Extraordinaire témoignage que celui-là, exprimant on ne peut plus clairement les fondements et les intentions de « Saraband ». Bergman, l’un des plus grands cinéastes sur la thématique de la mort, basculant en fin de vie du désespoir à l’espoir ! Dans le film, l’image d’une lumière éclairant l’intérieur d’une église, sonne comme une révolution dans le cinéma du réalisateur suédois ! La peur de la mort, dépassée en émotion par celle de la perte d’un être cher, offre une perspective inédite à l’œuvre considérable du cinéaste. « Saraband » fait dériver le long cheminement de l’ombre vers celui de la lumière.
Bergman, en rupture de fond et de sens, reste par ailleurs fidèle à lui-même, toujours en osmose avec ses vérités et ses monstres intérieurs et capable de les adapter, à vif, sur sa pellicule, jusqu’à son dernier souffle. « Saraband » nous joue la musique de ce monstre aux allures de fantômes qui hantent la mémoire des vivants et qui représente l’absence de l’être aimé, Ingrid, à qui le film est dédié. Paroles et musique d’un poète vivant à sa bien-aimée dans l’au-delà, comme un témoignage en images du dépassement de l’insoutenable douleur d’une perspective du néant.
« Saraband » se confond avec la vie du cinéaste mais également avec son œuvre car le cinéaste tisse un lien avec un de ses films phare tourné trente ans plus tôt : « Scène de la vie conjugale ». « Je les connaissais si bien que je pouvais me laisser aller à leur imaginer un destin 2 ». Mêmes personnages et mêmes comédiens pour jouer une variation sur le même thème de la relation difficile entre les êtres. Structuré en dix dialogues, quatre personnages et un fantôme (Anna/Ingrid) vont s’affronter, sur l’ultime représentation de la scène Bergmanienne qui prend des allures de film de chambre, à la croisée des chemins du théâtre et du cinéma. Entre épouse légitime et maîtresse comme Bergman aimait à le rappeler. Tout en nuance, simplicité, précision et pureté, la structure narrative respecte l’unité de temps, de lieu et d’action.
Peut-être « Sarabande » n'atteint pas l'ampleur et la densité de certains des ses chefs-d’œuvre, mais il les rejoint pourtant en profondeur et en honnêteté.
[center]Basculement du cinéaste vers une dimension inédite chez lui[/center]