Robert Mulligan (1925-2008)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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AtCloseRange
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Re: Robert Mulligan (1925-2008)

Message par AtCloseRange »

Ratatouille a écrit :
AtCloseRange a écrit :Un petit up pour la diffusion d'Escalier Interdit sur Classic ce soir.
C'est bien ?
Par principe (parce que c'est du Mulligan), je l'enregistre quand même, de toute façon.
J'en dit beaucoup de bien sur la page précédente.

EDIT: dammit, la page a changé...
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Demi-Lune
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Re: Re:

Message par Demi-Lune »

AtCloseRange a écrit :
Nestor Almendros a écrit :ESCALIER INTERDIT (UP THE DOWN STAIRCASE) - 1967 - produit par Alan J. Pakula

Gros coup de coeur!
Impossible de ne pas penser, au début, à GRAINE DE VIOLENCE de Richard Brooks. On est dans une thématique très proche (le prof qui débarque dans un lycée difficile). Le spectateur du Brooks peut, en plus, se faire son propre bilan, car l'action se déroule 12 ans plus tard. Il y a bien sûr de nombreux points qui ne varient pas forcément (certains élèves à problème, etc.) mais très vite le scénario s'imprègne fortement d'une réflexion à plusieurs niveaux, tant sur l'appareil éducatif américain que sur le métier de professeur et son rapport avec les élèves. Et finalement, on retrouve ainsi de nombreux parrallèles avec la Palme d'Or de Cantet.

Le premier c'est que le film est raconté du point de vue de l'héroine (la prof). On ne quitte jamais l'enceinte de l'école (tout au plus une rue adjacente). On la suit aussi dans une réunion de profs ou une réunion avec les parents d'élèves. En fait, on découvre avec elle son lieu de travail. Le début du film est assez intéressant, d'ailleurs, puisque parallèlement à son premier cours (forcément bâclé à cause de la turbulence des élèves), le film montre en même temps un constat alarmant du travail de l'Etat sur l'éducation: peu de ménage, livres qui arrivent très en retard, pas de matériel - craies, chaises, etc. - salles endomagées (vitres cassées). C'est la prof qui, le 2e jour apporte une balayette et des craies qu'elle a achetés elle-même! Cette première partie montre aussi le fonctionnement du lycée, ses règles administratives incohérentes (classements abérrants des dossiers de l'éducatrice, ou des cours interchangés de façon incompréhensive), sa presque vie d'usine (les profs qui pointent). L'impression qui ressort n'est pas très positive: manque de moyens, règles inappropriées (l'infirmière qui n'a pas le droit de toucher les élèves), autorité contraignante (le surveillant général qui ne jure que par le répressif). Là aussi l'argument des sanctions est sujet à réflexion. 40 ans plus tard, le constat n'a pas beaucoup varié.

Il y a également une jolie description du travail de professeur, celui d'intéresser les élèves, de les faire participer. Et, plus approfondi, le rapport avec eux, de maitre à élève et de personne à personne. Le casting joue beaucoup là-dessus, grâce à Sandy Dennis au physique frêle et angélique qui, malgré tout, parvient à se faire respecter mais qui subit aussi des tensions (physiques ou sexuelles). On n'oublie pas d'intégrer dans le récit des notions raciales, sociales sur l'environnement de ces élèves (l'un s'est marié, un autre travaille la nuit, etc.).

Globalement, d'ailleurs, j'ai failli oublier d'en parler, le film garde fortement un aspect réaliste et documentaire. A part peut-être quelques scènes de classe tournées en studio (en partie, pour ne pas que ça se sente trop), la majorité du film est tourné dans un vrai lycée. Mulligan choisit une caméra très mobile, parfois à l'épaule, souvent sur dolly. Avec des partis-pris narratifs parfois pertinents: au début, quand la prof arrive dans son lycée, les élèves sont représentés comme une masse grouillante, hurlante, un flot de jeunesse indomptable. Le film, par la suite, d'ailleurs, évitera de montrer en grande partie l'apprivoisement des élèves par la jeune prof (passage attendu, qui ici n'est pas le plus important).

Bref j'ai beaucoup aimé.
Je suis d'accord en tout point avec Nestor.
Une très jolie réussite et un des meilleurs films sur le sujet de l'éducation (avec le Cantet justement). Mulligan trouve le juste équilibre et évite le manichéisme évitant d'un côté le constat fataliste et de l'autre l'angélisme.
Sandy Dennis y est magnifique. il va falloir que je creuse sa filmo.
Pareil, film remarquable.
Typiquement le genre de films à mettre en lumière dans un Top alternatif. Je vais l'ajouter au mien.
Federico
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Re: Robert Mulligan (1925-2008)

Message par Federico »

Prisonnier de la peur (Fear strikes out) - 1957)

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Pour son premier long-métrage après plusieurs années de formation à la télévision, Mulligan s'est vu confier (le couteau sous la gorge ?) le biopic de Jimmy Piersall, un joueur de baseball des années 50 dont le parcours erratique avait déjà fait l'objet d'un téléfilm deux ans plus tôt. Incarné par Anthony Perkins, il montre un jeune homme doué mais très perturbé, subissant depuis l'enfance la pression d'un père rêvant d'un fils champion et qui alors qu'il a enfin réussi à intégrer la prestigieuse équipe des Red Sox de Boston péta les plombs en plein match pour finir en HP, dépressif et schizophrène avant de revenir (avec succès) sur le terrain. Bref : l'archétype du biopic édifiant comme l'aiment les Américains.

Et le résultant est chiantissime, énième méfait du "based on a true story". Je ne sais pas si c'est parce que le décidément bien gauche(r) Perkins dut s'entraîner à jouer de la main droite comme son modèle mais je ne suis pas parvenu une seconde à m'intéresser à son cas, pas plus qu'à ses relations avec son père pourtant interprété par le grand Karl Malden. Ni avec sa fiancée puis jeune épouse, plus transparente qu'une présentatrice de pub lessivière. Ni enfin avec son compréhensif psychiatre interprété par Adam Williams (ça fait bizarre de voir dans ce rôle cet habitué des emplois de bad guy qui fut entre autre Larry Gordon, le complice de Lee Marvin dans Règlement de comptes et l'un des hommes de main de James Mason dans La mort aux trousses).

Autant dire qu'il est très difficile d'entrevoir la patte du grand et très sensible réalisateur que deviendra Mulligan (pour cela, il faudra attendre le film suivant, Les pièges de Broadway en 1960).

Une seule séquence m'a fait lever un sourcil, malheureusement au tout début, quand le père propose à son gamin d'échanger quelques lancers. Séquence cruelle où l'adulte inconscient de sa force ne réalise pas que chaque choc dans le gant de son fils lui fait serrer les dents. Le garçon doit profiter d'une balle perdue pour s'isoler et gémir de douleur hors du regard paternel.

Petit élément original : alors qu'en général les biopics de sportifs attendent que ceux-ci soient retraités (ou morts), le véritable Jimmy Piersall était non seulement encore sur les terrains mais joua jusqu'en 1967. Les faits dramatiques relatés dans le film (qu'il n'aima pas du tout) s'étaient déroulés au début de sa carrière en 1952.

A noter que le film fut produit par un autre débutant : Alan J. Pakula, qui par la suite produira plusieurs autres (mais grands, eux) films de Mulligan avant de passer à la réalisation.
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Re: Robert Mulligan (1925-2008)

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nobody smith
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Re: Robert Mulligan (1925-2008)

Message par nobody smith »

Vu Baby The Rain Must Fall hier soir. Depuis le choc procuré par To Kill A Mockingbird, je me retrouvais dans une situation compliquée vis-à-vis du cinéma de Robert Mulligan. Un Eté 42 et The Nickel Ride ont été des films plaisants à découvrir mais j’étais loin d’y voir les chefs d’œuvre vantés par d’autres. Je commençais à me demander si je retrouverais un Mulligan capable de mettre K.O. comme To Kill A Mockingbird. Baby The Rain Must Fall ne changera pas la donne mais ça s'en rapproche déjà plus que les deux autres films cités. Sur un thème assez classique (la réinsertion d’un ancien taulard libéré sur parole), Mulligan évite de prendre des chemins un trop prévisibles. Ça semble pourtant le cas lors de sa première partie avec ses personnages portés par l’espoir de se construire une nouvelle vie. Si l’histoire va inévitablement se diriger vers le désenchantement derrière cet optimisme, elle évite de virer au dossier social. Mulligan ne joue par la carte d’une société s’acharnant sur ses anciens détenus et préfère laisser en retrait les institutions. Le réalisateur s’attache aux actions des différents protagonistes et à les dépeindre dans toutes leurs nuances. Par ce travail, il se crée un attachement fort envers ces personnages. Celui-ci est largement alimenté par la qualité du casting et les nombreuses idées de mise en scène. J’ai notamment été étonné que le drame se permette dans sa réalisation des débordements limite horrifiques. Dans la manière dont le personnage de la mère adoptive reste principalement hors champ et la façon d’aborder sa maison ou son intérieur, le film est à deux doigts de virer du côté d'un Psycho. Je crois que c’est précisément le genre de chose qui m’a fait tomber sous le charme.
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Re: Robert Mulligan (1925-2008)

Message par Chapichapo »

Vu à sa sortie dans une diffusion discrète "The nickel ride", qui proposait un croisement de nombreuses thématiques propres à Robert Mulligan. J'aimerai beaucoup le revoir, mais je n'ai pas pu à ce jour mettre la main sur une quelconque édition.
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Alexandre Angel
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Re: Robert Mulligan (1925-2008)

Message par Alexandre Angel »

Chapichapo a écrit :Vu à sa sortie dans une diffusion discrète "The nickel ride", qui proposait un croisement de nombreuses thématiques propres à Robert Mulligan. J'aimerai beaucoup le revoir, mais je n'ai pas pu à ce jour mettre la main sur une quelconque édition.
Il a été diffusé dans une copie très propre au Cinéma de Minuit en Mai 2012. Je l'avais gravé à cette occasion et, donc, le possède (hin hin hin :twisted: )
Très beau film à la manière de Mulligan : envoûtante, allusive..
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Re: Robert Mulligan (1925-2008)

Message par Chapichapo »

Alexandre Angel a écrit :
Chapichapo a écrit :Vu à sa sortie dans une diffusion discrète "The nickel ride", qui proposait un croisement de nombreuses thématiques propres à Robert Mulligan. J'aimerai beaucoup le revoir, mais je n'ai pas pu à ce jour mettre la main sur une quelconque édition.
Il a été diffusé dans une copie très propre au Cinéma de Minuit en Mai 2012. Je l'avais gravé à cette occasion et, donc, le possède (hin hin hin :twisted: )
Très beau film à la manière de Mulligan : envoûtante, allusive..
Merci, je baigne dans mes pleurs.
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Re: Robert Mulligan (1925-2008)

Message par Alexandre Angel »

Chapichapo a écrit :
Alexandre Angel a écrit : Il a été diffusé dans une copie très propre au Cinéma de Minuit en Mai 2012. Je l'avais gravé à cette occasion et, donc, le possède (hin hin hin :twisted: )
Très beau film à la manière de Mulligan : envoûtante, allusive..
Merci, je baigne dans mes pleurs.
pardon :oops:
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Re: Robert Mulligan (1925-2008)

Message par Rick Blaine »

Chapichapo a écrit :Vu à sa sortie dans une diffusion discrète "The nickel ride", qui proposait un croisement de nombreuses thématiques propres à Robert Mulligan. J'aimerai beaucoup le revoir, mais je n'ai pas pu à ce jour mettre la main sur une quelconque édition.
Il existe en DVD Z1 :wink:
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Re: Robert Mulligan (1925-2008)

Message par Chapichapo »

Rick Blaine a écrit :
Chapichapo a écrit :Vu à sa sortie dans une diffusion discrète "The nickel ride", qui proposait un croisement de nombreuses thématiques propres à Robert Mulligan. J'aimerai beaucoup le revoir, mais je n'ai pas pu à ce jour mettre la main sur une quelconque édition.
Il existe en DVD Z1 :wink:
Merci pour l'info, je vais tenter l'achat, mais l'absence de sous titres, même Anglais, m'effraie un peu.
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Re: Robert Mulligan (1925-2008)

Message par Jeremy Fox »

Christophe Buchet nous parle de L'autre, sorti en Blu-ray chez Wild Side.
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Re: Robert Mulligan (1925-2008)

Message par Alexandre Angel »

Dans le bonus, Pascal Laugier parle très bien de Robert Mulligan. Il y a des choses dans ses dires que même Coursodon et Tavernier pourraient grappiller pour leur futur 100 ANS . Très bon article aussi sur L'Autre dans le dernier numéro des Cahiers du Cinéma (Cinéma retrouvé). Je ne dirais pas que le film est un chef d'œuvre mais son côté indécis, pudique, tournant le dos à tout racolage est extrêmement sympathique autant que fascinant. Et ce parti-pris de ne jamais filmer les jumeaux dans le même plan est d'une intelligence redoutable.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Re: Robert Mulligan (1925-2008)

Message par Roy Neary »

Alexandre Angel a écrit :Et ce parti-pris de ne jamais filmer les jumeaux dans le même plan est d'une intelligence redoutable.
En fait, ce n'est pas à 100 % vrai.
J'ignore si c'est une erreur, mais à mon avis c'est plutôt volontaire pour ne pas orienter trop vite le spectateur : c'est très rapide, mais dans la première séquence du film on voit l'un des garçons caché dans un grand tronc d'arbre et l'autre qui vient le titiller au dehors ; à considérer qu'un panoramique est un seul et même plan (et c'en est un), Mulligan panote très rapidement de l'un à l'autre (un pano de l'extérieur vers l'intérieur du tronc) et l'on voit donc les deux garçons dans une même image en mouvement.
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Re: Robert Mulligan (1925-2008)

Message par Alexandre Angel »

Ah oui, je vois très bien le plan. Mais le résultat est là parce que, quand même, j'espère que tu seras d'accord si je dis que le twist central n'en est pas vraiment un et que le fin mot de l'histoire n'en est pas un non plus. Tout ce qui tourne autour de la gémellité est très vite prévisible mais cette prévisibilité est rendue perturbante par ce jeu du va et vient entre les jumeaux.
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