Budd Boetticher (1916-2001)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Profondo Rosso
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Re: Budd Boetticher (1916-2001)

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Sept hommes à abattre (1956)

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Le sheriff Ben Stride (Randolph Scott) a récemment perdu son épouse, tuée lors d’un hold-up. Il cherche les sept hommes responsables pour les tuer. Durant son parcours, il aide des pionniers, John et Annie Greer (Gail Russell), à désembourber leur chariot puis accepte, après qu’ils ont longtemps insisté, de les accompagner afin de les protéger d’Indiens Chiricahuas. Dans un relais de diligence abandonné, ils croisent Bill Masters (Lee Marvin), qui se joint à eux, dans le but affiché d’aider Ben Stride mais surtout de récupérer le butin du hold-up.


Seven Men from now est le film qui lance une des associations les plus fructueuses du western américain des années 50 entre le réalisateur Budd Boetticher, le scénariste Burt Kennedy et l’acteur Randolph Scott. Le succès du film lancera la carrière du débutant Kennedy tandis que Boetticher verra dans l’épure et la limpidité de son script l’illustration parfaite de figure récurrente de son cinéma avec le héros taciturne en quête de vengeance. Randolph Scott s’avérera l’interprète idéal de leur vision et lui si souvent cantonné dans l’ombre d’autres acteurs de western comme John Wayne, Gary Cooper ou James Stewart se créera à son tour un type de personnage dont l’influence s’étendra notamment à Clint Eastwood chez Leon ou dans Josey Wales. C’est d’ailleurs à John Wayne que Boetticher doit la rencontre avec ces deux partenaires, le Duke réparant ainsi l’outrage commis quelques années plus tôt lorsqu’il charcuta au montage (sur les conseils de John Ford) La Dame et le Toréador, un des projets les plus personnels de Boetticher (sur sa grande passion de la corrida) qu’il produisait.

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Sept hommes à abattre porte au summum les préceptes du western de série B, qualificatif qu’on doit plus associer aux moyens qu’à l’ambition. Le script de Kennedy tisse ainsi une ligne claire narrative où chaque élément s’agence dans une construction limpide dans un film dense d'à peine 1h15. Une leçon de narration classique en somme où le récit va constamment de l’avant, sans fioritures et nourrissant les personnages au gré de leur actions, discrète ou plus spectaculaire. La détermination et la soif de vengeance de Randolph Scott est captée dès l'ouverture saisissante, la faiblesse de caractère du brave type John Greer également de manière symbolique lorsqu'il se montre incapable d'extirper son charriot embourbé et les sentiments naissant entre Scott et Gail Russel se devinent en un regard (l’expression des sentiments se faisant avec une sobriété bouleversante lorsqu’il se retient de l’embrasser avant de la quitter).

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Randolph Scott est comme toujours parfait : monolithique, taiseux, mais dissimulant toujours une humanité et fragilité poignante qui révèlera ici une terrible culpabilité le rongeant pour la mort de sa femme. En antagoniste parfait, Lee Marvin campe un extraordinaire et flamboyant méchant qui annonce son rôle de L’Homme qui tua Liberty Valance. Goguenard, séducteur et impitoyable tueur, Bill Masters (à la manière d’un Lancaster dans Vera Cruz la relation Scott/Marvin rappelle d’ailleurs celle Lancaster /Cooper du film d’Aldrich) parvient pourtant à être étonnamment attachant grâce au charisme de l’acteur qui lui apporte une nonchalance et une décontraction irrésistible (cette scène où il assassine un complice en prenant presque la pose…).

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Cette sobriété et efficacité maximale de l’ensemble se répercute bien sûr dans la mise en scène de Boetticher. Toute velléités esthétisante est abandonnée pour comme toujours se mettre au service de l’histoire. Les cadrages précis n’usent du cadre naturel que pour ce qu’il est, un espace à traverser. On ne pousse plus avant la description que sur les lieux doivent abriter un morceau de bravoure tel les rocheuses de l’affrontement final dont la topographie n’aura aucun secret pour nous en une poignée de plans. De même, la violence surgit de manière sèche et foudroyante (le face à face d’ouverture, la mort de John Greer) à l’image du duel final sans atermoiements ni étirement à la Leone mais un règlement de compte pur et simple. Un vrai chef d’œuvre du western dont la simplicité exemplaire en fait une des incarnations les plus pures et emblématiques du genre. Après cette immense réussite Boetticher, Kennedy et Scott poursuivront leur collaboration dans une série de cinq westerns (The Tall T, Decision at Sundown, Commanche Station, Ride Lonesome) où ils affineront et apporteront des variations diverses à la recette magique découverte sur ce parfait Sept Hommes à abattre. 6/6


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Jeremy Fox
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Re: Budd Boetticher (1916-2001)

Message par Jeremy Fox »

Profondo Rosso a écrit :Sept hommes à abattre (1956)

Un vrai chef d’œuvre du western dont la simplicité exemplaire en fait une des incarnations les plus pures et emblématiques du genre. Après cette immense réussite Boetticher, Kennedy et Scott poursuivront leur collaboration dans une série de cinq westerns (The Tall T, Decision at Sundown, Commanche Station, Ride Lonesome) où ils affineront et apporteront des variations diverses à la recette magique découverte sur ce parfait Sept Hommes à abattre. 6/6



8) Par contre, Burt Kennedy n'est pas le scénariste de toute la série des 7 films. Par exemple, l'extraordinaire scénario de Decision at Sundown est dû à Charles Lang
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Profondo Rosso
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Re: Budd Boetticher (1916-2001)

Message par Profondo Rosso »

Jeremy Fox a écrit :
Profondo Rosso a écrit :Sept hommes à abattre (1956)

Un vrai chef d’œuvre du western dont la simplicité exemplaire en fait une des incarnations les plus pures et emblématiques du genre. Après cette immense réussite Boetticher, Kennedy et Scott poursuivront leur collaboration dans une série de cinq westerns (The Tall T, Decision at Sundown, Commanche Station, Ride Lonesome) où ils affineront et apporteront des variations diverses à la recette magique découverte sur ce parfait Sept Hommes à abattre. 6/6



8) Par contre, Burt Kennedy n'est pas le scénariste de toute la série des 7 films. Par exemple, l'extraordinaire scénario de Decision at Sundown est dû à Charles Lang
D'ailleurs à propos de Burt Kennedy je n'ai pas entendu beaucoup de bien sur son passage à la réalisation mais curieux quand même, un titre à conseiller ?
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Jeremy Fox
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Re: Budd Boetticher (1916-2001)

Message par Jeremy Fox »

Profondo Rosso a écrit : D'ailleurs à propos de Burt Kennedy je n'ai pas entendu beaucoup de bien sur son passage à la réalisation mais curieux quand même, un titre à conseiller ?
Pour ce que j'ai vu : aucun. Mais il faudrait que je les revoie.
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Profondo Rosso
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Re: Budd Boetticher (1916-2001)

Message par Profondo Rosso »

Argh ça se confirme qu'il est juste un excellent scénariste alors :mrgreen:
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manuma
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Re: Budd Boetticher (1916-2001)

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Moi, si j'en avais un à conseiller, ce serait sans doute le curieux Welcome to hard times. Viendrait ensuite The Train robbers, nettement moins original mais agréable à suivre.
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Re: Budd Boetticher (1916-2001)

Message par kiemavel »

manuma a écrit :Moi, si j'en avais un à conseiller, ce serait sans doute le curieux Welcome to hard times. Viendrait ensuite The Train robbers, nettement moins original mais agréable à suivre.
Oui, le curieux...et original Welcome to the hard times est à voir, tandis que The Train Robbers est le seul western de Kennedy que j'ai vu qui ressemble un peu à un Boetticher sans atteindre le niveau d'aucun des films dont il signa le scénario pour ce metteur en scène. La plupart des réalisations de Kennedy sont assez mollassones même ses westerns-comédies qui étaient sa spécialité. Ils sont aussi très inégaux mais Kennedy a offert quelques beaux rôles a des acteurs vieillissants, Mitchum, G. Ford, H. Fonda, Jack Elam, etc...et Il faudrait revoir Support your local Shérif et The Rounders, ceux dont j'ai le meilleur souvenir. Cela dit comme beaucoup d'amateurs du genre, je n'aime le mélange des genres que lorsqu'il est pleinement accompli...et tant qu'à mélanger les genres, plutôt que l'humour potache, voir les grosses farces d'un Kennedy, je préfère ceux qui ont brutalisé un peu le W, Huston et Altman par exemple.

Mon film préféré, et d'assez loin, reste Piège au grisbi, l'un des derniers films noirs "classiques". Bien que tardif (1965) et bien qu'esthétiquement éloigné des canons du genre, l'intrigue, les personnages et la plupart des éléments du film tiennent purement du Film Noir. Par ailleurs, il a offert à Rita Hayworth un rôle a contre emploi dans lequel elle est bouleversante.
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manuma
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Re: Budd Boetticher (1916-2001)

Message par manuma »

Hors western, je citerais également spontanément ses deux essais noirs, The Money trap et The Killer inside me. Dommage d'ailleurs qu'il n'ait pas persévéré dans cette voie.

Je garde en outre un très bon souvenir de son All the kind strangers signé pour la télévision, suspense rural aux confins du fantastique avec Stacy Keach et divine Samantha Eggar dans les rôles principaux.
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Re: Budd Boetticher (1916-2001)

Message par kiemavel »

manuma a écrit :Hors western, je citerais également spontanément ses deux essais noirs, The Money trap et The Killer inside me. Dommage d'ailleurs qu'il n'ait pas persévéré dans cette voie.

Je garde en outre un très bon souvenir de son All the kind strangers signé pour la télévision, suspense rural aux confins du fantastique avec Stacy Keach et divine Samantha Eggar dans les rôles principaux.
J'aimerais pouvoir en dire autant mais peut pas...je n'ai pas vu les 2 autres...mais admirateur du Stacy Keach de cette époque j'aimerais bien voir le premier. Comment tu as découvert ce film ? Il a déjà été diffusé sur une chaine française ?
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manuma
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Re: Budd Boetticher (1916-2001)

Message par manuma »

kiemavel a écrit :
manuma a écrit :Hors western, je citerais également spontanément ses deux essais noirs, The Money trap et The Killer inside me. Dommage d'ailleurs qu'il n'ait pas persévéré dans cette voie.

Je garde en outre un très bon souvenir de son All the kind strangers signé pour la télévision, suspense rural aux confins du fantastique avec Stacy Keach et divine Samantha Eggar dans les rôles principaux.
J'aimerais pouvoir en dire autant mais peut pas...je n'ai pas vu les 2 autres...mais admirateur du Stacy Keach de cette époque j'aimerais bien voir le premier. Comment tu as découvert ce film ? Il a déjà été diffusé sur une chaine française ?
Jamais diffusé à la télévision, à ma connaissance. Mais il est sorti en VHS dans les années 80 sous un titre assez fumeux que j'ai oublié depuis. Je l'avais loué au début de la décennie suivante... pour le présenter sur une télévision étudiante locale (autrement dit, le flop assuré, quoi :mrgreen: )

Ce petit échange aurait probablement davantage de raison d'être sur le thread dédié à Burt Kennedy, non ?
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Re: Budd Boetticher (1916-2001)

Message par kiemavel »

manuma a écrit :
kiemavel a écrit :
J'aimerais pouvoir en dire autant mais peut pas...je n'ai pas vu les 2 autres...mais admirateur du Stacy Keach de cette époque j'aimerais bien voir le premier. Comment tu as découvert ce film ? Il a déjà été diffusé sur une chaine française ?
Jamais diffusé à la télévision, à ma connaissance. Mais il est sorti en VHS dans les années 80 sous un titre assez fumeux que j'ai oublié depuis. Je l'avais loué au début de la décennie suivante... pour le présenter sur une télévision étudiante locale (autrement dit, le flop assuré, quoi :mrgreen: )

Ce petit échange aurait probablement davantage de raison d'être sur le thread dédié à Burt Kennedy, non ?
Oui, tu as raison. J'y vais...
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Re: Budd Boetticher (1916-2001)

Message par Chip »

J'aime beaucoup " Mail order bride" (à l'ouest du Montana), western qui prend son temps, pratiquement sans violence , Buddy Ebsen qui remplace Joel Mc Crea prévu est très bien et puis il y a Marie Windsor, Warren Oates( en délinquant, of course) et la très juste et regrettée Lois Nettleton.
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Re: Budd Boetticher (1916-2001)

Message par kiemavel »

Mail order bride (à l'ouest du Montana) m'est totalement inconnu. Je note
Dernière modification par kiemavel le 20 juin 17, 18:22, modifié 1 fois.
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Re: Budd Boetticher (1916-2001)

Message par kiemavel »

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Escape in the Fog
1945
Réalisation : Budd Boetticher
Scénario : Aubrey Wisberg
Image : George Meehan
Produit par Wallace MacDonald
Columbia

Durée : 65 min

Avec :

Nina Foch (Eileen Carr)
Otto Kruger (Paul Devon)
William Wright (Barry Malcolm)
Konstantin Shayne (Schiller)
Ivan Triesault (Hausmer)
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A la fin de la seconde guerre mondiale, Barry Malcolm, un agent des services secrets américains, se rend à un rendez-vous fixé avec ses supérieurs et reçoit la liste des agents opérant en Asie avec pour mission de coordonner leurs actions d'infiltration. Quelques jours auparavant, Barry avait fait la connaissance d'une voisine, Eileen Caar, une jeune femme fragile qui avait servi comme infirmière et qui avait subi un grave traumatisme suite au torpillage du navire-hôpital sur lequel elle travaillait. Réveillée à nouveau par un terrible cauchemar dans lequel elle a vu Barry, son nouveau voisin, un matin elle se confie à lui et intrigue le jeune homme car ces cauchemars qu'Eileen croit incohérents ne semblent pas si irréels à Barry et en tout cas il ne sont pas incompatibles avec son activité d'espion…D'ailleurs, à peine commencée, sa mission -à laquelle Eileen va accidentellement se trouver mêlée- est menacée. Des espions nazis qui le surveillait en ont eu connaissance et vont tout faire pour les empêcher de quitter la ville…


5ème film réalisé par Budd qui tournait à l'époque sous son nom de naissance, Oscar Boetticher jr. Ce n'est pas un film noir mais un thriller d'espionnage visuellement très soigné dont l'esthétique fait davantage penser à un film noir qu'à un film de propagande de série B…ce qu'il est par son intrigue qui ne mérite même pas tout à fait cette classification car il est "ailleurs", pouvant sans doute être considéré comme un thriller d'espionnage plaisant et baignant dans une atmosphère onirique par les uns…ou comme un nanard sans intérêt et totalement irréaliste par les autres. Pourtant la mise en scène au cordeau de Boetticher est déjà (malgré ce qu'il a pu en dire dans ses mémoires) très maitrisée mais malheureusement le talent du directeur de la photographie et celui déjà évident du metteur en scène servent un script un peu trop fantaisiste qui comportait pourtant en germe des choses intéressantes, y compris par l'irruption du surnaturel dans un thriller. Même si les cauchemars prémonitoires d'Eileen sortis d'un roman ou d'un film gothique semblent curieux et totalement irréels dans une telle intrigue, ils révèlent -même si c'est un arrière plan pas assez exploité- les séquelles encore vives de la guerre. Ses cauchemars s'ils sont traités en apparence sur un mode fantaisiste révèlent un traumatisme profond. Ils sont l'expression des troubles psychologiques d'Eileen et le prolongement de ses angoisses profondes engendrées par son expérience de la guerre qu'elle avait passé comme infirmière. Elle raconte notamment le naufrage du navire-hôpital sur lequel elle servait et qui avait été coulé par la flotte allemande. Si l'on en croit le film (et pour le coup, il faudrait être un peu crédule), Eileen a de bonnes raisons d'être terrorisée car le cauchemar nazi est bien vivace, ils continuent d'agir sur le territoire américain et ses terreurs anciennes trouvent un prolongement dans l'action des espions nazis qui les traquent.
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L'expression du danger nazi tient la aussi de la fantasmagorie plus que du récit réaliste d'un film d'espionnage "classique". Pour commencer, dans un récit d'un peu plus d'une heure, on ne doit pas perdre de temps et les personnages ici galopent…Pour donner une idée des raccourcis empruntés et de l'atmosphère de ce film, voici une rapide description du (presque) début. Le matin suivant la nuit ou Eileen avait réveillé ses voisins en raison de ses cris de terreur, elle retrouve et prend le déjeuner avec Barry sur la terrasse de leur résidence. A peine ont-ils fait connaissance que le jeune homme reçoit un coup de téléphone et est contraint de se rendre à un rendez-vous professionnel…et il emmène Eileen avec lui a ce rendez-vous pourtant un peu particulier, un rdv d'espions avec ses supérieurs des services secrets américains au domicile de Paul Devon, le responsable du service pour la cote ouest. A peine sont-ils partis que le réceptionniste de la résidence téléphone à un horloger pour rendre compte du départ de Barry. Il laisse alors tomber son travail en route et se rend au même rdv. Après que Barry ai pris connaissance de sa mission, l'horloger se présente chez Paul Devon, prétexte une réparation sur l'horloge du grand salon et profitant de la distraction du domestique, récupère le cylindre sur lequel toute la conversation a été enregistrée.

Voilà pour l'ambiance. Des espions réceptionniste d'hôtel et un horloger qui cache des micros dans les comtoises !..et le tueur à gages, c'est un barbier ? Non, mais c'est surement un indice. Bref, la toile d'araignée tissée par les espions est fine..Mais les ficelles sont grosses. Pas grave, on en a vu d'autres. Les développements de l'intrigue sont très compliquées et on se demande même par quel miracle Boetticher parvient tout de même à faire tenir debout cette intrigue minimaliste à coups de péripéties allant du classique ( tout ce qui tourne autour d'un document compromettant pouvant mettre la vie de dizaines d'agents en danger), au plus fantaisiste (le devenir du fameux document) et jusqu'au surnaturel qui est amené avec les cauchemars d'Eileen. C'est par un de ses cauchemars que s'ouvrait le film. Ce n'est pas le seul moment ou l'on verra Nina Foch "Escape in the Fog " mais il faut dire que même si l'on peut trouver cet irruption du fantastique peu convaincante, visuellement cela donne de biens belles images : L'utilisation du brouillard pour créer un effet de claustrophobie est simple mais efficace dans des scènes de cauchemars traitées sur un mode réaliste. Les scènes filmées de nuit sur un pont qui est censé être le Golden Gate Bridge sont superbes et cette onirisme baigne tout le film. Au delà de ces scènes nocturnes de rêves et de cauchemars, c'est tout le film qui est plastiquement très réussi du début à la fin.
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Les véritables premiers rôles étaient Nina Foch et William Wright mais ce dernier, bien qu'il apparaissait dans un film antérieur de Boetticher, One Mysterious Night, étant trop peu connu, c'est Otto Kruger qui occupait la tête d'affiche même s'il ne tenait qu'un rôle secondaire. Il campait bien souvent des méchants sirupeux et policés mais ici, toujours avec son coté guindé, il était du coté de la loi, incarnant le chef du réseau d'agents américains. On reconnait aussi parmi les seconds rôles quelques bonnes têtes de traitre, en premier lieu Ivan Triesault. Il jouait souvent les allemands dans de nombreux films de guerre et d'espionnage mais était né dans l'empire russe à Tallin (Estonie). C'était un acteur de caractère, en l'occurrence un acteur à accent et ici c'était encore le cas. Son rôle le plus connu est sans doute celui de Mathis dans Notorious. Parmi ses complices, on retrouvait Konstantin Shayne (vu notamment dans vertigo) et du reste Otto Kruger avait lui aussi travaillé sous la direction d'Hitchcock, dans Saboteur. Je signale aussi qu'on aperçoit une presque méconnaissable et toute jeunette Shelley Winters en chauffeur de taxi.

Bilan : Sans doute facilement oubliable mais je suis assez peu client de ces histoires mêlant le mystère -et même en l'occurrence le surnaturel- et l'espionnage. En tout cas, ce n'est sans doute pas le meilleur film d'Oscar Boetticher. Je vais revenir rapidement sur 2 autres films de sa 1ère période : One Mysterious Night (1944) et Assigned to Danger (1948). Je ne connais pas les autres en dehors de Behind Locked Doors (1948) qui a été édité en DVD chez Bach Films (A priori çà fait peur mais c'est un assez bon DVD)
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Nina Foch au matin du premier cauchemar

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One Mysterious Night
1944
Réalisation : Budd Boetticher
Scénario : Jack Boyle
Image : L. William O'Connell
Produit par Ted Richmond
Columbia

Durée : 61 min

Avec :

Chester Morris (Boston Blackie)
Janis Carter (Dorothy Anderson)
Dorothy Malone (Eileen Daley)
William Wright (Paul Martens)
Richard Lane (L'inspecteur Farraday)
George E. Stone (The Runt)

Lorqu'un célèbre diamant, l'étoile bleue du Nil est volé malgré les importantes forces de police qui avait été mobilisées pour assurer la sécurité d'une exposition publique de bijoux, l'inspecteur Farraday qui mène l'enquête a l'idée d'accuser du vol Boston Blackie, un ancien célèbre voleur de bijoux reconverti dans des affaires apparemment honnêtes, en sachant qu'il n'en est probablement pas l'auteur, afin qu'il se découvre et aide les services de police à découvrir les véritables coupables. Le stratagème fonctionne, Blackie se présente de lui même à la police et commence à enquêter, trouve rapidement l'identité du coupable mais des complications surviennent...
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Premier film signé par Oscar Boetticher Jr. sous son nom seul mais il est réputé avoir participé au tournage de 2 films avant celui là. Il n'aura tourné que cet opus d'une série à succès mettant en scène les exploits d'un ancien voleur de bijoux astucieux, spécialiste de l'usurpation d'identité et adepte du déguisement. C'était le n° 7 d'une série de 14 films produits par la Columbia qui avait débutée en 1941 avec Meet Boston Blackie et qui se poursuivra jusqu'en 1949 avec Boston Blackie's Chinese Venture, avec toujours Chester Morris dans le rôle de Blackie. C'est donc forcément un film de série peu personnel mais assez amusant, tourné en 10 jours avec un budget réduit mais c'est déjà un film techniquement très maitrisé et visuellement très soigné. Par contre, je n'en dirais pas autant du scénario qui à force d'accélérations frise le parcours incontrolable et en tout cas le véhicule coupe parfois la route et prend des raccourcis surprenants. Comme souvent dans ces histoires de détectives au passé plus ou moins douteux, on est plongé dans une ambiance de comédie policière plus que dans un film criminel tout à fait sérieux, bien que l'intrigue en elle même comporte des aspects tout à fait sérieux, deux meurtres jalonnent notamment cette histoire…mais les 2 sont assez loufoques.

L'homme au passé douteux qui doit sans cesse faire la preuve qu'il est passé de l'autre coté, du coté de la loi, c'est un classique. C'est le cas de Boston Blackie, ex voleur dont l'art du camouflage et du déguisement peut s'avérer utile. Ici, il se grime en vieux professeur pour infiltrer l'hôtel ou le vol a été commis, pour reconstituer les faits et comprendre comment le vol a pu être commis malgré la surveillance étroite de la police. Il faut dire que les flics que l'on voit ne sont pas des flèches, notamment le sergent crétin qui dirigeait l'équipe de surveillance. Blackie farfouille donc et comprend très vite qu'un employé de l'hôtel, le jeune sous directeur, a du jouer un rôle dans le vol et que le jeune homme est déjà ou sera très vite soumis aux pressions des commanditaires du vol. Blackie cherche à les confondre en épargnant les vies de possibles victimes collatérales, le jeune homme confronté à de vrais crapules ainsi que sa soeur Eileen (Dorothy Malone) involontairement impliquée elle aussi. Mais les deux petites frappes qui attendent de récupérer le précieux bijoux n'ont pas l'intention de le laisser échapper. Les investigations de Blackie se poursuivent ainsi malgré qu'il soit filé par une jeune journaliste fouineuse (jouée par janis Carter) qui suit Blackie à la trace et rend compte de l'affaire dans son journal manquant ainsi de dévoiler les investigations de la police.

Plusieurs scènes amusantes : Blackie et son assistant, capturés par les méchants et attachés la tête en bas dans un lit-placard et qui devisent : çà va toi ? Un peu mal à la tête ? Ce serait bien la première fois ! Plus tard, un prêteur sur gages cache les 2 escrocs qui demeurent "invisibles" par la police alors qu'ils sont justes figés comme des mannequins…Je signale aux amateurs que 2 beautés débutantes tiennent des rôles secondaires dans ce film. Janis Carter est la journaliste fouineuse et toujours là ou il faut et Dorothy Malone, absolument sublime, tient celui de la jeune soeur protectrice d'un petit frère qui s'était un peu imprudemment acoquiné avec de vrais crapules. La série des Boston Blackie n'a pas du être distribuée en France mais il est possible que certains épisodes aient été diffusé à la télévision chez nous. J'aimerais bien découvrir le premier film de la série, "Meet Boston Blackie" que signa Robert Florey en 1941. Il est réputé être le meilleur de la série. D'autres metteurs en scène prestigieux ont fait leurs armes dans cette série : Edward Dmytryk, Michael Gordon et William Castle. A suivre : Assigned to Danger
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Re: Budd Boetticher (1916-2001)

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