Julien Duvivier (1896-1967)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Profondo Rosso
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Re: Julien Duvivier (1896-1967)

Message par Profondo Rosso »

Federico a écrit : On y sent toute la noirceur et le pessimisme liés à l'expérience récente de la guerre (à vrai dire déjà présents chez le Clouzot du Corbeau).


Oui c'est carrément ça avec ce même sentiment de malveillance ordinaire de monsieur tout le monde c'est assez glaçant, et encore Duvivier n'a pas fait de Hire un juif comme chez Simenon ça aurait été encore plus désespéré vu le contexte...
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Re: Julien Duvivier (1896-1967)

Message par Federico »

Profondo Rosso a écrit :
Federico a écrit : On y sent toute la noirceur et le pessimisme liés à l'expérience récente de la guerre (à vrai dire déjà présents chez le Clouzot du Corbeau).

Oui c'est carrément ça avec ce même sentiment de malveillance ordinaire de monsieur tout le monde c'est assez glaçant, et encore Duvivier n'a pas fait de Hire un juif comme chez Simenon ça aurait été encore plus désespéré vu le contexte...

Je n'ai pas lu le livre de Simenon mais j'avais cru deviner cette possibilité en voyant le film tant Simon est montré du doigt par tous ces "braves gens" prêts à le dénoncer (même si le roman date de 1933).
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Profondo Rosso
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Re: Julien Duvivier (1896-1967)

Message par Profondo Rosso »

Pépé le Moko (1937)

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La police cherche à coincer le caïd de la pègre parisienne Pépé le Moko, réfugié dans la Casbah d'Alger avec sa bande. Il y est intouchable, mais ne peut en sortir sans se faire arrêter. Sa vie bascule le jour où il tombe amoureux de Gaby, une jeune femme demi-mondaine, entretenue par un homme riche, passée là en touriste, représentant tout ce que la Casbah n'est pas : parisienne et sophistiquée. Cette relation est jalousée par Inès, maîtresse de Pépé. L'inspecteur Slimane, lui, suit tout cela très attentivement : il compte sur les conséquences de ce triangle amoureux pour faire sortir le caïd de sa planque.

Un des chef d'œuvre de Duvivier et un des films majeurs du réalisme poétique français qui porte au plus haut cette tonalité de mélodrame tragique, ce romantisme désespéré et cette dimension de l'échec. Duvivier (adaptant le roman d'Henri La Barthe) offre ainsi une poignante et captivante marche en avant vers cet échec. Tout est déjà dans la scène d'ouverture qui mêle inexorablement le destin de Pépé (Jean Gabin) à cette tentaculaire Casbah d'Alger. Bien avant son apparition à l'écran Pépé est baigné d'une aura mythologique à travers le portrait de truand chevronné et insaisissable des policiers qui le pourchasse, et la Casbah est son royaume. Par sa description pittoresque, ses ruelles tortueuses, sa population grouillante et cosmopolite, sa beauté et sa laideur, la casbah est un monde à part dont Pépé est le maître. Une première péripétie où il se joue d'une embuscade, séduit la mondaine Gaby (Mireille Balin) et s'enfuit avec une nonchalante prestance.

On le comprendra pourtant assez vite, ce royaume est aussi une prison pour Pépé terré là depuis 2 ans et sachant que la police l'attends dès qu'il cherchera à quitter la casbah. Duvivier amène progressivement la dimension oppressante de ce cadre, d'abord narrativement en isolant son héros peu à peu isolé sous différentes formes : la trahison avec des indicateurs rêvant de s'enrichir en le vendant à la police, l'amitié où la seule figure innocente tombera justement sous le coup d'une manipulation et bien sûr la nostalgie de l'ailleurs, de chez lui, de Paname. Sous ses dehors de vrai truand implacable, Gabin incarne en effet une figure romantique honnête à sa manière et fidèle en amitié dont la raison et la volonté vacille peu à peu face à l'horizon constamment bouchée de la fourmilière que forme le souk. Il faut ainsi les rares échappées sur les toits pour apercevoir un bout de ciel et lorsque l'on pourra enfin apprécier les grands espaces et cet environnement marin en conclusion, cette brève respiration sera cruellement récompensée. Le décor façonné dans les studios Pathé Cinéma (les quelques extérieurs étant tourné à Sète et à Marseille) contribue grandement à cette facette étouffante et cauchemardesque de la casbah, vraie extension mentale du mal être de Pépé.

L'amour et le mal du pays s'incarne donc à travers Gaby et la belle romance qui se nouera avec Pépé. Cela fonctionne d'ailleurs dans les deux sens, la gouaille de Gabin ramène Gaby à une jeunesse loin de son présent de femme entretenue et dépendante, tandis que la prestance et l'élégance de celle-ci dénote avec la poussière de la casbah. Les magnifiques dialogues d'Henri Jeanson ornent cette facette de la plus belle façon tel ce moment où Gabin avoue à Muriel Balin qu'avec elle il entend presque le bruit du métro, rustre et touchant. Cette nostalgie s'exprime de manière plus sous-jacente et tout aussi poétique lorsque le personnage la chanteuse déchue jouée par Fréhel (quasiment dans son propre rôle et tout aussi oublié à l'éoque du film) entonne un air évoquant sa gloire passée tandis que le portrait de sa beauté disparue trône à l'image.. Le film de gangsters truffé de mines patibulaires (chaque acolytes étant caractérisés par un tic notamment la brute épaisse et cupide incarné par Gabriel Gabrio) amorcé au départ, la course poursuite avec les flics tenaces, tout cela s'estompe peu à peu au profit de cette courte et passionnée évasion par les sentiments. C'est un être à l'image de cette sinueuse et imprévisible casbah qui nous ramène au réel avec le rusé et manipulateur inspecteur Slimane (excellent Lucas Gridoux), vrai maître du jeu. Le manichéisme de la terre étrangère hostile est atténué par l'amoureuse délaissée Inès (Line Noro), refuge et prison pour Gabin qu'elle sauve puis cause la perte finale.

La conclusion est un summum inoubliable de tragédie, le regard embué de Pépé, Gaby ne le voyant pas et un dernier adieu que les circonstances cruelles rendent impossible. Puissant. 6/6
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Re: Julien Duvivier (1896-1967)

Message par Music Man »

Un film que j'ai toujours adoré. Merci encore pour ta critique entièrement partagée. :D
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Profondo Rosso
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Re: Julien Duvivier (1896-1967)

Message par Profondo Rosso »

Obsessions (1943)

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Une des belles réussites de la période américaine de Julien Duvivier qui signait là son deuxième film à sketch d'affilée après Tales of Manhattan réalisé pour la Fox l'année précédente. Duvivier se trouve pleinement dans son élément ici à travers trois sketch dont les sources d'inspiration diverses (des scénarios originaux se mêlant à une adaptation de la nouvelle d'Oscar Wilde Le Crime de Lord Arthur Savile pour le deuxième sketch) forment un tout cohérent autour du thème de la destinée, source de bonheur ou de tourments pour qui sait se détacher ou se soumettre à la connaissance qu'il en aura au cours des différentes histoire. L'argument de départ tient dans la rencontre de deux amis à leur club, l'un (Robert Benchley) confiant à l'autre son trouble. La veille, une voyante lui a prédit qu'il agirait d'une certaine façon tandis que dans la nuit un rêve prémonitoire le montrait faire l'exact contraire. Son ami va donc lui faire lire trois histoires qui vont le guider dans son dilemme. Les trois sketches se tiennent plutôt tous bien, les deux premiers captivant par leur esthétique et atmosphère tandis que l'émotion sera au rendez-vous surtout dans le troisième.

La première histoire se déroule à la Nouvelle Orléans en plein Mardi Gras. La jeune Henrietta (Betty Field) n'est pas de la fête, rongée par la solitude et la rancœur. Son physique disgracieux la complexe et la noie dans la haine et la solitude, à contempler son voisin étudiant (Robert Cummings) dont elle est amoureuse et qui ne la voit pas. Un être mystérieux lui donne alors un masque sous lequel elle paraîtra belle aux autres, le charme s'estompant le matin. Ambiance nocturne envoutante où l'animation, les farandoles et les costumes de ce Mardi Gras prennent des tours de rêve éveillé et de pure féérie. Ce foisonnement visuel s'estompe progressivement pour laisser se découvrir et s'aimer les deux amoureux fraîchement rencontrés. Betty Field (dont l'allure masquée annonce Les Yeux sans visages) au jeu volontairement forcé au départ avec ce maquillage l'enlaidissant finit par exprimer une fragilité et une retenue surprenante une fois masquée, l'émotion fonctionnant par sa voix douce, ses regards et sa gestuelle délicate. Enfin préoccupée de l'autre et plus de son propre mal être, Henrietta va enfin découvrir qu'elle peut être belle. Joli moment.

La deuxième histoire voit l'avocat Marshall Tyler (Edward G. Robinson) victime d'une prédiction du voyant Podgers (Thomas Mitchell) lui annonçant qu'il commettra un meurtre. Perturbé par la nouvelle, Tyler cherche à devancer l'évènement et à commettre un crime, sans succès jusqu'à la pirouette finale. Le déroulement est attendu mais Duvivier instaure une ambiance gothique oppressante avec les jeux d'ombres fabuleux de la photo de Stanley Cortez et des décors conçus par Robert Boyle. Edward G. Robinson livre une savoureuse prestation schizophrène.

La transition se fait à même le récit précédent pour amorcer le dernier sketch. Charles Boyer est un funambule victime d'un rêve prémonitoire avant son numéro où il chute à au cri d'une femme ayant les traits de Barbara Stanwyck. Il finira par la rencontrer en chemin pour sa prochaine prestation à Londres. Barbara Stanwyck dégage charme, mystère et fragilité avec son brio habituel et forme un beau couple avec un Charles Boyer parfait de séduction. Le sketch résume bien la thématique du film avec cette menace planant sur le couple s'il demeure ensemble, la soumission au destin se confrontant aux sentiments dans un magnifique dilemme. Au passage Duvivier réalise une jolie prouesse visuelle pour illustrer le numéro virtuose de Boyer. La finale séparation finale est très touchante et fait définitivement de ce segment le meilleur du film.

Un quatrième sketch fut d'ailleurs coupé au montage le mort découvert dans la première histoire en étant issu, tueur emporté dans une tornade et ayant échoué là. Universal préféra couper cette partie pourtant coûteuse mais recyclé dans une autre production Universal. 4,5/6
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Commissaire Juve
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Re: Julien Duvivier (1896-1967)

Message par Commissaire Juve »

Joe Wilson a écrit :Voici le temps des assassins

J'ai été très touché par une magnifique entame de film noir, qui prend le temps de s'attacher à un lieu, à des personnages, en révélant peu à peu des fêlures qui ne pourront qu'être source de destruction. La relation d'apparence filiale entre Jean Gabin et Danièle Delorme (se teinte de non-dits, de regrets, et les rouages d'une machination se mettent en place avec fatalité.
La deuxième partie me semble plus faible car trop dépendante de multiples rebondissements. A partir du moment où le visage de chaque protagoniste est mis à nu, Duvivier ne parvient pas à soutenir une intensité et conserver une sensibilité. Il privilégie la grandiloquence à l'intimité jusqu'à un final éprouvant, frôlant l'excès dans sa dimension spectaculaire.
Tiens, ben justement...

Cette nuit, pas moyen de roupiller. Je me suis enchaîné plusieurs films, dont "Cécile est morte", "Maigret voit rouge", "Voici le temps des assassins" et "Chiens perdus sans collier".

Voici le temps des assassins fait partie de ces films -- comme "Le miroir à deux faces" -- que je trouve difficiles à revoir. Pas tant parce que les méchants y sont bien méchants, mais parce que les gentils s'y font rouler de façon embarrassante (dans "Voici le temps...", difficile de ne pas être embarrassé pour Gabin... et aussi pour Gérard Blain) et qu'ont sort de toute l'aventure avec une bonne sensation de malaise. J'ai quand même été jusqu'au bout et je n'ai pas été mécontent de m'être fait violence.

J'avais oublié à quel point le personnage de Danielle Delorme était noir (elle est carrément habitée par le Mal... c'est "Damien la malédiction" avant l'heure). J'ai vu pas mal de films français de la période et j'aurais du mal à citer d'autres personnages aussi "perfide" (perfidie d'autant plus saisissante qu'elle est dissimulée sous un physique d'oie blanche à qui on donnerait le bon Dieu sans confession). Le premier exemple qui me vienne à l'esprit est celui des deux femmes de "Manèges" (Allégret, 1950).

Pas mal, aussi, le numéro de fouet de Germaine Kerjean.

Le seul truc qui laisse dubitatif, c'est le chien. Un choix bizarre et un jeu trop approximatif. :mrgreen: Avec un malinois, ça aurait déjà été plus crédible.

PS : dernièrement, sur IMDb, j'ai vu un commentaire écrit par une féministe furibarde parce que "Les anciens de Saint-Loup" (1950) était trop misogyne à son goût. Eh bien, là, elle serait servie ! :mrgreen:
Dernière modification par Commissaire Juve le 27 juin 13, 18:13, modifié 1 fois.
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cinephage
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Re: Julien Duvivier (1896-1967)

Message par cinephage »

Commissaire Juve a écrit : Le seul truc qui laisse dubitatif, c'est le chien. Un choix bizarre et un jeu trop approximatif. :mrgreen: Avec un malinois, ça aurait déjà été plus crédible.
Il faut dire qu'il aime bien ça, le Duvivier. Dans sous le ciel de Paris,
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il y a une petite vieille qui manque se faire bouffer par ses chats.
Il a dû avoir des animaux domestiques, le Julien, quand ils t'accueillent le soir en guettant l'écuelle, il y a de quoi nourrir l'imagination... :mrgreen:
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Re: Julien Duvivier (1896-1967)

Message par Supfiction »

J'ai pour ambition de compléter quelque-peu ma connaissance de la filmo de Julien DUvivier.
Premier film aujourd'hui, Tales of Manhattan, une bien belle réussite!
Supfiction a écrit :Une touche de Guitry (essentiellement pour le premier sketch), une pincée de Lubitsch (le second) et une grosse louche de Capra pour le reste, Duvivier réussit un film à sketchs absolument parfait !

Je dois dire que le genre du film à sketchs n'est pas ma tasse de thé car la plupart du temps, je trouve que l'on a soit pas le temps de s'attacher aux personnages ou que lorsque c'est le cas, on doit trop vite les quitter à regret. C'est ce deuxième cas de figure pour ce film où j'aurai notamment voulu suivre davantage Henry Fonda et Ginger Rogers (le segment que je préfère, il est vraiment dommage d'ailleurs que ces deux-là n'aient pas fait d'autres comédies ensemble tant l'alchimie fonctionne bien entre eux, il faut voir Ginger faire rugir Henry Fonda comme un petit lionceau pour se moquer de lui) ou Rita Hayworth et Charles Boyer qui forment eux, un beau couple dramatique (avec un Thomas Mitchell inquiétant, une fois n'est pas coutume, magnifiquement filmé dans l'ombre).
Edward G. Robinson est également formidable et je crois que je ne connais personne capable de jouer si bien les perdants, quand il ne joue pas à l'opposé les gros pontes mafieux ou capitalistes.

Avec ce casting démentiel (auquel il faut ajouter Charles Laughton également excellent ainsi que tant d'autres second rôles de qualité), Julien Duvivier a véritablement été gâté pour son exil américain!

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Re: Julien Duvivier (1896-1967)

Message par francesco »

C'est bien : tu te prépares pour Lydia ! :mrgreen:
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Re: Julien Duvivier (1896-1967)

Message par Commissaire Juve »

Simple copié-collé à partir du topic "la critique autrefois".

Attention, ça spoile !

"Pépé le Moko" vu du temps de la guerre d'Algérie.
Canard enchaîné du 2 juillet 1958

Pépé le Moko

Bon sang ! ce diable de Duvivier avait bien du talent du temps -- comme dirait la Palice -- qu'il en avait encore. Ce "Pépé le Moko" conserve son arôme après bientôt vingt-quatre ans passés (sic), qui n'ont fait que le bonifier en vieillissant. C'est un subtil moka, ce Moko-là, et qui ne s'évente ni ne se refroidit malgré sa mort tragique, cet inoubliable hara-kiri contre les grilles du port où il vient de se faire pincer.

Et je dois dire que ce qu'on est convenu, à la R.T.F, d'appeler "les événements d'Algérie" et non pas, comme il le faudrait, la guerre coloniale poursuivie par la France en Afrique du Nord, donnent à cette intrigue tout entière située dans la Casbah une résonance nouvelle et très forte. Car, au fond, la vraie réconciliation franco-musulmane n'est pas celle opérée par les paras, qui chargent à coups de botte des Arabes dans leurs camions pour les "prier" d'aller manifester leur amitié pour la France sur le Forum ; ce serait bien plutôt celle de ces "ratons" cachant, au risque de leur vie, un repris de justice qui serait doublement repris s'il descendait dans la Ville Blanche.

Inutile de rappeler ici les séquences majeures de ce grand film au dialogue étincelant d'Henri Jeanson. Tout le monde les a encore présentes à la mémoire, et ceux qui n'ont pas vu Pépé le Moko doivent y courir dans l'un des six cinémas qui eurent la bonne idée de le programmer. Citons quand même l'exécution de Charpin près du piano mécanique ; l'évocation de Pigalle et de l'odeur du métro dans la chambre de la chère et pauvre Fréhel ; l'érotisme constant des scènes traversées ou jouées par Mireille Balin (bien supérieure à Heddy Lamarr qui, vedette d' "Extase" pourtant, ne réussit jamais à nous troubler autant dans ce "remake" américain de "Pépé le Moko" qui s'appela "Casbah" avec Charles Boyer). Et puis, surtout, il y a Gabin, souple félin aux yeux clairs, aux tendresses bourrues et aux colères contenues jusqu'à leurs irrésistible explosion. Un Gabin qui doit avoir mal au coeur de s'aller revoir sur l'écran. Le Gabin du meilleur Duvivier, celui de "La Belle Equipe". Il faut le voir dévaler les rues en pente de la Casbah ou bien fumer cigarette sur cigarette en rêvant de son Paname que chaque inflexion de sa propre voix lui rappelle cruellement.

Oui, vraiment, Duvivier avait fait là du bon, de l'excellent travail.

Que se passe-t-il donc pour que le cinéma français des années 50-60 ne puisse (à part Bresson, Autant-Lara et parfois René Clair) absolument pas se comparer au cinéma français des années 30-40 ; celui de Renoir, de Duvivier, de Carné, de Feyder, de Clair et de quelques autres dont vous vous souvenez bien ?

Il se passe ceci : l'argent et le mythe des vedettes pourrissent tout.

Henry Magnan.
En dehors du "le cinéma français fout le camp, c'était mieux avant" ( :mrgreen: ), on voit que le mot "remake" existait déjà.
Enfin : le "24 ans passés"... ça nous donne une sortie en 1934 ! :uhuh:
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Re: Julien Duvivier (1896-1967)

Message par Flavia »

La Tête d'un Homme (1932)

Mis à part Harry Baur dans la peau de Maigret assez convaincant, quelle déception, le film m'a semblé interminable, sans parler du jeu limité des acteurs qui ne semblent vraiment pas à l'aise face à la caméra (Gina Manès Coucou Tommy :mrgreen:). Le pompon, c'est le niveau sonore assourdissant lors de certaines scènes qui n'arrange rien (j'ai loupé certains dialogues :mrgreen:), maintenant, j'espère sincèrement être agréablement surprise par les prochains Duvivier mettant en vedette Harry Baur.
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Re: Julien Duvivier (1896-1967)

Message par Tommy Udo »

Flavia a écrit :La Tête d'un Homme (1932)

Mis à part Harry Baur dans la peau de Maigret assez convaincant, quelle déception, le film m'a semblé interminable, sans parler du jeu limité des acteurs qui ne semblent vraiment pas à l'aise face à la caméra (Gina Manès Coucou Tommy :mrgreen:). Le pompon, c'est le niveau sonore assourdissant lors de certaines scènes qui n'arrange rien (j'ai loupé certains dialogues :mrgreen:), maintenant, j'espère sincèrement être agréablement surprise par les prochains Duvivier mettant en vedette Harry Baur.
C'est vrai que Gina Manès, c'est une catastrophe. Et il n'y a pas que dans LA TÊTE D'UN HOMME... :mrgreen:
Je crois que tu seras agréablement surprise par DAVID GOLDER. C'est nettement mieux :wink:
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Re: Julien Duvivier (1896-1967)

Message par Flavia »

Je vois qu'elle est dans Mollenard, ça va être un régal :mrgreen:, j'ai confiance pour les autres Duvivier.
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Re: Julien Duvivier (1896-1967)

Message par Tommy Udo »

Flavia a écrit :Je vois qu'elle est dans Mollenard, ça va être un régal :mrgreen:, j'ai confiance pour les autres Duvivier.
Oui, mais c'est un tout petit rôle. Elle n'a pas le temps de gâcher le film :mrgreen:
Et puis, il y a l'excellente Gabrielle Dorziat^^
Un très bon siodmak :wink:
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Re: Julien Duvivier (1896-1967)

Message par Flavia »

Tommy Udo a écrit : C'est vrai que Gina Manès, c'est une catastrophe. Et il n'y a pas que dans LA TÊTE D'UN HOMME... :mrgreen:
Je crois que tu seras agréablement surprise par DAVID GOLDER. C'est nettement mieux :wink:
C'est ballot, je l'ai pas celui-là :mrgreen: le prochain, sans doute, Le Golem.
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