Thaddeus a écrit :Je me demande ce qu'un sondage révélerait aujourd'hui sur la pérennité de ce film, deux ans après sa sortie. Car il avait provoqué une petite hystérie quand même, et été élevé au rang de classique instantané par bien des cercles cinéphiles. Encore un phénomène qui m'a échappé.
Sans vouloir mettre de l'eau à ton moulin, de mon côté les deux révisions du film - que j'avais franchement apprécié lors de sa sortie - ont relativisé cet enthousiasme. Quelque part,
Only God forgives est venu "clarifier" les choses, en prolongeant et en accentuant les inclinations montrées par Refn sur
Drive. Comme je l'écrivais l'année dernière,
Drive gagne indéniablement à être vu sur grand écran, mais surtout, malgré son exécution suprêmement racée, le film m'a semblé cette fois plus artificiel : comme je le redoutais je suis de moins en moins sensible à cette fascination générale du film pour son personnage mutique et impassible. L'iconisation a fait son effet lors de la découverte mais elle se révèle progressivement peu impliquante émotionnellement, au final. Et laisse potentiellement apparaître les limites du film. Cela reste néanmoins un polar superbement troussé.
D'ailleurs j'aimerais revenir sur un truc. Pas très important mais bon... Ironiquement, j'avais associé la conception du personnage de Gosling à celle du Samouraï de Delon, trouvant que leur aspect fantasmatique, abstrait, était prompt à fasciner mais aussi à cacher des facilités d'écriture (d'ailleurs une des sources d'inspiration de Refn est
The driver, film qui était lui-même sous influence melvillienne). Mais pour avoir revu le film de Melville assez récemment, la fascination du film pour le professionnalisme et l'économie de Delon n'empêche finalement pas l'empathie ni le relief du personnage, contrairement à ce que je ressens maintenant envers le "Driver". Les univers de Melville et de Refn sont tous deux référencés, mais celui de Refn dépasse pour moi difficilement l'exercice de style car il reste dans une imagerie de surface, dans une approche très fonctionnelle et donc peu incarnée des personnages, là où celui de Melville est justement sublimé par sa puissance morale (les principes et les codes avec lesquels ne transigent aucun personnage, ainsi "humanisés").