remarquer qu’eux aussi portent des tenues de guerre (l’uniforme des soldats de l’Union). Un postulat de départ donc très simple qui voit d’un côté des soldats envoyés porter un traité de paix à un chef indien, de l’autre les enfants de ce dernier qui ne se sentent pas dupes, qui ne veulent pas une fois encore se faire humilier par les hommes blancs et leurs mensonges et qui vont tout mettre en œuvre afin que le traité n’arrive pas au campement ; pour se faire devant éliminer tous les membres de la troupe. Ils seront bien évidements grandement aidés par la nature hostile qu’ils doivent affronter et traverser, le manque d’eau, la fatigue et la chaleur suffocante allant causer bien plus de dégâts que ne l’aurait fait une simple tuerie, les soldats allant parfois même se transformer en monstres pour pouvoir survivre, pour cause de souffrances, de trop grandes privations ou encore et toujours pour l’attrait de l’or.

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Ce dernier cas de figure fera bien rire avec force sarcasmes le personnage de l’indienne interprétée par la très belle Joan Taylor, le protagoniste le mieux écrit et le plus intrigant de cette histoire, le seul personnage féminin de ce récit, détonant dans le genre par sa fougue, son intelligence, sa lucidité et sa sauvagerie. Comme dans Fort Yuma peu après, une Indienne absolument pas soumise ou naïve mais fière et déterminée, qui ne croit plus à la parole des blancs, ne supporte pas leur pitié ni leur paternalisme, une femme forte et butée qui n’hésitera pas à employer tous les moyens pour empêcher la troupe d’arriver à bon port, ne faisant pas plus confiance à ce traité de paix qu’à la dizaine précédemment apportés. Les autres personnages possèdent pour certains eux aussi leurs zones d’ombres y compris le lieutenant Billings pourtant fidèle à ses hautes valeurs morales mais dont certains ont dû pâtir faute à sa trop grande rigidité et sa détermination butée, comme ses hommes parfois malmenés ainsi que son épouse qui semble l’avoir quitté pour avoir été un peu trop délaissée au profit de l’armée et de ses devoirs. Dommage que pour l’incarner, Robert Stack ne soit pas un comédien plus talentueux même s’il assure assez bien le job dans ce western. En revanche l’interprétation de Ketih Larsen dans le rôle de l’indien Taslik est très convaincante même si certains se plaindront que le comédien ne fasse pas plus indien que vous et moi.

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Dans ce War Paint, on trouve comme dans de nombreux des westerns de Selander, pas mal de petits d’éléments inhabituels (outre l’introduction et le personnage de l’indienne, le personnage du cartographe rarement vu dans un film du genre), un tournage presque entièrement en extérieurs (sauf pour les scènes nocturnes), quelques pistes de réflexions intéressantes sur le conflit indien, les points de vue de chaque camp et une violence assez inaccoutumée pour l’époque, celle-ci ayant d’ailleurs souvent fait réagir la censure. Bien évidemment, aujourd’hui tout cela paraîtra anodin mais les films de Selander étaient vraiment plus crus que la moyenne durant ces années-là, témoins aussi des personnages principaux souvent assez durs et malsains (celui joué ici par Peter Graves). War Paint est donc encore un western assez curieux malgré le fil directeur de l'intrigue d’une grande simplicité, le voyage à haut risque d’une colonne de la cavalerie américaine pour porter un traité de paix aux indiens à travers des territoires hostiles et désertiques, ceux en réalité de la célèbre Death Valley et ses paysages impressionnants de sauvage et aride nudité très bien utilisés par le chef opérateur Gordon Avil. Comme l’était Fort Osage l’année précédente, une des premières séries B pro-indienne aucunement paternaliste ni manichéenne avec ici encore un postulat de départ assez intéressant et - ce qui était assez culotté en l'occurrence pour ce film-ci - sans aucune romance malgré une femme magnifique parmi les personnages principaux. Encore un budget dérisoire et un nombre de personnages plus que restreint, des contraintes qu’arrivent à contourner de la plus belle des manières Selander et ses deux scénaristes, Richard Allan Simmons (Le Roi et 4 reines de Walsh) et Martin Berkeley (collaborateur régulier de Jack Arnold).

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Avec en à peine une trentaine d’années une centaine de westerns à son actif, dont beaucoup de "bandes" tournées à toute vitesse avec les héros de serials qu’étaient Hopalong Cassidy, Lone Ranger ou Kit Carson, le prolifique Lesley Selander en a certes réalisé quelques-uns de très mauvais mais il signa également d’autres petites pépites méconnues telles l'étonnant Shotgun, l'amusant Panhandle, le plaisant Tall Man Riding, l’efficace The Raiders ou encore le très sombre et passionnant Fort Osage, très belle réussite du western en faveur des natives regorgeant de détails insolites et bénéficiant d'un solide scénario. Plus je découvre de nouveaux films de Selander, plus je me dis avec une curiosité non dissimulée que sa filmographie doit encore contenir quelques titres assez jubilatoires, et que l’on a un peu trop vite eu tendance à classer le cinéaste parmi les tâcherons du genre. La preuve, dans leur livre sur la série B, Pascal Merigeau et Stéphane Bourgoin écrivaient du cinéaste : "On se demande pourquoi diable Selander aurait soudain réalisé un bon film. […] Selander, soyons justes, tourna tout de même autre chose que des westerns, mais avec un égal malheur..." La sortie du rare et méconnu - tout du moins en nos contrées - War Paint (La Loi du scalp) vient une fois encore démentir ce raccourci qui n’a vraiment pas lieu d’être lorsque l’on se met à défricher un peu plus consciemment la filmographie du bonhomme. Car s’il ne s’agit certes pas d’un chef d’œuvre méconnu du western, loin s’en faut, nous nous trouvons néanmoins devant une série B intelligente, efficace, nerveuse et de très honnête facture dont la découverte devrait en ravir plus d’un. Donc messieurs les éditeurs, n’hésitez pas à creuser ce sillon et par exemple Fort Osage serait le bienvenu lui aussi sur nos galettes numériques préférées. Merci par avance !
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Re: Lesley Selander (1900-1979)

Message par kiemavel »

Comme toi, le plus ancien film de Selander que j'ai vu date de 1948, c'est Panhandle/Le justicier de la Sierra mais avant celui là, il n'en avait pas réalisé une vingtaine comme tu l'affirmes, le véritable chiffre doit être plus proche de la cinquantaine. Je chipote mais le nombre exact, c'est juste...beaucoup. Je l'avait découvert jadis sur une copie diffusée sur une chaine allemande (WDR) qui offrait parfois des VF. Archhh Nostalgie ! Bref, c'était pas brillant mais c'était mieux que rien en attendant l'irruption du vengeur qui réabilite les vieux nanars (Sidonisssss), en tout cas ceux qui ont la réputation de l'être…et aussi ceux que Bertrand Tavernier et Jean-Pierre Coursodon avaient l'habitude d'éreinter dans les premières éditions du "bouquin". Or, il y a effectivement de bonnes petites pépites dans l'oeuvrette de Selander mais sur ses 140 films parmi lesquelles il doit y avoir au moins 95 % de westerns, il doit falloir faire du tri sélectif. Je n'en connais que 2 en dehors de son genre de prédilection, c'est Fort Algiers avec la belle Yvonne (qui n'était pas encore fort âgée mais le film est lui fort à…) et L'escadrille de l'enfer avec le grand Sterling. Il doit même être un des rares cinéastes de genre à ne pas avoir été sollicité pour participer à l'effort de guerre en y allant de son film pendant la WWII.

En dehors de ceux dont tu parles, on peut aussi voir chronologiquement, rien que pour les vf et vostf :
-Cavalry Scout avec Rod Cameron, Audrey Long, Jim Davis, James Arness et John Doucette (qui ne m'a laissé aucun souvenir)
-War Paint/La loi du scalp avec Robert Stack, Charles McGraw, Peter Graves et John Doucette…Visuellement splendide, tourné en couleur dans le désert. Intéressant mais il ne faut pas se tromper sur la marchandise : Il y avait plus d'indiens sur l'affiche qu'on en voit dans le film :P . Bref, figuration indigente et moyens dérisoires mais pour moi c'est un de ses meilleurs films.

D'autre part, je ne les connais pas mais presque tous les westerns de sa fin de carrière sont visibles avec sous titrages en français ou en vf…mais est ce bien raisonnable ?..Bien qu'on y retrouve de nombreuses vieilles gloires.

Les rebelles de l'Arizona/Arizona Bushwhackers avec Howard Keel, Yvonne de Carlo, Scott Brady, John Ireland, Brian Donlevy, Marilyn Maxwell
Fort Utah avec John Ireland, Virginia Mayo, John Russell et Scott Brady
The Texican avec Audie Murphy et Broderick Crawford
Convict Stage avec Don "Red" Barry

Par contre, je ne sais pas s'il s'agit de diffusion TV française plus ou moins ancienne ou du travail d'amateur. J'ajoute que Tall Man Riding/La furieuse chevauchée a aussi été diffusé sur ciné cinéma jadis. Tu mentionnes par ailleurs le DVD américain sur lequel on peut le retrouver en vo.

En dehors du western, j'ajoute un médiocre film d'aventures "modernes" se déroulant au début du 20ème siècle, Complot dans la jungle / The Royal African Rifles avec Louis Hayward, Michael Pate et Steven Gerray. Ce film est visible en VF car il avait été édité chez nous sur vhs.
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Re: Lesley Selander (1900-1979)

Message par Jeremy Fox »

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Re: Lesley Selander (1900-1979)

Message par Jeremy Fox »

Fort Osage, le western du WE, n'existe encore pas en DVD/BR ; si jamais ça pouvait donner des idées à certains éditeurs...
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Re: Lesley Selander (1900-1979)

Message par Kevin95 »

TOWN TAMER - Lesley Selander (1965) découverte

Western de série, produit dans des décors de télé avec moitié moins de budget qu'un épisode de The Wild Wild West et avec un casting dont la moyenne d'âge tourne autour de 60 piges. Le rêve d'Hollywood, Dana Andrews et les autres ont la mémoire qui flanche, l'œil vitreux et des piscines à payer. L'alcool est le véritable antagoniste du film tant Andrews a du mal à tenir debout ou à finir ses répliques mais vu que les seconds rôles sont aussi en train de cuver, on y voit que du feu. Sans ça, Town Tamer se regarde en épluchant les carottes. L'intro retrouve l'efficacité des séries B d'antan en compressant un trauma (soit la mort de la femme d'un shérif) en quelques minutes tandis que le final est correctement mené. Au milieu, une violence pas vraiment contenue puisque tout le monde passe son temps à se mettre sur la pomme. C'en est même fascinant de voir ces vieux messieurs s'injurier, se menacer ou se cogner à longueur de film, comme le signe d'un genre (le western B) à bout de souffle, ridicule sur bien des aspects, monstrueux sur d'autres. Le réalisateur - Lesley Selander - cadre, champ/contre-champs, rideau. La fatigue du film lui donne une personnalité pour ne pas dire un intérêt, s'il passe sur Paramount Channel et que les DVD sont dans les cartons, une vision rapide peut être conseillée.
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Re: Lesley Selander (1900-1979)

Message par Jeremy Fox »

Kevin95 a écrit : Le réalisateur - Lesley Selander - cadre, champ/contre-champs, rideau. .

Ca c'est surtout dans les années 60 ; la décennie précédente il est l'auteur de quelques petites pépites :wink: ... mais aussi de quelques navets.
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Re: Lesley Selander (1900-1979)

Message par Kevin95 »

Jeremy Fox a écrit :
Kevin95 a écrit : Le réalisateur - Lesley Selander - cadre, champ/contre-champs, rideau. .

Ca c'est surtout dans les années 60 ; la décennie précédente il est l'auteur de quelques petites pépites :wink: ... mais aussi de quelques navets.
Faut que je fasse gaffe quoi.
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